Chapitre 15

De : Tsuyu
?
23h03, lu.

De : Ochako
Rien.
23h03, lu.

De : Ochako
C'est ce que le médecin a dit.
23h03, lu.

De : Ochako
Je n'ai rien.
23h04, lu.

De : Tsuyu
Et moi, je n'en crois pas un mot.
23h05, lu.

De : Ochako
Moi non plus.
23h05, lu.

De : Ochako
J'ai plus de saignements.
Mais j'ai encore cette putain de douleur.
23h05, lu.

De : Ochako
C'est même pire qu'avant.
23h05, lu.

De : Ochako
Je peux même pas respirer sans avoir l'impression de crever.
C'est comme si je me faisais éventrée, et qu'on mettait ensuite le feu à mes organes.
23h06, lu.

De : Ochako
Et pourtant, je n'ai rien.
23h06, lu.

De : Tsuyu
J'imagine que tu as déjà pris des cachets ?
23h07, lu.

De : Tsuyu
Si c'est vraiment insoutenable, il faut que tu ailles aux urgences.
Tu ne peux pas rester comme ça.
23h08, lu.

De : Ochako
J'en ai assez, Tsuyu. De cette douleur, et de ce qui se passe en ce moment.
23h08, lu.

De : Ochako
Plus le temps passe, et plus de choses affreuses arrivent.
23h09, lu.

De : Ochako
Mon "mauvais pressentiment", Yo, Tatami, le tribunal, Denki...
Ce n'est PLUS du hasard, à ce stade-là.
23h09, lu.

De : Ochako
Il y a quelque chose de terrible qui se trame, et on ne fait rien.
23h10, lu.

De : Tsuyu
Je lis bien, Ochako. Mais explique-moi d'abord une chose.
23h10, lu.

De : Tsuyu
Qui est ce "Denki" ?
23h11, lu.

○○○●●●

L'écran de télévision affiche, après un micro temps de chargement, une porte s'ouvrir sur une petite chambre à coucher. La caméra, en vue à la troisième personne, montre une adolescente en pyjama aux longs cheveux flamboyants, détachés et dévalant ses épaules, en pleine conversation téléphonique.

- Je trouve qu'il y a eu plutôt une sale ambiance, moi, principalement à cause des derniers matchs. Après, je...

La rouquine émit un discret baillement, avant de se reprendre juste après.

- Excuse-moi, il se fait tard !

Elle s'assoit sur le lit, le réveil électronique posé sur la table de chevet indiquant qu'il est précisément vingt-et-une heures huit.

- Oui, les petits jeux que l'on pouvait faire pendant la pause étaient supers ! Je me demande si on aura les mêmes activités, l'année prochaine...

Les minutes s'écoulaient à toute vitesse sur l'appareil, démontrant la longeur de la conversation. Quand vingt-deux heures se forma enfin en lettres numériques sur celui-ci, l'adolescente, épuisée, conclut :

- Ibara, je ne vois pas en quoi tu me trouves paranoïaque, je suis juste... inquiète pour mes amis. Passe une bonne nuit, je crois que nous sommes tous fatigués par le tournoi.

Elle raccroche et éteint son cellulaire, avant de se laisser tomber sur le matelas sans un bruit, s'allongant de tout son long sur lui, son téléphone serré contre sa poitrine.

- Je m'inquiète un peu trop... ? répéta t-elle pour elle-même.

Les yeux de l'adolescente se fermèrent petit à petit, avant de se clorent pour de bon, sous une respiration calme et régulière.

La caméra se rapproche une nouvelle fois du réveil, les minutes et les heures filant comme de l'eau dans une main en à peine quelques instants.

Une heure du matin.

Le téléphone se met à vibrer, réveillant la rouquine.

- Qu'est-ce que...

Molle, elle attrape l'appareil et le rallume, tout en maugréant.

- Qui peut appeler à une heure pareille...

Sa voix est traînante et pataude, et elle se frotte les yeux pour se réhabituer à la lumière artificielle. Elle décroche, ne prêtant pas garde au numéro.

- Allô ?

- Itsuka ?

Son corps se raidit à l'entente de la voix.

- Neito ?! souffla t-elle, pourquoi tu m'appelles à cette heure ?

Silence à l'autre bout du combiné. La jeune fille se relève, jusqu'à revenir en position assise sur son lit.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? s'enquit-elle, la pointe d'agacement ayant fait place à une inquiétude angoissée.

L'autre ne répond pas, mais sa respiration reste perceptible de l'autre côté du combiné. On aurait dit qu'il était sur le point de se briser.

- Hey...

L'autre retint son souffle. Dans un ridicule murmure étouffé, à peine audible à l'oreille humaine, trois mots firent éclater son cœur.

- Je veux mourir.

Elle lâche le téléphone.

Sa peau est devenue aussi pâle que la nuit.

Elle se précipite pour récupérer une petite veste et l'enfiler. Les battements affolés à l'intérieur de sa poitrine font office de bande-son. Itsuka reprend son portable.

- Je viens te chercher.

À peine quelques minutes plus tard, elle est dehors, dans la rue, ses baskets claquant à toute vitesse sur le bitume. Sous sa veste, un ridicule pyjama. Dans sa main, collé à son oreille, la seule chose qui lui permet de rester en contact avec le garçon.

- Itsuka, qu'est-ce que tu fout ?!

♤ : J'arrive.

◇ : Et toi ?

♧ : Explique-toi.

☆ : [Ne rien dire.]

☆ : [Ne rien dire.]

- Pourquoi tu dis rien ?! Putain, putain, putain, putain...

La rouquine passe devant un magasin de porcelaine, s'engouffre dans un dédale de rues.

- Je t'entend courrir, tu sais ! Tu penses VRAIMENT  que ça changera quelque chose !?

Passant sous la lumière cassée des lampadaires, elle se fond dans la nuit telle une ombre.

- On ne part pas tous sur la même ligne de départ, Itsuka... Tu t'épuises à te battre pour des choses qui n'existent même pas.

Elle frissonne, mais ne regrette pas.

- On sera toujours des seconds rôles dans nos propres vies. Pourquoi tu ne veux pas comprendre ça ?

♤ : Parce que je n'abandonne pas.

◇ : Pour sauver mes proches, je suis prête à tout.

♧ : Mais qu'est-ce que tu racontes ?

☆ : [Ne rien dire.]

☆ : [Ne rien dire.]

La rousse continue son mutisme, le paysage défilant sous ses pas de course, les pauvres lumières se confondant avec d'autres univers.

- Tu ne dis rien car tu n'as pas de réponse ? Ou parce que tu ne veux rien me dire ? Es-tu consciente de ce que tu fais, au moins ? Comprends-tu le pourquoi de tes actions ? Sais-tu comment certains arrivent à accomplir des miracles ?

Elle court, court comme si le monde n'a pas de fin, que tout continue toujours.

- Cela fait combien de temps que tu avances comme ça ? Tu arriverai à expliquer comment tu cours aussi longtemps sans t'essoufler ?

♤ : Ferme-la.

◇ : J'arrête de penser, quand je cours.

♧ : Tu poses beaucoup trop de questions.

☆ : [Ne rien dire.]

☆ : [Ne rien dire.]

Elle reste muette, préserve son souffle, la nuit parcoure sa peau, le béton du trottoir l'emmène plus loin que le bout de la Terre.

- Je me suis rendu à l'évidence; on ne pourra jamais les égaler. Nous ne sommes que des copies conformes, le rêve flou de quelqu'un d'autre. Si tu es pâle, cela veut dire que tu l'as compris.

Et la Terre tourne, tourne, tourne, tourne, tourne avec la Lune, la nuit et ses étoiles. Sa valse ne s'arrête pas, continue dans les ombres, la lumière, le silence de ses battements de cœur, le bruit de ses pas accélérés...

L'histoire jamais écrite.

Et Itsuka voit Neito, et elle le voit comme ça, au rebord de la vie, au bord d'un pont, et elle lui tend la main. Elle ne dit rien, son regard exprime tout ce qu'elle ne pourra jamais transposé à l'oral.

Neito prend sa main, hésitant.

Puis, comme si un poids venait de s'abbattre sur ses épaules, il se mit à pleurer.

○○○●●●

De : Izuku
Je suis en train de finaliser le plan.
Si on a vu juste, alors... fais bien attention à toi, d'accord ?
00h00, lu.

De : Izuku
Je t'aime.
00h01, lu.

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