9. Razzia

A l'aube quand Amir s'éveille, Shéhérazade dort encore, épuisée par la nuit d'amour qu'ils ont passé. Elle est étendue, la tête sur son torse et le bras autour de sa poitrine. Il la revoit d'abord mener la danse pour lui apprendre puis le laisser prendre les rennes. Le jeune homme se sent fort, puissant, invincible. Il veut recommencer et le faire toute la journée pour prouver à sa femme qu'il est un homme un vrai.
Il lui effleure du bout des doigts son épaule dénudée et la jeune femme frissonne, sa peau se couvre de chair de poule. Elle ouvre ses grands yeux bruns encore embués de sommeil vers lui et sourit en disant d'une voix un peu rauque :

_ Bonjour mon tendre époux.

Elle incline profondément sa nuque et offre ses lèvres à Amir qui s'en empare volontairement. Le baiser est doux et passionné. Seulement, l'adolescent qui souhaite aller plus loin se heurte à la dérobade de la princesse. Elle roule sur le côté, se substituant à l'emprise de son jeune amant et se drappe dans un plaid pour aller se rhabiller avec pudeur.

_ Reviens bel ange, la supplie presque Amir.

_ N'en as-tu donc pas assez vigoureux Amir ?

_ De toi, intense Shéhérazade ? Jamais !

_ Nous avons toute la vie pour profiter l'un de l'autre. Il faut se préparer pour le départ.

Elle s'habille en tournant le dos à Amir qui observe sa silhouette tentatrice. Il sent son corps réagir comme il n'avait jamais réagi auparavant à la vue d'une femme, du moins jamais autant. Mais il se contrôle, du mieux qu'il peut et se vêtit à son tour. Puis vient l'heure de replier la tente et de la charger dans le convoi. Une semaine passe, la caravane a bien avancé et Amir et Shéhérazade passe beaucoup de temps ensemble. Les femmes jasent un peu :

_ La petite sera bientôt porteuse d'une nouvelle vie à ce train !

Seulement c'est sans compter sur cette sombre nuit, où des nuages cachent la lune et les étoiles. Dans la pénombre, des silhouettes se faufilent à l'insu de la caravane. Ils fondent sur ses convoyeurs comme des cobras sur leurs proies. Ils les réunissent au centre du campement, écrasant toute forme de résistance.
Shéhérazade et Amir, seul dans leur tente, entendent des bruits furtifs puis soudain les cris de panique. Le jeune homme veut sortir, mais sage et effrayée, la belle princesse le retient.

_ Attends, bel Amir. Ne va pas te faire tuer en vain. Écoutons.

Ils tendent l'oreille et entendent le chef des pillards demander en hurlant :

_ Qui est la plus belle femme de votre caravane, l'ensorcelleuse qui a dansé, chanté, conté et fait œuvre de magie à la cité d'Al Mahara ?

Amir se tourne vers son épouse qui souffle :

_ C'est moi qu'ils cherchent...

Elle se redresse de toute sa taille et s'avance sous le regard ébahi de son jeune mari. Elle sort de la tente avant qu'il ne puisse intervenir ou l'en empêcher.

_ Cessez vos barbaries, vils bandits !, s'exclame la princesse. Je suis là et c'est moi que vous voulez ! Laissez ces gens en paix, ils ne vous ont rien fait !

Le chef la détaille de la tête aux pieds. Il sourit d'un air carnassier.

_ Les colportages ne te rendent pas justice, femme. Tu es plus qu'à la hauteur de ce qui se dit à ton sujet. Une véritable princesse. Ce que tu deviendras quand nous n'aurons conduit au sultan d'Al Mahara où tu seras sa femme...

_ Non !, s'écrie alors Amir. Non Shéhérazade ne peut pas !

_ Tais-toi Amir, le coupe la jeune femme. Ne l'écoutez pas. Si vous me promettez de ne pas faire de mal à toutes ses personnes, je vous suivrai sans opposer de résistance ou même tenter de m'échapper. Je le jure.

Elle s'approche au plus près du meneur d'hommes et s'empare de sa petite lame d'appoint. Elle s'entaille la paume de l'arme et fait goûter le sang sur le sable.

_ Sauras-tu faire de même, misérable vermine ? Sauras-tu me donner ta parole ?

Elle le défie du regard, droit dans les yeux. En colère, elle est encore plus superbe que calme ou souriante. L'homme la dévisage à son tour puis lui arrache des doigts la dague avant de se mutiler à son tour.

_ Tu as ma parole, femme. A cheval, allons-y !

Le kidnappeur attrape Shéhérazade par le bras et la tire vers un groupe de monture appartenant aux brigands. Dans son dos, la jeune mariée entend Amir protester :

_ NON !!! Non Shéhérazade !

Deux hommes s'interposent entre lui et le duo partant. Ils le retiennent mais devant sa véhémence, l'un d'entre eux le frappe violemment.

_ Non, Amir !, s'insurge la jeune femme.

_ Laissez, ce n'est rien, se moque le chef en la tirant plus fort.

Après lui avoir enserré les mains avec une corde, il la fait enfourcher un cheval auquel il attache les rennes à sa propre selle puis grimpe à son tour. Il regarde le camp et ordonne d'une voix forte :

_ Brûlez tout mes amis ! Donnez-vous en à cœur joie !

_ NON !!!, proteste Shéhérazade. Vous aviez promis !

_ Moi oui, mais pas mes hommes. Et puis j'ai menti, pauvre femme. En route ! Yah !

Il lance sa monture au galop, éloignant Shéhérazade loin de l'incendie qui vient d'être provoqué et des hurlements qui résonnent dans la nuit. Ses yeux baignent de larmes. Elle se sent responsable et coupable. Que sont devenus des amis et surtout le jeune Amir ? L'incertitude la ronge et la plonge dans un mutisme digne d'une tombe. Elle est aussi en colère et rêve de plonger une lame dans la poitrine de ce scélérat, ce menteur, ce parjure. Il a juré sur son sang, son sang coulera pour cette traîtrise et à flot.
Quelques heures plus tard, les deux sont rejoints par le reste de la bande. Ils font route vers Al Mahara.

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