1. Poussière du désert

Chaleur. Soif. Aridité. Étendue vierge, sauvage et vide à perte de vue. Dans ce décor, digne des plus grands paysages, une silhouette avance avec difficulté. Ses jambes sont lourdes, ses pas irréguliers. Les vêtements qu'elle porte sont en lambeaux. Son teint est halé par le soleil, ses longs cheveux bouclés ont la couleur d'une bonne terre fertile et ses yeux sont semblables à la pierre portant le nom d'œil de tigre. Malgré la poussière qui recouvre son corps, on devine la grande beauté de la femme. Son regard, brûlant comme le désert qu'elle traverse, est déterminé et fixé au loin sur l'horizon. Ce lieu elle le connaît, elle y a grandi et ne le craint pas, alors que tous les sages lui ont intimé d'en avoir peur et de se méfier de ces dunes qui masquent mille dangers. Sa témérité est sa force.
Le soleil ne va pas tarder à se coucher, il lui faut trouver un abri car la fraîcheur de la nuit est aussi dangereuse que l'ardeur de l'astre diurne.
C'est alors que le pire se produit, elle qui marche sur le sommet d'une dune sent le sable se dérober sous son pied et faute de prise où se rattraper, elle tombe. La jeune femme dévale dans un roulé boulé le flanc de la colline de sable. Elle a le réflexe de replier sa tête contre son corps et de la protéger de ses deux bras, mais le reste de son corps s'emmêle pèle mêle. Elle roule contre le sol friable et dans la roulade suivante elle en est à plusieurs centimètres. Un coup elle descend dans le sens vertical de la pente puis un autre, à l'inverse, elle est à l'horizontale. Malgré ses paupières plissées et ses lèvres closes, elle sent le sable s'insinuer partout. La chute semble durer des heures mais au fur et à mesure, elle ralentit puis s'arrête, allongée sur le dos. Ses bras sont étalés en croix. Elle ne bouge plus et respire à grandes peines, les grains et la poussières lui ont envahis les poumons. Elle a mal. Elle s'est tordue au moins une cheville et son épaule gauche la fait atrocement souffrir. Déboitée, sans aucun doute. Elle n'a même pas la force d'ouvrir les yeux sur la voûte céleste qui se teinte d'un camaïeu de bleu bordé d'un jaune orangé. Les premières étoiles apparaissent, dont celle du berger, en vérité la planète nommée Vénus par les Anciens.
Elle sait qu'elle va mourir si elle reste ici mais elle ne veut plus bouger. Si son destin est de mourir en ce lieu, comme ceci, qu'il en soit ainsi. C'est en pensant cela que soudain elle ouvre les yeux luisants. Ils sont irrités, rougis, par le sable mais déterminés.
Il n'y a pas de destin !
Elle a inlassablement répété cette phrase durant son enfance, contre l'avis de ses parents, contre l'avis de tous. Elle seule décide de ce qu'elle devient, de ce qu'elle fait de sa vie. Rien ni personne ne peut lui dicter son être.
Courageusement, elle se relève malgré la douleur et l'engourdissement de son corps. Elle avance, toujours difficilement, remonte la pente plus douce d'une autre dune. La femme observe le paysage et poursuit sa marche, son errance qui vient alors de trouver un but. Et brusquement, terrassée par la fatigue, elle s'écroule de nouveau. Pourtant elle rampe. Et continue d'avancer car dans le lointain de la nuit, elle a cru distinguer une lumière.
Ça ne peut être un mirage, il ne fait plus jour du tout, à moins que ce ne soit son imagination. Bien qu'il y ait un doute subsistant, elle s'accroche, pas après pas. Sa vue se brouille, elle n'y voit déjà presque plus à cause de l'obscurité, à peine coupée de la faible lueur de la lune et des étoiles. Chaque avancée est un combat remporté contre l'abandon et la résignation. Elle atteint le sommet d'une dernière dune et à son pied, il y a bien un feu de camp avec autour une caravane et ses occupants. Un sourire vient éblouir son pauvre visage recouverte de la poussière du désert et où une larme vient y tracer un fin sillon. Pourtant elle ravale le reste de sa joie. Il lui faut encore les rejoindre. Alors elle se laisse glisser sur la douce pente et entame une seconde descente mouvementée mais plus contrôlée. Seulement quand son épaule blessée heurte le sable, elle lâche un hurlement perçant. La souffrance qui lui vrille la zone concernée, lui fait presque perdre connaissance.
Heureusement, le cri produit à attiré l'attention des membres du convoi qui remarque le corps descendre à une allure affolante. La plupart se précipite pour la récupérer et c'est un jeune garçon de treize ans qui la rejoint en premier. Il n'a que le temps de voir la jeune femme fermer ses beaux yeux et sourire avant de sombrer dans l'inconscient et l'inconnu.

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