4. Dérives

Damon

Cette fille était vraiment...spéciale. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant. Cette manière qu'elle a de me regarder, de détailler mon visage...j'étais complètement décontenancé. Mais je refuse de briser la seconde partie de moi qu'il me reste.

Aujourd'hui, je suis de repos. Quelques jours avant la soirée, j'avais enchaîné trois grosses journées au café. Certains clients sont vraiment épuisants, entre les vieux et les ados en pleine crise. Ding...ding. La sonnette retentit. Je me précipite vers la porte d'entrée, ouvre, et découvre la sale gueule ivre de mon pote.

— Hey bro.

Mon dieu, mais qu'a-t-il fait pour être dans cet état.

— Tu as dormi, Aaron ?

Je remarque bien les grandes cernes dessinées sur son visage. Je le fais entrer et lui propose à boire.

— Je...je ne sais pas. Je me souviens brièvement de la soirée. Je sais juste que je me suis tapé Iris.

Je le fusille du regard. Ce n'est pas son genre les filles d'une nuit.

— Tu es sûr que ça va, mon pote ? Tu as bu aujourd'hui ?

— Oui. Vite fait.

Je m'apprête à riposter mais il est plus rapide que moi.

— Alors, avec cette fille ? Tu l'as embrassée ? Avec la langue ? C'était comment ?

OK, il délire complètement.

— Aaron, Aaron, Aaron. Il ne s'est absolument rien passé. Tu sais très bien qu'il n'y aura rien. Mensonge ? J'ai son Snap. Arrête de boire et redeviens le Aaron sérieux, compétent et intrépide, que j'ai rencontré il y a des années. Je t'en prie. Je n'aime pas te voir comme ça. Qui t'a mis dans cet état, dis-moi tout.

Je m'attends au pire à présent.

— Personne. Tout seul, je crois bien.

Il fronce les sourcils.

— Aaron...

Il avait l'air complètement ailleurs, perdu.

— C'est Iris. Je crois que je l'aime trop, et que j'ai besoin d'elle là.

Je le regarde, essayant de comprendre où il veut en venir.

— Elle m'a trop fait kiffer hier. Dans tous les sens du terme. On a parlé, rigolé, elle s'est même confiée à moi, alors que je n'étais qu'un simple inconnu à ses yeux.

— Tu ne lui as pas demandé si elle attendait de toi quelque chose de sérieux ? En termes de relation.

— Non. J'étais persuadé que c'était officiel entre elle et moi.

Incroyable, ce type.
Mais il a intérêt à faire gaffe tout de même, je n'accepterai pas qu'on lui déchire à nouveau son cœur brisé, qui a déjà bien trop souffert.

— D'accord, mais elle ne t'a rien dit ? Tu n'as pas son Snap, ni rien ? La blague.

Tout à coup, sa tête se raidit. Comme s'il prenait enfin conscience de la situation, de sa situation.

— Dam, putain t'es un génie. Mais je suis trop con, putain. Mais oui, son Snap, bien sûr que je l'ai.

Il sort son téléphone, regarde ses dernières discussions et effectivement, c'était bien avec elle qu'il l'avait eu. Il me serre contre lui et me remercie.

— Je n'ai rien fait, tu sais, protestai-je.

— Si, mec. Tu m'as éveillé. J'étais intérieurement en train de péter les plombs. Alors que j'avais son numéro et son Snap sous la main.

— Aaron, si tu dois retenir un truc, là, tout de suite maintenant, ARRÊTE LA DROGUE ! Tu sais comment ça s'est terminé. Je ne veux pas que ça recommence. Et puis regarde dans quel état tu t'es mis, mec. Pour rien en plus. Arrête ça tout de suite ou c'est moi qui vais m'en charger. On ne va pas retomber une deuxième fois.

Il me regarde avec des yeux tout ronds. Comme si ce que je venais de dire était complètement déplacé. Je fais ça pour son bien, vraiment.

— Merci, mon pote. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi.
Il hésite un instant et ajoute :

— Si je me suis comporté de la sorte, ce n'est pas pour rien. Ça fait deux ans qu'Alissa m'a quitté. Je ne pensais jamais m'en rétablir, c'est vrai, et tu en es témoin. Ou même l'oublier. Deux ans que j'attends. Je travaille dur, jour et nuit au sein de mon bar. Je ne suis récompensé qu'à moitié pour l'instant. J'aimerais vraiment que mes journées s'éclaircissent, en partageant ma vie avec une petite personne, un petit cœur, qui voudrait bien de moi et qui m'éclairerait jusqu'à la fin des temps, ma lumière. J'en avais trop marre d'attendre ce moment. Et je me suis dit qu'il fallait vraiment que je décompresse. Entre mon putain de père jamais là et ma mère trop dépressive pour sortir, en pensant à tout ce qui me pesait sur le dos, j'ai commencé à boire. Beaucoup. Jusqu'à ce que je tombe sur elle. Mais je te promets, mec, que c'est fini. Je vais lui dire ce que j'ai vraiment sur le cœur. Remettre les choses dans le bon ordre, pour être sûr qu'elle et moi soyons sur la même longueur d'onde. Et si elle me largue, c'est moi qui l'ai cherché. Je n'ai pas été cash, j'ai juste foncé rattraper les heures que je n'aurais jamais dû perdre à Sydney. Mais je regrette déjà, je crois.

Sydney. Il fallait vraiment qu'il évoque encore notre terrible passé en Australie. C'était un autre temps, ça.

— Là, j'ai retrouvé mon pote. Tu m'as fichu une de ces trouilles.
On se regarde et il pouffe de rire.

— C'est bon, n'en fais pas trois tonnes. J'arrête, tu as ma parole.

— Très bien. Maintenant fonce.

On se tape dans la main rapidement et il repart, plus décidé que jamais. C'est bon de le voir comme ça.
J'espère juste qu'il sait vraiment ce qu'il fait. Je n'ai aucune envie de retrouver le Aaron d'il y a deux années. Je me retrouve seul. À nouveau. Perdu dans mes pensées. Il faut vraiment que ça cesse. Jusqu'à ce que mon téléphone vibre. Et je découvre un message sur Snap...venant d'Harley. Rien que la longueur me donne des frissons.

Harley : aujourd'hui à 11:55

Bonjour Damon. J'espère que tu te portes bien. Petit message pour le plaisir. Pour prendre de tes nouvelles. Je sais qu'on se connaît à peine mais j'ai vraiment apprécié la soirée hier, avec toi même si c'était super rapide. Si on pouvait se voir peut-être aujourd'hui, ou dans la semaine, pour parler, ou même pour se rencontrer, afin de se connaître un peu plus, ce serait vraiment sympa. À de suite ?

Je lis et relis le message. Pour être certain de ne pas halluciner. Mais non, elle est vraiment en train de me demander si on pouvait se voir dans la journée. Une partie de moi meurt d'envie de dire oui. C'est le moment ou jamais. Mais quelle ampleur ce rendez-vous pourrait-il prendre ? Je n'en ai pas eu depuis des décennies. Je ne suis absolument pas prêt. Mais comme on dit, celui qui ne tente rien, n'a rien. Et au point où j'en suis. Alors je vais dire oui. Ça me changera les idées. Et j'appuie sur l'icône envoyer.
Pourquoi mon cœur bat-il si fort ? On deviendrait amis et rien de plus. Et encore...si elle découvrait le passé d'un gars fauché qui trafiquait de la drogue et qui a quitté ses parents à quinze ans, je ne suis pas certain qu'elle veuille poursuivre. Mais je m'en fiche. Quelques minutes plus tard, je reçois sa réponse.

Harley : aujourd'hui à 12:00

C'est OK pour 14:00, près du parc. À toute à l'heure Damon.

Mmh. Décidément cette fille...je m'empresse de répondre par un "à toute à l'heure". Harley. Harley. Qu'es-tu en train de faire de moi ? Tu es en train de briser mes failles et pourtant je ne renonce pas.

« Dam. Si je meurs et que tu as une petite amie... ou un copain, tu me jures de m'apporter un souvenir d'elle ou de lui sur ma tombe ? »
Oh, soeurette, je ne sais pas si je serai capable d'avoir une relation avec qui que ce soit, mais je te promets d'essayer, pour toi. Elle était lesbienne. Mais j'étais un pur hétéro.
Je regarde la pendule. J'ai deux bonnes heures pour me préparer. Que me réserves-tu, Harley ? Dois-je me confier à toi ? Et si c'était un échec ?
Ne me fais pas regretter, c'est tout ce que je te demande.

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