13. Pion
Damon
Diantre, quel week-end. Je ne sais même plus comment exprimer l'épuisement profond que je ressens face à ma propre existence. Rien ne va. Stephen est en train de me faire perdre pied avec ses agissements grotesques, l'homme que je considère comme un frère semble s'enfoncer dans les ténèbres, et pour couronner le tout, Neslie débarque chez moi à l'improviste. Mais quelle ironie ! Harley m'avait bien confirmé qu'elle savait tout de moi, et je suis incapable de comprendre comment cela a pu se produire. Et en ce lundi matin, je me sens totalement anéanti. Ouais vraiment abattu.
Hier, lorsqu'elle est passée, elle m'a bien fait comprendre qu'elle ne comptait pas me laisser tranquille. Elle est insensée. Pourquoi s'acharne-t-elle ainsi sur moi après tout ce qu'elle m'a fait ? Pense-t-elle réellement qu'elle doit me surveiller et me faire payer d'être parti ? Qu'est-ce que cela peut bien lui importer ? Après tout, c'est en partie à cause d'elle que j'ai fui Sydney et ma vie misérable.
Mais il y avait.. elle.
Harley est peut-être ma seule lueur d'espoir. Je cherche désespérément à m'accrocher à quelque chose, ou plutôt à quelqu'un en ce moment. L'état d'Aaron est pire que le mien, mes parents ne comptent plus à mes yeux, et avec Neslie, tout est définitivement terminé. Il ne me reste qu'Harley, cette jeune femme qui m'a bouleversé lors de cette fête étudiante, il y a près d'un mois. Elle semble être la seule capable de me redonner un semblant d'espérance.
Certes, j'ai d'excellents amis au Dark Haven, mais tous me rappellent Sydney, où nous avons tous fait des erreurs ensemble. Je veux oublier. Nous avons été des trafiquants, des mafieux, appelez cela comme vous voulez, mais j'ai aussi perdu ma sœur dans ce maudit boulot. Cela fait près de sept ans que je me suis retrouvé embourbé dans un gang qui a ruiné ma vie, mon existence, et ma seule raison de vivre. Mon passé à Sydney n'est qu'une erreur tragique, et depuis la mort d'Ava, je ne suis plus tranquille. Je crains toujours de faillir, de promettre et de ne pas tenir mes engagements. Bref, je suis en ruines. Je dois trouver un moyen de me détendre avant de sombrer définitivement. Et maintenant.
***
En arrivant au Dark Haven ce matin, tout semblait paisible. Je pénètre à l'intérieur, salue brièvement Carter et les autres. Un coup d'œil rapide à mon emploi du temps me confirme que tout le monde est au travail aujourd'hui. Je me dirige finalement vers Harley et l'embrasse sur la joue. Oui, ces derniers temps, depuis cet incident dans la voiture, nous nous sommes rapprochés au point que cet échange de bises est devenu presque naturel.
— Comment vas-tu ? me demande-t-elle.
— Je crois que ça pourrait aller mieux, sifflai-je entre mes dents.
— Oh... c'est à cause d'elle, n'est-ce pas ? Hier, elle est partie si vite que je n'ai pas pu la suivre, j'étais complètement prise au dépourvu par mes parents, enfin bref...
Je la regarde, aussi perdue que moi, et je réponds :
— Ne t'en fais pas, tu m'avais prévenu qu'elle avait tous les moyens pour me retrouver, mais je n'étais pas préparé à la revoir d'un coup, face à moi, chez moi... Ce n'est pas ta faute. Tu as fait beaucoup pour moi, et l'affaire du pédophile doit avancer, Harley.
Elle me fixe de ses beaux yeux verts, si différents de ceux de cette maudite femme, et je ne veux surtout pas faire de comparaison. Harley est bien plus précieuse. Elle semble soudain émue.
— Merci, Damon. Mais je crois que l'affaire Neslie mérite aussi qu'on s'y penche, me dit-elle doucement.
— Peut-être, mais elle est bien moins urgente et grave que celle du pédophile, et tu le sais. Soudain, Isa arrive.
— Euh... Salut vous deux. Damon, on a un problème. Neslie est ici.
J'ai dû mal entendre, n'est-ce pas ? Je regarde Harley, puis Isa qui vient de s'éclipser. Harley prend ma main et murmure doucement à mon oreille :
— Ça va aller, Damon, d'accord ? Je vais rester en retrait, elle ne doit pas me voir ici après ce que je lui ai dit à propos de mon travail...
Je la regarde, et bon sang, qu'elle est belle. Le démon était peut-être dans mon café, mais là tout de suite, je ne voyais qu'elle et sa main dans la mienne, que je n'avais pas lâchée. Et puis merde. Je l'embrasse tendrement. J'en avais tellement envie depuis que je l'avais aperçue. C'était presque vital. Et étonnamment, aussi naturellement que possible, elle me rend mon baiser, si doucement que je l'ai à peine senti. Oh Harley... Je détache finalement mes lèvres des siennes et lui murmure un « merci, à tout de suite », avant de partir à la rencontre de mon démon roux en chair et en os, apparemment.
— Eh bien, tu en as mis du temps, mon Dam'chou.
Dam'chou. Bon sang... Ce message provenant d'un numéro inconnu, c'était donc elle... Elle ne pouvait pas m'avoir localisé grâce à ce message, car je l'avais bloquée juste après. Et maintenant, la voilà qui débarque dans mon café. Mais comment diable avait-elle pu obtenir l'adresse aussi facilement ?
— Comment as-tu su pour le café ? Et ne m'appelle plus jamais comme ça, t'as pigé ?
Elle me fixe, et je ne supporte plus ce regard. Elle affiche une moue faussement attendrie avant de rétorquer :
— Désolée, mais j'ai des sources fiables bébé... et même ici, dans ce café.
Elle laisse échapper un rire moqueur, et je la fixe, incrédule. « Dans ce café »... Elle bluffait, non ? Ou, si ce qu'elle disait était vrai... alors nous avions un énorme problème et un traître parmi nous. La situation devenait intenable. Un pion à sa solde sous mon propre toit ? Je la fusille du regard avant de lui cracher :
— Tu vas dégager d'ici, et immédiatement, salope. Est-ce assez clair ou dois-je te prendre par la main ?
L'idée même me répugnait, mais connaissant le personnage, elle pourrait accepter.
— Je n'ai pas un culot aussi gros, mais je ne déclinerai pas ton offre, chéri. Fais-toi plaisir, je suis toute à toi.
Qu'est-ce que je disais... Je l'attrape brutalement par la main, la serre si fort que j'espère lui faire mal, et je la traîne hors du café.
— Oh, salut Carter, ça fait un bail ! lance-t-elle avec un sourire narquois.
Elle jouait dangereusement avec mes nerfs, et je risquais de perdre le contrôle.
— Bon sang, c'est quoi ton putain de problème avec moi ?! Ça ne t'a pas suffi de me voir souffrir sous tes yeux ?! hurlai-je, à bout de nerfs.
J'étais au bord de l'explosion, et je savais qu'elle pourrait avoir peur. Et j'en avais cruellement envie.
— Aïe, tu me fais mal, Damon !
— Alors ça y est, Neslie, tu la sens bien, cette douleur ?! Tu la SENS ?! m'écriai-je.
Elle me fixe, les yeux rivés sur son poignet qui commence à rougir légèrement. Bien fait. Je la relâche, espérant qu'elle a enfin compris à qui elle s'adressait. Je profite de cet instant de faiblesse pour lui murmurer doucement :
— Écoute-moi très attentivement, Neslie. Je ne sais pas qui est le traître qui t'a tout révélé à mon sujet, mais je le découvrirai, c'est promis. Premièrement, je ne veux plus jamais, et je dis bien jamais te revoir. Ne me contacte plus jamais via un numéro inconnu, c'est terminé. Sydney et tout le reste, c'est du passé, y compris toi. Deuxièmement, si tu es trop obstinée, crois-moi, je saurai comment te faire taire, et je ne plaisante pas. Je me fiche éperdument de ce que tu as pu représenter pour moi autrefois, mais désormais, je n'éprouve plus la moindre pitié à ton égard. Alors, si je dois me répéter, tu ne manqueras pas ce que je te réserve. Enfin, tu ne m'approches plus jamais, ni moi, ni mon chez-moi, ni quoi que ce soit. Tu vis ta vie et tu me laisses en paix. Et si jamais je dois te recroiser... t'es morte. J'espère avoir été bien clair cette fois-ci. Plus jamais, tu ne m'approches.
Elle me regarde, certainement folle de rage, et j'aime ça. Elle doit souffrir. Non, Damon, tu n'es plus le même. Elle doit simplement dégager, me laisser tranquille une bonne fois pour toutes, et ce sera parfait. Je suis très sérieux dans tout ce que je dis.
— Dans ce cas, sache une chose : ne crois pas que je sois venue pour toi. Quelqu'un nous a dénoncés, et ton nom figure sur la liste. Le FBI cherche à en savoir plus sur le réseau, et sur nous tous. Tes amis aussi sont concernés, je te le rappelle. Tu as peut-être ta petite vie tranquille ici, en apparence innocente, mais personne n'oubliera ce que nous avons fait à Sydney. Que tu le veuilles ou non, tu auras toujours ça sur la conscience, surtout en sachant qu'actuellement, en Australie, tu es recherché, tout comme nous. Kyle est aussi ici, il surveille à distance et essaie de pirater leurs systèmes pour que personne ne soit démasqué.
Fait chier.
— Ça m'est égal, ce sont tes problèmes, pas les miens. Je suis sorti de ce merdier depuis des mois, alors ne me saoule pas avec ça. Retourne auprès de ton Kyle. Ton... comment déjà ?
— Mon mec, tout simplement.
Je la fixe et éclate de rire. C'est beau de voir qu'elle ne réalise pas que je suis déjà au courant.
— Eh bien, tu vois, moi aussi j'ai mes petites sources, et elles me disent que tu es célibataire. Mais ça, je m'en fiche. Ce qui m'intéresse, c'est que ce Kyle n'est que ton pathétique frangin.
Je voudrais immortaliser son visage en cet instant. Elle est presque gênée. Bien fait.
— Arrête. Tu es prévenu.
Elle claque la langue, une sale habitude qu'elle a, tourne les talons et s'en va. Bon sang, Harley, merci. Merci infiniment. On dirait bien que tu es vraiment mon seul espoir. Elle ne s'y attendait pas, hein. Elle n'a pas l'habitude qu'on la démasque. D'ordinaire, c'est elle qui croit mener tout le monde, mais cette fois, c'est raté. Un petit ange semble être tombé sur ma tête. Et en parlant d'elle, je l'aperçois à la grande fenêtre de la salle de repos. Elle était là depuis tout ce temps ?
— Hé... ça... ça va ?
— Mieux que jamais.
Elle me fixe, et il n'en faut pas plus pour éveiller tous mes sens. Elle me sourit, mais avant de la laisser retourner à son poste, j'attrape ses mains et me penche jusqu'à son oreille, frôlant ses lèvres.
— Merci, Harley... pour tout.
Je conclus enfin en déposant un baiser sur le sommet de sa tête, puis la laisse s'éloigner. Je crois qu'elle a réellement rougi après tout ça.
Neslie était peut-être partie, mais je savais pertinemment qu'elle ne s'arrêterait pas là. Et puisque nous sommes "recherchés", elle ne risque pas de m'oublier de sitôt, et ça me dérange de l'admettre. Mais s'il y a bien une chose qui me dérange encore plus, c'est de savoir qu'un de mes employés pourrait travailler pour elle. Ou peut-être même pour tout le réseau. Il fallait absolument que je démasque ce maudit pion qui obéissait comme un esclave. Il n'y avait que Carter, Isa, Stella, Matthew, Grace et Alden. Curieusement, je n'avais aucun doute concernant les meufs, enfin, je l'espère. Matthew semblait hors de cause : trop jeune, trop innocent. Il ne restait donc qu'Alden et Carter. Alden était discret, mais bien trop droit pour se livrer à de telles manigances, et Carter, m'est toujours apparu comme quelqu'un de fidèle.
Bon sang, tout le monde semblait avoir un double jeu, et putain ça commençait sérieusement à me casser les couilles. Si c'était réellement quelqu'un du lot, ce lot que j'ai bâti, je n'en ressortirais pas indemne.
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