12. Duplicité

Harley

— Ryyyyyder, viens saluer ta cousine Neslie, m'écriai-je.

J'avais attendu ce week-end avec impatience, probablement à cause de Damon, qui m'incitait à en découvrir davantage sur ma propre cousine, que je ne connaissais peut-être pas aussi bien que je le pensais. Qui était réellement Neslie Owen ? J'espérais que sa présence ici, à Boston, éclaircirait mes interrogations.

Mon satané de frère, un véritable geek d'ailleurs, descendit rapidement les marches de l'escalier. Il salua Neslie d'une bise des plus expéditives, son casque toujours sur les oreilles et une manette en main. Foutu geek, vraiment.

Woow, mais t'as grandi, oh la vache ! s'exclama soudain Neslie.

Ouais, ça faisait un bail qu'elle n'était pas venue... Je lui lançai un regard appuyé, espérant qu'il retire au moins son casque par politesse, mais il n'en fit rien.

— Laisse-le, l'adolescence hein, me dit Neslie.

Elle n'avait pas trop changé depuis la dernière fois que je l'avais vue. Toujours cette chevelure flamboyante, et ces yeux verts presque similaires aux miens. Je l'observais, essayant de déceler tout ce que j'ignorais encore d'elle. Selon Damon, je la connaissais mal, et elle était bien plus redoutable qu'elle ne le laissait paraître. Mais je devais jouer le jeu, feindre la plus grande naturalité. Il avait été clair : je ne devais ni parler de mon travail, ni de lui. Je l'avais même renommé dans mon répertoire sous un nom totalement différent pour masquer son identité et sa présence ici.

— Alors, ça fait un bail Neslie, quoi de neuf ? Kyle ne t'a pas accompagnée ?

— Ouais, je sais, mais le boulot m'a retenue. Et pour Kyle, il ne supportait pas l'idée de quitter l'Australie, me dit-elle simplement.

Mensonge ? Damon m'avait dit qu'ils étaient tous deux venus aux États-Unis. En plus d'être cruelle, elle continuait de mentir avec une aisance déconcertante. Cette duplicité me répugnait. Mais de quel travail parlait-elle exactement ? Je continuai mon interrogatoire, feignant l'innocence.

— Je comprends, c'est difficile de quitter son chez-soi. Tu as mentionné le travail, tu fais quoi exactement ? demandai-je avec mon plus beau sourire.

Elle se racla la gorge, mais finit par répondre. Ouais, elle réfléchissait probablement à la meilleure manière de me balancer un autre mensonge.

— Eh bien, je travaille dans une entreprise. De la paperasse, de la confidentialité... Une vraie prise de tête, tu n'imagines pas. J'avais vraiment besoin de souffler. Et toi, tu comptes rester à Boston ? Tu travailles ?

— Oui, je ne quitterai pour rien au monde cette ville. En ce moment, je suis en repos, mais je travaille cet été comme réceptionniste dans un petit hôtel, en attendant une réponse pour un poste que j'ai demandé.

Elle hocha la tête doucement, me souhaitant bon courage pour la suite, sans me questionner davantage. Je crois qu'elle ne soupçonnait rien de mon petit mensonge sur mon emploi d'été, mais elle excellait dans l'art du mensonge alors je n'avais pas à m'en faire. Je l'interrogeai encore, après tout, cela faisait au moins deux ans que nous ne nous étions pas vues.

— Dis-moi, tu es venue ici juste pour nous voir, ou tu as d'autres projets ? Tu comptes t'installer à Boston ?

Elle me fixa, semblant réfléchir à mes questions. La première aurait dû être simple à répondre, mais avec elle, je ne savais jamais à quoi m'attendre. Enfin, elle répondit.

— Oui, je voulais surtout vous voir. Sinon, je suis aussi ici pour découvrir les environs. Je cherche un ancien ami qui s'est peut-être installé ici, ce serait formidable de le retrouver. Ah oui, et est-ce que ton père est là ? Je dois le voir.

Waouh, le sujet venait enfin d'être abordé : ce fameux ami qu'elle souhaitait voir. Cela ne pouvait être que Damon. Il fallait que j'en apprenne davantage. En revanche, je ne comprenais pas sa question soudaine concernant mon père...

— Ah oui, génial ! Tu m'en dis plus sur cet ami ? Un beau gosse alors ? C'est ton...

Elle me coupa avant même que je puisse finir ma phrase, mais je devais rester crédible et paraître aussi innocente que possible.

— Euh, Harley, non, je n'ai pas le temps pour ce genre de choses. Il y a le travail, et un mec, franchement, je n'en ai pas besoin. C'est juste une vieille connaissance, son nom ne te dirait rien de toute façon, mais si tu y tiens, il s'appelle Damon, Damon Hansson.

Bon, rien de nouveau, je le savais déjà.

— Je ne connais pas. Mais pourquoi veux-tu le voir s'il n'y a rien d'ambigu entre vous ? Tu as tout de même fait un long voyage.

Elle répliqua immédiatement, pour une fois.

— Les longs voyages, ce n'est pas nouveau pour moi. Et... j'ai besoin de le voir, pour régler de vieux problèmes, dit-elle dans un rire qui sonnait bien trop faux.

Elle n'en dirait donc pas plus sur les raisons de son arrivée, à part ces « vieux problèmes » et « comptes à régler ». Cela semblait trop suspect, mais je me contenterai de signaler tout cela à Damon. Il saurait probablement quoi faire. Soudain, une question me traversa l'esprit.

— Mais alors, tu l'as retrouvé ? Tu sais où il habite ? Et comment as-tu eu ses coordonnées si c'est une... vieille connaissance ?

— Wow, poulette, je passe un interrogatoire ou quoi ?

Oui, « poulette », je dois découvrir ton vrai visage et venger celui que tu as blessé... Elle reprit, tout en plaisantant.

— Oui, j'ai absolument tout. Tu ne pensais tout de même pas que j'allais le chercher partout dans Boston, rassure-moi ? Les téléphones, ça existe...

Ouch, elle m'avait prise de court. Comment se fait-il qu'elle ait son adresse et sache exactement où il se trouve ? Il fallait que je le prévienne avant qu'elle ne parte. Mais comment avait-elle pu...

— Harley ? C'est quoi cette tête ? Tu résous l'équation du siècle ou quoi ?
C'est ma mère qui arrive et nous propose de boire quelque chose. Neslie accepte volontiers, et j'en profite pour m'éclipser. Je l'entends dire à ma mère :

— Oncle Gray est là, Shanna ?

Le reste m'était trop flou, alors je m'isole davantage avant d'appeler Damon.

— Allô ? dit-il d'une voix rauque.

— Salut, c'est Harley. J'ai beaucoup de choses à te dire concernant ma cousine, et je crois que ça ne va pas te plaire...

(Silence). Il se racle la gorge et répond.

— Quoi ? Dis-moi tout.

Je lui raconte absolument tout ce que je sais, y compris le fait qu'elle connaissait l'endroit où il se trouvait.

— Je ne comprends pas... J'ai bloqué Neslie partout, ce n'est pas possible qu'elle sache où je suis, dit-il, presque tourmenté.

— Je sais, Damon, je sais. Je n'en ai aucune idée... mais je te tiendrai au courant de toute nouveauté.

— Merci, Harley. Je te revaudrai cela. Bonne journée.

Et il raccroche. Je crois que Neslie n'était vraiment pas le sujet le plus agréable à aborder avec lui. Je le comprenais, et il n'avait rien à me revaloir : il m'avait bien aidée à propos de l'affaire du pédophile. Bref, je sors et descends les escaliers, jusqu'à entendre la voix de Neslie au téléphone.

(...)

— Oui, nous sommes si proches du but, je sais. Oncle Gray m'a donné d'autres informations précieuses à ce sujet, et tu n'en reviendras juste pas. Bon, je te laisse, à tout de suite.

Je tousse pour qu'elle capte ma présence.

— Oh Harley... hum... tu... tu es là depuis le... début ?

Ah, elle bégaye bien, hein. Démasquée, on dirait. Peut-être pas depuis le début, mais je vais faire comme si. Je la regarde avec une moue interloquée.

— Tu peux m'expliquer, s'il te plaît ? Quel est le rapport avec mon père, et cette chose dont ton interlocuteur n'en reviendra pas, Neslie ?

Elle semble perdue. Bam, prise au piège. Allez, balance maintenant.

— Euh... rien de tout cela ne te concerne, Harley, d'accord ? Je vais partir, je ne reviendrai pas avant quelques jours, je dois m'acclimater à Boston.

Je la regarde, hébétée.

— Je pense que tout ce qui concerne mon père, me concerne aussi, Neslie. Arrête de tout retourner à ton avantage, répliquai-je sèchement.

— Très bien. Si tu tiens tant à savoir, va donc demander à ton papa, il saura sans doute mieux te l'expliquer que moi, hein.

Sur ces mots, elle tourne les talons et s'en va. Comme ça. Non mais j'y crois pas. Et puis quoi encore ? C'est quoi ce rapport, ce lien avec mon père ?

Je me tourne à mon tour et m'apprête à rejoindre mon père. En avançant, je frôle le cadre où mon père se tient aux côtés d'une jeune femme aux yeux verts, qui ressemblent étrangement aux miens d'ailleurs. Je n'avais jamais vraiment compris la présence de ce cadre dans notre maison, mais lorsque j'avais posé la question, il m'avait répondu qu'elle était une personne chère à ses yeux et qu'il se devait de l'afficher dans un coin de notre demeure. Je n'avais pas insisté. Continuant mon chemin, je surprends mon père en pleine discussion avec ma mère. Je m'arrête net.

— Qu'est-ce que tu dis, bon sang, Shanna ? Non, elle n'a pas à savoir, pas tout de suite. Je ne veux pas chambouler sa vie si tôt, réplique-t-il sèchement.

De qui parlait-il exactement ? Ma mère lui répond sur le même ton :

— Ah oui ? Tu crois ? VRAIMENT ? Cela la chamboulera tôt ou tard, Gray, tu entends ? Tu n'avanceras à rien en agissant ainsi. Du haut de ses 20 ans bientôt, elle doit savoir. Elle ne te le pardonnera pas, et elle ne nous le pardonnera pas non plus. Réfléchis-y, Gray, je t'en prie. C'est important. Elle est majeure, elle a sa vie, et elle ne peut pas vivre éternellement sans connaître cette vérité cruciale.

Abasourdie, comprenant qu'il s'agissait de moi, je fais irruption dans la pièce.

— Quelle vérité cruciale dois-je connaître au juste ?

Mes parents se regardent, se fixent, et les yeux de ma mère sont emplis de... supplice. Je les avais visiblement pris d'assaut, ils ne s'attendaient pas à ma présence. C'est mon père qui prend la parole.

— Oh ma puce, tu es là. Assieds-toi, tu veux.

Je le regarde, sans vraiment comprendre, mais obéis. Désormais, mon cœur battait la chamade. Quelle révélation allait encore me prendre au dépourvu ? J'étais foutue.

— Ta mère et moi devions te parler...

— Bon, papa, va droit au but, s'il te plaît.

C'est ma mère qui répond.

— Harley, je ne suis pas ta mère biologique, parvient-elle à articuler.

— Chérie...

Je la fixe, avant de reporter mon attention sur mon père. Je recommence. Non. C'était une mauvaise blague, c'est ça ? Ce n'est pas possible. Sous le choc, je réussis à leur demander plus d'explications.

— La femme que tu as pu voir dans le cadre à mes côtés... c'est... c'est elle, Samantha O'Connell, ta mère biologique. Elle est morte d'une overdose après t'avoir mise au monde, ma chérie, dit mon père. Je suis désolé. Sincèrement désolé, ma puce.

Mais non... Tout rentrait dans l'ordre à présent : ce cadre, cette femme qui avait les mêmes yeux que moi et... Le fait qu'il ne m'avait jamais donné plus de détails sur l'identité de cette femme. J'étais éberluée, stupéfaite. Mes yeux devaient certainement sortir de leurs orbites. Mais je parvins à articuler...

— Mais... mais je ne comprends pas... pourquoi... vous... enfin toi... pourquoi tu ne me l'as jamais dit, bon sang ?! On parle de ma mère, j'avais le droit de savoir bien plus tôt. Et je devrai remercier Shanna, parce que toi, tu ne voulais apparemment jamais me le révéler, papa.

Shanna, alias ma mère adoptive donc, se mit soudainement à pleurer, et mon père me regarda, ne sachant pas quoi répondre. Je fonds dans les bras de celle qui m'a élevée, malgré cette vérité. Je ne m'étais jamais sentie à l'écart ou différente d'elle, je ne pouvais pas lui en vouloir. En revanche, ma véritable mère, je ne l'aurais alors jamais connue, c'est ça ? Cette pensée me serrait terriblement le cœur, déjà bien trop écorché par tous ces affreux secrets qui refaisaient surface.

— Je suis désolé, dit mon père, la voix tremblante.

— Je... je dois réfléchir à tout ça. Shanna, sache que je ne pourrai jamais t'en vouloir. Tu m'as élevée comme ta propre fille, et je ne me suis jamais sentie différente de toi, ni mise à l'écart. Tu resteras ma... ma.. mère, quoi qu'il arrive. Cela ne changera pas. (Je me tourne alors vers mon père.) En revanche, j'aimerais en savoir plus sur elle, voir des photos si tu en possèdes d'autres.

Shanna, celle qui m'a élevée, ne put retenir un sanglot, émue par mes paroles. C'était terrible tout ce qui était en train de m'arriver, mon Dieu. Stephen qui débarque, Neslie qui cache son double jeu, ma mère biologique, les secrets de mon père... Je n'avais même pas pris le temps de réfléchir à ce que Neslie avait laissé entendre. Mais je n'en avais pas la force, pas tout de suite.

Je retournais m'enfermer dans ma chambre, essayant de faire le vide dans mon esprit. Et c'était terriblement difficile. Je pensais à cette Samantha, ma mère biologique. C'étai trop putain.

Neslie, je ne savais même pas où est-ce qu'elle s'était aventurée, et je pensais surtout.. à Damon. Ce gars incroyablement sexy avec qui je m'étais rapprochée. Mais c'était probablement un jeu dangereux qui entraînerait bien trop de conséquences, et franchement...flemme.

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