Chapitre 8 : Aura
Oma avait allongé Églantine sur de la mousse. La brune tremblait de froid dans son sommeil, elle transpirait à grosses gouttes et saignait toujours autant.
— Il faut retirer la flèche, pour observer la plaie, disait Léarco. Son état n'est pas normal.
Seth et Sheireen acquiescèrent avant de se tourner vers la rousse.
— Très bien, je vais le faire. Seth, tu peux m'amener de l'eau ? Il en faudra pour nettoyer la plaie et la rafraichir. Sheireen, Léarco, mangez un bout. Il va nous falloir toute notre énergie pour les sorts de guérison.
Ils étaient tous plutôt soulagés qu'Oma prenne les choses en main, ils n'avaient pas eu beaucoup l'occasion de se confronter à des blessures pendant leur entrainement.
Seth n'eut pas à aller bien loin, il avait juste à se concentrer pour sentir la source d'eau la plus proche de la surface de la Terre et la mener vers lui. Ainsi, en quelques instants, un petit jet d'eau perça la surface du sol. Il en recueillit dans ses mains pour gouter. Elle était fraîche et légèrement parfumée, mais parfaitement potable. L'elfe attrapa une de leur gourde en peau et commença à la remplir.
Pendant ce temps, Oma avait cassé l'extrémité de la flèche, celle avec les petites plumes. Le projectile avait entièrement traversé. Il allait falloir tirer du côté de la pointe, car l'inverse déchiquèterait de l'intérieur l'épaule de la jeune femme. Heureusement, Églantine était inconsciente.
Prenant une grande inspiration, la rousse tira. Il y eut un bruit peu ragoutant, mais la flèche fut extraite aisément. Maintenant, il fallait tout faire pour que la brune ne se vide pas de son sang. C'était maintenant que Sheireen et Léarco entraient en scène.
Ils posèrent chacun une main sur l'une des plaies, leur paume s'illuminant, l'elfe d'une couleur sombre et le jeune homme d'un rouge éclatant. Leurs visages concentrés témoignaient de leur inexpérience, mais le sang coulait de moins en moins pour enfin s'arrêter.
— Seth, l'eau s'il te plait.
Le garçon lui passa une gourde qu'elle vida sur chaque trou dans le corps de leur amie. Une fois lavée, ils purent constater les dégâts. La plaie était déjà purulente et sentait fort, des veines sombres s'étiraient autour comme une toile d'araignée.
Ils restèrent silencieux quelques instants.
— Ce n'est pas bon, disait enfin à voix haute Oma.
— Foutu Wesi ! s'exclama Sheireen en se levant avant de se calmer immédiatement de désespoir. Une flèche empoisonnée...
De quel poison s'agissait-il ? Comment savoir quel en était le remède ou le sort adapté ?
— On n'y connait rien, nous, en poison, disait Seth en se laissant tomber au sol.
Léarco alluma un feu, ils n'avanceraient plus aujourd'hui. Ils ne pouvaient pas déplacer Églantine et il était hors de question de l'abandonner. Il faisait une bien piètre équipe de sauvetage.
— J'espère que l'autre équipe n'a pas eu de problème, disait Oma en épongeant le front de la blessée.
Les autres ne répondaient pas, ce combat avait miné leurs forces physiques et mentales. Car maintenant qu'ils s'étaient arrêtés, la réalité les frappait en plein visage. Ils avaient tué.
Ils restèrent prostrés ainsi longtemps, le silence ponctué par la respiration aléatoire d'Églantine.
— On ne peut pas appeler de l'aide ? suggéra soudain Seth.
— Personne ne doit entrer en contact avec nous, lui répondait Oma.
— Physiquement oui, mais on peut demander conseil par télépathie ! s'exclama Léarco.
— Rowenn, disait seulement Sheireen.
— Mais, on n'a jamais parlé à quelqu'un d'aussi loin, intervenait Oma.
— On ne perd rien à essayer, haussait les épaules le blond.
Il ferma les yeux, le visage plissé par la concentration, il envoya son message à Rowenn.
« Rowenn, nous avons besoin d'aide. Églantine a été touchée par une flèche empoisonnée. »
Ils attendirent tous tournés vers Léarco, plein d'espoir.
« Léarco ? » résonna la voix du mage dans sa tête.
Il sourit, faisant signe à ses camarades que c'était bon.
« Vous avez reçu mon message ? »
« Oui, décris-moi la plaie. Je ne suis pas guérisseur, mais je devrais pouvoir vous aider. »
Le jeune homme obéit, essayant de rester concentré, car il sentait que s'il faiblissait, la connexion serait perdue.
« Je ne reconnais pas le poison. »
Son cœur manqua un battement, c'était comme si on lui avait donné un coup de poing dans l'estomac. Si même Rowenn ne savait pas, comment pouvaient-ils sauver Églantine ?
« Ne t'inquiète pas. » disait le magicien comme s'il avait senti le désespoir de son apprenti. « Il existe une plante, ou plutôt une fleur, qui guérit de la plupart des poisons. »
« Où peut-on la trouver ? À quoi ressemble-t-elle ? » le pressait Léarco.
« Sur la Terre Verte, dans un endroit sacré pour les elfes. » expliquait-il alors que plusieurs images s'imprimaient dans l'esprit du garçon.
« Mais-mais, c'est beaucoup trop loin. »
« Sheireen saura comment s'y rendre en un rien de temps. » affirma-t-il avant de rompre le contact.
Léarco resta silencieux quelques instants, les yeux dans le vague.
— Alors ? finissait par demander Seth.
Le jeune homme aux cheveux blonds leur expliqua tout, le regard planté dans celui violet de Sheireen.
— Il m'a dit que Sheireen pourrait faire quelque chose, finissait-il.
L'elfe grimaça, oui, elle pouvait théoriquement le faire, mais elle n'avait jamais voyagé aussi loin. Rowenn avait bien trop confiance en ses capacités, alors qu'elle n'avait que trop peu pratiqué ce qu'il appelait la téléportation. Il était d'ailleurs là, lorsqu'elle avait fait son premier essai.
Les autres apprentis dragonniers s'entrainaient sous la tutelle de différents mages, ils apprenaient à contrôler les quatre éléments, découvrant leur élément de prédilection lorsque Rowenn était venu la chercher. Pour une fois, Sévrar n'était pas avec lui.
Il l'avait guidé hors de l'académie, jusqu'à la tour des magiciens sous le soleil brûlant. Le bâtiment était immense, fait de grosses pierres, son ombre s'étirait sur de nombreuses maisons aux alentours. Ils entrèrent, l'elfe toujours un pas derrière l'homme.
L'intérieur n'avait rien de magique, Sheireen fut presque déçue. Rowenn salua le jeune magicien qui gardait la porte sans s'arrêter, ils gravirent un escalier en colimaçon, montant toujours plus haut dans la tour.
Alors qu'elle avait l'impression que l'ascension ne se finirait jamais, le chauve s'arrêtait devant une porte en bois. Quelques dessins lumineux ornaient le bâtant, rien de bien étonnant, car, derrière, se trouvait le bureau du chef des magiciens de la Reine.
— Nous n'allons pas rester là longtemps, je récupère juste un livre.
L'elfe aux cheveux bleus acquiesçait doucement, ne comprenant toujours pas ce qu'elle faisait ici. Il farfouilla quelques instants, puis ressortait, triomphant, avec un petit livre noir semblable à un journal.
Ils redescendirent de quelques étages pour entrer dans une grande salle dépourvue de meuble et dont les murs semblaient matelassés. C'était clairement une salle d'entrainement et Sheireen se demanda pourquoi ses camarades et elle ne s'entrainaient pas ici.
— Tu dois te demander pourquoi je t'ai soustraite à l'entrainement de mes camarades.
— Oui.
— Te souviens-tu de la cérémonie pleine de lumière que nous avons faite il y a quelques jours ?
Elle acquiesça de nouveau, évidemment qu'elle s'en souvenait. Ça avait mal tourné.
Ils avaient réuni les onze apprentis dragonniers dans le sous-sol de cette tour pour un rituel censé les ouvrir plus vite à la magie, car telle était la préoccupation première de tous ces gens, la rapidité. Les mages avaient chanté et chaque apprenti s'était mis à briller d'une couleur différente.
Or, lorsque ce fut au tour de Sheireen, quelque chose se passa. Les lumières des autres diminuèrent, devenant de simples lueurs flageolantes alors que l'elfe ne brillait pas. Une vague de panique traversa la pièce et tout fut stoppé. On leur raconta qu'un mage s'était trompé dans la formule et qu'ils seraient vus un à un en privé pour rectifier cela.
Sheireen ne fut pas convoquée et les autres oublièrent l'incident.
— Nous vous avons menti, car nous ne savions pas ce qu'il s'était réellement passé. Nous avons effacé la mémoire de tes camarades pour plus de sécurité, car, Sheireen, c'est toi qui as provoqué tout ce remue-ménage. Involontairement, inconsciemment, mais c'était quand même toi.
— Comment ?
— Connais-tu le concept d'aura ? demandait-il en marchant autour d'elle.
— Non.
— Tout humain et elfe en possède une. C'est la matérialisation de notre capacité à faire de la magie. Comme chaque personne est unique, les auras sont uniques. Ainsi, chacun possède une aura de couleur, d'opacité, de grandeur, de forme différente.
Une fumée bleue apparue autour de lui, virevoltant au rythme de ses pas.
— La mienne est bleu foncé. La tienne est noire.
Il murmura quelques mots inconnus de Sheireen, faisant apparaitre l'aura de la jeune femme. D'un noir profond, elle semblait absorber la lumière de la pièce. Contrairement à celle de Rowenn qui semblait assez libre, celle de Sheireen suivait la forme de son corps, comme une armure. Des filaments brisaient toute foi cette image, s'étendant comme de petits serpents.
— Je ne vois pas où vous voulez en venir, disait l'elfe. Si toutes les auras sont différentes, n'est-ce pas normal que la mienne le soit ?
— La tienne est plus que différente, elle est unique. Nous ne connaissons qu'un seul antécédent d'aura noire, et son propriétaire, heureusement, tenu un journal.
Il lui tendit le carnet qu'elle attrapa avec précaution.
— Je l'ai lu. Il y raconte sa vie, mais surtout les pouvoirs qu'il à découvert. J'ai ainsi appris trois choses. Les auras noires ont la capacité d'aspirer l'énergie de ce qui les entoure. Cela leur permet de ne jamais manquer d'énergie ou tout simplement de vider leurs ennemis de leur pouvoir. Deuxièmement, les auras noires ont une capacité innée. Ils sont capables, sans la moindre connaissance magique, de se téléporter d'un endroit à un autre. J'ai été plus qu'étonné de lire ça, car pour un mage, il faudrait des années d'étude pour maitriser un tel pouvoir. De plus, cela ne serait pas sans danger pour lui et couterait énormément d'énergie.
— Vous voulez que j'essaie, c'est ça ?
— J'aimerais, avant que tu lises le journal de ton prédécesseur, que tu essaies, oui.
— Très bien, disait-elle, un peu tendue. Mais vous aviez dit avoir découvert trois choses, vous n'en aviez cité que deux.
— C'est vrai. La troisième n'est qu'une légende que le narrateur nous transmet, j'aimerais faire plus ample recherche dessus. Il existerait une épée destinée aux auras noires, une lame incroyable qui rendrait son utilisateur invincible.
Sheireen frissonna, si une telle épée existait, peut-être pourrait-elle partir à sa recherche et mettre fin à la guerre ?
— Maintenant, la téléportation, s'exclamait le chauve en tapant dans ses mains.
Elle hocha doucement la tête, peu sûre d'elle. Rowenn voulait manifestement qu'elle se débrouille seule, ainsi ne demanda-t-elle pas de conseils et ferma les yeux.
Elle visualisa l'entrée de la tour, cette grande salle circulaire qu'ils avaient traversée. Les sourcils froncés, l'elfe se concentra sur son désir de se rendre là-bas. Des picotements partirent alors de sa tête pour se déverser dans tout son corps. Un froid glacial l'envahit alors avant de repartir aussi vite qu'il était arrivé.
Sheireen ouvrit les yeux.
Elle se trouvait devant le jeune mage de l'entrée, médusé de la voir apparaitre de nulle part. La jeune elfe souriait à pleine dent en remontant l'escalier en colimaçon, elle retrouva Rowenn dans la salle d'entrainement. Ce dernier semblait aussi excité qu'elle, il lui demanda immédiatement comment elle avait fait et Sheireen lui raconta les sensations qu'elle avait expérimentées.
Il avait eu raison, c'était inné, elle savait instinctivement se téléporter.
Mais là, il s'agissait de passer d'une Terre à l'autre. La distance paraissait immense.
— Sheireen ? Tu peux vraiment le faire ? demandait Seth.
L'elfe souffla, il fallait qu'elle essaie pour Églantine.
— Oui, mais je ne peux me rendre que dans des lieux que je connais. Où est-ce précisément, Léarco ?
Le jeune homme apposa ses mains sur les tempes de la jeune femme, lui envoyant les images que lui avait transmises Rowenn.
— Je n'y suis jamais allé, mais je peux me rapprocher au maximum et marcher ensuite. Pendant ce temps, essayez de garder en vie Églantine.
Les autres acquiescèrent, se demandant tout de même comme elle comptait s'y prendre.
Sheireen ferma les yeux, avec ces entrainements, elle n'était plus vraiment obligée de faire ça, mais sa concentration devait être maximale. Tout était calme autour d'elle, c'était comme ci ces compagnons retenaient leur souffle. Le vent s'était calmé, les feuilles ne bruissaient plus. L'elfe n'entendait que son cœur battre et sa propre respiration. Elle pensa à cet endroit, où elle attendait sa mère adoptive lorsqu'elle rejoignait le conseil des chefs de village quand elle était plus jeune. « Un jour, tu sauras où je vais chaque soir de pleine lune, Sheireen. Un jour, tu prendras ma place à la tête du village. Mais pour le moment, tu dois attendre ici, car ce lieu où je vais est sacré. », lui disait-elle avant de le quitter.
Les picotements apparurent, puis le froid. Et lorsqu'elle ouvrit les yeux, il faisait jour et d'immenses arbres verts s'élevaient autour d'elle. Sheireen était de retour sur la Terre Verte, chez elle.
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