Chapitre 7 : Prophétie
Sévrar suivait Rowenn comme son ombre depuis maintenant plusieurs mois, mais c'était la première fois que le magicien l'emmenait à un entretien avec Sa Majesté.
La tour des magiciens de la Reine se trouvait derrière les deuxièmes remparts de Liodas, dans la partie dite bourgeoise. Ainsi, le mage et son apprenti n'eurent à traverser qu'une seule grande porte pour atteindre le palais. Ils traversèrent un pont passant au-dessus de douves profondes puis gravirent une grande volée de marche avant d'atteindre enfin l'entrée du palais.
Rowenn n'avait pas besoin de laissez-passer, il était lui-même un laissez-passer. Les gardes les regardèrent donc à peine lorsqu'il passa près d'eux pour entrer dans la cour du château. Le magicien ne s'arrêta pas et monta jusqu'aux deuxièmes portes, celles qui menaient à l'intérieur du bâtiment principal.
Dans les couloirs, les domestiques étaient nombreux, les gardes aussi, mais aucun ne fit vraiment attention à leur passage et ils arrivèrent rapidement au bureau de Sa Majesté.
La femme se tenait debout près de la cheminée. Elle frissonnait malgré la présence d'un feu dans l'âtre. Lorsque les grands battants claquèrent dans le dos du mage et de son apprenti, elle se tourna vers eux. Ses traits étaient tirés, surement, s'inquiétait-elle, pour ses enfants. La Reine n'avait plus aucune nouvelle de sa fille depuis des mois, prisonnière des Wesi, tandis que son fils faisait partie d'une des équipes d'apprentis dragonniers lancées au secours de la princesse.
Il ne restait que le Roi, que l'on ne voyait que rarement.
— Rowenn.
Le magicien s'inclina bien bas et Sévrar l'imita un peu plus maladroitement.
— Des nouvelles des deux équipes de sauvetage ? demandait-elle en rejoignant son bureau.
Sévrar réalisa alors le luxe de la pièce. Chaque bois semblait exceptionnel, des livres uniques trônaient sur une immense bibliothèque et une douce odeur de fleur flottait dans la pièce. Il se demanda si c'était la Reine qui sentait ainsi ou une sorte d'encens.
— Non, votre Majesté. Mais ils ne sont partis que depuis quelques jours. La première équipe doit se trouver sur la Terre Noire, l'autre sur la Terre Verte à l'heure qui l'est. Wesiria est encore loin. Pas encore de quoi s'inquiéter.
La dame acquiesça doucement. Était-ce seulement pour cela qu'elle les avait fait appeler ?
Quelqu'un toqua à la porte, détournant l'attention de la Reine vers la porte.
— Entrer ! ordonnait-elle.
Son attitude avait changé, elle se tenait plus droite et son visage rayonna automatiquement. Elle paraissait avoir l'habitude de jouer la comédie.
L'individu qui entra était plutôt grand, d'une quarantaine d'années, ses cheveux noirs commençaient à grisonner sur ses tempes. Il était habillé d'une toge blanche et portait un bijou en argent autour du cou. Un sourire aimable illuminait son visage.
— Samal, le saluait Rowenn avec un petit signe de tête.
Sévrar ne l'avait encore jamais rencontré, pourtant, il savait de qui il s'agissait. Samal, Prêtre supérieur du plus grand temple de Liodas, celui dédié à Pandara, déesse de la magie, de l'intelligence, de l'habileté et de la stratégie, mais surtout ainée et chef des dieux. Évidemment, il n'était pas le plus haut placé, seule une femme pouvait devenir Grande Prêtresse à Zalia. Mais cette dernière était si vieille qu'elle ne sortait pas du temple.
En effet, le royaume était une société matriarcale, la Reine gouvernait, pas le Roi. Des conseils de femmes dirigeaient les villages tandis que chaque grande ville comptait une Grande Prêtresse et une Maire élue par les citoyens.
— Vous m'avez fait demander, ma Reine ? demandait le prêtre.
— Oui, mais vous êtes un peu en avance. Je n'ai pas fini avec Rowenn.
— Je peux attendre, votre Majesté.
— De toute façon, cela vous concerne aussi.
Elle posa ses mains pâles sur un vieux livre, faisant pianoter ses longs doigts sur la couverture rugueuse. Ses yeux bleus si similaires à ceux de sa fille disparue passèrent sur le visage des deux hommes, ignorant le roux qui restait un peu en arrière.
— Comme vous vous en doutez, je dors peu ces temps-ci. J'occupe donc mon temps à lire. Je suis tombé sur de nombreux écrits oubliés dont celui-ci, disait-elle en tapotant l'objet. De nombreux mots me sont inconnus malgré mes connaissances, comme disparues de notre mémoire. Mais j'ai compris certaines choses. C'est un livre d'histoire répertoriant les événements importants de cette époque.
Sévrar ne comprenait pas où elle voulait en venir, pourtant, l'elfe voyait le magicien et le prêtre se tendre tandis que la Reine parlait.
— Je suis tombé sur un événement très intéressant, continuait-elle en feuilletant le livre, cherchant le passage en question. Il est dit qu'une nuit, il y a de cela bien longtemps, une pluie d'étoile filante est apparue dans notre ciel. Les Grandes Prêtresses du royaume, qui était alors bien jeune, sont toutes entrées en transe. Elles se sont toutes mises à dire la même chose.
La Dame avait enfin trouvé ce qu'elle cherchait et elle lut :
— « Ils seront quatre. Humains, elfes et demi-dieux. Des auras précieuses, d'Obsidienne, d'Or, d'Argent et de Diamant, à détenir le pouvoir des dieux fondateurs. Ensemble, ils deviendront sauveurs ou destructeurs. »
Les hommes restèrent silencieux, attendant de voir si elle continuait et elle continua :
— Vous ne semblez pas surpris.
— Cette prophétie est très ancienne, disait prudemment Rowenn.
— Je me doute bien, mais pourquoi n'étais-je pas au courant de son existence ?
— Il existe de nombreuses prophéties, la plupart ne se réalisent pas... commençait Samal avec un visage bienveillant.
— Cette prophétie ne vous parait pas intéressante ? le coupa la souveraine. Et si nous cherchions ces quatre élus ? Peut-être pourrions-nous gagner la guerre !
— Ma Reine, rien ne nous dit que cette prophétie se réalisera et si elle se réalise... peut-être que cela sera dans des centaines voir des milliers d'années, tentait le prêtre.
Rowenn observait la scène calmement, il semblait attendre que la discussion prenne fin ou ne choisisse une direction plus intéressante. Son apprenti quant à lui avait frissonné à la lecture de la prophétie et était maintenant encore plus en retrait.
— Et puis il est dit « sauveurs ou destructeurs »... continuait Samal.
— Rowenn, qu'en pensez-vous ? demanda soudain la Reine.
Le magicien sourit doucement avant de s'avancer d'un pas.
— Je pense que vous avez raison, ma Reine.
Le prêtre manqua de s'étrangler, il se tourna vers le chauve, les sourcils froncés. Comment pouvait-il calmer la souveraine si l'autre la confortait dans ses délires ?
— Je suis même étonné qu'un religieux ait si peu de foi en ses dieux lança Rowenn. J'ai moi aussi lu ce livre. Cette prophétie vient directement des dieux fondateurs eux-mêmes. Isdril et Nashabo sont les faiseurs de prophétie les plus fiables.
— Qu-Comment pouvez-vous affirmer cela ? fulminait Samal.
— Les statistiques, mon cher. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des prophéties répertoriées comme venant des parents de nos dieux se sont réalisés.
— Ça ne change pas le fait, que nous n'avons aucun moyen de savoir quand elle se produira, tentait le brun.
— J'ai toutes les raisons de penser que nous sommes à la bonne époque, affirmait l'autre en ménageant le suspense.
Sa Majesté semblait suspendue à ses lèvres.
— Lesquelles ?
— L'apparition d'une aura d'or et d'une aura noire dans un très court laps de temps. Deux auras sur quatre de la prophétie.
— Qui ?
— Je ne peux pas vous révéler leurs identités, elles doivent suivre leur propre chemin et apprendre au bon moment qu'elles font partie d'une prophétie majeure.
Samal serra les dents face à sa défaite tandis que la Reine hochait la tête. Ainsi, elle avait eu raison, ainsi des élus existaient bel et bien. Peut-être avaient-ils vraiment une chance de gagner cette guerre.
Ce que ne dit pas Rowenn, c'est que ces élus pouvaient très bien être les sauveurs des Wesi et pas des Zaléniens ou tout simplement détruire tout sur leur passage. Car Samal l'avait bien dit, ils seraient sauveurs ou destructeurs.
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