Chapitre 33 : Liodas
— Enfin, nous sommes de retour, murmurait Léarco les yeux levés vers ce qu'il appelait sa maison.
Le château de Liodas se dressait devant eux. Sous la lumière rose du coucher de soleil, il semblait les accueillir à bras ouverts, pourtant, lorsque les trois jeunes gens s'engagèrent vers les grandes portes de la muraille qui le protégeait, les gardes furent bien moins avenants.
— Halte, disait le premier.
— Les visites ne sont pas ouvertes aujourd'hui, rajoutait le deuxième sans vraiment les regarder.
Sheireen s'était avancée devant les deux blonds, elle semblait déjà lasse de la conversation qui allait avoir lieu.
— Nous devons entrer... commença-t-elle.
— Aucune entrée n'est autorisée.
L'elfe ouvrit la bouche pour protester, mais l'autre garde fut plus rapide :
— Seul un motif impérieux pourrait vous faire passer ces portes, madame.
Léarco sentait que Sheireen perdait patience alors, il s'avança à son tour.
— Je pense que le retour de votre princesse héritière est un motif assez important, n'est-ce pas ?
Le blond se décala pour laisser les deux hommes regarder sa sœur qui attendait calmement derrière lui. Les gardes restèrent sans voix un instant qui sembla une éternité et, alors que Léarco se demandait s'ils n'avaient pas chacun fait un malaise, l'un d'entre eux bafouilla :
— Je-je-nous sommes désolés. Vous pouvez évidemment passer.
Léarco acquiesça doucement avant de passer entre les deux hommes, Sheireen sur ses talons, il retenait un sourire. Alors que sa sœur les suivait, il l'entendit dire aux soldats :
— Au fait, vous ne reconnaissez pas votre prince ?
S'en était trop pour le duo qui manqua que s'étouffer alors que le trio l'éloignait vers les grandes marches qui menaient au palais.
Ils les montèrent en silence, Sheireen laissant les deux blonds la dépasser. Les gardes suivants, qui avaient suivi la scène depuis leur poste, les laissèrent passer sans un mot, la tête baissée respectueusement tout en regardant avec curiosité l'elfe aux cheveux bleus.
— Elle est avec nous, disait simplement Léarco.
Les grandes portes furent tirées et les trois jeunes gens entrèrent dans l'immense hall. Léarco, qui avait pris la tête du groupe, ne s'arrêta pas ainsi Sheireen n'eut pas vraiment le temps de détailler le lieu. Elle ne put tout de même pas manquer le lustre aux centaines de bougies qui illuminait l'entrée et le grand tapis bleu qui recouvrait une partie du marbre blanc du sol avant qu'ils n'empruntent un grand couloir.
De grandes tapisseries et tableaux occupaient les murs, Sheireen avait d'ailleurs l'impression que les personnages peints les suivaient du regard. L'elfe ne se sentait pas à sa place dans ce palais alors même que les deux blonds arpentaient ses couloirs avec habitude et soulagement d'être de retour chez soi.
Bientôt, Sheireen remarqua qu'une certaine agitation se propageait dans le château.
Ils croisèrent de nombreux serviteurs et gardes qui les regardaient avec curiosité, certains semblaient même émus. L'héritière était de retour.
Enfin, le trio s'arrêta devant une grande porte, les soldats qui la surveillaient semblaient différents de ceux qui gardaient les portes. Leurs armures étaient de plus belle facture, leurs épées pendaient à leurs côtés dans un fourreau argenté et un insigne doré brillait sur leurs poitrines.
Ils ne semblèrent pas surpris de leur arrivée, probablement que la rumeur était arrivée avant eux, et poussèrent les battants.
Une tornade de tissus les accueillit, prenant les deux blonds dans ses bras. La reconnaissant, Sheireen s'agenouilla avec empressement.
La Reine ne la remarqua pas tout de suite, trop occupée à s'assurer que ses enfants allaient bien. Elle les fit s'assoir dans les grands fauteuils près de la cheminée puis enfin, demanda :
— Qui êtes-vous ?
— Elle est avec nous, s'empressait de dire Léarco.
— Ça ne me dit pas qui elle est.
Toujours un genou au sol, Sheireen ouvrit la bouche, mais Zalénia fut plus rapide :
— C'est une des chevaliers que tu as envoyés à mon secours, mère. Sans elle, je ne serais pas là.
— Relève-toi, ordonnait la Reine.
L'elfe obéissait en silence.
— Comment t'appelles-tu ?
— Sheireen, votre Majesté.
— Merci, Sheireen, de m'avoir ramené mes enfants.
Sheireen s'inclina doucement et ajouta :
— Je n'ai fait que mon devoir, votre Majesté.
— Vous me raconterez tout ça, demain... commença la Reine.
— Cela peut se faire maintenant, intervenait Léarco.
— Vous devez vous reposer.
— Ne vous inquiétez pas pour ça, mère. Nous sommes tout à fait aptes à suivre un compte rendu, affirmait Zalénia.
— Très bien.
Elle fit quelques pas pour rejoindre la porte, derrière attendaient toujours les deux soldats.
— Faites venir les futurs dragonniers, Rowenn et la générale Léonie.
Elle allait refermer quand une idée lui vint :
— Et demandez à quelqu'un de nous apporter de quoi boire.
De retour dans la pièce, la Reine s'installa derrière son bureau et fit signe à Sheireen de s'assoir en face d'elle. L'elfe obéissait et le silence s'installa.
Ils restèrent ainsi de longues minutes jusqu'à qu'un serviteur ne leur apporte quatre verres et une carafe de citronnade. Il leur servit leur boisson avant de quitter la salle. Sheireen attendit que la Reine ne boive avant de tremper ses lèvres dans le liquide sucré et acide.
Enfin, après ce qui sembla une éternité pour Sheireen, les autres arrivèrent. Oubliant les convenances, l'elfe se jeta sur son frère. Lorsqu'elle s'en écarta, Églantine l'attrapa à son tour. Sheireen remarqua alors l'absence de son bras, les magiciens n'avaient pas pu le sauver.
— Merci de m'avoir sauvé, Sheireen, disait la brune en relâchant son étreinte.
— Je suis si heureuse de te voir en pleine forme, lui souriait l'elfe.
Leur échange fut écourté par l'arrivée de Rowenn et de son apprenti. Tout le monde s'installa comme il put puis la générale Léonie fit son apparition. Et enfin, la réunion commença.
L'équipe de Kryss résuma très rapidement aux nouveaux venus comment ils avaient été capturés, puis Oma commença le récit des péripéties de son groupe. Sheireen expliqua comment elle s'était téléportée en Terre Verte pour trouver la fleur qui sauva Églantine sous les regards intrigués de l'assistance et Oma reprit son récit. De temps en temps, Léarco intervenait pour ajouter quelques éléments.
Enfin, ils arrivèrent au moment où ils retrouvèrent l'autre équipe en cellule à An Wesiri. Léarco prit le relais pour raconter le sauvetage de Zalénia et leur fuite. Il ne mentionna pas la mort d'Orestt, car Sheireen n'avait pas vraiment parlé du jeune homme jusque là et le blond ne voulait pas prendre l'initiative sans son accord.
— Je n'ai pas bien compris comment vous avez su où trouver Zalénia, commentait la Reine.
Léarco jeta un regard à Sheireen qui lui souriait avec tristesse avant de se lever pour prendre la parole :
— Nous avions quelqu'un d'infiltré sur place. Il ne faisait partie d'aucune des deux équipes et était entièrement libre de ses mouvements. Sans lui, nous n'aurions pas pu mener à bien cette mission.
— De qui s'agissait-il ? Où est-il maintenant ? demandait la générale.
— Il s'appelait Orestt et venait de la Terre Noire, ce n'était pas spécialement un soldat, mais il avait certaines capacités qui lui permettaient de s'infiltrer chez les Wesi. Son aide n'était pas prévue, mais elle nous a été très utile.
— Tu parles de lui au passé, fit remarquer Rowenn.
— Il est mort.
Le silence accueillit ses paroles alors que l'elfe se rasseyait. Sa Majesté se leva à son tour, regardant un à un les jeunes gens qui se tenaient devant elle. Finalement, cette mission n'était pas totalement un échec.
— Je tenais à vous remercier personnellement d'avoir sauvé ma fille. Sans vous, qui sait ce qu'il serait advenu d'elle.
Elle lança un regard à Zalénia puis enchaîna :
— J'ai le regret de vous annoncer que votre repos sera de courte durée. Vous allez être sacré dragonnier au plus vite et envoyé au front où vos talents sont plus que requis. Notre armée perd du terrain.
Certains des jeunes gens retinrent une exclamation. Ils n'étaient au courant de rien de ce qu'il se passait au front.
— J'espère que votre mission vous aura préparé à ce qu'il vous attend au front. Vous devrez utiliser l'art du combat, mais surtout la magie que vous a apprise Rowenn et la force de vos dragons.
Devant les visages inquiets des futurs dragonniers, la souveraine continua :
— Vous ne serez pas livré à vous-même, ne vous inquiétez pas. Vous serez sous les ordres de la commandante Kimiati. Elle vous apprendra tout ce qu'elle sait pour que vous puissiez un jour, vous aussi diriger des soldats.
— Aucune erreur ne sera tolérée, intervenait la générale Léonie. Car, certes, nous apprenons de nos erreurs, mais sur un champ de bataille, vos erreurs conduiront à la mort de soldats sous votre commandement.
Tous acquiescèrent en silence les visages graves.
— Vous pouvez aller vous reposer, les congédiait la Reine.
Les jeunes gens quittèrent la pièce, laissant la souveraine avec le chef des magiciens et la générale.
Dans les couloirs, ils restèrent bien silencieux, appréhendant la suite. Ils semblaient bien jeunes pour déjà apprendre à diriger des troupes sur le champ de bataille. Les huit futurs dragonniers étaient pourtant l'atout principal de l'armée de Zalia.
Zalénia et Léarco quittèrent le groupe à un embranchement de couloir pour rejoindre leurs chambres respectives et Sheireen demanda aux autres :
— Où dormez-vous ?
— Nous avons des chambres dans le château, il doit certainement y avoir une pour toi aussi, lui répondait Oma.
Ils montèrent alors dans les étages du palais, se déplaçant dans les couloirs labyrinthiques. Enfin, ils arrivèrent dans une nouvelle aile du château et chacun rejoignit une chambre. Il en restait pourtant encore plusieurs et Sheireen put s'installer tranquillement. La Reine avait dit qu'ils seraient bientôt sacré dragonnier, mais l'elfe comptait bien dormir le plus possible avant, car une fois au front, elle n'aurait plus ce luxe.
Ainsi, elle ne prit pas le temps d'explorer la pièce et s'affala sur le lit moelleux avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.
Malgré le repos qu'elle avait pris dans le village de sa mère, Sheireen dormit presque une journée entière. À son réveil, on lui annonça que le sacrement aurait lieu le lendemain avant leur départ.
L'elfe décida donc de se balader dans Liodas pour sa dernière soirée à la capitale. Cette dernière était très animée due au retour de leur héritière. Une fête allait surement être organisée d'ici peu, mais les dragonniers ne pourraient pas y participer.
La guerrière marcha sans vraiment de but, appréciant les festivités qui se déroulaient autour d'elle. Sur le retour vers le palais, elle passa devant la tour des magiciens. Dans la cour arrière, elle entendait quelqu'un s'entrainer à l'épée. Intriguée, Sheireen entra dans la tour pour ressortir de l'autre côté.
C'était Églantine. Elle était seule contre un mannequin en paille.
La brune attaqua plusieurs fois, puis s'arrêta pour essuyer la sueur qui coulait sur son visage. Alors, elle remarqua l'elfe qui l'observait.
— Tu m'as fait peur, disait-elle en rangeant le morceau de tissu.
— Comment ça va ? demandait Sheireen.
— Ça va.
Elle reprenait son arme en main.
— Ça a été dur, mais maintenant ça va.
— Je suis vraiment désolé.
— Tu n'as pas à l'être, tu m'as sauvé la vie, Sheireen.
— Mais, ton bras...
— Au début, j'ai cru que c'était la fin. Que je ne serais pas dragonnière, qu'ils reprendraient mon dragon, tu sais. Mais, j'ai fini par me décider. Je ne me laisserais pas faire. Je pense que c'est un peu grâce à Sévrar, il venait tous les jours me voir et il essayait de me sortir de mon lit. Et je me suis entrainé.
Elle regarda sa lame avant de regarder son amie.
— Tu veux voir ?
— Comment ça ?
Églantine souriante tendit le bras, pointant Sheireen de la pointe de son épée.
— Un petit combat, comme au bon vieux temps, ça te dit ?
— Avec plaisir.
L'elfe dégaina l'épée qu'elle avait à sa ceinture. Ce n'était plus la lame de son père, car elle l'avait perdu lors de sa capture en Wesiria, mais celle qu'Orestt avait volée à la Wesi aux yeux violets comme elle.
Elles combattirent jusqu'à ce que le soleil se couche. Églantine prouvant avec brio à Sheireen qu'elle maitrisait son arme comme avant, voir même mieux.
Essoufflées et transpirantes, elles rentrèrent au palais ensemble avant de se séparer pour rejoindre leur chambre respective.
La nuit passa si vite que lorsqu'on toqua à sa porte, Sheireen sursauta. Il faisait encore nuit dehors, mais il fallait se préparer pour la cérémonie.
Une écuyère entra dans sa chambre avec une armure neuve en métal sombre. Elle l'aida à l'enfiler, lui expliquant comment elle devrait faire quand elle serait seule, puis lui tendit sa lame. Sheireen la glissa à sa ceinture avec un peu d'émotion. Elle aurait aimé faire ça avec l'épée de son père.
La femme la guida ensuite dans jusqu'à une salle où attendait déjà Léarco et Oma. Tous avaient revêtu une armure neuve, chacune d'un métal aux reflets étranges. Celle du blond, à la lumière, révélait du doré tandis que celle d'Oma semblait piquée de vert émeraude, ce qui faisait ressortir sa chevelure rousse.
Bientôt, les autres les rejoignirent. Dehors, l'aube approchait, colorant le ciel de rose à l'est, vers le front.
Enfin, on les guida jusqu'à la salle du trône.
Les huit soldats entrèrent les uns derrière les autres au rythme des tambours. Ils avancèrent jusqu'aux six marches, représentant les six Terres de Zalia, qui menaient au trône et se placèrent en ligne devant la Reine, puis s'agenouillèrent. Les percussions retentirent encore quelques instants avant de s'arrêter lorsque la souveraine se leva.
Du coin de l'œil, Sheireen observa la salle. Elle était exactement comme l'elfe se l'était imaginé, démesurément grande et très lumineuse. Sous son genou posé au sol, la guerrière sentait la fraîcheur du marbre blanc veiné d'argent. Ce dernier reflétait la lumière du lever de soleil qui entrait par l'immense fenêtre derrière le trône en marbre noir, mais n'en absorbait pas sa chaleur.
Les bannières des différentes Terres avaient été accrochées sur les murs, au-dessus des gens de la cour présents pour la cérémonie.
— Nous sommes réunis aujourd'hui pour faire dragonniers ces huit soldats. Il y a peu, je les aurais nommés apprentis, mais ils ont démontré qu'ils n'en étaient plus en ramenant ma fille à Liodas. Ils ont aussi prouvé qu'ils étaient dignes de porter l'insigne des dragonniers aux côté des couleurs de Zalia.
La souveraine fit un signe à la générale Léonie qui approcha avec une grande épée sur un coussin. La Reine attrapa l'arme et descendit les six marches, sa robe bleu foncé glissant sur le marbre sans un bruit.
Elle s'approcha de Kryss et lui demanda de relever la tête. Le garçon obéissait, prononçait ses vœux et la monarque abattit six fois le plat de sa lame sur l'épaule droite du jeune homme.
Ensuite, ce fut le tour de Swan, puis de Kala, d'Oma et de Léarco qui se tenait juste à la droite de Sheireen.
— Relève la tête, ordonnait enfin la Reine à l'elfe.
Sheireen obéissait et la souveraine continua :
— Jures-tu, sous le regard des dieux et des hommes, de défendre et de protéger avec ton épée le peuple de Zalia, de lutter contre l'injustice et le mal, de ne jamais fuir et d'être brave, d'accomplir toute tâche qui te sera demandée en mon nom, aussi périlleuse qu'elle puisse être ?
— Oui, je le jure.
Le métal de la lame de cérémonie se posa doucement six fois sur son armure pour chaque Terre qu'elle avait juré de protéger.
— Relève-toi, Sheireen de la Terre Verte, dragonnière de Zalia. Que le vent souffle toujours sous les ailes de ton dragon et que ton épée soit toujours guidée par le bien.
Fière, l'elfe se levait et la cour applaudit alors que la Reine passait à Seth, puis à Églantine.
Lorsqu'ils furent tous debout et officiellement dragonniers, les tambours reprirent de plus belle sous les acclamations des spectateurs. Les huit guerriers sortirent de la salle du trône puis du palais pour découvrir leurs dragons attendant dans la cour.
Une femme aussi rousse qu'Oma attendait sur un gros dragon orange. Son armure grise semblait avoir vu de nombreuses batailles, mais brillait toujours sous le soleil.
Elle sauta de la croupe du reptile et vint les accueillir avec un grand sourire.
— Enchantée, nouveaux dragonniers. Je suis Kimiati, votre commande pour les mois à venir. J'espère que vous êtes près, parce que nous partons tout de suite. Montez sur vos dragons, nous partons pour le front.
Sheireen courut presque pour rejoindre Orion qu'elle n'avait pas vu depuis son départ en mission. Elle remarqua qu'on l'avait déjà scellé et que deux sacs avaient été ajoutés à ses équipements.
— Je suis si heureuse de te voir, Orion. J'espère que je ne t'ai pas trop fait attendre.
« Moi aussi, Sheireen. Je savais que tu reviendrais. » lui répondait le dragon.
L'elfe monta sur son dos avec dextérité malgré son armure et lorsque tous furent installés, sous le regard de la cour et de Sa Majesté, ils s'envolèrent.
~¤*§ à suivre §*¤~
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