Chapitre 28 : Prisonniers

Maraxès planait doucement vers le château lorsqu'une immense ombre sortit de sous terre. D'un bleu si sombre qu'il se rapprochait du noir, le dragon s'éleva en quelques battements d'ailes au-dessus de la ville. Deux autres suivaient, l'un gris, l'autre marron.

« Les Sharaka sont de sortie. » commentait Kira.

Les reptiles faisaient bien quatre fois la taille de la dragonne mauve, dessus les dirigeants du royaume paraissaient si petits que cela en devenait presque ridicule, mais cela, personne n'aurait osé leur dire.

Avec de si grandes ailes, ils eurent traversé An Wesiri en quelques instants avant de s'éloigner vers le sud.

« Ils vont surement à An Wesiri. » disait Maraxès.

Et elles continuèrent leur route vers les sous-sols du palais pour se reposer. Une fois assez proche, la dragonne piqua vers le bas pour rentrer sous terre et quelques instants après, Neik et son propre dragon les avaient rejoints.

— Il va falloir être vigilant, lâchait le Wesi en sautant de sa monture. En l'absence des Sharaka, il pourrait y avoir du grabuge.

— Tu penses ? demandait Kira.

— On ne sait jamais, certains pourraient saisir leur chance.

La brune haussait les épaules. Mais soudain, elle pensa à Orestt qui rôdait peut-être encore dans le château, peut-être allait-il passer à l'action ?

Neik bâilla fort en ajoutant :

— En tout cas, ce n'est plus notre problème jusqu'à ce soir. Bonne journée.

Et il disparut dans l'escalier montant vers le palais.

« Tu vas aller voir Ezékiel ? » demandait Maraxès dans son esprit.

« Oui, je lui ai promis de l'aider. Je ne sais pas encore comment, cela dit. »

La dragonne lui donna un petit coup de tête sur le dos, l'encourageant à aller de l'avant. Puis elle rentra dans sa caverne, crachant une gerbe de flammes pour réchauffer le sol avant de s'y allonger.

Kira s'engagea à son tour dans les escaliers. Une fois encore, elle arpenta les couloirs jusqu'à rejoindre le cabinet du guérisseur. Ce dernier lui indiqua qu'Ezékiel avait été installé dans une chambre dans la même aile qu'elle. Ainsi repartait-elle d'un pas décidé vers l'endroit indiqué.

Elle s'arrêta devant une porte en bois similaire à celle de sa propre chambre, prit une grande inspiration et toqua.

— Entrer.

La jeune femme s'exécuta en refermant derrière elle. Le brun, assis sur son lit, semblait attendre qu'elle s'annonce, ne pouvant voir qui était entré. Instinctivement, Kira claqua deux fois de la langue.

— Oh, c'est toi Kira.

Il se décala pour faire de la place à son amie qui s'installa à ses côtés, le silence avec elle. Ils restèrent ainsi longuement, sans tenter quoique ce soit. Puis Kira prit les devants et attrapant la main du garçon.

Ce dernier sursauta avant de comprendre ce qu'elle essayait de faire. Avec ses doigts, la jeune femme traçait des lettres dans sa paume. Il se mit à les dire à voix haute et lorsqu'il se trompait, Kira claquait deux fois de la langue pour « non ».

Il était difficile pour Ezékiel d'arriver à reconstruire les mots après les avoir épelés, mais, après plusieurs répétitions, il finit par arriver à cette phrase :

— Je ne peux pas t'aider à reprendre l'épée si nous ne nous comprenons pas.

— Tu as raison. Mais sans toi, je vais surement rester dans cette pièce pour toujours à me lamenter sur mon sort. Sans ton aide, je n'y arriverais pas. Je suis désolé, Kira, mais je vais m'accrocher à toi comme un homme qui se noie.

Il fit une pause et Kira s'apprêta à répondre, mais il ajouta :

— Je veux juste que tu me promettes de m'abandonner si tu es entrainé vers le fond avec moi.

Le silence ne fut brisé que par un claquement langue signifiant une approbation de la part de Kira. Elle aurait voulu lui dire que quoi qu'il pût arriver, elle ne se noierait pas, car elle savait maintenant nager dans ce château, mais leur moyen de communication était encore trop rudimentaire.

— Nous devons créer notre propre langage, épelait-elle patiemment.

— Oui, mais comment ?

— Rappelle-toi ce qu'a dit le guérisseur.

— Il a parlé de tapotements, de sifflements, de claquements et du toucher, ce que tu utilises maintenant. Mais ce n'est pas pratique si tu dois toujours être collé à moi pour que je te comprenne. Et puis c'est lent. Même avec de l'entrainement, il faut que tu traces chaque lettre, une à une.

Un claquement de langue lui répondait.

— Il faudrait que nous établissions une sorte de code. Tu as déjà, un claquement pour oui, deux claquements pour non.

Nouveau claquement.

— Les soldats qui gardent nos frontières utilisent le feu pour communiquer à distance. Évidemment, je ne dis pas que nous devrions faire ça, je ne peux pas voir. Mais ils utilisent un code à base temps où la lumière des flammes est obstruée ou non. Nous pourrions adapter ça.

— Je sais siffler, dessinait Kira.

— Nous pourrions mélanger des claquements et des sifflements. Les premiers sont courts et secs, les seconds peuvent durer plus longtemps. Ça pourrait le faire !

Son enthousiasme se propagea à la chevalière qui souriait devant la mine réjouie d'Ezékiel. Il semblait reprendre espoir. Pourtant, ils n'avaient pas encore discuté de comment faire pour qu'il puisse utiliser une épée de nouveau. Mais pour Kira, il était encore trop tôt.

Soudain, une idée lui vint, elle dessina les mots « recherches » et « bibliothèque » dans la paume de son ami et ce dernier demanda :

— Tu as accès à la bibliothèque ?

Un claquement positif lui répondit et il enchaina :

— Alors, tu as raison, tu pourrais y trouver des informations de comment fonctionne le code des gardes-frontière et peut-être même d'autres idées.

Elle allait acquiescer de nouveau, mais ne put retenir un bâillement.

— Tu devrais aller te coucher.

Un deuxième bâillement vint appuyer la remarque du brun qui retint un rire. Kira lâchait alors sa main et sifflait un coup pour lui dire au revoir avant de claquer la porte derrière elle.

Le soleil était maintenant bien levé et les couloirs commençaient à se remplir. Sa chambre n'était pas loin, mais sur le chemin, elle croisa deux gardes qui discutaient :

— ... encore des Zaléniens. Et cette fois, ils ont été capturés sur les rives de l'Orka, près des montagnes.

— Ils viennent vraiment de tous les côtés ! s'exclamait l'autre. Bientôt, nous allons en repêcher dans la mer de l'est.

Ils rirent ensemble en s'éloignant de Kira qui avait ralenti. Un nouvel arrivage de prisonniers, alors même que les Sharaka venaient de partir, étrange coïncidence. Elle se demanda alors ce qu'il était advenu des précédents Zaléniens capturés.

Malgré la fatigue, ses pas l'amenèrent jusqu'à l'escalier des cachots. Elle fit un signe au soldat qui en gardait la porte, mais ce dernier ne répondit pas. La brune haussa les épaules et lui passa à côtés. C'est alors qu'elle remarqua qu'il était appuyé étrangement sur sa lance. Elle se rapprocha doucement de son visage et découvrit qu'il dormait.

Elle fronça les sourcils, quand les Sharaka ne sont pas là, les souris dorment.

Évidemment, elle se demanda si elle ne ferait pas mieux de le réveiller, mais il dormait si profondément qu'après quelques tapotements sur la joue, elle abandonna. Après tout, pour dormir debout, il fallait être vraiment fatigué.

Elle passa la porte et descendit avec précaution les marches qui s'enfonçaient sous terre. Elle avait comme un mauvais pressentiment, et lorsqu'une voix monta jusqu'à elle, elle se figea.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je passais dans le coin, lui répondait quelqu'un d'autre.

Il y eut un silence pendant lequel Kira retint sa respiration. Elle avait reconnu la deuxième voix.

— Vous avez continué alors, continuait-il.

C'était plus une observation qu'une question.

— La montagne ne nous a pas épargnées, disait l'autre. Il s'est passé beaucoup de choses depuis la Terre Noire.

Kira s'avança avec précautions, descendant les dernières marches pour lancer un regard vers les cellules. Orestt se tenait nonchalamment contre les barreaux en métal qui le séparait des prisonniers. Tous semblaient endormis ou inconscients sauf une elfe aux cheveux bleus se tenant droite devant le brun.

— Bon, tu comptes rester enfermer encore longtemps ? ricanait le jeune homme. Le chemin a été long, mais ne le fait pas durer plus longtemps.

— Tu penses bien que si je pouvais sortir, je l'aurais déjà fait, répondait sèchement l'elfe.

Elle tendait les bras dans un cliquetis, mettant en évidence les chaines qui lui enserraient les poignets avant de continuer :

— Impossible de me téléporter ou même de faire fondre ses barreaux avec ça.

— Parce que tu sais faire ça toi ?

Son ton provocateur fit froncer les sourcils de l'elfe pourtant elle sembla décider de l'ignorer. Probablement ne voulait-elle pas risquer qu'il s'en aille sans leur ouvrir la porte.

— Bon ! faisait Orestt en tapant dans ses mains. Vous chercher une blonde n'est-ce pas ?

— Comment tu sais ça ?

Kira étirait d'autant plus son corps vers la conversation, risquant de se faire voir. Elle aurait dû aller sonner l'alerte, mais sa curiosité sur la blonde était bien plus forte.

— Votre petite mission n'est pas si secrète que ça, grimaçait-il.

— Comment ça ?

— J'ai mes sources. Et les Wesi semblent avoir les leurs aussi pour réussir à vous capturer aussi facilement. Bref !

Il se décolla des barreaux pour glisser une main dans une de ses nombreuses poches. Il en sortit un lourd trousseau de clés qu'il fit cliqueter avec un grand sourire. Kira remarqua alors assis par terre, dans un coin un autre garde. Il dormait profondément lui aussi.

L'elfe s'était mise à secouer ses camarades pour les réveiller. Un à un, ils se levèrent prêts à sortir, alors, Kira se décida à remonter les marches.

— Alors ? Tu nous ouvres ? demandait l'elfe.

— Juste un petit détail à régler avant.

Kira faillit perdre l'équilibre et tomber en arrière dans les escaliers lorsqu'Orestt apparut deux marches au-dessus d'elle.

— Eh bien, alors, tu t'en vas déjà ? demandait-il.

Évidemment, la Wesi ne répondait pas, attrapant la garde de son épée, prête à se battre.

— Tu es sûre de vouloir faire ça ?

Et en un instant, il était sur elle. Un tissu imbibé d'une odeur immonde se plaqua contre son nez, lui faisant très vite tourner la tête. Elle n'arrivait plus à se concentrer et ses yeux n'étaient plus attirés que par l'anneau argenté que le jeune homme portait sur sa main si proche de son visage. Lorsqu'il retira le bout de tissus, les jambes de Kira devinrent faibles, jusqu'à finalement ne plus la porter. Il la retint pour la faire assoir sur une marche.

— Désolé.

Il se pencha et fit glisser l'épée de la Wesi hors de son fourreau puis disparue et la jeune femme l'entendit ouvrir la porte de la cellule. Elle le vit réapparaitre alors qu'elle luttait pour que ses yeux ne se ferment pas. L'elfe arriva aussi en se massant les poignets. Leurs regards se croisèrent et alors que Kira s'endormait pour de bon, elle pensa :

« Peut-être était-ce de cette amie qu'il parlait, avec ses yeux violets si similaires aux miens. »

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