Chapitre 23 : Trahison

Toc-toc, faisait la main de Sévrar contre le battant de bois. Les bras chargés, il attendit qu'on l'autorise à entrer, mais rien ne vint et il frappa de nouveau, plus fort, tout en rééquilibrant les livres en se penchant en arrière.

Toujours rien.

— Églantine c'est moi, disait-il. Je peux entrer ?

Pas de réponse, l'elfe poussa la porte. La petite chambre était vide, du moins à première vue. En y regardant de plus près, on pouvait remarquer une boule sous les draps. Il déposa ses affaires sur la petite table proche de la porte et s'installa sur son habituel fauteuil.

— Bonjour, comment vas-tu aujourd'hui ?

Depuis leur petite sortie, la jeune femme ne voulait plus sortir de son lit alors même qu'elle avait semblé reprendre des couleurs et de l'énergie durant ce petit temps dehors. Sévrar n'arrivait pas à comprendre pourquoi l'humeur de son amie était retombée au plus bas.

Pourtant, il continuait de venir chaque soir après ses journées d'étude pour lui apporter de la compagnie. Aujourd'hui, elle ne semblait même pas vouloir sortir la tête des draps.

— Je n'ai pas eu le temps de passer reposer mes livres à la bibliothèque. Je ne voulais pas arriver ici en retard, racontait-il.

Seul un léger bruit de respiration venait du lit, mais Sévrar savait qu'elle écoutait. Ainsi enchainait-il sur quelques anecdotes de sa journée.

Il resta jusqu'à ce que le soleil se soit couché et qu'un serviteur apparaisse avec la nourriture d'Églantine. En quittant la pièce, il lança :

— Peut-être que l'on pourrait faire un tour demain, qu'est-ce que tu en penses ?

Le roux ne s'attendait pas vraiment à une réponse, mais alors qu'il allait refermer la porte derrière lui, la voix de la jeune femme s'éleva :

— Je ne sortirais plus jamais de cette tour.

Un frisson parcourra l'échine du mage et sans vraiment réfléchir, ses mots voltigèrent vers la boule de draps et se glissèrent dans les oreilles de son amie pour l'apaiser et surtout, lui redonner espoir.

Il claqua la porte un peu trop fort et marcha à grands pas vers sa chambre, manquant de faire tomber ses livres. Qu'avait-il fait ? Il n'avait pas le droit de jouer ainsi avec les émotions des gens sans leur autorisation. Pourtant, devant la détresse de son amie, il n'avait pu s'empêcher de s'en mêler.

Si Rowenn l'apprenait... Non, il n'y avait aucune raison que le magicien le sache. Églantine allait seulement juste un peu mieux dormir et peut-être même réussir à sortir de son lit le lendemain. Sévrar avait dosé ses mots et son énergie.

Et il ne recommencerait plus.

Pourtant, à l'aube, alors que le roux prenait un thé pour se réveiller, un bruit de métal venant de la cour attira son attention. Il ouvrit la fenêtre la plus proche et se pencha pour apercevoir l'origine du remue-ménage.

Habillée de son plastron, Églantine s'appliquait à détruire à coup d'épée un épouvantail grossièrement confectionné. Alors, Sévrar sut qu'il n'avait pas bien dosé.

Il enfila une cape et dégringola plus que descendit les marches jusqu'au rez-de-chaussée avant de sortir dans l'air frais du matin. De plus près, les coups de la jeune femme semblaient hasardeux et malhabiles, ce qui était compréhensible sachant qu'elle maniait habituellement son arme de la main droite. De plus, son plastron n'était plus du tout adapté à son corps et ne cessait de glisser du côté du bras manquant.

— Églantine ?

Elle s'arrêta pour se tourner vers lui. Les joues rougies par le froid et l'effort, elle lui souriait doucement.

— Bonjour, Sévrar. Je ne sais pas ce que j'ai, mais je me sentais d'attaque pour un peu d'exercice ce matin.

L'apprenti magicien retint une grimace et lui répondait :

— Je vois ça, et tu es même plus matinale que moi !

— J'espère que je ne fais pas trop de bruit. C'est à cause de cette foutue armure et puis, je ne suis pas gauchère, mes coups sont moins précis.

— Ne t'inquiète pas, la plupart des mages sont réveillés à cette heure-ci. Peut-être que tu pourrais voir un armurier pour ton armure ?

Elle acquiesça doucement avant de se remettre en position. Sévrar se mit à l'observer. Ses jambes n'étaient jamais immobiles et le haut de son corps semblait en permanence compenser une sorte de déséquilibre dût à l'absence de son bras droit. Elle paraissait si frêle et elle s'en rendait compte. Il la voyait se retenir de s'énerver face à l'imprécision et l'absence de force de ses coups.

Il se rendit alors compte de l'entrainement que les dragonniers avaient dû subir avant de partir en mission et combien il allait être dur pour Églantine de se remettre en forme. Car même si elle ne retournait pas en mission, elle restait une soldate et devrait rejoindre au plus vite le front. Du moins, c'est surement ce qu'elle se disait.

Il hésita à lui dire de se ménager, après tout, elle reprenait à peine l'exercice, mais il se ravisa. Elle le savait surement et n'aimerait probablement pas qu'il le lui rappelle. Ainsi, après l'avoir regardé encore quelques instants, il retourna à l'intérieur de la tour en se demandant comment Rowenn n'allait pas pouvoir remarquer le changement d'attitude soudain d'Églantine.

Peu importe, maintenant, il était trop tard. Et puis cela lui faisait si plaisir de la voir sourire et reprendre courage qu'il était prêt à en assumer les conséquences.

L'apprenti rejoignit donc la salle d'étude avec ses quelques livres et essaya de chasser Églantine de son esprit. C'était sans compter sur ses coups d'épée qui s'entendait jusque-là.

La tête entre les mains, le roux relisait pour la quatrième fois la même formule s'en arriver à ses concentrer assez pour la comprendre lorsque Rowenn débarqua dans la salle.

— Sévrar, suis-moi.

L'apprenti obéissait, se levant brusquement et sortait de la pièce en se demandant de quelle manière il allait être puni. Était-ce possible que cela lui vaille un renvoi ? Rowenn ne l'avait jamais réprimandé. Il y avait bien une première à tout, se disait l'elfe en arrivant dans le bureau de son professeur.

Quelqu'un d'autre l'y attendait. Et, lorsqu'il l'eut reconnu, Sévrar comprit qu'il y avait plus grave que sa bêtise.

— Pourquoi avoir amené ton apprenti ? demandait celle qui dirigeait les entrainements des nouveaux soldats.

— Je ne veux pas qu'il apprenne seulement la magie, je veux aussi qu'il puisse un jour me succéder. Il faut donc bien qu'il sache comment se passe chacun de mes rendez-vous.

L'apprenti eut grandement du mal à cacher son étonnement. Ainsi le chef des magiciens voyait en lui son successeur ? Sa bêtise semblait si stupide maintenant.

— Ce n'est pas un rendez-vous, Rowenn, disait sèchement la femme. J'apporte de mauvaises nouvelles.

Le chauve retint un soupir et s'asseyait derrière son bureau, montrant le siège en face de lui à son interlocutrice. Comme une plante verte, le roux restait debout contre un des murs, écoutant et se faisant le plus petit possible.

— Je t'écoute, Léonie.

— L'une des équipes de dragonniers a été capturée, lâcha-t-elle de but en blanc.

— Effectivement, c'est une mauvaise nouvelle, répondait calmement le mage. De quelle équipe s'agit-il ? Celle du sud ou celle de l'est ?

Sévrar retint inconsciemment sa respiration, si c'était l'équipe d'Églantine, tous ses efforts pour lui redonner espoir seraient réduits à néant. Rowenn pensait surement plus à l'aura noire qui serait alors aux mains de l'ennemi.

— Celle de l'est.

L'air entra de nouveau dans les poumons de l'elfe. Pourtant l'inquiétude ne l'avait pas quitté, qu'allait-il advenir de ces jeunes gens ?

— Ils ont été cueillis dès leur sortie de Maranwë, continuait la blonde.

— Comment savez-vous tout ça ?

— L'un des dragonniers a envoyé un message télépathique à son père. Il a dû paniquer et c'est la seule personne qui lui soit venue à l'esprit.

— Est-on sûr de l'information ?

— On ne peut plus sûr. Mais...

— Mais tu voudrais que je tente de contacter l'un d'entre eux pour être sûr.

L'autre acquiesça et au bout d'un long moment de silence sans aucune indication extérieure, il lâcha :

— Aucune réponse.

La femme souffla, comme elle se le doutait, ils venaient de perdre la moitié de leurs sauveteurs et de leurs dragonniers par la même occasion.

— Cette mission était une mauvaise idée, marmonait-elle.

— Ils ne sont peut-être pas morts, disait Rowenn. Que disait le message ?

— Qu'ils ont été attaqués à la sortie de Maranwë et qu'il y avait un traitre parmi nos rangs. Rien de plus à part qu'il disait adieu à son père.

Il y eut un moment de silence qui sembla durer une éternité à Sévrar.

— Ne perdons pas espoir. Il reste l'autre équipe.

— Ils ne sont plus que quatre.

— C'est déjà ça. Et puis peut-être qu'en cherchant la princesse, ils découvriront ce qui est arrivé à l'autre équipe.

L'autre acquiesça sans conviction avant de se lever. Elle fit un signe de tête au mage, ignora le rouquin et sortit.

Rowenn souffla bruyamment une fois seul avec Sévrar.

— Assis toi.

L'elfe prit la place de la blonde en silence.

— Qu'en penses-tu ?

— Je pense que les dragonniers n'étaient pas assez préparés.

— Tu as raison. Nous nous retrouvons avec cinq disparus et une blessée. Alors même qu'ils n'étaient qu'à peine arrivés en Wesiria, voir même pas du tout pour Églantine. Mais ce qui me préoccupe le plus, c'est cette histoire de traitre.

— Les deux équipes ont été attaquées, faisait remarquer Sévrar.

— Le ou la traitre est donc quelqu'un qui sait l'itinéraire des deux équipes. Le nombre de personnes connaissant l'existence de cette mission est déjà très limité, mais ceux connaissant les itinéraires se comptent sur les doigts d'une main.

— Sa Majesté, Madame Léonie, le Roi certainement, vous et moi.

— Et les dragonniers.

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