Chapitre 15 : Entrainement

— Alors ? demandait immédiatement Seth lorsque Sheireen réapparut sans leur amie.

— Les magiciens s'en occupent. Tout devrait s'arranger maintenant.

Tous semblèrent respirer mieux tout à coup, comme s'ils avaient retenu leur souffle durant son absence, voire depuis la blessure d'Églantine. Seth se rassit et Sheireen remarqua leur fatigue. Oma se frottait les yeux, retenant des bâillements, Léarco paraissait tendu comme la corde d'un arc.

— Nous ne pouvons pas reprendre la route. Il faut nous reposer, au moins quelques heures, disait-elle avec autorité.

Tous acquiescèrent avant de s'allonger, Sheireen semblait avoir été nommée d'office pour le premier tour de garde. Avec un petit sourire, l'elfe s'assit près du feu.

L'herbe craqua sous ses fesses, la mousse était sèche et morte. Soudain, elle remarqua les feuilles des arbres au sol, l'absence de plantes luminescentes, toutes ratatinées. Sheireen leva les yeux, regardant les branches des arbres que lui laissait voir la lumière des flammes. Elles étaient nues, comme si un hiver brutal avait soufflé sur leur clairière.

Ainsi réalisa-t-elle pourquoi elle ne se sentait pas si fatiguée, instinctivement, elle avait absorbé, volé l'énergie de ce qui l'entourait. Cela avait-il touché ses amis ? Rowenn lui avait parlé de cette capacité. Il fallait qu'elle fasse plus attention.

L'elfe laissa ses camarades dormir quelques heures, puis elle fit à manger, réveillant leur estomac avant leur tête. L'odeur des lapins qui leur restaient les tira du lit.

Après s'être rempli le ventre, ils plièrent bagage et dirent adieu à cette clairière pleine de mauvais souvenirs. Ils reprenaient leur mission, laissant derrière eux une amie.

Les uns derrière les autres, ils continuèrent à longer la frontière entre la Terre Noire et la Terre Rouge, transpirant sous leur équipement de cuir et de tissus. Ils ne savaient plus quand était le jour et quand était la nuit, ainsi dormaient-ils lorsqu'ils en ressentaient le besoin. L'incident avec les Wesi et la blessure d'Églantine leur avait fait perdre leurs repères.

Les clairières où ils s'arrêtaient se ressemblaient toutes, et un soir, alors que tous dormaient et que Sheireen surveillait, un bruit dans les fourrés attira son attention.

Abandonnant son poste près du feu, elle se dirigea vers la source des bruissements, pénétrant entre les arbres. Ses pas seulement illuminés par les plantes et les lucioles, l'elfe avançait à pas de loup. Tous ses sens en alerte et la main sur la garde de son épée.

Soudain, une ombre sauta d'un arbre devant elle. Sheireen dégaina prête à tout.

— Du calme, ce n'est que moi, disait une voix familière.

— Orestt ? demandait-elle en baissant sa lame.

Le jeune homme s'avança, révélant son visage pâle et son demi-sourire.

— Qu'est-ce que tu fais là ? lançait Sheireen sur ses gardes.

— Je m'ennuyais sur la Terre Verte, je me suis dit qu'il pourrait y avoir plus d'action ici.

Il tournait autour de l'elfe avec nonchalance, comme s'il jaugeait sa capacité à le sortir de son ennui.

— Tu ne dois pas nous suivre, nous sommes en mission.

— Je pourrais t'apprendre des choses, tu n'as pas l'air très expérimenté, disait Orestt en l'ignorant.

Il avait piqué l'intérêt de l'elfe, mais cette dernière fit tout pour ne pas le montrer, probablement en vain.

— Tu pourrais te téléporter, non plus que vers les endroits que tu as déjà visités, mais aussi les endroits que tu vois, continuait-il. Comme moi.

Il lui fit une démonstration, apparaissant un peu partout autour d'elle, même dans un arbre.

— D'accord, soufflait-elle. Mais tu ne dois pas nous suivre au-delà de la Terre Noire, une fois arrivée aux grandes montagnes, tu devras nous laisser.

— Ça ne nous laisse que peu de temps, mais soit.

— Il ne faut pas que les autres te voient.

— Ça fait beaucoup de conditions, ricanait-il.

Devant l'air sérieux de Sheireen, Orestt reprit :

— Nous ferons ça pendant tes tours de garde et les moments où tu pars chasser, ça te va ?

L'elfe acquiesça et il disparut.

Sheireen retourna au campement, ses camarades dormaient profondément et n'avaient pas remarqué son absence. Bientôt, elle laissa sa place à Léarco à côté du feu.

~

— Marche avec moi, disait le brun.

Sheireen obéissait, ne voyant pourtant pas comment cela pouvait bien l'aider. Dès leur premier cours, Orestt lui avait seulement demandé de se téléporter aux endroits qu'il désignait du doigt. Évidemment, l'elfe n'y était pas parvenu. C'était comme ci, tout son corps restait bloqué contre une barrière invisible.

— La barrière dont tu me parles, elle n'existe pas, expliquait-il avec aplomb.

Le visage du jeune homme semblait encore plus pâle sous la lumière de la végétation. On aurait presque dit un fantôme, effet renforcé par ses orbites creuses et cernées.

— C'est toi qui t'imposes cette limite, car on t'a dit qu'il n'était possible de se téléporter qu'aux endroits déjà visités, continuait Orestt. Pourtant, tu dois bien te douter que tu ne te souviens jamais précisément où tu te tenais dans le moindre lieu.

Sheireen acquiesçait doucement, attentive.

— Et bien, là, c'est pareil. Tu es entre ces arbres, tu peux les voir, en tournant la tête, en faisant quelques pas, tu peux en voir d'autres et changer d'angle. Tout ce terrain, si tu venais à revenir ici en te téléportant, ferait partie de la zone dans laquelle tu apparaitrais.

— Donc pourquoi ne pas déjà pouvoir me déplacer à l'intérieur.

— Exactement.

L'elfe commençait à comprendre la logique, mais doutait encore d'y parvenir. Orestt dû le remarquer, car il enchaina :

— On peut commencer par un petit exercice. On continue de marcher, mais de temps en temps, je voudrais qu'à la place d'avancer un pied, tu te téléportes. Peu importe que ce soit de quelques brins d'herbe, ce sera déjà un début.

Sheireen s'exécuta. Ils marchaient tout droit entre les troncs, s'éloignant de plus en plus du campement. L'elfe essayait de ne pas y penser, elle pouvait y être en une fraction de seconde s'il le fallait, mais l'ombre de l'attaque qu'ils avaient subie planait toujours dans son esprit. Que se passerait-il si elle n'entendait pas le danger ?

— Faisons une boucle, imposait-elle alors. Je ne dois pas trop m'éloigner.

Le brun ne disait rien, trop occupé à suivre les mouvements de son élève. Orestt pouvait sentir les fluctuations de son aura, mais malgré ses efforts, Sheireen ne bougeait qu'avec ses pieds.

Ils marchèrent ainsi quelque temps, empruntant toujours un chemin différent et zigzaguant dans les bois, jusqu'à ce que l'elfe mette fin à la séance.

— Je n'arriverai à rien aujourd'hui. Je dois les rejoindre.

— À demain, répondait-il simplement.

Et, elle s'en alla, le poids du regard de son professeur d'infortune dans le dos.

Pourtant, alors que les montagnes s'approchaient et que ses efforts commençaient à porter leurs fruits, Sheireen se surprit à apprécier la présence du jeune homme. Il ne parlait pas beaucoup tout en lui en apprenant tellement sur son aura.

— Arrives-tu a choisir à quoi tu absorbes de l'énergie lorsque tu en as besoin ? demandait-elle un soir.

— Relativement, mais il m'arrive de faire de gros dégâts sur la végétation, grimaçait-il. Je suppose que ça doit être une question de concentration, pas d'automatisme.

— J'ai épuisé mes amis par inadvertance, j'aimerais que ça n'arrive plus.

Elle fit une pause.

— Penses-tu qu'il est possible, durant un combat, d'absorber l'énergie de son adversaire ?

Il lui souriait, il y avait déjà pensé, Sheireen pouvait le lire dans son regard. Alors, elle comprit qu'il ne se souciait pas vraiment de faire des dégâts.

— Je n'ai jamais essayé en combat, en général, mon adversaire n'a pas le temps de dégainer, laissait-il échapper avant de se rattraper avec un air presque arrogant. Tellement, je suis rapide et efficace, je veux dire.

Il grimaça de nouveau, se rendant compte que ça n'arrangeait peut-être pas ses affaires. Mais Sheireen décida de passer outre et continua :

— Je vais devoir tuer, et efficacement.

— Un combat dans les bois et un champ de bataille est bien différent, je ne sais pas si parmi des centaines, voire des milliers de soldats, tu pourrais cibler ton adversaire. Peut-être qu'en visant l'aura...

Il sembla se perdre dans ses pensées et Sheireen continua l'exercice. Elle y arrivait bien mieux et pouvait maintenant couvrir plusieurs mètres, tant qu'ils se trouvaient droit devant elle.

Ainsi distancia-t-elle son professeur. Lorsqu'il le remarqua, il réapparut immédiatement à ses côtés et lança :

— Maintenant, nous allons revenir au premier exercice que j'ai voulu te faire faire, tu te souviens ? Je vais pointer du doigt un endroit...

Il s'était arrêté au milieu de sa phrase, ses yeux balayant les environs.

— Qu'est-ce que... commença Sheireen.

Mais le jeune homme avait déjà disparu. Elle entendit alors ce qui l'avait fait fuir. Des pas approchaient, et rapidement.

Prête à dégainer, l'elfe se glissa derrière un buisson.

— Léarco, disait Seth. C'est impossible. Elle est surement partie se soulager, ou alors, elle a entendu quelque chose...

— Je suis désolé, Seth, mais ça fait plusieurs nuits qu'elle nous fait faux bond. C'est louche.

— De quoi m'accuses-tu ? demandait Sheireen en sortant des fourrés.

Seth se tenait aux côtés de Léarco tandis qu'Oma attendait derrière eux. Elle semblait douter, et si l'elfe les avait trahis ?

— Que fais-tu ici ? demandait le blond.

Sentant qu'il ne la laisserait pas se soustraire à ses questionnements, la jeune femme soupira :

— Je ne voulais pas vous embêter avec ça. Je m'entraine, voilà ce que je fais.

— Tu peux faire ça au campement, disait Léarco en croisant les bras.

— Non, je ne peux pas. Lorsque j'ai emmené Églantine, j'ai accidentellement absorbé votre énergie. Je ne veux pas que ça se reproduise, donc je dois m'entrainer à l'écart.

— Tu vois qu'il y avait une raison, intervenait Seth tout sourire.

— Oui, peut-être, mais elle a abandonné son poste. Nous aurions pu être attaqués durant notre sommeil.

Le jeune homme avait raison, Sheireen le savait, mais il lui fallut un effort considérable pour lâcher ces quelques mots :

— Je suis désolé.

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