† CHAPITRE 12 †
CHAPITRE 12 †
Allongée dans le canapé. Une semaine, deux, puis trois, voir quatre. Un mois. Tristesse infinie. Elle ne savait pas si elle avait perdu toute joie de vivre. Elle se sentait simplement faible. Même la musique ne lui permettait plus de retirer la couverture qui couvrait ses jambes. Le plaid d'une douceur incomparable était maculé de mouchoirs usés et mouillé par les centaines de larmes déversées.
La jeune femme était devenue son ombre. Ses yeux étaient rougis, deux grosses poches violettes s'apparentant à des cernes, logeaient sur son visage. Quelques petits boutons à peine visibles avaient élu domicile sur ses tempes. Ils étaient dus au violent changement émotionnel qui avait bouleversé le cours de son existence.
Ses cheveux d'ébène graissaient aux racines, ils étaient ramenés en un chignon désordonné. Son apparence était négligé, et quiconque l'aurait croisée dans la rue aurait pensé à une droguée en manque. Suzy avait plus que mauvaise mine.
Ses journées se rimaient à se lever, manger, se laver et se réfugier dans le canapé pour pleurer, attendant la fin de la journée. Quelques fois, elle allumait la télé, mais chaque fois le programme lui rappelait combien le monde était injuste et compliqué. Alors elle préférait pleurer des lacs de larmes.
C'est ridicule, ridicule de s'attacher à un fantôme. Elle aurait dû le savoir depuis le début que tout ceci aurait forcément une fin. Heureuse ou malheureuse, peu importe. Elle aurait juste dû passer son chemin et ne pas s'occuper des problèmes des autres.
Non, elle n'avait pas que des regrets. Beaucoup de moments de joie lui revenaient aussi en mémoire. Et c'était agréable.
Parce que si tout le monde passait son temps à regretter, nous ne vivrions plus. À cause de la peine et du manque. Il faut aussi savoir trouver du positif. Tirer des mauvaises situations des regards heureux et compréhensifs. Tout ne se résumait pas au malheur et la tristesse.
C'était principalement de la nostalgie. Pure et profonde. Manifestement sans fin pour Suzy. Du moins, pour le moment.
Elle réfléchissait sans cesse à la manière dont elle pu inverser le processus. Elle se disait qu'elle n'avait peut-être pas donné le meilleur d'elle-même. Que si juste une chose avait changé, tout aurait été différent. Qu'elle ne serait pas là, dans son canapé, à se morfondre sur sa petite vie.
C'était douloureux, et son cœur prenait du temps à s'en remettre. Dieu que c'était long ! Pourquoi ce fichu cœur ne pouvait pas guérir et penser à autre chose ? Aimait-il le torturer à ce point ? C'était si cruel de la laisser sombrer dans la mélancolie.
Elle se sentait minable de penser à lui comme à un essentiel. Il ne l'avait pas vu comme elle le voyait. Elle était pathétique d'avoir tant espéré. Le mal dont il souffrait été incurable. Elle était stupide d'avoir pensé pendant tout ce temps que c'était seulement dans sa tête, que tout rentrerait dans l'ordre pour lui. Que c'était juste une mauvaise passe et que tôt ou tard, tout irait mieux.
Mais elle était égoïste, elle avait tellement pensé à sa propre personne, elle était tellement aveuglée par ses sentiments qu'elle ne voyait pas qu'il mourrait de l'intérieur.
Elle le voyait partout, à la supérette quand elle croisait un homme habillé en noir, dans ses rêves, dans les chansons qu'elle écrivait lorsqu'elle tentait de se vider la tête. Il la suivait tout le temps. Impossible de le sortir de sa tête.
– Pourquoi Jimin ? Pourquoi...
La revoilà qui pleurait des fontaines de larmes. Elle prit un mouchoir et se moucha bruyamment, des gouttes salées dévalaient ses joues rouges afin d'atterrir sur le plaid.
– Je ne peux pas finir comme ça...
La jeune femme retira d'un coup la couverture, l'envoyant valser par terre, elle se leva et alla chercher un sac-poubelle. Une fois revenue avec le plastique dans les mains, elle entreprit de jeter tous les mouchoirs en papier dedans. Il devait y en avoir plus d'une trentaine. Tous finirent dans le sac direction la grande poubelle. Bizarrement, après avoir fait ce geste presque anodin, elle sentit un poids se soulever. Son cœur devint soudain un poil plus léger, et c'était appréciable.
Sentant une poussée d'adrénaline l'envahir, elle en avait marre de ressembler à une pauvre fille. Aujourd'hui, elle allait enterrer son chagrin.
Elle courut jusqu'à la salle de bain afin de se débarbouiller et de redonner un semblant d'harmonie à ses cheveux. Puis elle sortit de chez elle attrapant sa veste au passage.
Elle commençait à marcher dans les rues de Busan, les gens étaient de sortie, il faisait beau dehors, c'était la journée parfaite pour reprendre sa vie en main. Tout ce cirque ne pouvait plus durer.
Suzy s'arrêta chez un petit fleuriste du quartier où elle acheta un minuscule bouquet qui faisait la taille de sa main.
Elle prit ensuite le bus d'une ligne qu'elle connaissait à peine. Plusieurs fois, elle faillit appuyer sur le petit bouton pensant que son arrêt était le prochain. Mais elle arriva finalement à destination après avoir un peu marché.
Ses pas se faisaient lourds contre le bitume, ses talons entrèrent bientôt en contact avec de nombreux cailloux, une grande allée se dessinait devant elle. Elle se mit à penser que les escarpins n'étaient pas adaptés à ce genre de sortie, mais elle ne voulait pas paraître encore plus négligée qu'elle pouvait déjà le faire penser.
Elle avança lentement dans cette grande allée, toujours le petit bouquet à la main, avant de bifurquer dans une petite allée ; elle était enfin arrivée. Et il lui avait fallu un mois.
Suzy s'accroupit face à l'énorme bloc de marbre, elle y colla le bouquet de fleurs à côté de son nom.
– Tu le sais que j'ai été malheureuse, tu le sais hein ? J'aurais dû t'écouter, entendre ta voix, j'étais tellement aveuglée par ton magnifique visage que je n'y voyais même pas tes rides. Tu m'as laissée... Ici, seule.
Un sanglot fit trembler tout son corps et les larmes retombèrent de plus belle, reniflant elle reprit :
– Tu le sais que mon cœur est douloureux, tu le sais hein ? Tu demeures dans chaque cellule de mon être, j'arrive pas à t'oublier, je pense sans cesse à toi. Je n'en vis plus ! La terre m'est tombée sur la tête, j'aurais dû écouter tes avertissements. Mais tu étais différent des autres, c'est ça qui m'a plu.
Faible, Suzy se retrouva accroupie, les larmes brouillaient sa vue, si bien qu'elle ne pouvait apercevoir que les contours de l'écriture sur la pierre tombale. Ses mains se trouvaient contre ses joues mouillées.
– Tu n'étais pas un monstre, juste un être incompris. Et je t'ai aimé comme ça, je t'aime comme ça. Mais comprends-moi, ça doit cesser. Je ne peux pas t'aimer toute ma vie...
Sa voix douce craqua à la fin de la phrase. Elle lui disait adieu, pour toujours.
– Je dois poursuivre mon chemin, loin de toi. Loin des yeux, loin du cœur. Ne pense pas que je t'abandonne, je t'en supplie. Je pars en quête du bonheur. Tu as été magnifique, jusqu'au bout. Mais je dois partir, pour ton bien, pour le mien. Tu demeures dans mon cœur à jamais, je t'aime.
Suzy se larmoya encore un moment, cachant sa tête dans ses mains pales. Elle devait partir, sinon elle n'y arriverait pas, sinon elle ne le pourrait plus jamais.
Elle se releva en essuyant du revers de la main ses yeux, elle s'approcha de la tombe et y coinça une lettre sous la plaque qu'elle avait posé le jour de l'enterrement. La seule et unique plaque.
Puis elle s'en alla, le cœur lourd, mais l'esprit léger. Elle ne se retourna pas une seule fois, ses cheveux noirs volaient avec le vent, les pans de sa veste se balançaient au rythme de sa marche.
De là où il reposait, on ne voyait plus qu'une fine silhouette.
Flavie ♡
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