Prologue : Elena
Mon lycée organise ce soir un bal de promo pour les dernières années. Normalement, je ne suis pas censée y aller car je suis en première mais Kévin, mon copain, est en terminale, donc je l'accompagne.
Le thème de la soirée étant le feu et la glace, j'ai choisi une robe bustier rouge pour le feu et Kévin un costume blanc pour la glace. En enfilant ma tenue, je l'entends arriver et saluer mes parents. Je me presse afin de pouvoir le rejoindre. Nous sommes ensemble depuis bientôt un an. On dit que les amourettes de lycée ne durent pas mais nous sommes une exception. Ça marche plutôt bien entre nous. Le seul petit point négatif, c'est qu'il aimerait passer à la vitesse supérieure, contrairement à moi qui ne suis pas pressée. Je ne me sens pas prête à me donner à lui. Enfin bon, s'il y a une chose que je sais de lui, c'est qu'il n'aime pas attendre.
Je le rejoins, il est en bas de l'escalier avec mes parents. Tous se taisent en me voyant en haut des marches, ce qui me met mal à l'aise au plus haut point. Le costume blanc de Kévin contraste avec ses cheveux noirs, sa cravate turquoise fait ressortir ses yeux de la même couleur.
Mes parents paraissent fiers, surtout ma mère. Elle est au bord des larmes et prend une multitude de photos de moi. On dirait presque que c'est le jour de mon mariage. Elle en prend avec mon frère, avec mon père, avec elle, avec Kévin, toute seule. Elle aura de quoi tapisser un mur avec toutes ces photos. Mon père, lui, met en garde mon cavalier sur sa conduite, certes il vient d'avoir le permis mais que ce n'est pas une raison pour faire n'importe quoi, sur sa façon de se tenir avec moi...
Après presque une demi-heure à les écouter se réjouir ou nous donner des recommandations aussi longues que le bras, nous pouvons enfin rejoindre la fête. Personnellement je suis surtout pressée de rejoindre Nina et Lucas. Je n'aime pas vraiment les autres potes de Kévin, donc je suis heureuse de savoir que ma meilleure amie sera présente elle aussi. Pour moi ils sont débiles, et je ne vois pas ce qu'il leur trouve. Il n'a rien à voir avec eux, mais dès qu'ils sont là, il se comporte de la même façon. Pour eux, les filles sont comme de simples objets destinés à les satisfaire. Je n'ai pas été élevée comme ça. Pour moi, une femme ne reste pas à la maison à dire oui à tout pendant que monsieur fait sa vie. Une femme est aussi indépendante et libre qu'un homme.
Sur la route, Kévin fait le malin en roulant vite, ce qui ne me plait pas trop. Il pleut beaucoup, la route est glissante. Il y a tellement d'accident par ici que je n'aime pas vraiment y passer. Je suis soulagée d'arriver entière à la soirée. L'extérieur n'est pas vraiment décoré, il y a juste quelques guirlandes qui conduisent jusqu'à l'entrée du gymnase. Le rendu n'est pas mal malgré un manque d'élégance. Après tout ce n'est qu'un bal de lycéens.
En entrant nous découvrons la salle entièrement décorée pour l'occasion. Les murs blancs sont ornés de guirlandes lumineuses rouges et de flocons de neige qui flottent au-dessus de nos têtes. Les tables sont habillées de nappes pourpre avec de fausses bougies posées au centre pour les éclairer. J'aperçois Nina un peu plus loin, elle est assise, seule, sans Lucas. Je préviens Kévin, déjà accaparé par ses copains et la rejoins.
Elle m'apprend que Lucas l'a laissée pour aller rejoindre ses potes, ce que Kévin a fait également. Nous passons donc la soirée toute les deux, à discuter et a regarder les couples danser sur la piste de danse. Nous parlons de ce que nous voulons pour notre futur et des moments que nous avons vécues depuis notre enfance. Je la connais depuis plus de dix ans, pour toute les étapes de ma vie elle était là, et vice-versa. Quand nous constatons que plus de deux heures sont déjà passée, nous cherchons du regards nos cavaliers. Cavaliers qui ne semblent pas présents dans la salle. On se lève pour faire le tour mais rien. On se demande bien pourquoi ils nous ont fait venir si c'est pour nous laisser en plan comme ça ! Nous marchons plus de vingt minutes sans résultat, nous retournons à notre table, en nous disant que lorsqu'ils voudront nous trouver, ils sauront où nous sommes.
La soirée touchant à sa fin et étant lassées de ne pas les voir, nous sommes retournées les chercher, car ce sont eux qui doivent nous ramener. En sortant, nous les retrouvons enfin avec Alison et Amandine, deux filles de leur classe. Ils sont en train de s'embrasser, je n'en reviens pas. Il m'invite à cette soirée pour me tromper ! Tout ça parce que dans la voiture je lui ai dit de ne pas espérer. Il croyait que j'allais perdre ma virginité à l'arrière de sa bagnole ? Non merci, j'ai un minimum de respect pour moi-même. Encore heureux que je n'ai pas couché avec !
Nina, elle, ne dit rien, ne bouge pas. Elle regarde Lucas et Amandine sans ciller. Eux ne nous ont pas vues et continuent de roucouler sur le capot de leurs voitures, sûrement trempés par la pluie qui a enfin cessé. On se croirait dans une mauvaise série. Celle où le garçon est un peu bad boy, et sa copine, la petite vierge naïve. Mais je ne suis pas comme ça et je ne laisserai pas passer son écart. Je ne serai pas cette fille qui pardonne par amour. Moi qui pensais il y a encore cinq minutes que nous étions une exception. Que par amour pour moi, il pouvait attendre. Je suis bien bête.
Nina prend son téléphone et je ne comprends pas tout de suite pourquoi. Elle me regarde et me dit « ils ne pourront pas nier » et les prend en photo puis leur envoie. Jamais, à ce moment cette idée, ne m'aurait traversé l'esprit. Je suis bien trop déconnecté de mon corps à cet instant. Elle appelle ensuite ses parents et leur demande de venir la chercher. Sortant de ma torpeur, je fais de même. Mes parents, en ayant profité pour aller dîner au restaurant avec mon frère Elliot, me demandent si je peux attendre. Je prends sur moi et leur dis de prendre leur temps. J'aimerai qu'ils accourent et me sortent de cet enfer, mais si mon père ou Elliot savent ce qu'il a fait, ils s'énerveront et auront des problèmes pour l'avoir frapper.
Les garçons sursautent lorsqu'ils sentent vibrer leurs téléphones et se décollent de leur chère et tendre pour le sortir de leur poche. Puis ils regardent autour d'eux et nous remarquent enfin. Ils nous rejoignent. Lucas et Nina s'écartent pour discuter. Moi je ne bouge pas, regardant froidement Kévin, je ne comptes pas lui laisser le loisir de s'expliquer et de trouver une excuse aussi nulle que lui.
- Ce n'est pas ce que tu crois ! me dit-il, n'osant même pas me regarder en face.
- Tu n'étais pas en train de galocher cette fille ?
- Euh... Si... Mais il n'y a rien...
- Non juste ta bouche et la sienne... Peut-être qu'elle, elle acceptera de coucher à l'arrière de ta bagnole !
- Dis pas ça !
- Pourquoi ? C'est pas juste ce que tu veux ? crié-je, la colère commençant à monter et ne pouvant plus me retenir.
- Non ! hurle-t-il à son tour. Sinon je ne serais pas resté avec une pucelle comme toi !
- Va te faire foutre ! Dégage ! dis-je en le poussant.
Il recule et rejoint Alison sans même un regard pour moi. Ses mots me blessent mais je ne veux pas qu'il le voit. Je ne lui ferais pas ce plaisir. « Je dois rester forte, au moins jusqu'à ce qu'il soit partie avec cette fille, qui ne se respecte pas elle-même. » pensé-je.
Nina revient cinq minutes après, en larmes. Lucas a les yeux rougis, mais rejoint Kévin et les deux autres. Je l'interroge du regard mais elle hausse simplement les épaules. Elle, cette fille, toujours souriante a le visage décomposé. Nous nous prenons dans les bras quelques instants, puis restons là, sans bouger jusqu'à l'arrivée des parents de Nina.
Mes parents, eux, arrivent vingt minutes plus tard. La pluie a recommencé à tomber et lorsqu'ils arrivent, je suis trempée, incapable de bouger pour me mettre à l'abri. J'ai l'impression d'avoir été anesthésié et que rien ne me réveillera de cette sensation. J'ai été trahi, il y a encore une heure, j'imaginais un futur avec lui. Et maintenant juste penser à lui me donne la nausée. La seule chose qui me réconforte, c'est qu'au moins je n'ai pas céder, et n'ai pas couché avec lui. Ma mère sort en courant et me donne son manteau. Je m'effondre, en larmes, dans ses bras.
- Que s'est-il passé ma puce ?
- Kévin...
- Il a fait quoi ? tonne mon père en sortant à son tour.
- Rien, laisse ce n'est pas grave... sangloté-je en montant dans la voiture.
Nous roulons en silence. Durant tout le trajet je trie les photos qui sont dans mon téléphone, je ne veux plus voir la tête de Kévin, je refuse de me dire que je suis peut-être fautive et que je devrais lui laisser une nouvelle chance. La seule image que je garde de cette soirée est celle de Nina et moi qui portons presque la même tenue, elle en blanc, moi en rouge. Nous les avons choisies ensemble exprès. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus contrastent avec mes cheveux bruns et mes yeux noisette. Nous faisons la même taille et sourions à l'objectif.
Je finis par remarquer cinq minutes plus tard que mon frère n'est pas avec eux, lorsque je leur demande ma mère m'explique qu'il était venu avec sa propre voiture et qu'il nous attend à la maison. Je suis soulagée, s'il m'avait vu dans cet état, Kévin aurait passé un sale quart d'heures. Même si, je ne ressens que de la haine pour lui, à cet instant précis, je désire juste passer à autre chose et oublier cette soirée.
Je lui envoie un texto pour lui demander si elle va mieux. Alors que j'appuie sur envoi, je ressens une vive douleur au niveau de la nuque, puis tout devient noir pendant un moment. Ça me semble être une éternité, j'entends des bruits autour de moi, sans en comprendre le sens.
Lorsque j'arrive enfin à ouvrir les yeux, la lumière au-dessus de moi m'attaque. Je les plisse afin de voir ce qui m'entoure. Je ne reconnais pas la pièce, tout semble blanc, trop blanc. Une odeur de désinfectant emplit mes narines et me donne la nausée. Mon corps tout entier me lance et ne semble pas répondre aux ordres que je lui donne. Un bip régulier finit par m'indiquer que je suis à l'hôpital. Que s'est-il passé ? Nous étions en voiture et l'instant d'après le néant.
Je tente de tourner la tête autant que possible, c'est-à-dire à peine quelques centimètres, et remarque mon frère et ma tante, endormis sur des chaises près de mon lit. Depuis combien de temps suis-je allongée ici ? Elliot se réveille en sursaut, son visage d'habitude si souriant semble ravagé par quelque chose que je n'arrive pas à définir. Je ne l'avais jamais vu ainsi et cela me fait de la peine.
- Ça va ? me demande-t-il
- Mal partout. Il s'est passé quoi ?
- Tu ne te rappelles pas ?
- Non.
- Vous avez eu un accident.
- Comment vont papa et maman ?
Une ombre traverse son visage et avant même qu'il ne prononce quoi que ce soit je sais ce qu'il va me dire. Je n'ai aucune envie d'entendre ces mots mais j'en ai besoin. Je ne pourrais pas l'accepter sinon. Je le sais. Ses yeux rougissent et il murmure :
- Ils ne s'en sont pas sortis. D'après ce que les médecins disent, ils seraient morts sur le coup.
- Je comprends pas. Papa ne roulait pas vite, comment c'est possible ?
- Je ne sais pas, les flics font leur enquête on le saura sûrement après.
J'aurais aimé que ses mots soient plus doux, mais il n'est pas en état, et puis peu importe la façon. Les mots ne changeront pas le fait que nous sommes orphelins. Je me retourne et pleure en silence, ce qui a été prononcé un peu plus tôt résonnent en moi. J'entends mon frère essayer de retenir ses larmes sans y parvenir. Qu'allons-nous devenir sans nos parents à nos côtés ? La culpabilité m'assaille. Si je ne les avais pas appelés, ils ne seraient pas venus me chercher et nous n'aurions pas eu cet accident. Alors que la colère m'envahie, je sens ma tête s'alourdir et le sommeil reprendre le dessus. Je me laisse sombrer, espérant que tout ceci n'est qu'un cauchemar.
***
Nous sommes dans l'appartement près de l'Europaplatz à Aachen, j'y suis en vacances avec mon père et Elliot, on y est allé pour fêter mon brevet. Il fait beaucoup trop chaud pour se balader alors on est parti tremper nos pieds dans la fontaine qui se trouve au milieu de la place.
C'est interdit mais la police municipale ne dit rien. Les drapeaux qui sont autour de nous ne flottent pas, il n'y a pas assez de vent, on dirait qu'ils sont en berne. Elliot m'arrose et je suis complètement mouillée. L'avantage c'est que je vais sécher vite avec cette chaleur. Je ferme les yeux et me laisse tomber dans l'eau. Son contact va me rafraîchir, mais je ne la sens pas sous moi, mais le siège sur lequel j'étais lors de l'accident.
J'ouvre les yeux, je suis dans notre voiture, le pare-brise est brisé. D'après ce que je vois, nous sommes rentrés dans un arbre, il y a du sang mais pas beaucoup, je me dis que tout ira bien et referme les yeux.
***
Je me réveille en sursaut, ma tante Jennifer et Elliot sont là. Ils discutent à voix basses et ont les yeux rougis. Je n'arrive pas à distinguer le cauchemar de la réalité . En me voyant le bras plâtré et dans une chambre d'hôpital, je me dis que nous avons réellement eu cet accident. Je ne verrai plus mes parents. Sans que je ne puisse le contrôler, un torrent de larmes coule de mes joues.
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