Chapitre 15 - Être ou ne pas être

Les portes du lycée étaient devant moi et je serrais mon sac contre ma poitrine. Je savais le nombre de gens qui étaient derrière cette porte et ceux qui étaient au courant de la mort de mon père - c'est-à dire tous. Je revoyais son visage dans mes pensées, ses yeux toujours souriants. Ma lèvre inférieure trembla mais je me repris et me souvenais des paroles de mon père. Quelques élèves me dépassèrent en me lançant des regards, certains remplis de compassion et d'autres simplement indifférents. Je les suivis. Je marchais, regardant droit devant moi, ignorant les filles et garçons appuyés à leur casier me fixant. Je ne fis que serrer plus fort mon sac.

A ce moment-là, j'aurais réellement apprécier pouvoir avoir une bande de copines qui aurait pu m'aider à me fondre dans la foule. Mais l'absence d'amis du lycée dans ma vie me parut pour la première fois dérangeante, manquante. Un vide se créa entre moi et les autres lycéens. Je ne menais pas leur petite vie d'ado normale, je présidais une bande de trafiquants de tout et n'importe quoi, mon père m'avait quitté quelques nuits plutôt et pourtant j'étais au lycée. Cette situation pourrait paraître ironique. Je disais n'importe quoi. Je faisais n'importe quoi.

Je sentis quelque chose couler le long de ma joue et je frottais rageusement ma main pour la sécher.

"Non, non et non !"

J'étais plus forte que ça, je ne devais pas pleurer. Je pouvais surmonter cela. Seule.

Je vis les toilettes des filles et m'y engouffrai. La cloche sonna et toutes les filles à l'intérieur en sortirent, me laissant la voie libre. Les toilettes n'étaient pas propres mais je m'en foutais. Je me laissais glisser parterre et je laissais les larmes couler à flot. Qui étais-je ? Et pourquoi n'avais-je pas de réponse à cette question ?

Mon père était le soleil de ma galaxie. Sans lui, je me sentais... perdue. Mourante. Je regardais les veines qui se voyaient sous la peau pâle de ma main. Pourquoi n'avais-je jamais été capable de m'accepter comme je suis ? Pourquoi les autres ne voulaient pas m'accepter comme je suis ?

Il y a Ky... Mais me connaissait-il réellement ? Peut-être parce que je n'avais pas réussi à lui en donner la chance. Personne à part mon père ne savait qui j'étais réellement. Et il n'était plus là. J'essuyais encore une fois à l'aide d'un mouchoir mon visage strié par les larmes. Je me levais mais la tête me tournait.

- Merde, murmurai-je.

Je vis la goutte de sang parterre et passai le doigt sous mon nez, du sang s'y déposa. J'appliquai très rapidement un mouchoir qui fut vite imbibé de sang. Ce devait être un baisse de tension, ce n'était pas la première fois. Les larmes recommencèrent de couler. De plus en plus. J'étais, enfin j'avais l'impression, d'être à bout. Je n'en étais plus capable. Pourquoi ? J'étais étalée sur le sol tel une poupée de chiffon, un mouchoir ensanglanté presse contre le nez. Une poupée sortant tout droit d'un film d'horreur.

La poignée de la pièce bougea, me faisant sursauter. Tout le monde était censé être en cours. Je me cachais à l'intérieur d'une toilette, j'avais évidemment choisi une de celles qui ne sentaient pas la rose et qui étaient relativement sales. Le mouchoir toujours sur mon nez, ne facilitant pas ma respiration qui était un peu bruyante. La porte s'ouvrit dans un fracas, m'empêchant de me cacher dans une autre toilette moins insalubre. Une goutte s'échappa de ma narine et vint s'écraser sur le carrelage et je vis que le sang avait transpercé le mouchoir et maculait à présent mes mains. Je grimaçai. Il ne m'en arrivera jamais une bonne.

- Qu'est-ce que tu avais de si important à me dire ? Je pensais que tu ne voulais plus me voir ou me parler ou je ne sais quoi encore...

Cette voix. Pas de doute, j'avais déjà reconnu l'interlocuteur. A l'entente de ce grain de voix, mon cœur battît comme jamais, menaçant de s'échapper de ma poitrine.

- Il faut croire que j'ai changé d'avis.

Je connaissais les deux personnes qui parlaient en ce moment et la deuxième était mon petit ami. Je me sentis coupable à cause de la réaction de mon coeur suite à l'entente de la première voix. Sa voix.

Un rire moqueur sortit du gosier du premier.

- Eh bien, à ce qu'on dit, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Je m'en doutais que tu n'en étais pas un, Ky.

Ky émit un bruit agacé avec sa langue.

- Arrête tout de suite de jouer à l'innocent. Je sais qui tu es.

Pardon ? J'étais présente à une conversation à laquelle je n'étais pas censée assisté, mais quelque chose me disait que le jeu en valait la chandelle.

- Qui je suis ? - Il éclata d'un rire nerveux. Moi aussi, tu sais.

Je me mordais la lèvre, en attente de la réponse de Ky.

- Que fais-tu ici, Jacob ?

Un silence se fit. J'entendais leur deux respirations en harmonie.

- Comment l'as-tu su ?

Le ton était dure et sa mâchoire devait être serrée, de même pour ses poings où les jointures devaient être blanches.

- Vois-tu, Jacob - Tu veux bien que je t'appelle ainsi, n'est-ce pas ? - Harrison m'a confié une petite mission et je l'ai remplie à merveille. Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre que son poulain n'était rien d'autre qu'un traitre ?

Ky avait crié la dernière phrase, contrastant avec le calme de la pièce et des couloirs déserts.

- Tu ne me connais pas et tu ne sais pas ce qui m'a conduit ici, d'accord ?, dit l'autre d'un ton à la limite de l'agacement.

- Pas d'accord, affirme Ky d'un ton confiant. Qui te dit que je ne le crierai pas sur tout les toits, JJ ?

JJ ? Des initiales ? Des noms ?

Ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas s'appeler Jacob. Pourquoi l'aurait-il fait ? Je ne comprenais rien. Et le sang coulant de mon nez ne se tarissait pas. Si lui n'est pas ce qu'il est alors qui suis-je, moi aussi ? Je ne déchiffrais même pas mon propre charabia. Quelle merde.

-  Je n'en ai aucune idée. A toi de me le dire.

La situation était critique pour lui et son ton était parfaitement calme. J'étais bien placée pour comprendre que ce n'était qu'une sorte de masque.

- Peut-être parce que je tiens à Athéna..., murmura Ky.

Je sursautais en entendant mon nom. Que faisais-je dans tout cela ?

- Tu es amoureux d'elle ?, demanda l'autre, son ton me paraissait plus doux mais je devais sûrement me tromper.

Si tout était normal, une boule d'angoisse m'aurait serré l'estomac et j'aurais voulu connaître la réponse plus que tout au monde. C'était mon petit-ami, après tout. Pourtant je ne faisais que me concentrer sur la personne qui venait de prononcer cette phrase, comme hypnotisée par le ton grave de sa voix.

- Je ne sais pas. Peut-être, répondit Ky.

Je ne fus pas déçue. Je ne fus pas réjouie. Simplement... rien.

- Mais, la question, c'est plutôt : et toi ?, ajouta Ky. Dans ce cas-ci, le cas d'Eleana se rejouerait encore une fois, mais au moins je l'aurai vu venir.

Eleana ? Que faisait-elle dans cette conversation, encore plus en ayant un mystérieux lien avec moi ? Mais une partie de moi souhaitait connaître la réponse. Toutes mes sensations étaient différentes que lorsque Ky devait y répondre. Mon corps devait dérailler.

J'étais suspendue à ses lèvres, attendant avec impatience sa réponse alors qu'il venait d'avouer qu'il n'était pas celui que je croyais, mais la cloche sonna pour annoncer le prochain cour.

- Je n'aimais pas Eleana.

Je déglutis. Je les entendis sortir, puis m'enfuis à mon tour. Je poussai la porte et m'enfonçai dans le couloir, me frayant un passage entre les filles ayant un besoin pressant.

D'un regard fixe et encore gonflé par les larmes, je regardais le dos dont les muscles étaient moulés par un tee-shirt gris et la tignasse brune légèrement bouclée de celui qui avait fait naître de drôles d'émotions dont je ne connaissais toujours pas la nature.

Bram.

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J'aime bien ce chapitre.

Avis ?

Pro-Ky ou Pro-Bram ?

Il est temps de choisir votre team,
Beaucoup d'amour,
Lara xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

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