CH 2 | Mérida
Les yeux encore gonflés, le cerveau embrumé, je tentais de rester éveiller. Les premières lueurs rosées et orangées du jour filtrant à travers les nuages tiraient chaque voyageur de leur sommeil, profonds ou non. Il ne restait plus qu'une demi-heure heure de voyage, approximativement et en jetant un coup d'œil à ma voisine, Crystal, je m'interrogeais sur sa façon de dormir. Comment pouvait-elle dormir à point fermer entre les ronflements, les odeurs désagréables des autres – sans vouloir dire que certains se permettent de lâcher des gaz –, les cris d'enfants ou encore les secousses lors des turbulences ? Prendre un vol de nuit n'était sûrement pas l'idée la plus avisée... Le trajet en voiture aurait été plus long, mais moins terrible, à coup sûr. J'aurais dormi plus longtemps et mieux, huit heures et non quatre.
Alors que je secouais doucement l'épaule de la rousse, cette dernière émit quelques grognements alors que de ma main libre, je fouillais dans le sac posé sur mes cuisses.
— Réveille-toi Crystal, nous arrivons bientôt à destination, nous sommes à TacosLand.
La jeune femme se frotta les yeux pendant que je feuilletais mon carnet de recherches où j'y avais inscrit ce dont nous avions besoin. Nos recherches allaient s'approfondir une fois à l'hôtel, si la connexion Internet fonctionnait, ce qui me permettrait de nous préparer davantage au voyage.
— Prête à jouer à Indiana Jones ? lui lançai-je avec un sourire au coin des lèvres.
— Non, souffla-t-elle avant se redressant sur son siège.
Elle attrapa un crayon de papier et griffonna dans le coin de la page de mon carnet noir « On va à ce foutu musée et on repart illico presto. On a déjà de l'avance sur les Holders. » J'acquiesçai, bien consciente que la mission ne serait pas difficile que ça tout en gardant à l'esprit que les autres trafiquants pouvaient surgir et faire foirer tous nos plans à la dernière minute.
Eblouie par la lumière du soleil, je baissai légèrement le store, pour garder une certaine visibilité pour relire mes notes. La rouquine se pencha par-dessus mon épaule afin de se le remettre en tête puis elle se pinça les lèvres.
— Tu parles toujours aussi bien espagnol ? me demanda-t-elle, quelque peu inquiète.
— Je ne suis pas bilingue mais ça passe, on va se faire comprendre.
Elle fit une petite moue avant d'enchaîner :
— Je ne sais pas ce qui m'a pris de faire de l'italien à l'école, je crois que je rêvais trop de sortir avec l'un d'entre eux.
Un léger rire s'échappa de mes lèvres et je secouai la tête. La Crystal que je connaissais ressortait à nouveau, signe que son anxiété ne prenait plus le dessus, mais je craignais que cela ne dure pas...
Au final, je penchai la tête sur le côté pour admirer la vue, nous passions quelque part au-dessus de la région de Yucatán. Des forêts verdoyantes à perte de vue, des lagunes d'une pureté à faire rêver, des cascades et des vestiges mayas ; Mérida et ses environs m'époustouflaient par beauté naturelle et authentique. C'était la toute première fois que je quittais les États-Unis, l'idée de voyager m'excitait, me faisant presque oublier la raison de ma venue. Ces paysages m'intriguaient beaucoup, peut-être par l'histoire qu'ils nourrissaient et leur côté sauvage, « inexploré ».
Même si j'étais une fille de la ville et pas du genre à faire des randonnées à la campagne lors de mon temps libre, mon admiration pour ces lieux ne s'éteignait pas. Ne connaissant pas mes origines et ayant comme seule indication « je suis d'Amérique latine » comme unique et vague repère pour situer mes racines, ma mère s'était montrée assez inefficace. Cette partie de l'Amérique comptait plus de dix-neuf pays alors comment étais-je censée deviner si elle était Mexicaine, Colombienne ou Panamienne avec seulement quelques phrases sur un bout de papier chiffonnée dans un anglais douteux ?
« Mon nom est Maria, je suis 16 anos et je suis d'Amérique latine. Je emigrer en EE.UU pour partir de pauvreté pour toi. Je peux pas t'éduquer mais je t'aime fort. Pardon moi, bebé. »
Même si je ne connaissais pas ma génitrice et que je conservais une rancœur, je me doutais que sa vie n'était pas simple, qu'elle vivait sûrement des horreurs au moment de sa grossesse et que la solution la plus simple, pour moi, lui paraissait l'accouchement sous X dans l'illégalité. Même si je conservais ce morceau de papier chez moi, ce message court restait gravé dans ma mémoire.
Brusquée par la rousse qui secouait mon épaule, je fus tirée de mes pensées puis me raclai la gorge alors que l'hôtesse de l'air faisait son speech habituel et dont la voix, passant à travers les haut-parleurs de l'appareil, attira l'attention de nombreux passagers.
— Mesdames, Messieurs, nous abordons notre descente vers Mérida. Nous vous invitons à regagner votre siège et à vous assurer que vos bagages à main sont situés sous le siège devant vous ou dans les coffres à bagages.
La femme répéta le message en espagnol, mais une plainte masculine venant du fond de l'appareil attira mon attention :
— Les voix de ces idiotes me les brisent ! Je crois qu'on a compris qu'on arrivait, putain.
Mon cœur s'arrêta le temps d'une seconde. Je n'osai pas me retourner, craignant de me faire reconnaître. Bon sang, pourquoi fallait-il que Leon et sa clique de Holders prennent le même vol que nous ? Crystal semblait avoir aussi bien compris de la difficulté dans laquelle nous étions : les pieds au-dessus du vide et la mort à dix mètres de nous.
— Pour prendre moins de risque, on devrait les laisser sortir en premier et dès qu'ils passent à côté de nous dans l'allée, on fait mine de chercher quelques choses dans nos affaires, conseillai-je à voix basse.
Ma meilleure amie leva le pouce en l'air et se recula au fond de son siège, le nez rivé sur le plafond, comme si elle priait mentalement. Un mince sourire éclipsa l'inquiétude qui déformait mon visage d'habitude si jovial.
Nos ceintures attachées, les roues se rapprochèrent de l'asphalte jusqu'à les toucher, rouler puis s'arrêter. Les passagers ne perdirent pas de temps pour quitter leurs sièges, récupérer leurs quelques affaires et déguerpir de l'appareil pour aller retrouver leurs bagages à l'aéroport. Sans perdre de temps, la rousse et moi-même avions fait mine de chercher quelque chose par terre. Lorsqu'il passa à notre gauche, je retins ma respiration et les cheveux devant les yeux, je fermai les paupières. Une fois assurée qu'il avait bien quitté l'avion, je m'empressai à mon tour de reprendre mes affaires pour partir le plus loin de ce maudit oiseau en fer et prendre un bol d'air frais après de nombreuses heures enfermée à l'intérieur.
*
— Disons que ce n'est pas ce que j'imaginais lorsque tu me disais qu'on logerait dans un hôtel... pestai-je en observant la façon du bâtiment.
— Tu imaginais un Hilton ?
Mon absence de réponse fit sourire la fille aux cheveux de feu alors que j'abhorrais l'aspect de mon habitat pour les prochains jours. Pour cause, la peinture jaune et rouge pelait, la solidité du toit ne m'inspirait pas confiance et je craignais de retrouver des cafards faisant la fête avec des mygales dans notre salle de bain. Même le trottoir s'avérait en piteux état. Sans oublier que le panneau lumineux penchait sur le côté.
— Les Holders aiment le luxe, commença-t-elle avant que je la coupe.
— Donc pas question pour eux de dormir, manger ou même couler un bronze ici, terminai-je avant de rire.
Ce gang était composé à 80% d'hommes au comportement de vraies princesses, oubliant d'où ils venaient : des quartiers malfamés, des rues abreuvées par la pauvreté et la violence. Même si l'état de l'hôtel paraissait déplorable, nous n'avions presque pas de risques ici. Je suivis mon amie à l'intérieur du bâtiment, poussai la porte à double battant transparente et tombai nez à nez avec la réception derrière laquelle se tenait une femme âgée d'une trentaine d'années. Son badge indiquait « Carmela ». Carmela arbora un léger sourire malgré les cernes qui assombrissaient ses yeux noirs, exactement de la même couleur que l'épaisse tresse qui tombait sur son sein gauche. Une beauté typiquement locale, diraient certains hommes.
— ¡Buenos dias! ¿Cómo puedo ayudarles, señoras? (Bonjour ! Comment puis-je vous aider, mesdemoiselles ?)
Crystal me lança un regard de détresse et je m'avançai alors face à la femme avec un sourire timide.
— ¡Hola! Deseamos alquilar una habitación por tres noches, répondis-je en essayant de bien prononcer chaque mot. (Bonjour! Nous souhaitons louer une chambre pour trois nuits.)
La Mexicaine acquiesça avant de fouiller de nous montrer sur son écran d'ordinateur la facture s'élevant à 180 pesos. Je fouillai dans mon sac et lui tendis une liasse de billets, au préalable échangée contre des dollars à l'aéroport. Il valait mieux payer en espèces plutôt qu'en carte, au moins ça ne laissait pas de trace de notre venue et l'absence de demande de carte d'identité de la femme me soulagea. Je réservai alors sous le nom de « Sanchez » pour plus de prudence. La prudence, quelque chose que l'on vous apprend très vite en entrant dans un gang car au moindre faux pas, on finit six pieds sous terre.
Carmela nous tendit une clé avec le numéro 26 et sans perdre de temps, nous grimpâmes les deux étages. Les couloirs étaient tapissés de rouges aux motifs, les portes en bois semblaient résister au temps et une odeur florale flottait dans l'air. En passant la porte de notre chambre, deux lits simples nous attendaient avec une grande armoire, un vieux bureau en bois et déposai vite ma valise au sol, l'ouvris et fouillai dans mes vêtements pour me préparer à une douche. Pendant ce temps, ma meilleure amie inspecta la salle de bain. Lorsque je relevai la tête, elle leva le pouce en l'air, signe que l'état était respectable.
Hâtivement, je m'enfermai dans la pièce avec mes vêtements, inspectai un coup au cas où avant de profiter de l'eau chaude. La salle de bain était petite, comportait une baignoire, une cabine de douche, des toilettes et un lavabo surplombé d'un miroir. Quelques fissures se dessinaient dans le carrelage au sol et murale, mais cela faisait l'affaire.
Même si ce n'était qu'une douche rapide, elle s'avérait agréable après des heures coincée dans un avion et une fatigue qui s'accumulait. Une fois propre, séchée, habillée et coiffée ; je laissai la place à la rousse qui était assise sur le canapé, les yeux rivés sur son portable.
— Il y a un marchand de tapis à deux cents mètres d'ici. Le temps que je me douche, tu pourrais y aller, s'il te plaît ?
« Le marchand de tapis », cette expression code que nous comprenions toutes les deux. J'avalai difficilement ma salive, mais opinai de la tête. Je n'aimais pas toucher aux armes sauf que se promener dans des coins un peu pourris de la ville en ayant des traits caucasiens en plus d'éventuellement affronter les Holders, nécessitait quelques préventions. Vaut mieux prévenir que guérir, dit-on.
J'attachai mes cheveux mouillés en une queue-de-cheval alors quelques gouttes d'eau perlaient encore le long de ma nuque et attrapai mon sac à dos dans lequel se trouvait tout ce dont j'avais besoin. Après avoir rebroussé mon chemin et une fois au pied de l'hôtel, j'activai le GPS de mon portable et suivis la route, toujours vigilante, regardant autour de moi.
Malgré l'urbanisation, de nombreux arbres se dressaient sur les trottoirs parfois abîmés et le nombre de voitures sur les routes pavées m'impressionnait. À destination, je découvris une ruelle recouverte de dalles et aux nombreux arbustes. Je m'aventurai en regardant chaque porte jusqu'à voir le nom de « Miguel Martinez » sur l'une des sonnettes, vers le fond de l'allée en cul-de-sac. À peine mon doigt posé sur le bouton, l'avertisseur résonna à peine, que la porte s'ouvrit à la volée sur un quadragénaire.
— ¿Qué quieres, chica? (Tu veux quoi, petite ?)
J'arquais un sourcil à sa remarque. Je n'étais ni petite ni grande de mes 1m65 et me contentai de lui offrir mon plus sourire avant de rétorquer :
— Necesito alfombras y escuchado que tendrías algo para venderme. (J'ai besoin de tapis et j'ai entendu dire que vous auriez de quoi me vendre.)
Visiblement, l'homme sembla comprendre quoi je parlais puisqu'il jeta un coup d'œil aux alentours avant de me faire signe d'entrer. Je refermai la porte derrière moi et le suivi dans sa maison où il descendit des escaliers menant à sa cave. Lorsqu'il alluma la lumière et retira les bâches de plusieurs caisses, j'eus un aperçu de l'arsenal dont il disposait. Ça ne rigolait pas ! Ce contrebandier devait sûrement approvisionner quelques gangs dans le coin, sauf s'il avait passé un pacte d'exclusivité...
Je m'attardais sur plusieurs pistolets dont deux silencieux, que je pointai du doigt pour qu'il les prenne. Il me donna un vieux sac de sport usé dans lequel il glissa les armes à feu avec leurs munitions. Je lui donnai aussitôt la somme d'argent demandée avant de le regarder dans yeux :
— Te doy 400 pesos extra por tu silencio. ¿Comprendido? (Je te donne 400 pesos de plus pour ton silence. Compris ?)
En guise de réponse, il me fit un clin d'œil puis me serra la main pour conclure cette affaire. Cela s'était avéré beaucoup plus simple que je l'imaginais et je ne pouvais pas m'en plaindre !
De retour à m'hôtel, je balançai le sac de sport sur les genoux de ma meilleure amie qui poussa un petit cri de douleur. Ça ne l'empêcha pas de se précipiter pour fouiller et regarder ce que j'avais pris et inspecter notre nouveau matériel. De toute façon, il était impossible de faire passer des armes par la voie de l'air...
— Fais une rapide sieste maintenant, on part jouer les éclaireurs en fin d'après-midi, m'annonça-t-elle avec calme.
Selon mes recherches, notre premier indice pour trouver notre « trésor » se cachait au Gran Museo del Mundo Maya. Un musée de cette envergure devait, théoriquement, être plutôt bien gardé alors un tel travail s'anticipait. J'inspirai profondément et me jetai en arrière sur mon lit pour profiter du matelas moelleux et des couettes qui avaient sûrement un état... Je refusais de penser aux taches de sperme dont parlait Gordon Ramsay dans Cauchemar à l'hôtel.
Pour la première fois depuis notre arrivée à l'hôtel, je jetai un œil à mes notifications et messages. Le nom de Leon Knight me sauta aux yeux. Mon cœur loupa un battement et la paranoïa m'envahit. D'une main hésitante, j'ouvris son sms.
Leon K. – Lilas, j'ai besoin de toi.
Je jetai un coup d'œil furtif à la rousse avant de pianoter sur mon écran.
Moi – Je t'écoute Leon :)
Leon K. – J'ai besoin de résoudre une énigme et comme tu es forte en histoire...
Je n'aimais pas ce que j'étais en train de faire, mais cela ne ferait que nous permettre l'accès à ce que nous recherchions au plus vite...
Leon K. – 2560GPG600JSB560TAE436SCZ350MH292CR289PA
Leon K – Je ne comprends rien à ce code, il n'y a même pas un seul indice sur ce putain de Google.
En fronçant les sourcils, je tournai le dos à mon amie, couchée sur le flanc.
Moi – Ça ne me dit rien... :/
Moi – Je vais chercher de mon côté mais faudrait que tu me donnes le contexte du code.
Je craignais que d'un seul coup, tout vole en éclats, parce que ses doutes se confirmeraient. Je contrôlai ma respiration qui se voulait haletante sous le coup de pression que je m'infligeais.
Leon K – Ces inscriptions sont gravées sur un astrolabe dont j'ai besoin.
L'astrolabe qui appartenu à Francisco de Montejo... Celui dont j'avais besoin et que je comptais bien voler la première sous le ciel étoilé de Mérida.
« Que le meilleur gagne, Leon... » pensai-je avant de fermer les yeux.
Hola! Que pensez-vous de ce chapitre ? ♡
L'intrigue se dessine dans ma tête, mais je préfère y aller au feeling cette fois-ci ! :)
Qu'imaginez-vous pour la suite ?
Les choses sont sérieuses vont bientôt commencer...
Votez, commentez, partagez ♡
Caroline.
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