Shades

- Générale Organa! Générale Organa !

- Que se passe-t-il amiral ? Vous êtes déjà de retour de votre mission ?

- Oui ma générale, un imprévu nous a contraint à rentrer plus tôt qu'envisagé à la base.

- Et quel est donc ce fâcheux imprévu ?

- La question correcte à se poser serait plutôt « qui ? ».

Leia Organa, cheffe de l'Armée Rebelle regarda son vis-à-vis avec surprise. Ce dernier, Poe Dameron, actuel leader de l'escouade Red mais également amiral de l'Alliance, tenta de faire un rapport le plus détaillé mais également le plus rapide possible.

- Alors que nous étions en mission d'infiltration sur la planète Almania, aujourd'hui encore sous la coupelle du Premier Ordre, nous sommes tombés sur une gamine. Cette fillette d'à peine douze ans avait été prise en otage par l'ennemie. Malgré vos instructions d'enquêter sur ce système, j'ai jugé que le cas de cette enfant été bien plus important que l'ordre de mission. Dieu seul sait ce que le Premier Ordre avait l'intention de lui faire subir. Et puis merde, ce n'est qu'une gosse, elle a des parents qui doivent être morts d'inquiétude de ne pas la retrouver. Nous devons la ramener à eux.

La générale sourit face à l'implication de son subordonné dans ses propos. « Espérons juste que d'autres enfants n'étaient pas dans le même cas que cette jeune fille » songea Leia pour elle-même. Mais il était vrai que Poe avait toujours eu pour idylle de protéger la veuve et l'orphelin et jamais il ne se serait permis de repartir ainsi sans vérifier la pensée qu'elle venait tout juste de se formuler. Alors la générale ne lui en teint pas rigueur, elle avait l'habitude. De surcroît, elle connaissait par expérience la peur que devaient ressentir les parents de l'enfant. Elle ne souhaitait à personne de vivre cela un jour. De plus le sort de cette enfant était effectivement préoccupant. Que pouvait-elle bien avoir pour que le Premier Ordre se préoccupe d'elle à un âge aussi jeune ? Elle n'avait que douze ans, non ? Elle ne représentait pour eux aucune menace. Ses parents peut-être ? Et puis douze ans...

Ce lapse de temps lui rappelait tellement de souvenirs, malheureusement loin d'être joyeux. Instinctivement ses pensées allèrent vers Rey, la dernière des chevaliers Jedi, le meilleur espoir que la Rébellion eut face à leur ennemi de longue date. Pourtant cela faisait douze ans qu'elle était portée disparue. Elle était partie un beau jour à bord de l'un des X-Wings de la flotte dans un but inconnu, même pour la générale Organa. Elle n'était jamais revenue et elle n'avait plus donné aucune nouvelle depuis lors. Beaucoup la disaient morte, mais cela n'était pas de l'avis de Leia, ni de ses proches amis. Alors pourquoi était-elle partie et où, cela restait un mystère. Cependant, tous espéraient la voir revenir un jour dans leurs rangs.

Cela faisait également douze longues années de plus qu'elle avait perdu son fils pour le côté obscur de la Force et plus le temps passait, plus les espoirs de voir un jour Ben rentrer s'amenuisaient. A vrai dire elle savait depuis longtemps qu'il n'y en avait plus, que son petit garçon avait cédé sa place au terrible Kylo Ren, Suprême Leader du Premier Ordre depuis quinze ans.

Elle soupira de lassitude en se remémorant chacun de ses espoirs partis un à un en fumé. En vingt ans, elle avait perdu tout ce à quoi elle tenait. Son fils. Son mari. Son frère jumeau. Puis Rey, son dernier espoir de ramener l'équilibre, la paix et la lumière dans la galaxie. La seule et unique chose à laquelle elle ait pu se raccrocher pour ne pas sombrer dans le désespoir était ce qu'elle avait toujours su faire, se battre pour ses idéaux. Elle se trouva interrompue dans le fil de ses sombres pensées par un raclement de gorge. Leia avait oublié la présence de Poe Dameron à ses côtés. Ce dernier lui proposa de rencontrer la fillette en question, ce qu'elle accepta sans une once d'hésitation.

Poe la guida donc jusqu'à un recoin du hangar où étaient stockés les vaisseaux. Pressé, il dû attendre à plusieurs reprises que sa supérieure le rejoigne, Leia s'appuyant lourdement sur sa canne pour l'aider à soutenir le poids des années pesant sur son dos vouté. Lorsqu'il stoppa sa course pour la troisième fois dans ce but, Poe songea, le cœur lourd, que malheureusement rien n'était éternel. Probablement comme Rey, songea-t-il avec tristesse. Mais cette pensée, il se retint bien de la formuler à voix haute. Surtout devant la générale Organa. Au pied de son vaisseau, il observa son meilleur ami, Finn, ainsi que les droïdes BB8 et C3PO qui entouraient tous les trois, curieux, une enfant à la silhouette frêle. L'amiral et sa supérieure s'approchèrent d'eux à allure soutenue, surtout pour la générale qui peinait à suivre la cadence donnée par son subalterne. Une fois à leur niveau, Leia demanda à ses deux subordonnés humains ainsi qu'aux robots de la laisser seule avec la petite. Ils prirent donc congé et s'en allèrent. Excepté C3PO qui s'estimait pouvoir être utile pour découvrir et analyser les origines de l'enfant. L'implication du droïde toucha autant qu'exaspéra Leia. C3PO avait toujours à cœur de bien faire les choses, parfois même trop bien. Et son manque de tact risquait de brusquer la jeune fille. La Générale ne pouvait se permettre de prendre un tel risque. Cela, sans compter son côté légèrement envahissant. Mais pour ne pas le vexé, le pauvre étant extrêmement sensible, Leia lui épargna toutes ces remarques, se contentant simplement de le congédier sans ne tolérer aucune protestation.

Puis la générale prit le temps de détailler l'enfant d'un œil bienveillant. Elle était de race humaine et de taille moyenne pour une petite de son âge. Effectivement Leia lui donnait tout juste une douzaine d'années, peut-être même un peu moins. De longues boucles ébènes encadraient son visage constellé de tâches de rousseurs et tombaient jusqu'à ses omoplates. Elle pouvait observer un sourire radieux et des étincelles dans les intriguant yeux verrons de la petite. Les deux étaient bruns, mais dans des nuances diamétralement opposées. L'un était clair aux reflets dorés, tandis que l'autre était si sombre que si l'on n'y prêtait pas attention, on l'aurait pu croire noir. Nulle trace de frayeur n'était visible sur les fins traits juvéniles de l'enfant, au contraire elle paraissait confiante.

- Bonjour jeune fille, comment t'appelles-tu ? commença la générale.

- Bonjour ! Moi c'est Grey, et vous ?

- Quel joli prénom tu portes mon enfant, s'exclama la générale bien consciente qu'elle cherchait ainsi à s'attirer la confiance de la petite. Je m'appelle Leia, enchantée.

- Moi aussi je suis contente de faire votre connaissance. Dîtes-moi, c'est vous la cheffe de l'Armée Rebelle ?

- C'est exact, s'amusa la femme âgée. Et dis-moi ma petite, quel âge as-tu ?

- Onze ans, et je ne suis pas petite, affirma l'enfant sûre d'elle.

- Peut-être pas en taille Grey, mais tu es bien jeune. Tes parents doivent s'inquiéter.

A ces mots, le sourire espiègle de l'enfant disparu. Elle savait qu'elle avait désobéi à ses parents en partant à l'aventure seule et elle n'en avait pas mesuré les risques. A présent qu'elle n'était plus en danger, elle le sentait, le fait qu'on lui parle de ses parents lui serrait le cœur. Ils lui manquaient. Terriblement. Elle n'avait jamais été séparée d'eux. Sauf lorsqu'ils la confiaient à leur voisine, la vieille madame Terva. C'était une mamie Trosilèk adorable et sa capacité à changer de couleur en fonction de ses émotions avait toujours amusé l'enfant. Mais dans ces moments-là, son papa et sa maman ne s'absentaient pas plus d'une journée. Aujourd'hui cela faisait neuf jours qu'elle leur avait faussé compagnie et elle le regrettait amèrement.

Leia, qui avait bien remarqué que l'humeur de la petite protégée de Poe s'assombrissait, poussa la jeune Grey à lui partager ce qu'elle avait sur le cœur. Mais toujours un peu méfiante, cette dernière ne se confia que dans les grandes lignes. Elle avait encore en tête les nombreux avertissements de ses parents à propos de son anonymat qu'elle devait essayer de préserver au maximum pour se protéger.

- Grey, mon enfant, qui sont tes parents ? Nous allons t'aider à les retrouver, je te le promets, finit par la rassurer la générale Organa qui, à son insu, avait mis les deux pieds dans le plat.

L'enfant hésita à donner une réponse, trop consciente du risque qu'elle pouvait prendre en révélant cette information. Et puis tant qu'elle restait à l'abri des mauvais traitements, ce qui semblait être le cas ici, elle pouvait se permettre d'attendre que ses parents la retrouvent d'eux-mêmes. Ça ne devrait d'ailleurs plus prendre beaucoup de temps.

De son côté, Leia était surprise du temps que mettait la petite à répondre. Alors elle renchérit :

- Tu sais, si tu veux que nous t'aidions à retrouver tes parents, il va falloir que tu nous donnes leurs noms. Nous ne pourrons pas parcourir toute la galaxie à leur recherche.

Face aux dires de la cheffe des Rebelles, la petite rescapée du Premier Ordre se ragaillardi un petit peu et afficha même un sourire amusé.

- Vous savez Leia, je n'ai pas besoin d'aide pour retrouver mes parents. Ils me cherchent déjà et arriveront bientôt ici pour me récupérer.

- Comment cela se fait-il ? Aurais-tu un émetteur sur toi ? Écoute Grey, je suis désolée mais si tu en as un, il va falloir que tu nous le remettes et que nous le désactivions. Nous ne pouvons pas nous permettre que le Premier Ordre localise notre base. Nous ne pouvons pas en changer encore une fois. Alors s'il te plaît mon enfant, donne-moi cet émetteur.

Les paroles de la générale s'accompagnèrent d'une main tendue, comme pour inciter l'enfant à lui donner l'objet. Mais le sourire de cette dernière s'agrandit. Une simple puce pouvait donc être si menaçante pour les Rebelles ? Heureusement pour eux qu'elle n'en avait pas alors.

- Ne vous inquiétez pas, je ne possède pas ce genre d'appareil sur moi. Dans ma famille, nous n'en avons pas besoin.

Les brèves explications de la plus jeune surprirent l'ancienne princesse. Comment cela se faisait-il ? Comment ses parents pourraient la retrouver sans émetteur ? Elle se posa cette question lorsqu'elle ressentie d'étranges ondes émaner de la petite fille. Serait-ce... la Force ? Oui, Leia pouvait la ressentir lorsqu'elle était assez présente chez quelqu'un. Elle le devait à Luke et à la formation de Jedi qu'il lui avait dispensée.

- Pourquoi le Premier Ordre en avait après toi ?

Grey parut réfléchir un moment, mais finit par répondre.

- Mon potentiel je crois ?

- Quel potentiel, mon enfant ?

- La Force, mes parents disent qu'elle est particulièrement intense chez moi. Je pense que c'est pour cela que le Premier Ordre en avait après moi. S'ils parvenaient à me convertir, je serai une redoutable alliée pour eux.

Une si jeune enfant pouvait-elle donc être clairvoyante à ce point pour déterminer les enjeux et les risques que représentait un tel pouvoir ?

- Tes parents sont-ils sensibles à la Force pour l'avoir décelée chez toi ?

- A votre avis, comment essaient-ils de me retrouver ? interrogea la fillette amusée par la question dont la réponse lui semblait pourtant évidente.

- Une pareille utilisation de la Force est p...

- Nous sommes sur quelle planète ? l'interrompit Grey de but en blanc.

- Pourquoi une telle question si soudainement ?

- C'est Maman. Elle est suffisamment proche pour détecter ma présence et me contacter. Mais ce serait beaucoup plus facile pour elle de savoir directement où me retrouver.

Donc cela était bien possible. Mais quelle famille de fous possédait une telle affinité avec la Force ? Une affinité au point de les connecter par télépathie ? Même Luke ignorait qu'une utilisation pareille de la Force était possible. Avec un pareil potentiel à leur côté, le Premier Ordre ne ferait pas long feu. Serait-il possible de les recruter dans leurs rangs ? Leia sentait naître quelque chose en elle qu'elle n'avait plus ressenti depuis longtemps : l'espoir.

- Alors ? la questionna l'enfant, impatiente.

- Naboo, la planète sur laquelle nous nous trouvons actuellement se nomme Naboo.

- Tu as entendu Maman ou il faut que je te le répète ? ... Je me trouve sur Naboo. .... D'accord, à tout à l'heure Maman. ... Moi aussi je t'aime.

Attendez, cette enfant venait d'avoir une conversation à distance avec sa mère grâce à la Force ? Cela était à peine croyable, même pour la femme d'expérience qu'était Leia qui croyait avoir fait le tour de beaucoup de sujets.

- Grey, j'aurais une question très importante à te poser. Penses-tu qu'il serait possible que tes parents se joignent à la Résistance pour défaire le Premier Ordre ? Bien entendu, tu ne seras mêlée à rien de tout ça, jamais nous ne risquerions la vie d'une enfant.

Grey parut choquée par la question. Mais très vite son visage laissa place à une expression désabusée. Ses parents avaient-ils donc raison à ce point ? Raison sur le fait que chaque personne possédant un minimum d'influence l'use uniquement à ses propres fins, uniquement pour réaliser sa propre idylle ? A quel point fallait-il être aveugle pour ne pas se rendre compte que l'intérêt de l'un n'est jamais le même pour l'autre ? Cela se vérifiait à beaucoup d'échelles différentes, que ce soit entre voisins ou à plus grande taille, le Premier Ordre contre l'Armée Rebelle. Tous étaient persuadés d'avoir raison. Mais en partant comme cela, tout le monde avait tort. Après tout, ne disions-nous pas que le malheur des uns faisait le bonheur des autres ? Alors d'accord, l'oppression du Premier Ordre lui semblait être bien pire que la république défendue par les Rebelles d'un point de vue éthique, mais ce n'était pas aussi parfait que semblait le penser la Générale. Sa république ne ferait jamais le bonheur de tous comme elle paraissait le croire. Malgré ce que lui disaient ses parents, elle avait espéré que tous ces êtres vivants étaient capables d'un minimum de clairvoyance. Elle était déçue de s'être fourvoyée à ce point et, finalement, d'être partie pour rien. Elle savait quoi répondre.

- Du Yin ou du Yang, lequel à tort ?

Surprise de cette question, la générale Organa ne comprit pas où la petite souhaitait en venir. Elle répondit donc le plus honnêtement possible :

- Tu sais Grey, je ne saisis pas vraiment le sens de ta question. Ils sont complémentaires. L'un n'existe pas sans l'autre. Ou si tel était le cas, rien ne serait équilibré. Car c'est ce que ces symboles, ensemble, représentent : l'équilibre des forces. Aucun des deux n'a ni tort ni raisons, ils fonctionnent ensemble.

- Exactement, vous avez parfaitement raison. Et c'est ce que symbolise mon prénom aux yeux de mes parents, l'équilibre en toutes choses. C'était juste pour tester votre analyse des situations.

- Mon analyse des situations? Leia ne sut plus quoi penser. Eh bien ma petite, quelque chose me dit que tu nous réserve encore beaucoup de surprises.

- Je ne suis pas petite ! se vexa à nouveau Grey.

Et la générale partit dans un éclat de rire. De son côté, Grey se mit à bouder de façon totalement puérile, en apparence. Elle profitait de son jeune âge dont la cheffe des Rebelles semblait sous le charme, pour masquer sa maturité mais également pour ne pas laisser paraître son incrédulité. Non mais franchement, il lui faut quoi de plus pour comprendre ? À ce niveau-là ce n'est plus de la clairvoyance qui leur manque, mais bien de l'intelligence. Et dire que je ne croyais pas Papa et Maman lorsqu'ils me parlaient de la bêtise de l'être, moi aussi je dois en manquer d'une bonne dose, de l'intelligence.

Mais Grey trouva son fil de pensées interrompu par sa mère.

- J'arrive sur Naboo, tu es où exactement ma chérie ? La planète est grande.

Sans répondre à sa mère, l'enfant se tourna vers la Générale et annonça :

- Maman veut savoir où on est.

- Ça, ma petite, je ne peux malheureusement pas te le dire. Notre cachette doit rester secrète. Cependant, il y a une clairière suffisamment vaste pour se poser et repartir sans encombre au cœur de la plus grande forêt. C'est là-bas que vous vous retrouverez.

Grey qui avait énoncé les informations à sa mère se vit conduire au lieu de rendez-vous par la Générale Organa. Lorsqu'elles atteignirent la clairière, un vaisseau les attendait déjà, celui de la mère de Grey. L'enfant reconnut d'ailleurs sa silhouette au niveau du museau de l'appareil. Elle se mit donc à faire de grands gestes et à crier. Sa mère lui avait beaucoup manqué. Une fois le véhicule arrêté, la fillette en sauta sans plus de cérémonie et courut se réfugier dans les bras réconfortants qu'on lui tendait dans un magnifique «MAMAAAAAAAN».

Tandis que mère et fille se retrouvaient dans une chaude étreinte, la Générale descendit à son tour du module, avec l'aisance que lui laissait son corps usé par les années. Elle fût suivie par un Poe Dameron lourdement armé dans le rôle de garde du corps. Leia était perturbée par la puissance de la Force émanant de l'inconnue. Cependant, elle trouva celle-ci perturbée par d'étranges ondes qu'elle n'aurait sût définir. Une autre chose également capta son attention : son aura. Elle lui semblait si familière, pourtant elle ne parvenait pas la mettre en lien avec un nom ou un visage. Peut-être était-ce là les premières véritables faiblesses dû à son âge. Toutefois, cette observation resta en arrière-plan dans son esprit tant elle fut attendrie par le spectacle qui s'offrait à elle.

L'amour réciproque d'une mère et son enfant, la chaleur réconfortante d'un foyer, qu'importe où l'on se trouve, tant que les bras de notre famille sont là pour nous accueillir. D'un coup, Leia le revoyait, là, tout près d'elle, se précipitant en larmes dans ses bras après une mauvaise chute. Son fils, Ben, son petit garçon d'à peine quelques années à l'époque de ce souvenir, lui manquait tant.

Mais quelle ne fut pas la surprise de la générale lorsqu'elle vit l'enfant se séparer de l'étreinte chaleureuse de sa mère pour mettre son visage à la hauteur de l'abdomen de cette dernière, de planter un bisou dessus accompagné de quelques paroles inaudibles pour elle. Ce fût à cet instant précis que Leia remarqua pour la première fois la légère protubérance de son ventre. La jeune femme attendait un bébé. Plusieurs mois étaient encore à patienter avant la naissance de ce dernier, mais cela ne faisait aucun doute. La mère de Grey était enceinte. La main affectueuse venant caresser la bosse ne laissait planer aucun doute. Et cette scène, à nouveau, lui fit l'effet d'inhaler une bouffée de douloureuse nostalgie.

Ce fut Poe Dameron qui tira une nouvelle fois sa supérieure de ses tristes pensées en lui proposant d'aller à la rencontre de l'inconnue. Mais plus tous deux se rapprochaient, plus ils comprirent que d'inconnue, il n'y en avait point. A chaque pas qu'ils faisaient dans la direction de la petite famille, ils reconnaissaient un peu plus les traits de la mère. Tout d'abord, il y avait les long cheveux châtains, retenus dans une espèce de tresse lâche - sa coiffure avait changé. Vint ensuite son teint, légèrement halé par le soleil. Puis il y eut son visage tout en longueur dont les traits étaient fins. Et pour compléter cette allure de plus en plus familière, des yeux noisette soulignés de quelques tâches de rousseur, toujours aussi perçants malgré les années. Bien que son allure ait vieilli de douze ans, ils la reconnurent. Et Poe laissa bien vite tomber son rôle de garde du corps pour accélérer le pas en direction de son amie perdue depuis longtemps, tout en l'appelant.

- Rey ?! Je ne rêve pas, c'est bien toi ?

La mère de famille se détacha un peu de son enfant, tout en créant une barrière de protection avec son corps entre son interlocuteur et sa fille. Mais en reconnaissant à son tour les deux individus se dirigeant dans leur direction, elle se détendit. Certes ses idéaux avaient changé, mais l'affection qu'elle portait au pilote ainsi qu'au leader de la révolution était toujours intacte.

- Poe, souffla Rey la voix chargée d'émotion. Ça fait si longtemps.

- La faute à qui ? la taquina ce dernier.

Ce fût dans une étreinte enthousiaste que les deux amis se retrouvèrent. Puis Poe, comprenant peu à peu la situation, se détacha de Rey pour la fixer. Ses yeux partirent ensuite en direction de la petite Grey, l'étudia rapidement et revinrent se poser sur la femme qu'il tenait encore par les épaules.

- Attends... balbutia-t-il, deux secondes que je comprenne bien la situation.

Il se recula d'un pas, incertain de ce qu'il allait s'apprêter à dire.

- Si je comprends bien, reprit-il, la petite là, c'est ta fille ?

- Ça m'en a tout l'air, effectivement, amiral Dameron.

C'était Leia qui avait répondu, à la place de la principale concernée par la question. Au même moment où elle avait parlé, un grognement de protestation s'était fait entendre du côté de Grey, visiblement mécontente que l'on parle d'elle ainsi en sa présence. Rey se contenta simplement d'un hochement de tête pour confirmer ce que venait de dire la générale. Puis elle sembla partir dans ses pensées. Voilà pourquoi, lorsque Leia lui posa une question, elle ne répondit pas. Quand Rey reprit contact avec la réalité, elle comprit qu'elle avait raté quelque chose d'important.

- Pardon, vous disiez ? interrogea-t-elle confuse.

- Rien de bien important ma chère Rey, juste que je suis heureuse de te revoir, surtout dans la forme que tu as l'air de tenir, lui indiqua-t-elle en désignant son ventre du menton.

A cette mention, la main maternelle de Rey vint caresser son ventre arrondi par le petit être qui y grandissait. Elle murmura un merci songeur avant d'annoncer que le père de sa fille arriverait d'ici cinq minutes, étant donné qu'il était aux commandes du vaisseau familial.

- Comment sais-tu cela ma chère Rey ? lui demanda la générale Organa.

- Vous savez Leia, lui répondit-elle, il y a bien des aspects de la Force dont maître Luke ignorait l'existence. A vrai dire, même à l'heure d'aujourd'hui, mon partenaire et moi ignorons toujours comment cela est possible, mais vous l'avez probablement remarqué avec Grey, n'est-ce pas ? La Force relie les membres de notre famille par la pensée et ainsi nous pouvons communiquer à distance. Au début, cela se faisait de manière involontaire entre mon conjoint et moi. Puis nous avons appris à contrôler ce pouvoir, à le développer et nous commençons depuis quelques années à le transmettre à notre fille.

- Et même que Papa dit que j'apprends super vite ! s'enthousiasma Grey, ravie de pouvoir enfin participer à la conversation. Pas vrai Maman ?

Cette dernière confirma en caressant affectueusement le visage enfantin de sa fille. Puis arriva la question fatidique qui brûlait les lèvres de Poe depuis qu'il avait retrouvé son amie. Cette dernière tenait en quatre mots : "pourquoi es-tu partie ?" Rey expliqua alors ce qu'il s'était joué pour elle douze ans auparavant. A l'époque déjà, elle fréquentait le père de sa fille et de son enfant à naître. Elle était restée très discrète à ce sujet-là, de crainte des remontrances qu'on aurait pu lui faire de par son statut de chevalier Jedi. Mais lorsqu'elle avait appris pour sa première grossesse, Rey et son partenaire réfléchissaient déjà à tout quitter pour fuir ensemble, les idylles que chacun défendait à cause de leurs appartenances politiques respectives leur correspondant de moins en moins. Cette nouvelle avait juste été l'élément déclencheur. Ils désiraient tous les deux ce bébé à venir et voulaient le protéger de la violence de la guerre. Alors ce fameux soir, Rey avait volé un X-Wing pour rejoindre son amant, qui avait lui aussi pris la fuite. Ils s'étaient ensuite installés là où personne ne les connaîtrait et où ils pourraient élever leur enfant en sécurité.

À la suite de ces révélations, Leia voulut poser une question mais fut interrompu par le bruit assourdissant d'un vaisseau qui atterrissait à l'autre bout de la clairière.

- Ne vous inquiétez pas Leia, vous connaîtrez bientôt l'identité de son père, lui cria Rey en désignant sa fille qui se précipitait déjà vers le nouveau vaisseau.

- Comment ? voulu savoir la générale, qui craignait que la jeune femme n'ait lu dans ses pensées.

- Simple supposition, répondit-elle amusée tout en baissant le volume de sa voix suite à l'anabooisage de l'engin. Ne vous inquiétez pas, je ne peux pas entrer comme ça dans l'esprit des gens.

Leia rit franchement à cette information, un peu soulagée elle devait bien se l'avouer.

De son côté, Grey appelait son papa à pleins poumons, espérant ainsi le faire sortir plus vite de son vaisseau. Sa famille lui avait vraiment beaucoup manqué. Lorsque ce dernier eut posé pied à terre, elle courut vers lui en criant, mais s'arrêta aussi sec. Le regard que son père lui lançait actuellement lui fit peur. Il avait les yeux noir, pleins de colère et de reproches.

- Grey, tu te rends compte de l'immense bêtise que tu as fait ? gronda le père de famille, toujours son casque sur la tête.

Sa fille acquiesça en tremblant, trop intimidée par son aura.

- Qu'est-ce que Maman et moi te répétons tout le temps, bon sang ? la questionna-t-il avec plus d'inquiétude dans la voix que de colère cette fois.

- De ne pas m'éloigner seule de la maison car ça peut être dangereux, murmura-t-elle en baissant la tête honteusement.

- Alors par tous les saints, pourquoi ? Pourquoi as-tu pris cette navette inter-planètes sans rien nous dire ?

- C'est juste, bah je vous croyais pas quand vous disiez que chacun ne regarde pas plus loin que le bout de son nez. Il fallait, je voulais vous prouver le contraire... Je suis désolée.

La petite fondit en larmes sur la fin de sa phrase, laissant toute la fragilité liée à son jeune âge ressurgir maintenant que ses deux parents étaient là pour la protéger. Son père d'ailleurs, ne se fit pas prier pour prendre sa précieuse fille dans les bras afin de la consoler. Celle-ci n'arrêtait pas de dire qu'elle avait eu très peur et qu'elle promettait de ne plus jamais recommencer. Et tous les "princesse" et autres surnoms affectueux du monde ne parvenaient pas à la calmer. Tandis qu'il tentait de tarir les larmes de son enfant, il se dirigea vers le groupe de personnes qui les observaient et dont sa compagne faisait partie. Une fois à leur hauteur, il lui demanda de prendre leur fille dans ses bras afin qu'il puisse retirer son casque. Rey ne se le fit pas demander deux fois et récupéra la petite. Dans un même temps, il remarqua le léger froncement de sourcils de Leia. Puis, enfin il se libéra de sa protection.

Leia observa, sidérée, ce visage familier embrasser chastement les lèvres de Rey avant de planter un bisou sur le crâne de celle qui était visiblement sa fille. Elle ne revint sur Naboo que lorsque le jeune homme en face d'elle lui adressa la parole.

- Bonjour Maman.

- B...

Mais Leia n'eut pas le temps de finir sa phrase, un mot, trois lettres, un prénom. Le prénom qu'elle avait le plus chéri de sa vie, dès lors qu'elle l'eut prononcé pour la première fois. Un prénom qu'elle désespérait un jour voire à nouveau franchir la barrière de ses lèvres ridées par les années. Elle n'eut même pas le temps de prononcer le prénom de son fils, coupée par une petite tête brune qui avait finalement cessé de pleurer.

- Dis Papa, Leia c'est ta maman ? interrogeât-elle piquée par la curiosité qui caractérisait les enfants de son âge.

- Oui princesse, c'est ma maman, murmura le père de famille dans un souffle presque inaudible. Elle est aussi ta grand-mère.

- C'est bon Papa, je ne suis pas bête, répondit Grey en descendant des bras de sa mère. Evidemment que si c'est ta maman elle est aussi ma grand-mère, c'est logique !

La benjamine du groupe se tourna alors vers l'aînée qui peinait à tout assimiler : le retour de son fils qu'elle croyait perdu à jamais, celui de Rey avec qui Ben avait visiblement fondé une famille, l'existence de leur fille, un titre de grand-mère qu'elle ne pensait jamais avoir la chance d'assumer un jour et la naissance prochaine d'un deuxième petit-enfant. C'est pourquoi Leia ne put répondre lorsque la jeune Grey lui demanda comme elle devait l'appeler. Si elle préférait mamie ou grand-mère. Avait-elle seulement entendu la question de celle qui se révélait être sa petite-fille ?

Leia, dont toutes ces informations étaient bien plus que son vieux cœur ne pouvait supporter, laissa les larmes glisser librement sur ses joues tandis qu'elle prit son fils dans ses bras. Elle lâcha sa canne pour passer la main qui la tenait dans le dos de son enfant. L'autre vint se poser à l'arrière de son crâne, déposant ainsi le visage du jeune papa dans son cou. Sa voix, chevrotante de par son grand âge et ses sanglots contenus tant bien que mal, ne cessait de répéter ces quelques mots en boucles, telle une prière de remerciement. « Ben, mon fils, mon petit garçon. C'est toi ? C'est vraiment toi ? Tu es bien de retour ? Je n'arrive pas à y croire. Mon petit garçon, mon tout petit bébé... »

Rey, qui se trouvait à portée de la voix de Leia, ne put retenir un sourire moqueur à l'entente des surnoms que sa belle-mère donnait à son conjoint. Cela n'échappa pas à Ben qui, pour masquer son embarra, nicha un peu plus son visage rougi par la gêne dans le cou de sa propre mère. Il en profita cependant pour humer à pleins poumons son odeur réconfortante. Il avait été séparé d'elle assez tôt. Et bien qu'il la voyait encore à certaines occasions lors de son époque padawan, ce genre de gestes affectueux venant de sa mère lui avait manqué. Surtout qu'il avait beaucoup appréhendé leurs retrouvailles. Il avait été dans l'incertitude de la réaction de la vieille femme vis-à-vis de lui-même. Si bien qu'à chaque fois que Rey lui avait proposé d'aller à sa rencontre pour présenter sa grand-mère à leur fille, il avait toujours fui derrière les mêmes excuses. Les deux principales étant que s'ils avaient choisi tous deux de s'éloigner de la guerre qui faisait rage entre le Premier Ordre et l'Armée Rebelle pour protéger leur fille ce n'était certainement pas pour la présenter à la cheffe du second camp et qu'ils ignoraient tous deux où se terrait ce dernier. Mais à présent qu'il était niché dans cette étreinte maternelle, il se sentait bête d'avoir attendu autant de temps pour apaiser sa mère à présent bien âgée comme il pouvait le constaté. Et bien qu'il savait que l'heure des explications tant redoutées approchait à grands pas, il réconforta comme il le pouvait Leia, en lui assurant que c'était bien lui, Ben et non plus Kylo Ren, et qu'il était effectivement revenu du côté obscur de la Force. Enfin en quelque sorte.

Mais ces mots suffirent à apaiser le cœur de la vieille générale et cette dernière pu enfin relâcher son fils de la prison qu'étaient devenus ses bras. En se redressant Ben pu constater les yeux rougis et encore humides de sa mère, vision qui lui serra le cœur. Il s'en voulait de l'avoir tant inquiétée et faite souffrir. Mais ce chemin avait été le sien. Il lui avait permis de rencontrer l'amour de sa vie, de réaliser avec elle beaucoup de choses sur le côté très manichéen attribué aux pouvoirs de la Force, s'affranchir tous les deux, main dans la main, du côté obscur comme du côté lumineux et ainsi, à eux deux, trouver leur équilibre. C'est ainsi que Ben débuta son récit à sa mère. Alors certes il avait commis de nombreuses erreurs, prenant ainsi la vie de trop de personnes, et cela il ne pensait pas pouvoir se le pardonner un jour ; mais ce chemin, son chemin, celui qui a croisé la route de Rey, a donné naissance au plus merveilleux être qui soit à leurs yeux, leur fille adorée, Grey. Et ce miracle s'apprêtait à se reproduire. Et cette fois ce nouvel être sera accompagné dès le début par l'amour de sa Grand-Maman, comme Grey avait finalement décidé d'appeler Leia qui n'avait toujours pas répondu à sa question. 

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