Interclasse n°8


(Rating R)  

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Il s'était masturbé quatre fois.

Quatre fois, depuis qu'il était rentré de chez Dorian ce vendredi-là. Une fois avant de se coucher, une fois pendant la nuit, une fois au réveil et une fois sous la douche. Une fois de plus, il avait le sentiment de revivre les terribles années de son adolescence. Pire encore, il avait l'impression que ses brusques envies se lisaient sur son visage : n'importe quel regard ou sourire de la part d'un membre de sa famille le persuadait un peu plus que chacun d'entre eux savait pertinemment quelle torture il faisait subir à sa main droite.

« Manon, pour la énième fois : lâche ton téléphone, soupira Christophe sans lui-même détacher les yeux de l'écran de la télévision. »

Tandis qu'il marmonnait quelque chose à propos de « cette génération sans arrêt scotchée à un écran non mais vraiment vous y croyez vous à son époque ils n'avaient pas besoin de ça et tout le monde profitait du week-end en famille », Manon lui fit une odieuse grimace que son père ne remarqua même pas. En réalité, ce n'était que pour tenir sa meilleure amie au courant de l'avancée de son plan d'attaque qu'elle restait collée à son portable : cela faisait près de dix minutes qu'elle surveillait du coin de l'œil chaque mouvement de son frère, prête à bondir dès qu'il poserait un pied en direction de la porte d'entrée.

La veille, alors qu'elle rentrait du collège, elle avait frôlé la crise cardiaque en reconnaissant Maxime et son vélo à l'entrée de chez elle, en pleine discussion avec Simon. Aussitôt, elle s'était incrustée entre eux avec un large sourire et, si sa présence avait laissé Maxime totalement indifférent, son frère, lui, avait maintes fois tenté de la pousser d'un coup de coude vers la maison. Peine perdue, car Max fit l'erreur ultime : inviter Simon au cinéma le lendemain et, plus par politesse que par envie, il avait convié Manon par la même occasion. L'adolescente avait semblé fondre de bonheur.

Maintenant, il ne pouvait plus y couper : il devait traîner sa petite sœur au cinéma en compagnie de ses propres amis, tout ça pour la voir baver sur Maxime durant deux heures sans être capable de prononcer un seul mot en sa présence. L'horreur.

C'est donc en début d'après-midi que les deux enfants Guéret sortirent de chez eux, l'une sautillant de joie, l'autre traînant des pieds. Simon avait uniquement accepté de s'y rendre malgré tout dans l'espoir de tuer le temps et, au moindre signe de la part de Dorian, il aurait été prêt à inventer n'importe quelle excuse pour le retrouver, même si cela signifiait laisser sa sœur accrochée à la jambe de Max jusqu'à la tombée de la nuit. Il ne pouvait tout simplement pas le sortir de ses pensées et, dès que son visage lui venait à l'esprit, il sentait son excitation croître sous son pantalon. Il n'avait jamais trouvé un week-end si long. Comment était-il sensé tenir jusqu'à lundi ? Enfin, il savait comment. Exactement de la façon qu'il avait déjà expérimenté quatre fois. C'était de la torture pure et simple.

« Tiens, t'as vu ça ? »

Soudain tiré de ses pensées, le garçon sentit sa sœur lui attraper le bras et, d'un discret coup de menton, elle désigna l'un des pavillons de la rue. Ou, plutôt, celui de monsieur Cohen.

Simon sentit son cœur s'arrêter.

Une voiture était arrêtée devant le portail. Une petite voiture rouge, pas neuve, mais dans un état bien supérieur à celui du pick-up de Dorian garé dans l'allée du garage. À travers le pare-brise, aveuglé par le reflet du soleil, il pouvait uniquement apercevoir son propriétaire – ou plutôt, sa propriétaire : les doigts vernis d'une femme tenaient le volant, mais il ne pouvait rien voir d'elle si ce n'était d'épais cheveux noirs tombants sur sa poitrine enserrée par un tailleur. Simon n'avait jamais vu qui que ce soit s'arrêter devant chez lui. Mais le pire fut lorsqu'il s'aperçut que Dorian lui-même était penché à la fenêtre de la voiture, une petite valise noire à la main.

Qui était-ce ? Dorian n'avait jamais mentionné la moindre femme – ni même n'importe qui. C'était comme s'il était soudain apparut sur Terre, seul, et était resté volontairement solitaire jusqu'ici. Du moins, c'était l'image que Simon s'était fait de lui depuis son emménagement.

Depuis le pas de la porte, Simon reconnut l'aboiement de Marcel à l'instant où les yeux globuleux du chien se posèrent sur lui et, levant le nez dans sa direction, Simon le vit retourner la tête vers la porte ouverte derrière lui, scrutant l'intérieur de la maison. Les escaliers, devina Simon. Il regardait les escaliers. Il ne montait presque jamais (les marches devaient être un calvaire pour ses petites pattes et son poids conséquent), sauf si...

Sauf si quelqu'un d'autre se trouvait à l'étage.

« Simon ? Tu viens ? On va être en retard, appela sa sœur en le tirant par le poignet vers le bout de la rue. »

Leur mouvement attira l'attention de Dorian vers eux lorsqu'il redressa le dos, quelques instants avant que la voiture rouge ne démarre et ne disparaisse au croisement. Ce fut à cet instant, durant ce court moment où ses yeux se lièrent aux siens, que Simon eut la certitude qu'il n'aurait pas dû assister à cette scène.

Dorian fronça les sourcils et, sans esquisser un sourire, tourna les talons et claqua la porte de sa maison derrière lui.

~

Naturellement, lorsque Simon sortit de chez lui ce lundi-là, son sac de cours sur l'épaule, il resta sottement immobile au beau milieu du trottoir pendant de longues secondes. Évidemment, il avait une envie folle de retrouver Dorian, mais...

Mais il n'avait pas oublié le regard glacial qu'il lui avait adressé deux jours plus tôt. Qu'est-ce que cela signifiait ? Devait-il comprendre que leur « arrangement » ne tenait plus ? Dorian était-il en colère qu'il ait assisté à cette scène ? Mais pourquoi le serait-il ? Ce n'était pas comme s'il l'avait volontairement épié – ou, du moins, c'était ce qu'il se répétait pour s'empêcher de culpabiliser – puisqu'il était simplement son voisin. Il était passé par là au mauvais moment, voilà tout.

Merde. À quoi cherchait-il des excuses, au fond ? Il n'avait rien fait de mal. Simon tourna les talons et poussa le portail de la maison de Cohen. Mais il ne parvenait pas à oublier cette voiture rouge et cette femme. Qui était-ce ? Pouvait-il, oserait-il poser la question à Dorian ? Au fond, cela ne le regardait pas. Il n'était personne, et il n'avait aucun compte à lui rendre.

À peine son doigt eut-il effleuré la sonnette que la porte s'ouvrit à la volée et qu'une main se referma sur son poignet, le tirant sans aucune douceur à l'intérieur, ignorant l'exclamation de surprise qui lui échappa lorsqu'il manqua de perdre l'équilibre. Son nez heurta douloureusement une épaule et, derrière lui, il entendit la porte se claquer avant d'être projeté contre celle-ci ; son dos frappa le bois froid, mais il sentit deux mains chaudes se glisser immédiatement sous son pull, caressant ses côtes, remontant sur son torse.

Bon, eh bien, ça réglait une part du problème, songea Simon en sentant les lèvres de Dorian se plaquer contre les siennes avec une telle force qu'il se retrouva emprisonné entre lui et la porte. Apparemment, il n'avait aucune intention de renoncer à son nouveau divertissement. Cela dit, et ce même si Simon se sentait totalement hypnotisé par le chemin que traçait les lèvres de l'homme le long de son cou puis, lorsqu'il releva totalement son pull pour découvrir son torse, sur ses pectoraux jusqu'à les refermer autour de l'un de ses tétons, cela ne suffisait pas. Comme s'il avait deviné qu'il s'apprêtait à parler, Dorian redressa le dos et le retourna de force contre la porte, les mains serrées sur ses hanches.

« A-Attends, bégaya Simon en lui jetant un regard par-dessus son épaule. »

Dorian s'immobilisa brusquement, comme changé en pierre, et joignit ses yeux aux siens en ouvrant la bouche.

« Merde... T'es vierge, c'est ça ?

– Quoi ?

– T'es vierge ?, répéta-t-il en détendant sa prise sur ses hanches. »

Simon sembla quelque peu pris de court par la question, mais fronça les sourcils comme s'il se sentait légèrement insulté.

« Bien sûr que non. J'ai eu des copines.

– Ce n'est pas ce que je voulais dire. »

Ah. Simon devina au seul regard de Dorian qu'il venait de rougir.

« Je vois, marmonna-t-il en lui saisissant brusquement le coude pour qu'il se retourne à nouveau face à lui. Dans ce cas, aujourd'hui, tu vas juste me sucer. »

AH.

Une fois de plus, ce n'était pas exactement ce qu'il avait envisagé.

Simon ne pouvait que deviner la tête qu'il tirait, mais s'il en croyait le regard perplexe que Dorian lui adressa à cet instant, elle devait valoir son pesant d'or. Dans un silence pesant, il fronça les sourcils, puis celui surmonté d'une petite cicatrice se haussa légèrement.

« Tu... as déjà sucé un mec, n'est-ce pas ? »

Simon sembla brusquement paralysé par la question. Aux yeux de Dorian, il ressemblait à une petite poule sentant l'approche du grand méchant loup.

Les lèvres du garçon formèrent un « o » parfait pendant qu'il cherchait quelle réponse donner à cela, sans s'apercevoir que son hésitation suffisait à confirmer les pensées de l'homme qui lui faisait face. Ses mains se détachèrent de lui pour se plaquer contre son visage, étouffant un soupir.

« Simon, est-ce que tu as déjà fait quoi que ce soit avec un homme ?, demanda-t-il en joignant ses paumes devant lui, comme pour s'efforcer de calmer ses nerfs tant qu'il en était encore temps.

– Eh bien... depuis vendredi, oui, tenta-t-il avec un sourire forcé, les joues brûlantes.

– Soit tu couches avec tous tes voisins, soit tu parles de moi, et dans ce cas-là, j'ai le regret de t'annoncer que ce qu'on a fait, pour l'instant, n'est rien comparé à ce qui t'attend. Abruti. »

Le « abruti » était sorti après un bref silence, comme s'il avait vainement tenté de le retenir. Simon ne trouva rien à répondre à cela ; c'était vrai, il n'avait pas trouvé le temps – peut-être volontairement – de mentionner le fait que Dorian était le premier homme à l'attirer à ce point. Quelque part, il était certain qu'il n'aurait probablement pas accepté de le toucher s'il l'avait pensé « trop innocent » pour lui, et rien que cette pensée avait le don de l'agacer. Il était assez vieux pour savoir ce qu'il voulait faire de son propre corps, que cela lui plaise ou non.

Et, en vérité, ce n'était pas seulement une histoire de fierté qui l'avait poussé à taire ce « détail ». Il n'avait pas envie que Dorian le repousse, pas par simple besoin de lui prouver qu'il était tout à fait sûr de ses décisions, mais tout simplement parce qu'il avait envie de tout essayer. Tout ce que Dorian désirait, même si cela paraissait effrayant. C'était peut-être par besoin de lui plaire, ou peut-être par curiosité d'explorer tout un monde de plaisirs qui lui était encore inconnu, mais il ne pouvait pas nier que le côté défendu, secret et même honteux de la chose ne faisait que l'encourager.

Ce sont toutes ces raisons et ces pensées qui poussèrent Simon à se jeter contre ses lèvres, comme s'il savait qu'un simple geste aurait bien plus de pouvoir sur l'hésitation de l'homme que toutes les paroles du monde. Et puis, ce n'est pas comme si l'embrasser était une corvée pour lui, de toute façon... Les baisers de Dorian n'étaient jamais tendres, doux, comme s'il craignait que cela devienne un geste plus amoureux que sexuel aux yeux de Simon, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir fondre entre ses bras dès que ses lèvres brûlantes dévoraient les siennes.

C'était toujours Dorian, cela dit, qui rompait leurs baisers. Sa main se referma autour du poignet du garçon et l'entraîna sans un mot vers les escaliers, à une telle vitesse que Simon manqua de perdre l'équilibre, forcé d'enjamber les marches quatre à quatre. Arrivé à l'étage, Dorian tourna immédiatement sur sa gauche, mais Simon jeta un regard au bout du couloir, derrière lui. La porte blanche de la pièce dans laquelle il s'était retrouvé le jour où il avait tenté d'escalader la façade de la maison était fermée, comme toujours. Il ne savait pas bien pour quelle raison il avait ressenti le besoin de s'en assurer.

« Tu... Tu es seul ?, s'entendit-il demander sans que Dorian ne ralentisse.

– Bien sûr que je suis seul. Je le suis toujours. »

De toute façon, avant d'avoir le temps d'y songer plus longtemps, Dorian le tira dans la pièce du fond et claqua la porte derrière lui d'un mouvement du pied, les mains déjà occupées à découvrir totalement le torse de Simon, jetant ses vêtements sur le lit double aux draps défaits qui occupait presque la totalité de l'espace. Défaits, mais aussi occupés par une quantité de vestes, de t-shirts ou de jeans plutôt impressionnante. Les habits débordaient aussi des tiroirs laissés ouverts de la commode, pendant misérablement vers le sol, et une cravate (Dorian ne semblait jamais porter de cravate, c'était à se demander d'où elle venait) était accrochée à la poignée de la porte vitrée donnant sur le balcon uniquement décoré d'un cendrier. Quelques livres traînaient sur le parquet, en plus ou moins bon état, et même un jouet en plastique bleu de Marcel qui couina lorsque Simon marcha maladroitement dessus. Sa mère serait tombée dans les pommes si elle avait vu sa propre chambre dans un tel état.

Dorian ne semblait absolument pas embarrassé par l'expression incrédule de Simon devant ce capharnaüm ; comme si tout était parfaitement normal, il était resté collé contre lui, caressant son torse, dévorant son cou, mordant son épaule, malmenant ses lèvres, tout en le poussant à reculer jusqu'à ce que l'arrière de ses genoux heurte le bord du lit ; profitant que Simon se retrouve soudain assis face à lui, il commença à défaire sa ceinture, sans s'apercevoir que le garçon repoussa discrètement quelques paquets de cigarettes vides qu'il avait écrasé sous ses fesses.

Il sentit la main de Dorian se poser sur ses cheveux, attirant à nouveau son attention vers lui et, en croisant son regard, Simon eut comme un sourire résigné : en effet, il n'avait pas remarqué la façon dont il jaugeait l'état de sa chambre (et pour cause, il s'attendait, peut-être naïvement, à ce que celle d'un homme de quarante-trois ans soit mieux organisée que celle d'un vingtenaire), tout simplement parce qu'il était déjà bien trop aveuglé par l'excitation pour s'en apercevoir. Ses pupilles dilatées étaient fixement accrochées au visage de Simon, dégageant du bout des doigts les mèches brunes qui lui tombaient sur le front.

« Dis-le moi, si tu veux qu'on arrête. À n'importe quel moment. Compris ? »

Simon acquiesça lentement tout en tentant de lui adresser un sourire qui se voulait rassurant, mais qui apparut sur ses lèvres comme une grimace tendue. Par réflexe, Dorian l'imita comme un miroir, puis redressa le dos et laissa son pantalon descendre sur ses chevilles en emportant son boxer.

Oh.

Ce fut la seule et unique pensée qui traversa l'esprit de Simon durant les secondes suivantes.

À présent si près de l'érection de Dorian, Simon sentit ses joues s'enflammer et sa gorge se nouer. Son cœur battait la chamade au sein de son torse, si violemment qu'il crut qu'il allait jaillir de sa poitrine. C'était la première fois qu'il voyait ça de si près, fièrement dressé face à lui, et, bon sang, c'était... massif. Ce n'était tout de même pas Rocco Siffredi et il devait en réalité être d'une taille tout à fait convenable, mais de son point de vue, à cet instant, c'était... absolument terrifiant. Il n'y avait aucune chance que ça passe entre ses lèvres. Ou n'importe où d'autre, d'ailleurs.

Cela dit...

Dorian, avec une lenteur prudente et un œil sur les réactions de Simon, lui saisit doucement la main pour l'approcher lui-même de son pénis mais, avec une assurance qui les surpris tous les deux, Simon laissa ses doigts se refermer autour de sa verge de son propre gré. La chaleur qui s'en dégageait avait quelque chose de captivant, et sentir Dorian frissonner doucement à son contact décuplait son excitation. Le toucher de la sorte, le contact de sa peau contre la sienne, ça n'avait rien à voir avec ce qu'il avait ressenti lorsque sa main l'avait effleuré à travers son boxer. Il sentait les veines gorgées de sang qui parcouraient son membre, son poids, mais aussi le désir qui battait sous sa peau. Sans même y penser, Simon commença à faire quelques va-et-vient lents, assis tout au bord du lit, le dos droit et les muscles tendus.

Dorian, le souffle lourd, planta ses incisives dans sa lèvre inférieure en glissant l'une de ses mains dans les cheveux bruns du jeune homme, puis laissa ses doigts caresser sa joue avant qu'ils ne se referment brusquement sur son menton. Simon eut un sursaut de surprise et, soudain tiré de ses pensées, Dorian en profita pour glisser son pouce entre ses lèvres et commença à les caresser doucement.

« Merde..., souffla-t-il en le passant entre ses dents afin de sentir la langue du garçon sur sa peau. Avec une bouche pareille, je suis sûr que tu vas très bien t'en sortir. »

Simon haussa un sourcil avec une pointe d'amusement dans les yeux. C'était sensé l'encourager ?

« Je suis impatient de voir tes lèvres autour de ma queue... »

Ah, non. Non, Dorian s'était juste mis à dire à voix haute tout ce qui lui passait par l'esprit. Simon leva les yeux au ciel en réprimant un soupir, et referma ses lèvres autour de son doigt. Aussitôt, Dorian poussa un grognement de frustration, retira brusquement sa main et le saisit par la nuque pour le forcer à se pencher vers lui ; pris de court, Simon manqua de perdre l'équilibre et se rattrapa de peu aux hanches de l'homme qui ne lui prêta aucune attention, pas même lorsque le garçon lui adressa un regard mauvais en guise d'avertissement. Son talon frappait rapidement le sol, marquant son impatience, mais il laissa docilement Simon rassembler son courage sans lui forcer la main. Après tout, il n'avait aucune envie qu'il se vexe et claque la porte en l'abandonnant dans un tel état. Il ne s'en remettrait pas, même avec tous les films pornographiques du monde. Et puis, malgré les pulsions qui lui brûlaient les veines, il ne voulait pas risquer de le brusquer.

Pourtant, lorsque Simon baissa finalement la tête et donna un coup de langue hésitant sur son gland, Dorian fut incapable de retenir un juron, soufflé entre deux grognements.

Simon le dévisagea, silencieux, comme s'il étudiait sa réaction avec une sincère curiosité, puis baissa à nouveau la tête et ferma les yeux. Du bout de sa langue, il traça une ligne partant de la base de son pénis à la couronne, puis en embrassa toute la longueur jusqu'à ses testicules, continuant ses va-et-vient en sentant parfois Dorian donner un lent coup de reins pour le pousser à accélérer. Simon mentirait s'il affirmait ne pas tenter de repousser au maximum l'instant où il devrait le prendre directement à l'intérieur de sa bouche ; il se posait bien trop de questions, peut-être naïves ou stupides, et il avait soudain la certitude de ne rien savoir des fellations. Était-ce seulement agréable pour celui qui la donnait ? Il ne pouvait pas vraiment compter sur ses expériences personnelles (Lola n'acceptait que rarement cette pratique, et ses autres partenaires lui avaient laissé l'impression qu'elles avaient fait cela comme une faveur) pour lui donner un indice.

D'un autre côté, les grognements de plaisir de Dorian, alors qu'il se contentait jusque là de jouer avec sa langue, avaient quelque chose d'obsédant. Il commençait à ressentir l'envie – ou le besoin, même, d'avoir plus. De le pousser dans ses retranchements.

Lorsque Simon, laissant sans honte ces pensées embrumer son esprit, referma ses lèvres sur sa peau chaude, les doigts de l'homme vinrent brusquement s'enrouler autour de ses cheveux pour le forcer à relever la tête.

« C'est bien, murmura-t-il d'une voix rauque en posant son gland contre les lèvres du jeune homme, haletant. »

Comme s'il avait besoin qu'il le lui dise. Son regard brûlant et ses muscles tendus suffisaient à lui assurer qu'il appréciait le traitement que sa langue lui prodiguait. Alors, sans briser le contact visuel qui les unissait, Simon délia ses lèvres et laissa le bout de sa verge passer entre elles et atteindre sa langue. Dorian poussa un grognement de plaisir, et ses doigts se resserrèrent douloureusement sur ses cheveux lorsqu'il commença à laisser sa salive humidifier chaque millimètre de sa peau avant de le laisser s'enfoncer davantage dans sa bouche. Dorian murmurait encore quelques paroles, mais Simon avait cessé de l'écouter, devinant sans mal de quelle nature elles étaient. C'était incompréhensible, mais lui-même parvenait à ressentir un étrange plaisir brûlant à l'idée d'en procurer autant à son « professeur ». Un plaisir que Lola n'avait visiblement jamais expérimenté avec lui. Inconsciemment, son bassin avait commencé à se mouvoir sur le bord du lit, et cette simple vision ne faisait qu'accentuer l'attirance que Dorian pouvait ressentir pour lui à cet instant. Merde, ce gamin, c'était quelque chose, et le fait qu'il n'en ait pas conscience était encore meilleur.

Arrivé à la moitié, résigné à ne pas parvenir à prendre plus, Simon se mit à le masturber sur le même rythme que celui de sa tête, se retirant de temps en temps pour lécher la longueur ou jouer avec sa langue sur son gland, puis recommençait ce manège en se félicitant mentalement chaque fois que Dorian, n'y tenant plus, donnait quelques coups de bassin vers lui ou poussait des grognements de plaisir plus forts. Parfois, il fermait les yeux et rejetait sa tête en arrière durant quelques secondes, et Simon profitait de ce temps de répit pour baisser les yeux à son tour. Il ne comprenait pas vraiment pour quelle raison mais, chaque fois qu'il s'apercevait que son élève s'était permis de rompre le contact visuel, Dorian lui tirait les cheveux pour qu'il se redresse un peu.

« Allez, Simon, tu peux prendre plus que ça, lâcha-t-il soudain en lui saisissant à nouveau le menton de sa main libre. Détend ta mâchoire. »

De sa main gauche, il exerça une pression plus forte sur le haut de son crâne et avança son bassin vers lui, totalement obnubilé par le besoin de ressentir encore et encore plus de plaisir. Mais Simon ne semblait pas de cet avis ; dès qu'il se sentit suffoquer et emprisonné par la force de Dorian, il dégagea sa main de ses cheveux et se retira, indifférent à la plainte de frustration qu'il lui fit entendre.

« Arrête ça, ordonna Simon, et, surpris par sa voix enrouée, il porta l'une de ses mains à sa gorge.

– Quoi ?

– De me forcer à aller plus loin, crétin ! »

Dorian fronça les sourcils au « crétin », mais ne fit aucun commentaire. Quelque part, il savait qu'il l'avait bien mérité.

« Excuse-moi, murmura Dorian en se penchant vers lui dans l'espoir de l'embrasser, mais Simon l'esquiva froidement. J'avais oublié que c'est nouveau pour toi.

– Sans blague, répliqua-t-il sarcastiquement en massant sa gorge.

– Désolé, répéta Dorian. »

Simon baissa les yeux vers ses pieds puis, timidement, comme s'il préférait que Dorian ne le voit pas faire, il essuya ses lèvres sur le dos de sa main.

« Dorian ?

– Quoi ? »

Lorsque Simon releva la tête vers lui, il s'aperçut que celui-ci le dévisageait fixement, mais ses yeux étaient voilés comme si ses pensées avaient pris possession de lui au point de ne laisser face à Simon qu'une enveloppe vide.

Et une érection, bien sûr.

« C'était qui, la femme qui t'a rendu visite ce week-end ? »

Dorian ne put retenir un sursaut de surprise ; les yeux écarquillés, ses paupières couvrirent ses iris comme pour le forcer à redescendre sur Terre et affronter aussitôt les grands yeux verts de Simon rivés sur lui.

Dorian resta silencieux un long moment, les lèvres entrouvertes comme s'il pesait intérieurement le pour et le contre de répondre à cette question. Puis, avec un rictus amusé, il passa soudain ses bras autour de la taille du garçon et le souleva sans mal en lui arrachant un cri de surprise, puis se laissa brusquement tomber sur le lit en le maintenant contre son torse. Une main au creux de son dos, il déposa un baiser rapide sur ses lèvres et, de la seconde, guida les doigts de Simon jusqu'à son entrejambe. Captant le message, celui-ci poussa un soupir résigné et reprit ses mouvements de poignet, regardant face à lui Dorian fermer les yeux avec un insupportable sourire satisfait. Au fond, il savait très bien qu'il n'obtiendrait pas de réponse à sa question. Il le savait pertinemment.

« Tu ne penses qu'à ça, hein ?, souffla Simon en accélérant ses va-et-vient.

– Étant donné que je n'ai pas bu hier soir, oui. »

Simon sentit son cœur rater un battement lorsqu'il l'entendit murmurer ces mots entre ses lèvres. Ah.

~

Hey Sim' ! Je t'attends à l'entrée de la fac.

On mange chinois, ce midi ?

T'es où ? Ça fait dix minutes que je suis là !

Tu arrives bientôt ?

Simon ?

Pourquoi tu ne réponds pas ?

Simon sentit la main droite de Dorian se détacher de sa hanche et, du coin de l'œil, il vit ses doigts tâtonner sur le cuir noir du canapé jusqu'à se refermer autour du portable du garçon. Lorsqu'il fut forcé de libérer ses lèvres de leur baiser pour regarder l'écran tandis qu'il éteignait le téléphone, agacé par les sonneries incessantes, celles roses, chaudes et humides de Simon en profitèrent pour s'attaquer à sa mâchoire puis à son cou, retraçant la ligne de sa barbe du bout de la langue.

« C'est qui, Andréa ? Ta copine ?, demanda Dorian en parcourant les messages affichés sur le portable de Simon des yeux. »

Contre sa peau, il sentit le jeune homme sourire, puis il secoua légèrement la tête.

« Juste une fille de mon université.

– Elle t'appelle « Sim' », lui fit remarquer Dorian en abandonnant le téléphone, resserrant la prise de sa main gauche sur ses cheveux bruns pour le forcer à relever la tête et à lui faire face.

– Ne lis pas mes messages ! »

Dorian plaqua à nouveau ses lèvres contre les siennes, arrachant un gémissement au garçon.

« Elle a tort, ce n'est pas Sim' qu'on devrait te donner comme surnom, dit-il en lâchant ses cheveux, reportant ses deux mains sur ses hanches avant de les glisser sur ses fesses, les empoignant à travers son jean. C'est Sin. »

Simon émit un petit gloussement puis se leva des cuisses de Dorian, qui resta accroché à ses fesses avec une moue boudeuse.

« Il faut vraiment que j'y aille, s'excusa-t-il avant de l'embrasser une dernière fois. Si je rate encore des cours, je vais vraiment avoir un mal de chien à rattraper mon retard avant les partiels... Ne le prends pas personnellement, Marcel, ajouta-t-il en voyant le carlin lui adresser un regard offensé.

– Je pourrais t'aider, moi. En échange d'un petit quelque chose...

– Qu'est-ce que tu connais à la littérature française, toi ? »

Tandis que Sin arrangeait ses vêtements et repoussait avec des petites tapes les tentatives de Dorian de le déshabiller, il le vit plongé dans une profonde réflexion, comme s'il tentait de forcer sa mémoire à ouvrir le dossier « littérature » qui devait être enfoui depuis bien longtemps dans ses souvenirs d'école.

« Je connais Le Bossu de Notre-Dame. Une belle leçon de vie, ça.

– Ah ?

– Quoiqu'il arrive, la jolie fille choisira toujours le beau mec blond au prénom bizarre plutôt que celui qui lui a sauvé la vie.

– Ça, c'est dans la version Disney, idiot. »

Sur le pas de la porte, Simon eut un ricanement en l'entendant marmonner dans sa barbe, puis il se recoiffa du bout des doigts avant de sortir. Il claqua la porte derrière lui et inspira une grande bouffée d'air frais. Il adorait l'odeur de l'automne. La pluie, la terre humide, les feuilles des arbres peintes d'or qui craquaient sous ses pas. Elles s'accrochaient toujours dans les boucles rousses de Lola. Même à cet instant, alors qu'elle tenait un parapluie au-dessus de sa tête, quelques morceaux de feuilles brunes s'étaient emmêlées à sa crinière.

« L... Lola !, réalisa brusquement Simon avec un sursaut si violent qu'il manqua de glisser sur les marches du perron de la maison. »

Elle s'était immobilisée sur le trottoir, ses yeux bruns ornés, comme toujours, d'un fin trait d'eye-liner noir rivés sur le visage décomposé de son ami.

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