Interclasse n°5
« Hé, Simon ! Mes parents sont partis pour la semaine. On fait une soirée pour fêter ça ! Tu viens ? »
Le garçon, du coin de l'œil, vit Manon lever les yeux de ses ongles de pieds en éventail qu'elle vernissait avec concentration à côté de son frère, puis elle tourna légèrement la tête vers lui. Le message était clair : s'il acceptait, elle piquerait une crise pour l'accompagner. Après tout, c'était une invitation de son cher et tendre Maxime ; elle était follement amoureuse de l'ami de Simon depuis son plus jeune âge, et il n'y avait qu'elle pour penser que personne ne l'avait remarqué. Mais, pour son plus grand désespoir, ce dernier secoua la tête avec un sourire désolé.
« Je ne suis pas libre ce soir. Une prochaine fois, dit-il en ignorant le regard assassin que lui adressa sa petite sœur lorsque Maxime, depuis la rue, un pied sur la pédale de son vélo, haussa les épaules.
– Tant pis, dit-il avant d'adresser un sourire à la cadette. À plus, Manon ! »
Le visage de la jeune fille prit une teinte rosée et, alors qu'elle parvenait enfin à bégayer quelque chose, Maxime avait déjà disparu au bout de la rue. La bouche grande ouverte, prête à gober la première mouche qui s'y aventurerait, elle fit volte-face avec une telle rage vers son frère que ses longues boucles brunes volèrent sur ses épaules :
« Comment as-tu pu refuser ?!
– Calme-toi, c'est moi qu'il a invité, pas toi, lui fit-il remarquer en levant les yeux au ciel.
– C'est pas ça qui m'aurait empêché de venir ! T'es vraiment nul ! »
Simon ouvrit la bouche, prêt à répliquer, mais sa propre raison prit un instant pour reconsidérer son prochain argument : faire remarquer à sa sœur qu'elle était beaucoup trop jeune pour intéresser Maxime semblait plutôt déplacé compte-tenu de la personne sur laquelle il avait jeté son propre dévolu.
Cela faisait des jours et des jours qu'il passait les quelques minutes que Dorian lui accordait en rentrant du travail à travailler son approche. Il n'allait tout de même pas lui sauter au cou du jour au lendemain (du moins, pas s'il voulait éviter que son voisin appelle un exorciste). Cela prenait un temps fou, cela dit : l'air de rien, Simon tentait de se montrer de plus en plus tactile en sa présence, quitte à ce que ses gestes en deviennent dénués de toute subtilité, et il en était venu à penser qu'il fallait au moins cela pour espérer une réaction de la part de Dorian.
Le premier soir, il s'était contenté de se rapprocher, centimètre par centimètre, jusqu'à ce que son épaule effleure celle de l'homme, mais cela avait pris si longtemps qu'il n'avait pas tardé à ramasser Marcel et à saluer Simon pour rentrer se poser devant sa télévision, laissant derrière lui un garçon dépité. Les soirées suivantes n'avaient pas été plus concluantes : lassé de l'indifférence de Dorian face à ses efforts, Simon avait réuni tout son courage et, profitant de leur vive conversation, il avait nonchalamment posé sa main sur le bras de l'homme. Il ne savait pas trop quelle réaction il espérait obtenir ; après tout, ils n'étaient pas dans un film ou un roman à l'eau de rose. Dorian n'allait pas plonger son regard dans le sien et, réalisant soudain la flamme amoureuse qui les liait, se pencher vers lui en lui caressant la joue...
Simon eut comme un rire grinçant à cette pensée. Quelle horreur. Non, ce n'était pas ce qu'il attendait, mais il ne s'était pas non plus attendu à la réaction que Dorian Cohen avait véritablement eu lors de ce léger contact physique.
Il s'était interrompu au beau milieu de sa phrase et, sa cigarette pincée entre ses dents, sa tête s'était lentement retournée vers Simon pour lui adresser un regard si perplexe face à cette tentative de rapprochement que c'en fut terriblement vexant. Dans un silence pesant, il avait laissé les cendres de sa cigarette tomber dans l'herbe, puis il avait fixement toisé la main posée contre sa peau jusqu'à ce que Simon daigne la retirer. Heureusement, aucune allusion n'avait ensuite été faite à cette « erreur de parcours », si on mettait de côté le lundi suivant durant lequel, dès que Simon eut franchi le pas de la porte, Dorian lui avait asséné une claque sur l'épaule, si puissante qu'il avait volé contre le mur de l'entrée. Devant le visage abasourdi de sa victime, Cohen avait feint la surprise et soupiré que « merde alors, il croyait que les jeunes se touchaient tous bizarrement le bras, de nos jours ».
La semaine suivante, après avoir perdu dix minutes à baver depuis la fenêtre de sa chambre tandis que son voisin tondait sa pelouse en épargnant seulement le carré d'herbe sur lequel Marcel bronzait, Simon avait décrété qu'il était temps de passer aux choses sérieuses. Il n'avait aucune idée de comment s'y prendre pour lui faire comprendre ce qu'il désirait – lui, en somme – sans se retrouver à semer des bouteilles d'alcool sur son chemin jusqu'à l'attirer dans son lit, mais il allait bien trouver. Hors de question d'abandonner : il avait décidé qu'il voulait Dorian, alors il aurait Dorian, même s'il devait sortir l'artillerie lourde.
« Salut ! »
Dorian fronça les sourcils en dévisageant le garçon comme s'il doutait que le véritable Simon Guéret n'aie pas été remplacé par un clone, puis, avec une lenteur exagérée, il referma la porte devant le nez de son visiteur. Ah.
Quelques secondes plus tard, le visage fatigué de Dorian réapparut, mais il tenait à présent son téléphone portable contre son oreille. Sous le regard dubitatif de son jeune voisin, il s'éclaircit la voix :
« Bonsoir, la police ? J'aimerais porter plainte contre le fils de mon voisin pour harcèlement... »
Simon poussa un cri si strident que Marcel, aux pieds de son maître, prit soudainement ses pattes à son cou et disparut dans la cuisine, laissant le bruit de ses petites griffes sur le carrelage trahir sa course précipitée. Projetant toutes ses forces dans ses bras, Simon poussa brutalement la porte d'entrée et bondit violemment sur le bras de Dorian dans l'espoir de lui arracher son téléphone mais, ne pouvant rivaliser physiquement, celui-ci le repoussa sans mal et eut un ricanement.
« Ah, maintenant, c'est du harcèlement sexuel avec une violation de domicile. Et tu peux rajouter « naïveté sidérante » sur la liste des accusations, dit-il en tournant vers Simon le téléphone éteint, l'agitant entre ses doigts.
– T'es vraiment con.
– Qu'est-ce que tu fais là ? J'ai encore quelques heures avant que tu t'incrustes, normalement. »
Simon acquiesça vigoureusement cette affirmation, mais cela ne l'empêcha pas de se glisser entre le mur et l'épaule de l'homme, pénétrant sans aucune hésitation dans le salon afin de prendre place sur le canapé. À la vue de la table basse sur laquelle reposait déjà quelques bouteilles d'alcool et un verre de whisky à moitié vidé de son contenu, un fin sourire satisfait passa sur ses lèvres.
En effet, c'était seulement le dimanche soir, mais « s'incruster » – comme Dorian le disait si joliment – à sa soirée de beuverie hebdomadaire au lieu d'attendre qu'il soit sobre et nauséeux lui était apparu comme un plan idéal. Il n'aurait qu'à être patient et dès que Cohen baisserait sa garde, son piège se refermerait sur lui.
Formulé de la sorte, c'en était presque effrayant.
En revanche, il n'avait pas prévu, durant l'établissement de son plan, que les mains de Dorian se refermèrent soudainement sur ses épaules. Il se tenait derrière le dossier du canapé, le dos droit et, lorsqu'il sentit Simon sursauter à son contact, il attendit patiemment qu'il lève le nez vers lui. Les grands yeux verts du garçon se lièrent aux siens à l'instant où il rejeta la tête en arrière, un sourire étrange fendant ses joues rosies. À quoi pensait-il ? Dorian fronça doucement les sourcils, puis se pencha doucement en avant pour se tenir au-dessus de lui, avant de murmurer d'une voix éteinte :
« Si tu ne sors pas d'ici immédiatement, j'éclate une bouteille sur ton joli visage et je donnerai ton cadavre en pâtée à mon chien. »
Simon redressa aussitôt la nuque, le teint pâle. Ses lèvres, à présent que son sourire avait définitivement disparu, formaient une ligne droite et blanche sur son visage.
« En disant des choses pareilles, je vais vraiment finir par penser que tu es un psychopathe échappé d'un asile, soupira-t-il en se recroquevillant sur le canapé, et il n'eut pas d'autre réponse à cela qu'un ricanement froid de la part de Dorian. Allez, s'il te plaît, laisse-moi rester avec toi ce soir ! Juste une fois.
– Tes parents savent que tu es là ?, marmonna Dorian en se grattant pensivement la barbe, comme s'il pesait le pour et le contre.
– Oh, Dorian, j'ai vingt ans ! »
Grat, grat. Ses ongles continuèrent à caresser les poils recouvrant sa mâchoire durant de longues secondes. Après tout, ce n'était pas comme si Simon se trouvait à des kilomètres de chez lui, il n'aurait même pas à passer la nuit ici. En fait, il n'aurait qu'à le jeter dehors dès qu'il le désirerait, libre de tout remord. Une part de lui, quelque part du côté de sa raison, le défendait de boire encore en présence de quelqu'un d'autre. En sa présence : il n'avait que vingt ans, effectivement. Était-ce un bon exemple à lui donner ?
Oh, merde, au diable ces histoires de bon exemple. Ses parents n'avaient qu'à mieux surveiller ses fréquentations. Du moins, ce serait ce qu'il se dirait ensuite, pour parvenir à dormir sur ses deux oreilles.
Alors Dorian se laissa tomber mollement sur son canapé, aux côtés d'un Simon rayonnant, et attrapa la bouteille la plus proche pour remplir à nouveau son verre.
~
« ... j'en ai mangé trois paquets, caché dans un placard. J'ai vomi toute la nuit, et mes parents ont viré la baby-sitter lorsque j'ai avoué qu'elle n'avait tout simplement pas réussi à me trouver pendant notre partie de cache-cache. »
Un rire guttural résonna entre les dents serrées de Dorian, se liant aux gloussements du garçon allongé sur les coussins à côté de lui. Lui-même avait reposé sa nuque contre le dossier du canapé et se laissait peu à peu glisser sur le cuir ; il n'avait pas une seule fois reposé son verre sur la table, comme s'il était littéralement greffé à sa main, et le remplissait à nouveau dès qu'il était vide. De temps à autres, il poussait un grognement à l'attention de Simon en levant son verre en direction de l'écran de sa télévision et, armé de la télécommande, celui-ci changeait de chaîne jusqu'à s'arrêter sur un programme au hasard. Jusqu'ici, ils avaient regardé des morceaux de documentaires animaliers, d'un dessin animé (Dorian avait décrété ne pas être encore assez « beurré » pour l'apprécier à sa juste valeur), d'un débat politique où tous les invités se hurlaient dessus comme des furies, et cette fois-ci, Simon décida de s'arrêter sur un bon vieux film à l'eau de rose tout droit sorti des années 80 et extrêmement mal doublé. À l'entente de cette remarque, Dorian leva fièrement son verre vide et déclara sagement :
« On a le doublage qu'on mérite. Mon chien jouerait mieux que cette vache. Pas vrai, Marcel ? »
À l'entente de son nom, Marcel dressa une oreille, mais se remit à mordiller un carton sans leur prêter attention. Dorian eut un éclat de rire puis posa son verre sur la table – Simon eut soudainement peur qu'il décide d'arrêter de boire, il commençait tout juste à être dans l'état qu'il attendait plus ou moins patiemment – avant de saisir sa bouteille de scotch.
« Allez, on passe aux choses sérieuses, marmonna-t-il dans sa barbe en s'en servant une bonne quantité, qu'il se jeta directement dans la gorge sans respirer avant de reposer son verre. »
Bon sang, ça doit faire mal, songea Simon en le regardant avec une certaine admiration. Son état chaque lundi matin n'avait plus rien d'étonnant.
À la télévision, une femme aux cheveux frisés vêtue d'une robe de chambre à froufrous se jetait dramatiquement dans les bras d'un homme moustachu, plaquant le dos de sa main contre son front.
« Oh Antonio, nous ne pouvons pas faire cela... Mon mari... Oh ! Antonio !, couina-t-elle lorsque le dénommé Antonio l'allongea sur les escaliers de l'appartement en lui dévorant le cou. »
La caméra fit alors un gros plan exagéré sur le visage de l'homme moustachu lorsqu'il redressa la tête, marquant une pause théâtrale. Mais à l'instant où il rouvrit la bouche, prêt à déclarer poétiquement sa flamme, sa voix fut couverte par celle de Dorian qui imita un terrible accent italien :
« Demain matin, tu auras si mal au dos que tu ne pourras plus marcher. »
Simon eut un petit rire, ce qui sembla encourager Dorian à continuer :
« Non, vraiment, le sexe sur un escalier, c'est pas ma tasse de cioccolate calda.
– Comme si tu avais déjà essayé, commenta Simon avec un sourire narquois. »
Ce n'était pas un moyen très subtil de l'obliger à rester sur ce sujet de conversation, il en convenait. Cela dit, il espérait que la quantité d'alcool embrumant l'esprit de Dorian suffirait à lui venir en aide.
Il sentait déjà une certaine excitation courir dans ses veines. Si seulement tout se passait comme prévu ! Il penserait aux conséquences, s'il y en avait, plus tard. Pour l'instant, tout ce qu'il désirait, c'était Dorian. C'en était devenu presque maladif, obsessionnel. Il le dévorait des yeux, détaillant ses mains au moindre de ses mouvements. Il pouvait encore les sentir sur ses épaules, chaudes, fortes, bien plus grandes que les siennes. Il voulait encore les sentir. À chaque fois que Dorian portait son verre à ses lèvres, son regard passait de ses doigts à son cou, au dessin de sa pomme d'Adam lorsqu'il avalait, et Simon sentait des tas de pensées impures lui parvenir et voyait ses fantasmes se matérialiser sous ses paupières.
Alors, lorsque Dorian posa les yeux sur lui, il pria plus fort que jamais pour que son plan se déroule comme prévu.
« Bien sûr que oui, j'ai déjà essayé, répondit-il d'un air impassible.
– Alors, tu as seulement eu mal au dos parce que t'es vieux.
– Un peu de respect, gamin. À ton âge, on ne connaît rien au sexe. »
Simon leva les yeux vers lui, perdant son sourire. En soit, ce n'était pas complètement faux, en ce qui le concernait. Il n'avait eu que trois ou quatre partenaires en comptant Lola et, même s'il gardait un souvenir agréable de ces jeunes filles, il n'était pas non plus impérissable. Dorian avait soulevé un point intéressant... et il pouvait peut-être l'exploiter à son avantage.
Le garçon se redressa sur ses genoux, attirant le regard embrumé de l'homme vers lui. Il pouvait sentir ses joues le brûler et il peinait à respirer comme si un poids lui écrasait les poumons, mais une poussée d'adrénaline l'encouragea à parler sans se poser plus de questions.
Il devait le dire. Il devait le faire.
« C'est vrai, je n'y connais rien, s'entendit-il répondre d'une voix tremblante, qu'il se força à contrôler avant de continuer. »
Dorian haussa un sourcil en le jaugeant de haut en bas, puis de bas en haut. Silencieux, il porta son verre à ses lèvres sans même détacher les yeux de lui.
« Alors tu pourrais me montrer. M'apprendre. »
Du scotch jaillit des narines de Dorian, qui se pencha brusquement en avant et se mit à se frapper le torse en toussant si violemment que les yeux globuleux de Marcel se fixèrent sur lui comme s'il n'avait jamais rien entendu de si effrayant. Dès qu'il parvint à se calmer, il s'essuya sur son bras et, un sourire moqueur sur les lèvres, il reporta enfin son attention vers Simon. Le visage du garçon était si rouge qu'il ne put retenir un éclat de rire devant ce spectacle. Ah, bon sang, il n'avait pas ri de la sorte depuis bien longtemps. Ce gosse était excellent.
« Ce gosse », d'ailleurs, ne riait pas. Il se contenta de soutenir le regard de Dorian jusqu'à ce que celui-ci parvienne à se calmer, interdit, et un silence pesant s'abattit sur la pièce, uniquement perturbé par les « oh, Antonio ! » de la télévision. Peu à peu, le sourire de Cohen disparut lui aussi, et son amusement insolent laissa place à un mélange de surprise et d'incrédulité.
« T'es sérieux ? »
Simon pinça les lèvres pour toute réponse. Finalement, alors que les yeux de Dorian continuaient à le suivre, il prit appui sur le dossier du canapé pour changer de position et allongea ses jambes sur les coussins en les écartant légèrement, appuyé sur ses coudes. Il se demandait s'il était capable d'entendre les battements de son cœur aussi clairement que lui-même mais, à l'instant où une impulsion passa à travers les muscles de Dorian, probablement provoquée par le pouvoir que l'alcool exerçait sur son excitation, et qu'il lui attrapa une cheville pour la reposer contre le dossier du meuble, Simon sentit ses pensées s'embrumer et toutes ses questions lui parurent soudain bien insignifiantes.
Il sentit les mains de Dorian, placées de chaque côté de sa tête, supporter son poids lorsqu'il grimpa au-dessus de lui. Il était devenu tout simplement incapable de détacher ses yeux des siens et, même à l'instant où son visage ne se trouva plus qu'à quelques centimètres du sien et que sa respiration lourde et alcoolisée ricochait contre ses lèvres, il se refusa à fermer les paupières, comme si ce simple regard qui les unissait était le seul moyen pour lui de lui témoigner tout le désir qu'il lui inspirait. Ses propres mains avaient cessé de lui obéir, accrochées au cuir noir des coussins comme s'il craignait de tomber.
Le bout de son nez effleura la joue de Dorian et son cœur cessa de battre. Merde. Son plan avait fonctionné. Il allait avoir Dorian Cohen.
Les lèvres de celui-ci s'entrouvrirent et un grognement rauque lui échappa. Jamais Simon ne s'était senti aussi excité par un simple grognement.
« Hé, Simon... »
Il fronça doucement les sourcils. Il n'avait plus vraiment envie de parler, à cet instant. Dorian, pourtant, ne sembla pas de cet avis, et alla au bout de sa pensée :
« ... j'ai envie de gerber. »
Sans même laisser le temps à Simon d'écarquiller les yeux, il se redressa d'un coup sec, si bien qu'il perdit l'équilibre et roula sur le parquet. Du coin de l'œil, Simon vit sa main tâtonner à la recherche de la table basse et, une fois trouvée, elle renversa maladroitement l'une des bouteilles qui y reposait en s'en servant comme appui. En quelques secondes, Dorian se remit sur pieds avec une volonté surprenante et tituba jusqu'à la salle de bain. Lorsqu'il dut affronter les escaliers, Simon l'entendit se heurter au mur, puis ramper sur le palier de l'étage comme s'il ne savait plus marcher.
Et lui, il était toujours là, allongé sur le canapé, abandonné avec l'odeur de Dorian, une sacrée érection entre les cuisses et une frustration grandissante. Depuis le coin de la pièce, un morceau de carton déchiré coincé sous l'une de ses babines, Marcel le fixait de ses grands yeux ronds. Simon eut l'envie, ou même le besoin, d'y trouver une forme d'empathie pour lui, et l'appela pour lui caresser la tête.
« Ton maître est une plaie, tu sais ?, marmonna-t-il tandis que le carlin se couchait à ses côtés. »
À travers les murs, Simon entendit le bruit d'une chasse d'eau, puis, après quelques secondes, le plafond trembla comme si un poids conséquent s'était écroulé au-dessus de la tête du garçon et du chien qui, comme habitué à cette scène, ne prit même pas la peine de dresser une oreille. Au lieu de cela, il se laissa docilement soulever de terre et placer sur le canapé, à l'endroit où Dorian était installé quelques instants plus tôt.
« Je crois que tu peux dormir là ce soir, expliqua Simon en tirant la couverture tassée dans un coin sur le dos de Marcel. Lui, il dort déjà sur le carrelage des chiottes. »
Sur ce, Simon poussa un profond soupir et se dirigea vers la porte d'entrée en fourrant ses poings dans les poches de son pantalon. Il se sentait soudain d'une humeur massacrante. Avant de claquer la porte derrière lui, cela dit, il jeta un dernier regard en direction des escaliers et, en percevant la lumière de la salle de bain à travers l'ouverture de la porte, tira boudeusement la langue.
« Abruti. »
Il resta encore sur le pas de la porte durant quelques secondes, les yeux rivés sur la porte de l'étage. Finalement, son plan avait échoué. C'était peut-être mieux comme ça, d'une certaine façon.
S'il devait avoir Dorian Cohen, il préférait tout de même qu'il ne ressente pas le besoin de vomir quelques secondes avant de l'embrasser. Simon eut un sourire amusé, puis ferma doucement la porte derrière lui.
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