Interclasse n°4
(Rating R)
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Il y avait définitivement un problème.
Cela faisait une semaine. Le lendemain – lundi, le jour de repos de Dorian – il retournerait chez lui, à sept heures du matin. Oh, il ne le lui avait pas demandé, mais Simon avait convenu qu'il en serait ainsi et ne lui avait pas laissé la possibilité de discuter. Ses parents avaient acquiescé à l'entente de cette nouvelle, ravis que leur fils se montre aimable avec leur nouveau voisin et lui vienne en aide jusqu'à ce qu'il soit bien installé. Oh, Simon était si adorable.
Adorable, vraiment. Ce que ses parents ignoraient, en revanche, était le temps que leur aîné pouvait passer chaque soir à guetter le chant du pick-up au bout de la rue ; dès qu'il l'entendait, Simon allait, l'air de rien, faire un tour dans le jardin et, en s'assurant que tout le monde vaquait à ses occupations, sautait par-dessus la clôture qui le séparait de la maison voisine. Aussitôt, Marcel, le petit carlin, le dévisageait de ses yeux globuleux et courait aussi vite que ses petites pattes le lui permettaient vers le visiteur. Marcel n'avait pas l'étoffe d'un chien de garde : il se contentait de lui lécher le visage comme si sa vie en dépendait, jusqu'à ce que son maître se gare dans l'allée du garage et leur adresse un regard abasourdi. Le premier soir, il avait bien grogné quelque chose comme « c'est une propriété privée » ou « je vais lui foutre les flics au cul, à ce gamin », mais Simon savait que ce n'était que des paroles en l'air. Si Dorian avait tenu à le tenir loin de sa maison, il aurait été capable de recouvrir sa clôture de fil barbelé. Le second soir, il s'était contenté de lever les yeux au ciel et d'ordonner à Marcel de rentrer à l'intérieur avec lui. Le troisième, il était prudemment resté tassé sur le perron, observant Simon et le carlin jouer ensemble avec curiosité. Le quatrième, il s'était finalement accroupi aux côtés de Simon pour gratter le ventre de son chien aux anges, et lorsqu'il avait remarqué le sourire ravi du garçon, il avait marmonné dans sa barbe que c'était « dingue d'être aussi têtu ». Le cinquième, il avait salué Simon en lui tapotant affectueusement la tête, exactement comme il le faisait à son carlin.
Mais il était incroyablement satisfait de cette habitude qu'il était parvenu à lui faire adopter. Simon avait compris comment forcer Dorian à accepter sa présence : il se conduisait avec lui comme avec un animal sauvage qui refusait de se laisser approcher. Il gagnait sa confiance comme il l'aurait fait avec un chien errant, et même si cette comparaison semblait un peu insultante, cette technique avait fait ses preuves. Chaque soir, il pouvait donc passer dix, vingt, et parfois même trente minutes assis dans l'herbe aux côtés de Marcel et Dorian.
Dorian fumait une cigarette, et en proposait toujours une au garçon même s'il savait pertinemment qu'il refuserait. Puis il en expirait la fumée en levant le nez vers le ciel noir. Il y avait autre chose que Simon avait appris lors de ces quelques moments privilégiés : il ne devait poser aucune question. La première à lui échapper signait la fin de la conversation.
Pourtant, Dieu sait combien d'entre elles lui brûlaient les lèvres. D'où viens-tu ? Qu'est-ce que tu aimes ? As-tu des passions ? En quoi consiste ton travail ? As-tu une fiancée ? Des amis ? De la famille ? Où est-elle ? Qu'est-ce que tu fais ici, dans cette grande maison, tout seul ? Pourquoi dors-tu sur le canapé ? Fais-tu seulement des nuits complètes de temps en temps, ou sombres-tu toujours devant la télévision avec un verre de whisky à la main ?
Simon avait renoncé à obtenir la moindre réponse. Dorian ne sortait de sa carapace que lorsqu'il en venait à oublier qu'il parlait à voix haute. Lui, il voulait un pitbull, mais il s'était retrouvé avec un carlin. Pourquoi ? Silence. Il l'aimait, son chien. C'était son meilleur ami. En as-tu seulement un autre, d'ami ? Silence. Et puis :
« Il est tard. Les enfants comme toi devraient être au lit. »
Il prenait Marcel sous un bras, tapotait la tête de Simon, et rentrait chez lui.
« Tu l'aimes bien, alors ?, demanda Lola en mordant dans une chips, laissant quelques miettes tomber dans l'herbe. »
Simon haussa mollement les épaules. La nuit commençait à tomber, mais les conversations enthousiastes des invités ne faiblissaient pas. Ils étaient tous encore installés à table, profitant de la brise tiède de cette soirée d'été venant les rafraîchir après une journée de forte chaleur. Le simple fait de rester à l'intérieur était insupportable, alors même les enfants s'étaient dispersés dans le jardin.
Lola avait étalé son gilet sur l'herbe et s'était assise en tailleur dessus en emportant quelques petites choses à grignoter avec elle. Martin n'était pas loin non plus, et s'occupait en retenant de force une fourmi sur sa main, la tournant et retournant dès que le petit insecte tentait de s'en échapper. Manon, lassée de jouer à la baby-sitter auprès de ses plus jeunes cousins, s'était elle aussi installée près de son frère et arrachait pensivement quelques brins d'herbe qu'elle nouait ensemble.
Un vieux pick-up blanc se gara devant la maison voisine, attirant le regard curieux de quelques invités vers la clôture qui les séparait du véhicule. Lorsqu'un homme en sortit et claqua la portière, Christophe sentit sa femme Béatrice lui asséner un coup de coude dans les côtes et consentit à agiter la main en guise de salutations, un large sourire forcé sur les lèvres. Monsieur Cohen, cela dit, n'y répondit que par un vague mouvement de tête dans sa direction, laissant son regard se promener sur le jardin de son voisin jusqu'à se fixer sur son fils. Durant quelques secondes, les deux hommes se dévisagèrent en silence, puis Cohen détourna les yeux et disparut à l'intérieur de chez lui.
« Eh bien, il a l'air très sociable, ton nouveau voisin, ironisa l'un des invités à voix basse, comme s'il craignait que l'intéressé ne l'entende à travers les murs.
– Il est marié ?, demanda la mère de Lola en ignorant le regard désabusé que lui adressa sa fille.
– Je ne crois pas. »
Puis la conversation dévia sur un autre sujet et, bien vite, Dorian Cohen disparut des pensées. Oui, tout le monde l'oublia aussitôt, à l'exception peut-être de Simon qui garda les yeux rivés sur les fenêtres recouvertes de rideaux blancs à travers lesquels il voyait la lumière jaunâtre de l'ampoule. Il se demandait si leur bref rendez-vous nocturne, concluant chaque journée de travail de Dorian, lui manquait autant qu'à lui.
~
Quatre heures douze. Rien à faire, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Son genou replié se balançait de gauche à droite sous sa couverture et, agacé, Simon détacha les yeux de l'écran de son téléphone portable pour pousser un soupir impatient. Dans moins de trois heures, il irait sonner chez Dorian.
Tout en se redressant sur le matelas, Simon étira ses bras vers le plafond et attrapa son ordinateur portable qui traînait sur le parquet à côté de lui. Quitte à patienter encore quelques heures, autant s'occuper. Chargement. Chargement. Merde, pourquoi cette foutue machine était-elle aussi lente...
Simon poussa un nouveau soupir comme si cela allait arranger les choses, et laissa son regard dériver en direction de la fenêtre de sa chambre, attiré par la dernière lumière combattant encore la pénombre de la nuit.
« Oh, merde !, lâcha-t-il en retournant si vite la tête qu'il sentit une douleur fulgurante lui traverser la nuque. »
Ses yeux se rivèrent sur l'écran de son ordinateur posé sur ses genoux, attendant patiemment qu'il tape le mot de passe de sa session. Il était presque capable de voir de la fumée s'échapper de ses joues tant elles brûlaient. Non. Non, non. C'était une simple hallucination. Le manque de sommeil devait le faire délirer. Est-ce qu'il pouvait risquer un nouveau coup d'œil ? Oh, juste pour s'assurer que tout cela n'était qu'un rêve.
C'était mal. C'était mal, il le savait pertinemment, mais ça ne l'empêcha pas de relever à nouveau le nez vers la fenêtre.
Celle de son voisin, bien sûr, était grande ouverte et, depuis le premier étage, offrait un angle de vue particulièrement avantageux sur le salon. Dorian avait dû penser que, vu l'heure tardive, personne ne risquait de passer par là – et puis, la chaleur ambiante était bien trop intenable pour se priver d'un peu d'air frais. Depuis sa position, Simon pouvait voir pratiquement toutes les images passant sur l'écran plat de la télévision, et l'angle du canapé en cuir noir qui lui faisait face.
Finalement, il n'avait pas rêvé. Simon, sans même y penser, referma lentement l'écran de son ordinateur, gardant toute son attention sur la télévision. Il était pris de l'irrésistible envie de crier à l'attention de Dorian que couper le son d'un film pornographique ne le rendait pas invisible aux yeux de ses voisins et que, tout de même, il était un peu vieux pour ce genre de choses. Mais il n'en fit rien. Plaquant une main contre ses lèvres pour réprimer un gloussement irrépressible, il se permit d'assister au film en tant que spectateur secret et indésirable, observant une femme blonde à la poitrine refaite avaler goulûment la verge d'un homme la tenant fermement par les cheveux tandis qu'un autre enfonçait deux doigts entre ses jambes. Classique plan à trois, songea Simon en mordant l'intérieur de sa joue, détachant les yeux de l'écran pour retourner les yeux vers le canapé.
Cette fois-ci, Simon sentit le sourire moqueur qui lui étirait les lèvres s'envoler, laissant ses joues s'enflammer de plus belle. Dorian était à demi-allongé sur les coussins, une main derrière la tête, une jambe pendant dans le vide et l'autre repliée sous la couverture qui le recouvrait jusqu'à la taille. Foutue couverture.
Cette fois-ci, Simon ne tenta pas de réprimer cette pensée. De toute façon, il était déjà allé trop loin pour être gêné par ce genre de détail.
Il ne pouvait pas voir grand-chose, honnêtement. Le bras droit de son voisin disparaissait sous la couverture et, à part le mouvement de son coude qui le laissait aisément deviner à quelle activité il se livrait, Simon était laissé seul avec son imagination.
Il pinça les lèvres et, à l'instant où il crut le voir passer sa langue sur les siennes, il l'imita sans s'en apercevoir. Il commençait à sentir sa respiration devenir lourde, et il ne pouvait pas blâmer la chaleur de l'été. Du pied, il poussa son ordinateur sur son lit et, en s'assurant de garder un bon angle de vue sur la fenêtre, sentit ses doigts effleurer son aine, comme aimantés. Sans même lui laisser le choix, ils passèrent sous son boxer et se refermèrent autour de son membre déjà dur. Il se sentait aussi honteux qu'un adolescent devant son premier film porno. Il ne savait pas vraiment ce qui le poussait à faire une chose pareille. Pas se masturber, il ne s'était jamais senti gêné pour une pratique si banale, mais il n'avait jamais secrètement observé quelqu'un faire de même. Il avait vu Lola se caresser à une époque, lorsqu'elle trouvait encore amusant de le taquiner après avoir jeté un coup d'œil à son historique internet. Il avait vu l'un de ses amis faire de même à côté de lui, lorsque Simon était encore trop jeune pour avoir son propre ordinateur (et en avoir un dans sa chambre, où ses parents ne risquaient pas de le surprendre, ce qui consistait en son pire cauchemar), mais il était trop concentré par la scène qu'ils regardaient pour lui prêter une réelle attention. Et c'était tout. Jamais il n'aurait pu imaginer se retrouver à épier son propre voisin au beau milieu de la nuit, et encore moins à se retrouver si excité par cette vision. Sans parler du fait que c'était un homme. Il avait fantasmé d'avoir un jour une jolie voisine qui resterait à moitié nue devant la fenêtre, mais jamais il n'aurait cru que ce rêve se réaliserait... avec un homme. Mince, quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Il s'était toujours considéré comme hétéro, jusqu'ici. Parfois légèrement curieux, il devait l'avouer (et son historique de recherche en était témoin), mais loin d'être particulièrement attiré par les autres hommes.
Simon se mordit la lèvre pour réprimer un grognement de plaisir, brusquement effrayé à l'idée d'être surpris dans une telle posture. Sur l'écran de la télévision, l'actrice blonde s'était placée à quatre pattes et, derrière elle, l'un des deux hommes qui l'accompagnaient vint la pénétrer en la tenant fermement par les hanches. Dorian, face à cette scène, conservait un air cruellement impassible qui en devenait presque comique. Il avait l'air aussi intéressé que s'il regardait un reportage sur les tomates.
Et puis, avec un rictus moqueur sur les lèvres, Simon continua à regarder la télévision, jusqu'à ce qu'un « détail » vienne soudain perturber ses fantasmes avec l'effet d'une douche froide. Même sa main droite sembla brutalement paralysée.
Sur l'écran, le deuxième homme s'était joint à la fête, mais pas en profitant d'une fellation ou même en sodomisant leur compagne, mais en préférant les fesses de son partenaire aux siennes. C'était même lui qui, tout en caressant le torse nu de l'autre homme, dominait entièrement le couple, dirigeant les mouvements de bassin et le rythme de leur étreinte.
Simon se sentit blanchir, verdir, puis rougir atrocement. Il devait l'avouer, il ne s'était pas attendu à cela. Pire encore, il ne s'était pas non plus attendu à ce que Dorian redresse la tête, brusquement concentré, et que le mouvement de son bras s'accélère sous la couverture.
Ce n'était pas vraiment la réaction qu'il aurait imaginé venant d'un homme comme lui. Dorian avait pourtant le profil typique de ces garçons en mal de virilité, qui partageaient tous inconsciemment ces manies que Simon avait toujours trouvé absurdes, mais dont il avait parfois été témoin. Non, je ne suis pas homophobe, j'aime juste pas bien les mecs efféminés, ce genre de commentaires incompréhensibles. Ce genre d'idées selon lesquelles tu n'es pas véritablement un homme si tu ne passes pas tes soirées devant un match de foot, une bière à la main. Pas que Dorian ait déjà tenu ce genre de discours, mais Simon n'en aurait pas été surpris si cela avait été le cas. Mais ce soir-là, et devant ses yeux, il semblait brusquement excité d'assister à... à...
Simon baissa les yeux sur son entre-jambe et, après quelques secondes, se laissa retomber sur son lit, fourrant son visage dans son oreiller. Il allait devoir revoir son jugement sur la sexualité de son voisin (jamais il n'aurait cru qu'il en viendrait un jour à penser une telle phrase). Et sur la sienne aussi, à en croire la fière érection qui le narguait entre ses cuisses.
~
« Hé, gros nul. »
Manon, une main sur la poignée de la porte, jeta un regard à son téléphone portable, puis le rangea dans sa poche et retira l'un de ses chaussons.
« Aïe !, cria Simon en le recevant douloureusement sur le crâne avant de le renvoyer rageusement vers sa petite sœur en tirant sa couverture vers lui. Laisse-moi dormir !
– Comme tu veux, dit-elle en haussant les épaules. Je voulais juste te prévenir que je prends ton vélo. Maman a laissé de quoi manger dans le frigo. »
Simon ne répondit que par un grognement en fourrant sa tête sous son oreiller. Manon, indifférente, tourna les talons et s'apprêta à partir sans un mot de plus, avant qu'un détail ne lui revienne soudainement à l'esprit.
« Ah, au fait. Ton meilleur ami est tout seul. Tu devrais aller jouer avec lui. »
Lorsqu'elle vit son frère ouvrir un œil, elle battit dramatiquement des cils, puis referma la porte derrière elle. Son meilleur ami ? Quel meilleur ami ? Et depuis quand Manon était-elle si matinale ? Simon roula sur le dos en s'étirant comme un félin et laissa sa main se refermer sur son téléphone portable afin de regarder l'heure.
Onze heures et demi.
Onze. Heures. Trente. Bon dieu. Simon manqua de tomber tête la première sur le parquet tant il se leva rapidement de son lit, rejetant sa couverture loin de lui pour se précipiter hors de sa chambre. Merde ! Comment avait-il pu dormir si longtemps ?
~
Les petites pattes de Marcel fouettèrent l'air et sa langue pendante vola au vent lorsqu'il bondit du paillasson sur lequel il était étendu. Il dévala les marches du perron comme s'il se sentait pousser des ailes, mais roula maladroitement sur le dos jusqu'en bas, emporté par son poids. Cet incident de parcours n'entacha cependant pas son enthousiasme : comme si rien ne s'était produis, le carlin se remit sur ses pattes et continua sa course jusqu'à pouvoir joyeusement courir autour des chaussures de Simon. Puis, aboyant gaiement, il parcourut la distance qui le séparait encore de son maître, comme pour avertir ce dernier de sa présence.
Dorian était allongé sur un chariot de mécanicien, complètement caché sous son pick-up jusqu'au torse. Torse qu'il avait d'ailleurs nu et couvert de tâches noires puisqu'il s'essuyait les doigts dessus lorsqu'il ne parvenait pas à mettre la main sur son chiffon.
« Marcel n'a pas eu sa dose de caresses, dit-il sans même sortir la tête à l'air libre. »
En effet, en baissant la tête vers le petit chien, Simon le vit se rouler sur le dos pour réclamer de l'attention.
« Désolé, j'aurais dû venir plus tôt, s'excusa-t-il autant à l'attention du carlin que de son maître. J'ai... J'ai mal dormi. »
Son ton n'était pas très convainquant. Mais que devait-il dire ? "Je suis navré de ne pas être parvenu à me lever ce matin, c'est vrai que j'ai passé un temps fou à jouer les voyeurs pendant que tu te masturbais devant un porno bisexuel cette nuit" ? Simon eut un frisson, et se força à chasser ce souvenir de ses pensées. Mieux valait d'ailleurs qu'il n'y pense plus jamais.
Cela dit, la vue que lui offrait Dorian ne l'y aidait pas. Bon sang, il ne s'était pas fait des idées en imaginant ses muscles à travers ses t-shirts. Il avait presque honte de son propre ventre parfaitement plat et de ses abdominaux inexistants face aux siens. Et ses pectoraux. Quelques petites cicatrices blanches parcouraient à quelques endroits sa peau mâte, probablement dues à des coupures ou autres blessures sans gravité à en juger par leur profondeur. Et dire que Simon se plaignait pendant trois jours s'il se blessait avec une feuille de papier...
Des poils noirs traversait son torse en direction de son nombril et, à partir de celui-ci, une ligne fine descendait le long de son bassin jusqu'à disparaître sous la ceinture maintenant son jean. Il devinait sans mal jusqu'où elle conduisait.
« Prends une photo, tu pourras baver en paix. »
Ce ne fut qu'à l'entente de ce commentaire que Simon s'aperçut qu'il le détaillait avidement depuis de longues secondes, la bouche ouverte. En revanche, il se sentit immédiatement rougir lorsque les mains de Dorian le dégagèrent du véhicule, découvrant le sourire grimaçant qu'il portait sur les lèvres.
« Je ne regardais pas, marmonna Simon sans conviction.
– Si tu le dis, dit-il en se redressant sur le chariot, attrapant son chiffon pour s'essuyer les mains.
– C'est ça que tu voulais dire par « je répare des trucs » ?, s'enquit le garçon avec un mouvement en direction du pick-up, par désir de changer rapidement de sujet.
– Pas de questions stupides, gamin.
– Mais tu le répares, non ?
– J'essaie. Il fait un bruit un peu inquiétant quand je démarre... »
Sur ce, il ouvrit la portière en tirant ses clés de la poche de son pantalon et mit le contact pendant que Simon se penchait à ses côtés pour écouter – en réalité, il se moquait pas mal de la mécanique, mais pour une fois que Dorian le laissait approcher de la sorte, il n'allait certainement pas le couper dans son élan. Aussitôt, un tintement résonna à l'intérieur du véhicule, suivi d'un ronflement qui n'avait rien d'ordinaire même pour un vieux moteur. Les yeux clairs de l'homme s'écarquillèrent en se liant à ceux du garçon penché à ses côtés, qui eut un sourire désolé :
« Apparemment, tu n'as pas réussi à l'arranger...
– Non, en fait, c'est encore pire qu'avant. »
Dorian et Simon eurent un éclat de rire, mais Cohen le réprima rapidement en détournant le regard, comme gêné de se laisser aller de la sorte. Ah, il ignorait l'effet que son rire grave pouvait avoir sur Simon ou, plus précisément, sur les pensées quelque peu impures qui se bousculaient dans son esprit à chacun de ses sourires.
« Merde, j'ai jamais eu l'étoffe d'un mécanicien. Dire que j'ai claqué trente balles dans ce foutu chariot, soupira-t-il en ramassant le dit objet avant de coller sa boîte à outils dans les bras de Simon qui manqua de s'écrouler sous le poids. En fait, ça me donne juste un air de mauvais acteur porno... »
Oh non, pitié, ne parle pas de porno, songea Simon en grimaçant un sourire, gravissant les marches du perron derrière lui, un joyeux Marcel sur les talons. Dorian lui fit signe de tout poser dans un coin du salon puis, alors que son chien commençait à couiner en mâchouillant ses bottes, il laissa Simon seul dans le salon le temps de remplir sa gamelle et d'aller prendre une douche pour retirer toute la crasse séchée de son corps. Le garçon n'eut pas besoin de détail supplémentaire.
Par désir de s'occuper l'esprit, il se dirigea vers la télévision mais, lorsque des images de la nuit précédente lui revinrent à l'esprit, il rejeta cette idée. Mieux valait être prudent et éviter un nouvel incident.
Ou pas.
Simon leva le nez vers le plafond en entendant l'eau couler depuis la salle de bain, comme s'il pouvait voir à travers les murs. Merde... Dorian Cohen était définitivement quelqu'un de particulier. Il avait oublié depuis combien de temps il ne s'était pas senti aussi vulnérable au charme de quelqu'un. Des années, à condition que cela se soit déjà produit à une telle échelle. L'attirance qu'il exerçait sur Simon était indéniable, sa simple présence entre les murs de ce salon en était une preuve suffisante.
Ce n'était pas seulement son corps lui-même qui le rendait si faible : en vérité, Simon avait déjà vu des hommes bien plus beaux que Dorian Cohen. Plus jeunes, plus soignés, plus séduisants. Mais son aura était terriblement excitante et – de cela, Simon n'en doutait pas une seule seconde – il était bel et bien le premier à réveiller en lui un désir si irrépressible. En temps normal, peut-être aurait-il eu honte de sentir de telles pulsions prendre le pas sur sa raison, mais...
Mais il devait l'avoir. Même si ce n'était qu'une seule et unique fois. Ensuite, il oublierait tout cela. Il reprendrait sa vie telle qu'elle était avant l'arrivée de Dorian Cohen, et ce serait facile, puisqu'il aurait assouvi ses envies.
Mais jusque là, il lui fallait Dorian.
C'était physique.
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