La visite d'Angela

Ignacius avait accueilli Angela avec un empressement plus inquiet que gêné. Gilda le comprenait sans peine car cette demi-sœur de six ou sept ans son aînée avait le don de se rendre intimidante. Quant-à Nepthis, l'anxiété n'avait pas suffi à lui couper la langue. Lorsqu'ils se furent assis ensemble, en compagnie de Federica qui avait à peine osé poser le quart de la moitié d'une fesse sur son siège, elle commença directement à questionner la supérieure sur son parcours, ce à quoi la quadragénaire répondit calmement :

- L'école de Blocksberg a été créée en 1942, juste après la disparition de l'enchanteresse de la Foret Noire. Ce sont ses alliées survivantes qui ont entrepris de cacher les dernières vivernes de la Forêt. Certaines étant capable de monter dessus, elles ont créé un corps d'armée qui a résisté à Grindelwald jusqu'à ce qu'il soit vaincu par Albus Dumbledore. L'école n'en était pas une à l'époque, mais plutôt un camps d'entraînement.

- Mais vous, vous y avez étudié ?

- Oui, répondit Angela. J'y suis entrée après avoir eu six ans, en 1958. J'y ai effectué toute ma scolarité et, à seize ans, j'ai passé l'épreuve du grimoire avant de me spécialiser... A l'époque c'était un cursus double d'enchanteresse et naturaliste. Aujourd'hui les spécialités sont plus pointues, je fais partie de la dernière génération à avoir connu le cursus supérieur du régime de guerre comme on dit. J'étais également de la première génération d'enfants à entrer à l'école. Durant les années 1958-65 en effet, l'enseignement était terriblement balbutiant et la chose ressemblait davantage à une association de mères de famille. D'ailleurs mon père adoptif, bien qu'il soit moldu, enseignait pas mal de choses comme l'allemand, le calcul, la morale... aux petites filles et aux petits garçons, car à cette époque il y en avait.

- Et ensuite, l'interrogea avidement Ignacius.

- J'étais une jeune fille quand les choses ont changé. Cela m'a paru brutal mais cela ne devait pas tant l'être que cela. En juin 1965, toute l'école a été mise en vacances pour la première fois. Seule les vivernières sont restées avec leurs vivernes. On disait que de grands changements étaient en train de se produire et en effet. Pour la première fois, chaque élève s'est vue doter d'une liste de fournitures qu'elle devait se procurer. De véritables matières sont apparues, il y a aussi eu de grands travaux réalisés dans l'école. A la rentrée, nous sommes entrées dans ce qui ressemblait à présent à un véritable établissement scolaire, un internat avec des dortoirs, une division nette entre les classes et, je m'en rappelle particulièrement car cela m'a fortement déroutée : un emploi du temps fixe.

- Mais cela ne s'est pas arrêté là, devina Gilda. Il a fallu attendre dix ans pour que votre école soit officiellement inscrite dans la liste des écoles de sorcellerie.

- Oui, mais si elle n'est pas la plus illustre, mon école a permis de donner à de nombreuses jeunes filles de la région une instruction digne de ce nom. Pour ma part, je suis devenue professeur en 1973, j'enseignais la Morale et l'éloquence, deux qualités qui ne vont jamais mieux qu'ensemble.

- Et vous en êtes la glorieuse preuve, grommela Nephtis.

- C'est que je me suis battue pour.

- Quand êtes-vous devenue la supérieure de l'école ? Demanda alors Ignacius.

- Il y a quatre ans, nous sommes élues pour cinq et, l'an prochain, de nouvelles élections auront lieu. Je pense que je devrai défendre ma place contre cette chère Athénaïs.

- Athénaïs Bellona ? C'est d'elle que vous parlez ? Demanda Gilda.

- Oui, pourquoi ?

- Je... Je l'ai côtoyée durant ma thèse, c'est une belle abrutie.

- Je n'en reviens toujours pas qu'une hybride comme vous soit arrivée à la tête d'une école de magie, intervint alors Nephtis. Et que personne ou presque ne connaisse votre secret par dessus le marché.

La supérieure Angela, assise sur le fauteuil d'en face, avala une gorgée de thé avant de répondre calmement :

- C'est ainsi, et je ne suis pas la seule. L'école que je dirige est ouverte à ce que vous appelez les hybrides bien sûr. Il serait idiot de se priver d'autant de talents.

Nephtis manquant de s'étrangler avec son thé, elle ajouta :

- Vous-même à Poudlard en avez beaucoup qui apportent une grande richesse à l'école. J'ai, en ce qui me concerne, une estime toute particulière pour le professeur Flitwick que je trouve extrêmement talentueux.

- Malheureusement, ce n'est pas le cas de tous. Le centaure Firenze...

- Est un centaure, comme vous le dîtes. Très doué en divination, cependant pour transmettre cela à des humains il faut s'accrocher. Mais passons aux choses sérieuses.

Devant elle, la famille Malefoy se tendit et Federica baissa la tête, soudain très gênée. La supérieure Angela ignora cependant son trouble et poursuivit :

- Je suis ici avant-tout pour vous mettre en garde. Je connais les motivations qui vous ont poussés à agir ainsi avec ces enfants. Elles sont aussi honorables que possible dans le contexte actuel. Seulement je pense que vous n'avez pas mesuré dans quelle position vos actes allaient vous mettre.

- Tout ceci est savamment calculé, au contraire !

Nephtis n'avait pu s'empêcher de protester, elle continua :

- Nous ne sommes pas pour l'excès de violence pendant ces temps troublés et nous souhaitons tirer au mieux partie de la situation actuelle. En somme, je pense qu'il s'agit pour nous, comme pour ces enfants, du meilleur compromis.

- Cela reste malheureusement à prouver, répliqua Angela. Vous allez vous retrouver plus ou moins rapidement dans une position délicate, cela j'en suis certaine. En outre, si je suis ici c'est parce que j'ai reçu une mission du Parlement européen des créatures magiques.

- Et vous êtes là pour les semi-vélanes, devina Ignacius.

- Entre autres choses, oui. Vous n'ignorez pas que je fais partie des chargés de mission du Parlement à ce que je vois.

- J'ai fait mes propres recherches, répondit Ignacius.

La supérieure Angela acquiesça, comme pour dire qu'elle approuvait la démarche. Elle lui répondit d'une voix douce :

- Je suppose que vous vous êtes aussi interrogés sur les débouchés pour vendre vos esclaves.

- C'est la partie dont je me suis particulièrement occupée, répondit Nepthis.

- Que se passera t-il si, au moment où vous négociez, des sadiques et des pervers s'en mêlent ? Comment donc vous positionnerez-vous ?

- Nous ne souhaitons pas faire dans ce genre de... commerce, répondit Nephtis. Nous éviterons tout simplement de nous adresser à ce genre de clientèle. On se basera avant tout sur le bouche à oreille par le biais de... réceptions et négociations privées...

- Si vous le dîtes, malheureusement j'ai peur que vous ne soyez très naïfs. Mais revenons à nos deux demi-vélanes. Je souhaiterais vous les acheter, mais je comprends bien qu'une telle chose vous mettrait en difficulté si vous deviez justifier cette vente.

- Si elle arrive prématurément, répondit Gilda qui pâlissait au fur et à mesure que la conversation avançait. Ce sera le cas effectivement. Mais pourquoi ne pas profiter de la première visite des Malefoy qui a lieu en février ? Ils viendront aussi voir si un ou deux des enfants les intéresse. Leurs expériences avec les elfes de maisons les ont un peu échaudés ces dernières années. Nous n'avons qu'à vous inviter aussi et vous pourrez mener votre mission à bien.

- Cela nous laisse donc deux mois, répondit pensivement la supérieure. Cela ira, oui.

- Nous n'avons pas souhaité ouvrir les ventes avant, justement pour éviter un déferlement de propositions peu sérieuses, argumenta Ignacius.

La supérieure Angela ne répondit rien. Mais il n'y avait qu'à regarder son expression pour comprendre qu'elle n'y croyait guère. Nephtis songea avec amertume que la semi-ondine tenait de son père pour ses expressions faciales.

Quelques badineries plus tard, la supérieure Angela repartait, non sans avoir discrètement glissé un paquet dans les mains de Federica. Seule Gilda le vit, et elle s'abstint bien de dire quoi que ce soit.

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