Hermione n'avait pas remarqué ou relevé à tort l'hostilité des élèves de Serpentard et celle du Professeur Rogue. En effet, sitôt le dîner passé, ce dernier s'était rué dans le bureau du directeur de Poudlard.

De toute évidence, il ne digérait toujours pas le refus d'Albus Dumbledore de se plier aux ordres du Ministère pour cette fois-ci et sa nouvelle mission ne suscitait pas chez lui le moindre intérêt :

- Cette femme est dénuée du moindre intérêt Albus, démarra t-il directement, juste après avoir refermé la porte du bureau. Je ne vois vraiment pas ce qui vous l'a faite nommer à ce poste. Elle est médiocre en temps que sorcière, superficielle, cantonnée à la théorie... Quand à sa thèse sur l'histoire du crime... Jamais il ne m'a été donné de voir un travail aussi médiocre.

La sentence de Severus était sans appel et Albus Dumbledore soupira de lassitude une énième fois face à l'intransigeance bornée de son collègue. Celui-ci représentait encore la pensée de la faction sorcière la plus extrémiste de Grande-Bretagne, et aucune mesure n'intervenait dans son jugement.

Néanmoins, c'était bien lui qui serait chargé de garder un œil attentif sur Gilda Marty et de la protéger des mauvais coups qu'Ombrage n'allait pas manquer de lui faire.

- Vous savez mon propre avis sur la question Severus, répliqua fermement le directeur de Poudlard. Que nous ne soyons pas d'accord sur mes choix de nomination est une chose. Je vous demande cependant de veiller sur elle et ses enfants, en particulier sur ses enfants. Gilda Marty va rester, j'espère, au moins jusqu'à la fin de l'année et il va nous falloir compter avec Dolores Ombrage.

- Somme-toute, une situation saine et banale, ricana le Maître des Potions.

- Cuthbert a disparu Severus, soudainement et sans prévenir. Cela doit nous alerter car rares sont les fantômes qui trouvent un jour la possibilité de continuer, même si cela existe... Et puis, la personnalité de notre collègue, déjà de son vivant, me laisse fort dubitatif sur la chose.

- Vous pensez donc qu'il a reçu un ordre d'expulsion du Ministère ? Mais celui-ci n'a pourtant pas le pouvoir d'agir sur les fantômes du château !

- La théorie Severus, répondit Dumbledore sur un ton à la fois mesuré et agacé. Vous savez qu'elle ne rejoint pas toujours la pratique et il en va de même pour la loi. Je reste persuadé que Dolores Ombrage, en temps qu'agent infiltré, a pu le faire partir en le menaçant, peut-être d'un maléfice de Damnatio Memoriae.

- Selon vous, lui demanda franchement Severus. Binns aurait eu le choix entre disparaître de la circulation, et finir oublié de tous, toujours conscient mais incapable d'agir sur le monde réel ?

- Exactement, répondit Dumbledore. Une menace malheureusement bien suffisante pour écarter ce pauvre Cuthbert. Lui n'était pas ennemi de Dolores Ombrage, mais je pense qu'elle a vu dans sa personne un collègue suffisamment vulnérable et isolé au sein de l'établissement pour facilement pouvoir le remplacer par quelqu'un à sa botte.

L'explication était logique mais Severus ne décolérait toujours pas :

- Vous auriez tout de même pu nommer quelqu'un d'autre à ce poste... Une personne moins sensible et moins fragile! Réfléchissez un peu Albus! Elle a abordé dans sa thèse le cas du Seigneur des Ténèbres, en le comparant à Grindelwald et en vous citant par extension. Son travail... Si on peut parler ainsi, est clairement orienté du mauvais côté du vent et... Albus elle a amené à Poudlard deux enfants en bas âge! Comment s'en occupera t-elle?

- Ils sont tous les deux scolarisés ou en jardin d'enfant dans la partie moldue de Pré-au-Lard, et ils y rentreront lundi. Les heures de Mrs Marty lui permettent de les amener et d'aller les chercher tous les jours, sauf le vendredi où ils devront rester un peu plus d'une demi-heure à la garderie. L'organisation en elle-même n'est pas du tout un problème, mais c'est Dolorès Ombrage, à qui de plus la famille Selwyn est liée, que je crains.

- Si c'est le cas, répliqua Severus sans la moindre compassion. Vous auriez mieux fait de nommer à ce poste quelqu'un d'autre qu'une semi-cracmole incapable de lancer un maléfice du saucisson!

Le Maître des Potions était allé trop loin cette fois-ci. Albus Dumbledore se leva si soudainement de son bureau qu'un instant, Severus crut qu'il avait réussi à le faire sortir de ses gonds.

Toutefois le directeur de Poudlard ne se départit pas de son calme et répliqua froidement à son subordonné:

- Cet état de « semi-cracmole », comme vous le dites de manière si péjorative Severus, est la raison principale qui m'a poussé à nommer Gilda à se poste, outre sa compétence en la matière bien-sûr. Elle a rendu un travail de qualité à la gent sorcière, un travail qui démystifie Lord Voldemort et le remet à sa juste place: un personnage fou et dangereux. Et c'est ce même personnage fou dangereux qui va en avoir après elle maintenant qu'il est revenu!

- Il n'a formulé aucune intention de s'en prendre à elle, répliqua Severus. Et honnêtement, je ne pense même pas qu'il s'en donne la peine pour quelqu'un d'aussi pitoyable. Rien ne vous obligeait à l'employer par « sauvetage ».

Albus Dumbledore darda sur lui un regard encore plus intense si cela était possible :

- Gilda est une excellente chercheuse, une historienne de génie doublée d'une écrivaine talentueuse... et l'une des femmes les plus intelligentes qu'il m'ait été donné de connaître. Bien-sûr, elle est absolument incapable de se défendre par magie et ne sait même pas transplanner. Tout juste arrive t-elle à faire léviter des objets et préparer des potions. Mais Severus vous n'avez pas le droit de vous moquer d'elle ainsi, pas quand vous m'avez vous-même forcé à abriter au sein de Poudlard un professeur incompétent.

- Vous reconnaissez donc qu'elle l'est Albus.

Le vieil homme secoua la tête avec lassitude:

- Non Severus, c'est Sibylle Trelawney qui est complètement incompétente. Gilda, en revanche, sera un excellent professeur car c'est quelqu'un qui a travaillé durement et avec énormément de volonté, qui a une culture impressionnante. Et si vous ne vous en rendez pas compte, c'est parce que vous n'avez jamais pris la peine de vous intéresser à autre chose qu'aux grands faits et gestes des sorciers de Serpentard. Elle, qui pourtant vient d'un milieu plus que fermé, a exercé son esprit à trier les informations reçues. Elle a étudié la nature de l'homme, ses penchants, les idéologies, la psychologie et une quantité phénoménale de thèmes qui ont forgé sa pensée. Elle a votre niveau Severus, pas dans les mêmes domaines mais elle l'a.

Il fit une courte pause et ajouta sur un ton mi-taquin, mi-moralisateur :

- D'ailleurs, vous devriez peut-être jeter un œil à ses livres...

Le maître des potions secoua la tête en ricanant :

- Nous verrons, répondit-il en sachant très bien que cela ne l'engageait à rien. Maintenant, je vous demande comment vous comptez faire pour garantir la sécurité de ses enfants si vous les laissez à Pré-au-lard la majeure partie de la journée sans surveillance.

- Pour ce qui est de Pré-au-Lard, répondit Dumbledore. Sirius et Remus s'occuperont d'assurer la sécurité de jour. L'école se trouvant dans la partie moldue ils n'auront pas de mal à se glisser à l'intérieur sous une cape d'invisibilité et ils suivront les enfants jusqu'à leur retour à Poudlard.

- J'imagine que Sirius est ravi... Grinça Severus. On lui confie une mission qui lui permet de sortir de chez lui.

- Ce n'est qu'en dehors que vous interviendrez, poursuivit Dumbledore sans l'écouter. Vous garderez un œil sur l'ensemble de la famille, pour surveiller qu'il ne leur arrive rien de fâcheux, à Poudlard ou dans ses environs.

Renfrogné, Severus Rogue posa une dernière question:

- Et je commence quand?

- Tout de suite Severus, répondit le directeur. Je ne vous demande pas de la filer, mais simplement d'être attentif, notamment à ceux qui pourraient vouloir lui faire du mal. Vous les connaissez très bien après tout, c'est d'ailleurs pour cette raison que je vous demande d'agir.

Soufflant d'agacement, le Maître des Potions hocha cependant la tête et, quelques instants plus tard, il disparaissait dans les profondeurs de Poudlard. Pour dire vrai, il n'était pas le seul qu'Albus ait missionné. Minerva avait aussi sa part du travail à faire et, pour dire vrai, Filius et Pomona ne seraient pas en reste.

Cependant, Severus était le pivot de ce plan, et aussi le seul dont la fréquentation pourrait donner à Gilda Marty suffisamment de légitimité auprès des parents d'élèves conservateurs.

Toutefois, Severus Rogue n'était pas le seul à éprouver des réticences quant-à la nomination du nouveau professeur d'Histoire de la Magie. Ailleurs dans le château et même si personne n'était au courant de la réunion qui se tenait à ce moment entre Albus Dumbledore et le Maître des potions, d'autres personnes s'inquiétaient de la présence du nouveau professeur à Poudlard. Dans la salle commune des Serpentards en particulier, les discussions allaient bon train:

- Mon père la connaît figurez-vous, intervint fièrement Drago Malefoy pour répondre aux interrogations de ses condisciples. C'est une Sang-Pur de la famille Selwyn, une traître à son sang en fait. Elle s'est mariée à un moldu si attardé qu'on dit qu'il ne savait même pas lire! Il est mort et elle s'est retrouvée seule à devoir nettoyer les toilettes des moldus pour avoir de quoi vivre!! Pire qu'une Weasley vous voyez!

- Mais comment ça se fait qu'elle ait eu le poste alors? Demanda Pansy d'un air faussement interloqué.

- Elle avait fait une thèse complètement fantaisiste sur les liens entre criminels sorciers et criminels moldus. C'est une fêlée comme Potter et une amoureuse des moldus comme les Weasley, pas étonnant que ça plaise à Dumbledore! Et puis...

- Et puis quoi? Demanda Pansy qui buvait les paroles du jeune homme.

- ... à mon avis, compléta Malefoy avec un sourire perfide. Dumbledore a du apprécier autre chose que sa thèse, un vieux célibataire comme lui... Face à une fille qui n'avait plus rien...

Une série de rires gras purent s'entendre dans la salle commune et Drago Malefoy se rassit sur « son » canapé, satisfait de l'effet qu'avaient eu ses paroles, Père serait content et le Maître sans doute aussi.