Chapitre 6

            

Cet endroit pue le sang et la transpiration.

Je suis déjà fatigué...

Debout de chaque côté d'une colonne où un homme d'environ une quarantaine d'années est attaché, les hommes de Mingi se tiennent droit, l'air inquiet, un œil toujours posé sur l'inconnu en panique.

L'idiot supposé superviser ses hommes se tient dans un canapé usé et délavé, l'air d'un chien ayant fait une bêtise.

C'est ça, rentre donc la queue entre les jambes.

Agacé, je m'assieds à mon tour sur le deuxième canapé et l'observe angoisser de plus en plus, sous les geignements de la personne attachée.

             

— Pourquoi ne fais-tu que me décevoir, Mingi ?

— Je suis désolé, patron, implore-t-il, effrayé. J'ai essayé, mais il soutient ne pas avoir d'argent.

— Est-ce que tout ça est nouveau pour toi ? Tu as tout oublié en te cognant la tête ? Je veux l'argent qu'il nous doit aujourd'hui. Si lui n'en a pas, va voir ses parents, sa sœur, sa femme, ses enfants... Et si tu ne trouves rien d'intéressant à prendre chez eux, alors je te laisse faire ce que tu veux de lui. Tu peux le découper en petits morceaux si ça te chante, je n'en ai rien à foutre. Tu connais les règles, Mingi, insisté-je, de plus en plus agacé. Ne me force pas à te faire la leçon, ça nous ferait du mal à tous les deux.

         

Il hoche vivement la tête et avale bruyamment sa salive, tremblant et le regard larmoyant.

Je n'ai vraiment engagé que des abrutis inutiles, c'est affligeant.

            

— Oh merde ! râle l'un des gars debout. Il s'est pissé dessus !

— Bon, eh bien je vous laisse terminer votre travail. Ne me déçois pas, Mingi. Ça vaut mieux pour toi, du moins.

          

Sans un regard vers l'inconnu au bord de la mort, je passe devant mon magnifique garde du corps et quitte ce local puant l'échec, pour rejoindre mon bureau.

De retour à la base, à peine ai-je posé un pied dans le bâtiment, que déjà Jooheon m'interpelle.

Cette journée s'annonce décidément longue et fatigante.

          

— Boss ! Monsieur Song est là pour vous. Il m'a interdit de vous prévenir.

— S'ennuie-t-il à ce point ? soupiré-je, pour moi-même.

— Changkyun ! s'écrie ce dernier, me voyant arrivé de loin.

— Surtout, murmuré-je à mon garde. Ne lésine pas sur l'alcool.

             

Sans un mot, celui-ci acquiesce à mes côtés.

Finalement, je préférais ses questions énervantes au silence de mort.

Ne me laisse pas seul avec lui, Hyunnie.

             

— Monsieur Song, le salué-je, avant de contourner le paravent placé dans la salle d'attente. Je vois qu'on vous a déjà servi à boire.

— Je n'avais rien d'autre à faire en t'attendant. Qui c'est lui ? râle-t-il, énervé.

— Hyunwoo, mon nouveau garde du corps.

— Vire-le. C'est tout à fait ton type, rage-t-il, en posant vulgairement son verre sur la table basse.

— J'vais pisser, je reviens.

                 

Song Kang-Oh...

Ce cher Song Kang-Oh...

Quand il était encore le grand patron de Helldogs, ce vieux mafieux m'a repéré alors que je me vautrais dans le foutre avec les hommes du clan Phantom.

Même s'il ne m'a pas vraiment donné le choix, je lui suis reconnaissant de m'avoir pris sous son aile. Il m'a rapidement enrôlé officiellement dans la mafia et en passant second du groupe Seven Dragons, il m'a offert la place de numéro deux de Helldogs. J'ai été son amant durant ma première année dans le clan, mais heureusement pour moi, j'ai su m'en éloigner.

Il ne cesse de répéter qu'il me veut à nouveau à ses côtés, mais je sais pertinemment que si je reviens près de lui, cette fois-ci, plus jamais je ne pourrai m'échapper de sa toile.

          

— Tu m'as entendu ? insiste-t-il, alors que je m'assieds face à lui, dans l'un des canapés de mon bureau. Vire-le.

— Que me vaut l'honneur de votre visite ?

              

Une fois servi par Hyunwoo, je bois rapidement mon premier verre d'alcool de la journée et discute nonchalamment avec mon boss.

          

— Je venais juste prendre de tes nouvelles.

           

Seuls lui et moi, je n'hésite pas à me resservir à foison, ce qui ne plaît pas trop à mon corps, peu habitué.

            

— Tout va pour le mieux de mon côté. Comment va le grand patron ? m'informé-je, par politesse.

— Il n'est pas au meilleur de sa forme, soupire-t-il, sans la moindre tristesse dans la voix.

— Vous êtes si proche de votre objectif. Vous devez être plus que satisfait.

           

Il me fixe durant de longues secondes sans rien dire, d'une moue concentrée, avant d'avaler cul-sec son verre.

Je le ressers sans hésitation, heureux de l'imaginer enivrer de soju et attends patiemment qu'il ne daigne répondre.

            

— Je sais que beaucoup rêvent de ma place, je dois donc être vigilant, se contente-t-il de dire, faussement humble. Mais une chose est sûre. Je te veux à mes côtés. Tu le sais, n'est-ce pas ?

— Bien évidemment, comment passer à côté de cette information ?

— Cesse de te faire prier, râle-t-il.

— Je vais y réfléchir, c'est promis, mens-je, après un énième cul-sec.

          

Je devrais peut-être ralentir sur la boisson... Je pourrais m'évanouir avant même la fin de ce rendez-vous improvisé.

C'est qui est tentant, mais déraisonnable.

              

— Et comment se porte Minhyuk ?

— À merveille, comme toujours.

— Il a du mal à se faire à son nouveau rang, pouffe-t-il. Mais il se débrouille pas mal malgré tout. J'ai aussi entendu parler de ton réseau d'informations. D'après mes hommes, ton réseau serait le plus efficace des clans du groupe Seven Dragons, dit-il, l'air fier. Qu'as-tu mis en place pour arriver à un tel résultat ?

— Secret professionnel, soufflé-je, malicieux.

— Voyons Changkyun... Ne joue pas au plus malin avec moi. N'oublie pas que sans moi, tu errerais encore sans but, en t'allongeant tous les dimanches dans cette salle de Godori¹, pour te faire prendre par tous les trous, crache-t-il.

— Je sais, je sais, réponds-je, tout en avalant difficilement le dernier verre d'alcool glissant à l'intérieur de mon œsophage. Je vais devoir vous laisser, je pense avoir besoin de me reposer, marmonné-je ensuite, la vision floue.

— Qu'est-ce que tu peux être agaçant quand tu veux, entends-je vaguement rouspéter, avant qu'un corps ne me soulève par le bras. Ramène cette épave chez lui. Et cesse de l'observer comme s'il était la plus belle chose que tu aies pu voir sur cette terre, c'est énervant.

                  

Voilà pourquoi la plupart des hommes d'autres branches du clan se refusent à me toucher.

Arrêtez cette possessivité injustifiée. Je ne suis plus à vous.

Confortablement installé sur quelque chose de ferme et confortable, je m'interroge quelques instants, avant d'abandonner pour de bon et ainsi, sombrer dans le sommeil.

            

***

             

¹Le Godori est un jeu de cartes très populaire, joué en Corée.

           

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