Chapitre 39

                     

                

                               

Mon mal de crâne ne pouvait que vouloir un énième appel téléphonique. Bien évidemment...

                        

— Patron, c'est Sunyoung.

— Mmh ? grogné-je, en réponse.

                               

Je suis allongé je ne sais où, sous la couverture d'un futon.

Que s'est-il passé avant mon arrivée ici ?

                  

— Désolé, mais... Hoseok s'est fait embarquer par les hommes de Minhyuk.

                         

Pourrai-je un jour, avoir un coup de fil sans mauvaise nouvelle ?

Un simple appel, pour me demander comment je vais ?

                          

— D'accord, marmonné-je, sans même prendre le temps de réellement comprendre tout ce que mon cerveau embrumé intercepte.

— Je retourne voir Jooheon.

— Ok.

                               

Et putain, mais quand est-ce que je pourrai réellement me reposer ?

Mon corps me fait souffrir, j'ai l'impression que rien ne pourra l'apaiser.

Je grimace peu discrètement lorsque je tente de me redresser. On dirait un appartement... Un appartement, sans aucune trace de vie, d'âme. C'est si froid. On dirait que le temps s'est arrêté.

Si seulement c'était le cas...

                     

— Vous êtes réveillé.

                               

Hyunwoo, debout devant moi, s'essuie encore les cheveux lorsqu'il entre dans mon champ de vision, complètement nu. La main tenant solidement mon bras douloureux, je me contente d'observer cet homme incroyablement beau.

                        

— Vous avez mal ?

— Les antidouleurs ne font plus effet, me contenté-je de répondre, admirant son beau cul musclé, à présent habillé d'un jean.

— Les autres sont dans la voiture, je vais les chercher.

                                                     

Quel est cet endroit ? À qui appartient-il ? Hyunwoo semble le connaître et l'utiliser comme bon lui semble, alors j'imagine qu'il lui appartient.

Que s'est-il passé après cette altercation avec les deux mercenaires ?

Je crois qu'il m'a porté jusqu'ici, parce que j'étais déjà à moitié endormi. Je me rappelle avoir croisé son regard, alors que j'étais dans ses bras.

Ça me revient maintenant. Oui, tout me revient.

Il m'a emmené ici, après m'avoir sucé... Après m'avoir léché.

Perdu dans mes pensées, je sursaute calmement lorsqu'il revient enfin.

La voiture est garée si loin ?

                                 

— On est où ? posé-je, le dos appuyé contre le mur non loin du lit improvisé.

— Dans mon appartement, répond-il, après s'être agenouillé face à moi. Je me suis dit qu'il ne valait mieux pas retourner chez vous, surtout en sachant Minhyuk dans les parages, alors le premier endroit qui m'est venu en tête, c'est celui-ci.

                   

Tu penses de plus en plus comme un yakuza. Ce n'est pas très bon signe.

                    

— Tu as bien fait, conclus-je, avant de boire le verre d'eau et les antidouleurs qu'il vient de m'apporter. C'est vide et triste. Il n'y a aucune décoration.

— Je ne pense pas le garder. Je ne l'ai jamais vraiment utilisé du temps où j'étais dans la police et maintenant, je suis tout le temps au bureau ou chez vous, donc je pense arrêter le bail.

— Tu es encore en période d'essai, ne t'emballe pas, claqué-je, tandis qu'il ouvre d'un même mouvement, une boîte remplie de nourriture, sans doute achetée dans une supérette.

— Vous pensez me virer après la fin de la période ?

                   

Son regard si doux et sombre me fixe avec attention. Ses cheveux humides le rendent bien trop sexy pour mon propre bien. La sincérité émane de ce grand corps chaud de façon bien trop visible. Comme s'il allait tout perdre si jamais je lui répondais oui.

Revoilà le Golden Retriever tristounet.

Ce n'est pas du jeu, Hyunwoo. Même moi, tu arrives à me faire fondre.

                

— Je n'ai jamais dit ça.

                                       

Il me regarde encore durant de longues secondes, sans rien dire. Comme s'il essayait de lire quelque chose en moi qui pourrait l'aider à parler et agir. L'observer me fixer ainsi est fascinant. Fascinant et excitant.

                          

— Je vais encore attendre un peu, dans ce cas, conclut-il.

                       

Peu après, cuillère à la main, il plonge celle-ci dans le plat posé sur l'une de ses paumes de mains et me la tend ensuite.

                 

— Mangez un peu.

                      

Quel idiot.

Toujours à prendre soin de moi, comme si j'étais une chose fragile et sans défense.

                      

— Toi aussi, mange, râlé-je, avant d'avaler une première bouchée.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, souffle-t-il, remplissant à nouveau le couvert.

                      

Irrité, les doigts agrippés à son poignet, je dirige sa main vers lui et le force à ouvrir la bouche, pour qu'il se nourrisse.

             

— Mange.

                     

Il s'exécute en silence, après avoir compris que je ne changerais pas d'avis et, à tour de rôle, nous dévorons ce repas en moins de deux.

Je n'avais même pas vu qu'il avait mis ce pull immonde pour sortir.

Les doigts glissés dans sa chevelure humide, tombant adorablement sur son front, je prends le temps de l'observer. L'observer, comme il mérite sans doute de l'être. Cette beauté si pure et innocente.

Il se contente d'apprécier mes caresses, les yeux clos.

Qu'est-ce que je fous, bon sang ?

                  

— Tu mets ce pull souvent ? posé-je, continuant mes gestes.

— C'est la deuxième fois que je le mets.

                          

Sa voix est basse, douce et apaisante. Ça fait du bien.

                               

— La première fois, c'était quand ?

— Quand j'ai rendu visite à ma mère et ma soeur.

— Elles ont dit quoi ?

— Rien en particulier.

                       

Il est si laid.

Pourtant...

                           

— Tu es vraiment trop mignon dans ce pull, j'ai eu raison de te le donner.

— Merci, s'enquit-il, ses tendres prunelles plongées dans les miennes, incertaines.

                                 

Ça faisait un moment que je n'avais plus vu ses petites oreilles rougir.

C'est toujours aussi craquant.

                               

— Allonge-toi.

— Pardon ?

                     

Pourquoi parais-tu étonné ? Ce n'est quand même pas la première fois que je te le demande.

Ne sois pas étonné, alors que ta langue était en moi, il y a à peine quelques heures.

                           

— Allonge-toi.

— Vous ne voulez pas dormir ? tente-t-il, soudain mal à l'aise. Vous avez besoin de repos, patron.

— Ça ne prendra que quelques minutes, susurré-je, les mains appuyant sur ses épaules pour qu'il s'allonge sur le futon. Je ne te laisserai pas fuir, cette fois-ci.

               

Il finit par s'exécuter, l'air vraiment très nerveux et se couche sans plus rien ajouter, les yeux recouverts de son avant-bras.

Il n'a jamais paru si angoissé. Que lui arrive-t-il ?

Sans plus tarder, je m'installe à quatre pattes au-dessus de lui, défait son pantalon et sors son sexe sans prendre la peine de retirer ses vêtements. Sa mâchoire est si contractée, son corps si crispé...

Je ne réfléchis pas plus, agrippe sa queue et l'avale entièrement, tout en lui offrant une masturbation soutenue. Son corps s'immobilise et se crispe un peu plus et alors que je pensais arrêter, lassé et fatigué, je sens le corps étranger dans ma bouche durcir. Je me redresse aussitôt et fixe son visage, caché par son bras. Les fesses posées sur ses genoux, j'observe sa queue en érection.

              

— Depuis quand ? posé-je, d'une voix grave et glaciale.

— Depuis cette fois où vous étiez en peignoir dans votre chambre, avoue-t-il, d'une petite voix.

                

Depuis une éternité, donc.

                     

— De manière régulière ?

— De manière régulière, depuis la première fois où je vous ai touché.

                               

Voilà pourquoi il me tournait le dos.

Il a bien caché son jeu.

                   

— C'est une bonne nouvelle, dis-je alors, remontant pour poser mes fesses contre sa queue. Qu'attendons-nous pour baiser ?

                             

Mon corps est bouillant. Bouillant d'une rage incommensurable.

Mais pourquoi ? Pourquoi suis-je autant affecté par cette révélation ?

Ses yeux trouvent les miens, après avoir posé son avant-bras sur son front. Son regard est empli de tristesse, de culpabilité.

                     

— Je n'en ai pas envie, avoue-t-il.

               

Pris d'un rire froid et mauvais, je gigote un peu sur son corps et le regarde, d'un air hautain.

                  

— Te fous pas de moi. Pourquoi ta queue est si dure, dans ce cas ?

                              

Durant tout ce temps, tout ce que je pensais être vrai et tout ce en quoi je croyais, vient de s'effondrer en un instant.

Depuis quand ? Pourquoi ? Ce n'était donc pas du dégoût, mais bien de l'excitation ?

Pourquoi m'a-t-il menti ? Et putain, pourquoi est-ce que ça me touche autant ? Pourquoi suis-je autant hors de moi ?

                       

— Je suis désolé, entends-je alors, d'un souffle presque inaudible. Je vous respecte plus que tout et je veux rester à vos côtés, pour toujours. Seulement, je ne suis plus capable de contrôler l'attirance que j'ai pour vous.

                               

Qui aurait cru que cette douleur à l'intérieur de moi soit plus douloureuse que n'importe quelle souffrance physique ?

Je déteste ce que je ressens en ce moment. Parce que je ne le comprends pas. Je ne me reconnais plus, je deviens quelqu'un de totalement différent à ses côtés. Je pensais pouvoir lui faire confiance, je pensais qu'il était différent, et surtout, je pensais que ces faiblesses ridicules, comme l'amour et la douceur, n'étaient plus faites pour moi. Qu'est-ce qui me prend ? Qu'est-ce qui m'a pris ?

                      

— Depuis quand es-tu si bavard ? Je veux juste qu'on baise, pas qu'on se lance dans une séance de psy. Tu veux que je m'allonge ? proposé-je, me frottant toujours calmement contre son érection. Tu préférerais ? À moins que tu aies peur d'avoir l'impression d'abuser de moi en étant au-dessus ? Tu préfères que je te domine ? Je suis désolé, je suis encore souffrant, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose, mais je peux rester comme ça et bouger les hanches, proposé-je, tout en mimant mes paroles.

                                           

Est-ce que je viens, de manière détournée, de le comparer à son père ?

Oups... Je crois bien que oui.

Je veux le faire souffrir, le briser.

Je ne comprends pas pourquoi j'ai ce besoin, mais en cet instant, c'est tout ce qui m'importe. Je ne veux pas être le seul. Je veux lui offrir au moins la moitié de ce que je vis quotidiennement.

Son regard calme ne fait que m'irriter davantage.

Montre-moi comment tu souffres, arrêtes de ressembler à cette poupée inerte et sans émotions.

Arrête d'être comme moi, parce que c'est tout ce que tu n'es pas.

                                

— Tu ne bandes plus, confié-je, la poitrine de plus en plus douloureuse. Dommage.

                              

Je me lève peu après et me dirige vers ce que j'imagine être la salle de bain, d'un pas calme et fatigué.

Qu'est-ce qui m'arrive, bordel ? Et pourquoi maintenant ?

Sans pouvoir le contrôler, perdu dans mes pensées, je laisse mon corps avancer vers la douche, active l'eau et colle mon dos au mur carrelé de cette petite pièce.

Je m'effondre ensuite au sol, fesses les premières, le visage noyé par l'eau sortant du pommeau.

Merde... Je suis encore habillé...

Je suis en plein cauchemar.

                     

— Patron ? entends-je, de la personne venue me rejoindre. Patron...

                                   

Arrête de m'appeler. Arrête d'être aussi attentionné. Arrête de prendre soin de moi. Arrête de me faire croire que je suis quelqu'un d'important.

Par pitié, va-t'en.

Accroupi face à moi, muet comme à son habitude, son regard attristé me fixe.

Comment puis-je te faire de la peine, après ce que je t'ai dit ?

Tu es décidément trop bête.

                                           

— Je savais que j'aurais dû t'éloigner dès le début... marmonné-je, la gorge pratiquement nouée. Mais je n'ai pas réussi.

                       

Les genoux repliés contre mon torse, les bras posés dessus, j'observe l'eau s'échouer sur la paume de ma main valide. Je suis perdu au plus profond de mes pensées.

J'ai si mal et je suis si fatigué.

              

— Dès que j'ai posé le regard sur toi... J'ai su que tu étais différent. Tu paraissais différent. Tu me fascinais, m'intéressais. J'avais l'impression de me voir en toi. Un être blessé et traumatisé par son passé qui le hante encore chaque jour... confié-je, d'une voix basse et tremblante. Mais j'avais tort. J'étais totalement à côté de la plaque. On n'a rien à voir toi et moi. Tu es pur et je suis sale. Nous sommes de total opposé. J'ai été si irréfléchi. Mais je n'y arrivais pas... Je n'arriverais pas à te faire partir. Tu n'as rien à faire dans un monde comme le mien. Rien du tout. Tu es fait pour la lumière. Tu ne dois pas te faire attraper par la noirceur de ce monde.

               

Mon regard perdu finit par tomber sur ses mains, maladroitement posées contre ses cuisses. L'eau n'arrive pas jusqu'à lui. Comment est-ce possible ?

            

— Mais... Tu étais là, à mes côtés. Tu me répétais combien je devais être protégé et combien tu tenais à moi. C'était ridicule. Totalement ridicule et inconcevable. Mais à cause de tout ça, à cause de toi, murmuré-je. Plus les jours passaient... Et plus j'avais peur. J'étais terrifié, si tu savais.

                   

Qu'est-ce que je suis en train de foutre ? Qu'est-ce que je suis en train de dire comme connerie ?

Je ne contrôle vraiment plus rien, je suis entièrement bouffé par la peur, la nervosité, l'angoisse... Des émotions qui d'habitude sont loin de moi.

Je ne me reconnais plus. Qu'est-ce qu'il m'a fait ?

             

— J'avais peur de toi, continué-je, de plus en plus déstabilisé. Je ne savais pas en quoi tu m'effrayais, mais j'étais bel et bien terrifié. Maintenant, je sais...

                                      

Lorsque mes iris croisent les siens, je comprends. Je comprends enfin tout ce que j'ai voulu me cacher, durant tous ces mois.

Je ne suis qu'une merde.

Je ne retiendrai jamais la leçon de mes erreurs, mes échecs.

Je ne sais plus qui je suis, je me suis perdu dans ses gestes et paroles.

Tous mes repères s'effondrent. Je n'en peux plus.

Par pitié, arrêtez cette torture. Je déteste tous ces sentiments. J'ai toujours réussi à contrôler mes émotions, alors pourquoi à ses côtés, je n'y arrive plus ?

Je suis si fatigué...

Arrête de me regarder avec ces yeux. Je te déteste. Je te hais, bien plus que tout au monde.

               

— Ce n'est pas de toi dont j'ai peur. Non. Ce qui m'effraie, en revanche, c'est que tu partes, avoué-je, totalement perdu dans le labyrinthe de mes émotions. Peur que tu t'éloignes.

                 

Que suis-je devenu ?

Tout ce que je déteste et tout ce que j'ai fui depuis ma plus tendre enfance...

Pour qui tu te prends ? Pourquoi t'es-tu donné le droit de t'immiscer dans ma tête pour ensuite, tout détruire sur ton chemin ?

Tu n'es rien, alors qui t'en a donné le droit ?

                      

— Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'as-tu fait de moi ? soupiré-je, les cheveux tiraillés par mes doigts, la tête baissée et les yeux clos. Je suis épuisé, Hyunwoo. À bout de forces. S'il te plaît, ne me quitte pas.

— Vous avez constamment envie de m'abandonner, et maintenant, vous me dites que vous avez peur de me perdre ? Si ce n'est que ça, ne vous inquiétez pas, je suis là, devant vous. Je n'irai nulle part, patron, murmure l'homme face à moi, d'une voix douce et bien trop sincère.

               

Les doigts placés sous mon menton, il relève mon visage et me force silencieusement à glisser le regard dans le sien. À contrecœur, je lui obéis.

Pourquoi est-ce qu'il pleure ?

Pourquoi semble-t-il si triste ?

Je dois paraître tellement pitoyable.

                  

— Je ne vous quitterai jamais, insiste-t-il.. Soyez rassuré. S'il vous plaît, calmez-vous.

                            

Sa main est à présent posée sur mon épaule. Je ne veux pas bouger, je veux être seul. Je veux pouvoir me reposer, pouvoir dormir, pour ne plus jamais me réveiller.

Mais... Cette main...

J'ai l'impression que si je ne la prends pas, alors, ce lien que nous avons...

Je ne veux pas. Je ne peux pas.

Mon regard est totalement ancré dans le sien. Ma main est à présent posée sur la sienne. Il m'observe, encore et encore, de ses yeux tristes et coupables.

De son autre main, il vient caresser ma joue de son pouce, d'une bien trop écœurante délicatesse, avant d'avancer son visage, centimètre par centimètre, jusqu'à poser ses lèvres sur les miennes.

Je le laisse faire durant quelques instants, tétanisé sous la surprise, et puis, lorsque sa main se place contre ma nuque, pour pousser davantage son visage contre le mien, je me laisse totalement aller et me perds dans ce baiser. Les bras ballants, je respire de manière saccadée et lui laisse l'espace suffisant pour insérer sa langue dans ma bouche. Sans plus tarder, ce baiser s'enflamme et il agrippe avec passion mon visage en coupe, tout en continuant de faire onduler ses douces lèvres pulpeuses contre les miennes, laissant nos langues danser érotiquement.

Je ne sais pas si les frissons qui me gagnent sont à cause de mes vêtements trempés me collant la peau... Je ne sais pas et ne veux pas le savoir.

À bout de souffle, je le laisse s'éloigner et se lever. Il attrape ensuite ma main et me force à faire de même, me décollant du sol, sans mal.

Je le suis alors sans rien dire, lui laissant le total contrôle de mes agissements.

               

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