Chapitre 23
L'endroit est calme. Le lieu semble désert, je ne sais pas si c'est réellement bon signe...
Je sors en premier, suivi de Sun, et ouvre la porte au boss, après m'être assuré que la voie est libre. La copine de Joo nous laisse ainsi entrer sans hésitation et je ne saurais dire si elle est réellement inquiète de savoir que son petit ami a disparu. Elle jure ne rien savoir et, assis dans le canapé, une cigarette entre les doigts, Changkyun semble la croire.
— Suhyun ? J'ai soif, tu peux me servir un verre d'eau, s'il te plaît ? demande poliment le patron, avant de la regarder partir vers ce que j'imagine être la cuisine. Sun. Appelle Seojun et Seokwoo, qu'ils filent Minhyuk, juste au cas où.
Juste au cas où ?
S'inquiète-t-il ou se méfie-t-il de lui ?
— Je fais ça de suite, répond Sun, téléphone en main, avant de rejoindre une pièce adjacente.
Sans un mot de plus, à son tour, le patron compose un numéro et s'installe plus confortablement contre le dossier du canapé.
— J'ai un service à te demander, dit-il, à peine son interlocuteur au bout du fil. Tu te rappelles de cette histoire avec Phantom ? Tu le files toujours ? Parfait. J'aimerais que tu me le trouves. Tu peux bien faire ça pour moi, pas vrai ? Ne t'inquiète pas, je saurai te récompenser comme il se doit, souffle-t-il, blasé. J'ai la queue qui fourmille rien que d'y penser.
Je ne devrais pas être affecté par ses actes et paroles, pourtant, je ne peux m'en empêcher.
Je déteste ce sentiment. Je déteste le voir faire ça.
Après quelques autres détails, il raccroche et se penche soudainement vers l'avant, la tête entre les genoux.
— Putain.
— Vous avez mal, patron ? m'enquis-je, attristé.
— Ça ne se voit pas ? crache-t-il, sans bouger.
— Je vais aller vous chercher des antidouleurs.
— Pas la peine.
— Je suis désolé, tout ça est de ma faute.
— Je te le fais pas dire, soupire-t-il, en tentant de se redresser. Aussi inutile que la queue qui te pend entre les jambes.
Je sais qu'il parle de manière aussi agressive parce qu'il souffre. La douleur le fait parler ainsi.
Mais je pense aussi que c'est une manière pour lui de me blesser. Je lui ai fait du mal, alors que moi, je n'ai rien. Il veut me blesser en me parlant de cette façon, je commence à le connaître.
Pourtant, quoi qu'il dise, je ne pourrai jamais me sentir dans un pire état. Je me sens déjà si coupable. Sa façon d'agir n'y changera rien, au contraire. Je trouve que c'est une réaction logique.
Enfin...
Ne voulant plus l'affronter plus que nécessaire, j'observe l'extérieur d'un oeil distrait, avant d'être interpellé par quelque chose.
— Patron, murmuré-je. Il semblerait qu'une voiture nous ait suivis.
Il se lève avant même la fin de ma phrase et se dirige vivement vers moi, les traits à nouveau tendus.
Il jette un oeil à l'extérieur, me laissant minimiser les éventuels dégâts en plaçant mon bras contre son ventre, pour l'attirer à moi en cas de danger imminent. Sunyoung, revenu en trombe, s'approche à son tour, nerveux.
— Sun, passe-moi ton arme. Hyun, ouvre la fenêtre.
— Patron, dis-je, incertain.
Un regard à mon encontre et je m'exécute.
Sans plus de cérémonies, il vise l'extérieur, tire avec l'arme récupérée et nous nous dégageons rapidement de la fenêtre tous les trois, sous le cri surpris et effrayé de Suhyun.
— Patron ! hurle Sun. Pourquoi avoir fait ça ?
— Hyun, mets-la en sécurité. On est tranquille pour un petit moment maintenant, conclut-il, alors que je m'éloigne de lui, suivi de près par la propriétaire des lieux.
— Restez dans cette pièce, normalement, personne ne viendra vous faire de mal, tenté-je de la rassurer, une fois arrivé dans sa chambre.
Elle tremble beaucoup, j'espère qu'elle se calmera vite.
Perdu dans mes pensées, je sursaute légèrement lorsque qu'un téléphone sonne dans la pièce.
Suhyun, affolée, regarde son téléphone et me le tend de suite. Je ne pose aucune question et fonce vers le patron pour le lui donner à mon tour.
— C'est Jooheon, patron.
— Espèce d'abruti, gronde-t-il, au téléphone, après me l'avoir arraché des mains. Qu'est-ce que tu fous, hein ? Tu t'es pris pour un Avengers ? Évite de t'attirer des ennuis, ne soit pas plus idiot que tu ne l'es déjà.
Il semble lui expliquer pas mal de choses, j'espère qu'il va bien.
— De qui tu tiens ces accusations ? Où est-il ? Et où tu es ? Jooheon... Jooheon ! s'écrie-t-il, réellement énervé. Mais quel abruti.
— Il va bien ? demande Sunyoung, inquiet, lorsque l'interlocuteur semble avoir raccroché.
— Plus pour longtemps, répond le patron, les dents serrées. On y va.
Je n'ai que le temps de me pencher pour éviter que ce dernier ne tombe.
— Ça va, je peux encore faire ça tout seul.
Il repousse mon bras tendu vers lui, après s'être redressé, et avance seul vers la porte d'entrée.
— Suhyun ? place alors Changkyun. Si les flics se ramènent, tu n'auras qu'à dire que tu as entendu une détonation en bas de chez toi.
— D-d'accord, entend-on, dans l'une des autres pièces.
— Merci pour l'eau et le téléphone.
— Attendez ! s'écrie-t-elle ensuite.
Une petite tête effrayée finit par passer la porte de la chambre.
Elle semble si douce et fragile. Une personne parfaite pour Jooheon.
— Est-ce qu'il est... Il–il ne risque rien ?
— Ça, malheureusement, je ne peux pas te le promettre. Allons-y.
Je suis soulagé de voir que Joo à quelqu'un à ses côtés, pour le soutenir et l'aimer.
Il le mérite.
J'espère aussi qu'elle ne risque rien.
— Où ça ? demande à nouveau mon collègue.
— Rendre visite à des amis de Jooheon, souffle du nez le patron, l'air moqueur.
Nous rejoignons la voiture, dans ce silence triste et inquiet. Une fois en route, les panneaux défilent à grande vitesse et, perdu dans mes pensées, je remarque que la jointure des mains de Sunyoung est blanche, tant il se cramponne au volant.
Il semble de plus en plus stressé. C'est compréhensible, il n'a pas l'air d'être ici depuis longtemps et, surtout, il ne semble pas se mêler des grosses histoires du clan, en temps normal.
J'espère qu'il pourra faire preuve de sang-froid si une situation future l'exige. Je ne tiens pas à mettre inutilement en danger le patron par sa peur et ses faiblesses.
— Vous pensez que c'étaient des hommes de Hoseok ? pose ce dernier, les sourcils froncés.
— Je n'en sais rien.
— J'étais persuadé qu'ils allaient riposter en nous tirant dessus.
— Ils sont simplement venus jusqu'ici pour me prévenir.
— Vous prévenir de quoi ? s'inquiète un peu plus le conducteur.
— Qu'ils n'ont pas l'intention de plaisanter.
Comme prévu, lorsque nous arrivons à destination, Sunyoung semble paniquer.
— Vous êtes certain de vraiment vouloir y aller ? tente ce dernier.
— Si ce que Jooheon m'a dit est vrai, Hoseok n'est pas là, explique le patron. Je veux juste écouter ce qu'ils ont à raconter.
Je ne traîne pas à sortir, pour vérifier les environs et ouvre la porte au boss.
Un pied après l'autre, alors qu'il se lève, ses blessures semblent le guider à nouveau. Il se plie en deux et manque de tomber.
— Patron ! m'enquis-je, de plus en plus inquiet.
— C'est bon, je te dis, gronde-t-il, poussant mon bras.
— Si c'est juste pour discuter, je vais y aller à votre place.
— Tu n'y connais rien, idiot, râle-t-il, en avançant vers l'entrée. À quoi ça servirait ?
Il a raison, je ne suis pas capable de parler comme lui le fait, je suis nouveau dans ce monde, je ne connais encore aucune ficelle.
J'aurais pu l'aider de manière plus efficace si ça avait été le cas.
— Enfonce-la, m'ordonne-t-il, debout devant la porte du deuxième appartement sur la gauche.
D'un violent coup de pied, elle cède et tombe avec fracas au sol. Les deux personnes présentes à l'intérieur sursautent et je reconnais rapidement les hommes de Hoseok, ceux qui ont blessé Jooheon.
— Changkyun ! Je croyais que t'étais à l'hôpital.
Ils semblent paniqués, même s'ils tentent de faire croire le contraire.
Que faisaient-ils là, à rien faire, assis l'un en face de l'autre sur de vieux canapés aussi délabré que le bâtiment et l'appartement ?
— Monsieur Im, s'il te plaît, sourit narquoisement Changkyun. Je te rappelle que ton patron est aussi mon collègue.
— Ta gueule, espèce de–
Je me jette sur lui avant qu'il ne puisse terminer sa phrase. Avec toute la haine et les émotions négatives qui m'inondent, je me laisse aller à la violence et le frappe sans aucun ménagement. Moi qui n'aime pas la violence, il faut croire qu'aujourd'hui, mon esprit en avait besoin. Ça fait un bien fou.
— Arrête ! s'écrie mon patron, par-dessus les geignements de douleur. Il doit encore être capable de parler.
— Pardon...
La respiration lourde, je tente de calmer mes pulsions du mieux possible. L'homme au visage en sang est à moitié allongé dans le canapé. Son collègue paraît à présent plus angoissé que lui. J'imagine qu'il imaginait déjà son ami mort devant ses yeux. Il doit être préparé à ça, chaque jour, mais ce sentiment reste logique et humain.
Je n'aurais jamais cru l'avoir autant amoché. Je n'arrive pas à me contrôler aussi facilement que je l'aurais cru.
— Désolé, il a cette habitude de frapper les gens qui me manquent de respect, dit calmement le boss, tout en s'asseyant dans le canapé, à côté du blessé. Et donc, où se cache votre cher patron ?
— On n'en sait rien ! crache celui qui n'est pas blessé.
— Bien, changeons un peu de sujet, dans ce cas.
Après une nouvelle cigarette allumée et glissée entre ses lèvres, les jambes croisées, il continue.
— Parlons un peu de vos activités récentes. Il me semble que vous vendez des produits intéressants, en ce moment.
— De quoi tu parles ?
— Tu ne vois vraiment pas ? sourit-il, narquoisement. Je parle de drogue, bien évidemment. Vous employez des étrangers pour refourguer votre came à des gamins dans la rue. Un business plutôt rémunérateur, n'est-ce pas ?
— Tu délires ! pouffe méchamment l'un d'eux. T'as des preuves de ce que tu avances ?
— Tu es mignon quand tu fais l'innocent, soupire-t-il, d'un sourire pervers et irrité.
Sunyoung et moi, debout derrière le canapé, attendons sagement un quelconque ordre de la part du patron. Je pense que ni lui ni moi, ne comprenons la situation.
Le patron avait raison, je n'aurais jamais pu faire ce qu'il fait actuellement.
— Je me suis toujours demandé pourquoi, avec tout l'argent que vous devez amasser, vous vivez encore dans cette crasse, s'enquit ce dernier, après avoir soufflé la fumée inhalée il y a quelques secondes. Il faut beaucoup de fric et un réseau solide pour importer de la drogue et j'ai bien peur que Hoseok ne possède ni l'un ni l'autre. Vous devez tout juste réussir à payer votre loyer ici avec vos pauvres petits délits, pas vrai ? Ma question est donc, que faites-vous de tout ce pognon encaissé ? D'où vient-il et où s'envole-t-il ? insiste-t-il, penché vers le gars grimaçant sous la douleur. Quels sont exactement vos ordres ? Qui donc vous manipule ainsi ? Tu ne veux pas me le dire ?
Son nez est collé au sien. Il agrippe délicatement le col de sa veste et le fixe d'un regard sombre et impatient, tandis que l'homme sous lui se tortille, peu serein.
— Tu ne comprends vraiment pas ? pose une dernière fois le boss. C'est bien dommage. Hyunwoo, Sunyoung ? Vous me les tenez cinq minutes ?
D'un regard complice, nous fonçons sans tarder vers eux. J'attrape le bras de l'homme que j'ai frappé tout à l'heure, tout en lui maintenant la tête bien écartée, pour l'immobiliser totalement. Sunyoung quant à lui, tient fermement la nuque du deuxième, son arme pointée derrière son crâne.
Mon collègue ne sourcille pas d'un poil. Je suis soulagé de le voir réagir de la bonne façon.
Les deux hommes placés l'un en face de l'autre, la tête baissée, attendent sans dire un mot.
— À cette distance, il devrait pouvoir vous faire sauter la cervelle à tous les deux avec une seule balle, explique Changkyun, toujours assis à la même place. Je compte jusqu'à trois Sunyoung, tu es prêt ?
— Oui.
— Un... Deux... Trois.
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