Chapitre 1
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
— Livraison pour Docteur Chae.
— Je n'ai rien commandé, soupire-t-il, suspicieux.
Mains dans les poches, cigarette en bouche, je lui tourne le dos et observe mes hommes prêts à décharger le contenu du camion, placé devant sa maison.
— Tu ne fais rien entrer chez moi, Changkyun, insiste mon ami, debout devant sa porte d'entrée, bras croisés.
— Pas de décision hâtive, Hyungwon.
Je lui offre un signe de tête, une fois placé devant les portes ouvertes de la remorque et lui suggère de me rejoindre. Après un soupir à fendre l'âme, il s'avance, d'un pas lent et las, les bras toujours croisés.
— Putain, mais, c'est quoi ton problème ? s'offusque-t-il, en tombant sur le petit être face à nous.
Il s'avance alors d'encore quelques centimètres, les sourcils froncés, puis monte à l'arrière de la remorque. Sans le suivre, je l'observe avec minutie, curieux et amusé de ses réactions.
— Ne t'approche pas trop, conseillé-je, terminant ma cigarette. On ne dirait pas comme ça, mais il aime mordre, en plus de défigurer quiconque l'approche.
— On a toujours tendance à vouloir mordre, quand on te côtoie, raille le médecin.
— Je ne m'attendais pas à tant de compliments. Je reviendrai plus souvent, ça m'avait manqué.
— Bref, qu'est-ce que tu attends de moi ?
Obnubilé par le contenu du camion, il me parle sans même se tourner et reste hésitant devant l'éventuel danger que représente mon cadeau.
— Parle, Changkyun.
— Si impatient, pouffé-je, tout en l'imaginant lever les yeux au ciel suite à ma réponse. Il nous doit de l'argent. Je l'ai fait expulser de chez lui et enlever par mes hommes. Comme tu t'en doutes, il n'a pas trop apprécié.
Un grognement haineux me répond alors, depuis le fond du véhicule.
— Je veux qu'il travaille pour moi, mais il ne semble pas du même avis.
— Et donc ?
— Et donc, continué-je. J'aimerais que tu l'aides à contrôler ses pulsions. Tu sembles bien te débrouiller avec ce genre de personne. Calme-le et ensuite, je viendrai le rechercher.
Avant même la fin de ma phrase, il se tourne vers moi, effaré, et me fixe comme si j'avais avoué être vierge.
— Je dois te le répéter combien de fois ? s'énerve-t-il, reportant son attention sur son nouvel ami. Je déteste travailler avec la mafia.
Toujours les mêmes discours, toujours les mêmes excuses.
Ce qu'il peut être agaçant.
— Tu n'arrives jamais à me dire non, Wonnie, cesse de faire l'enfant, le taquiné-je.
— Tu m'insupportes tellement. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? soupire-t-il bruyamment.
— Voilà une question à laquelle personne n'aura jamais de réponses. Une question inutile qui ne fait que faire perdre du temps. Déchargez-le.
— Hey ! s'écrie le plus grand, sans attendre. Je n'ai pas dit oui !
— Hyungwon, soufflé-je, agacé. Rejoins-moi et laisse-les faire.
La mâchoire contractée, il jette un dernier regard à l'homme à ses côtés et sans rien dire de plus, finit par descendre, pour me rejoindre.
Il semble totalement hypnotisé par ce qu'il voit devant lui. Les sourcils froncés et le souffle plus rapide dû à l'énervement, il fixe avec attention le colis se faire décharger par mes hommes.
— Il est mignon, pas vrai ? murmuré-je, une nouvelle cigarette placée entre les lèvres.
— La ferme. Doucement ! hurle-t-il ensuite, en voyant l'indélicatesse de ces deux idiots.
— Allons Hyungwon, il n'est pas fait de porcelaine, pouffé-je, à la fois attendri et agacé.
— On le met où, patron ?
— Aux dernières nouvelles, c'est chez moi, pas chez lui, râle mon ami, pour réponse. Suivez-moi.
Cette situation est amusante.
Frustrante et douloureuse, mais amusante.
— Regarde comme il est adorable, confié-je, une fois le travail terminé, en fixant l'homme indomptable enfermé dans cette cage. D'apparence si calme, mais bouillant de rage à l'intérieur.
Concentré, Hyungwon garde le silence et s'engage ainsi dans une bataille de regard avec le petit être féroce face à lui. Par ce simple échange, ils apprennent à se connaître. Ils se défient, se jugent, comme si cela allait suffire à gagner la confiance de l'autre. Ils sont si happés par ce moment, que plus rien autour ne semble prêt à les déconcentrer.
Je n'aurais jamais cru que mon plan fonctionnerait aussi bien.
Qui aurait cru que j'avais l'oeil pour ces trucs-là ?
Comme quoi, j'en apprends tous les jours.
— Quand mes hommes ont tenté de l'enlever, la première fois, il a réussi à tous les mettre à terre. Ils étaient trois. Quelle bande d'incapables, soufflé-je du nez. J'ai dû m'y reprendre à deux fois pour l'attraper.
Le plus grand s'avance, sans même feinter mon existence, après un silence qui paraissait sans fin. Le plus petit, enfermé derrière les barreaux, ne lâche pas son regard. Ce dernier, encore énervé, les sourcils froncés, semble aussi curieux et fasciné que l'autre.
— Docteur, s'enquit Jooheon, inquiet. Vous ne devriez pas vous approcher trop près. Il... Il a les mains attachées, mais... Il pourrait vous mordre.
— Ça sent le vécu, souffle ledit docteur, tout en continuant sa progression.
Il semble si calme, à présent.
Cela fait une semaine que je tente de calmer ce petit être colérique, et lui, avec sa grande taille et son aura apaisante, il ne lui aura fallu qu'une dizaine de minutes pour y arriver.
C'en est presque énervant, tant tout ceci me paraissait inévitable.
Je savais avant même de l'amener ici, que Hyungwon aurait cet effet sur lui.
Chae Hyungwon, l'homme qui murmurait à l'oreille des détraqués.
Que c'est mignon.
— Passez-moi les clés de la cage et barrez-vous, claque soudain ce dernier, sans détacher le regard du petit chien enragé caché derrière les barreaux de sa minuscule prison.
— Je ne te savais pas aussi aimable, ça me rend quelque peu ému, pouffé-je, las, en me dirigeant vers la sortie, les deux autres sur les talons. Je te revaudrai ça, t'inquiète pas. À très bientôt, petit être féroce.
— Crève, entends-je marmonner comme réponse, non loin.
Amusant de se dire que je fais tout ça pour un homme qui ne travaillera jamais pour moi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top