Chapitre 36
— Tu ne peux pas aller plus vite ? hurlé-je, à présent nerveux.
— Impossible ! Si j'accélère, je pourrai pas prendre le prochain virage !
— Voilà pourquoi je hais les camionnettes !
La voiture noire nous colle au cul, peu importe les chemins qu'on prend. Entre tous ces hangars, les passages sont nombreux, mais quoi qu'on fasse, ce connard nous suit sans aucun problème.
Tu es quoi, bon sang ? Un putain de pilote ?
— Ils ont tourné ! cris-je alors, étonné, le regard planté dans le rétro. Parfait ! Marche arrière !
— Hein ?
— Ils veulent sûrement nous couper la route en prenant un raccourci. Recule ! Recule ! Recule !
Donghun met du temps à réagir, mais finit par s'exécuter.
— Tourne à la suivante et éteins les phares !
Placés dans le fond d'un cul-de-sac, nous attendons sagement que la voie se libère, le stress bouffant nos nerfs à petit feu.
— Où sont-ils passés ? chuchote le conducteur.
— Je sais pas.
— Je sors où ? demande-t-il, après avoir redémarré. Droite ou gauche ?
— Mmh, j'ai un mauvais pressentiment...
C'est calme, bien trop calme.
— À gauche, on retourne sur nos pas.
Après quelques mètres de parcourus, de plus en plus angoissé à l'idée qu'il fasse trop calme dans ce trop grand espace, quelque chose nous percute violemment. Sous le choc, ma tête tape contre le tableau de bord et je gémis de douleur et de peur, en voyant notre véhicule foncer dans le mur d'un entrepôt.
Un gros fracas se fait entendre et je reste quelques instants immobile, tétanisé par le choc.
Donghun semble encore plus sonné que moi par l'accident. Les bras posés contre le volant et la tête posée entre ceux-ci, il semble tenter de reprendre ses esprits.
La portière arrière s'ouvre ensuite brusquement, ce qui me fait sursauter.
Je n'arrive pas à me tourner, mes mouvements sont trop lents et lourds.
— Il n'est pas à l'intérieur, s'écrie la personne positionnée à l'arrière du véhicule.
— Quoi ? lui répond-on. Regarde mieux !
J'arrive enfin à ouvrir ma portière, après une éternité d'attente, et crie de surprise lorsque quelqu'un m'attrape par le pull, pour me pousser avec force contre le mur le plus proche.
— Où est Jooheon ? gronde le garde du corps, d'un regard intimidant et énervé.
— J'en sais rien ! hurlé-je.
D'un même mouvement, je lui envoie un puissant coup de poing au visage et profite de son état de surprise pour courir vers je ne sais où.
Ma respiration est saccadée, je cours le plus vite possible, tout en zieutant à l'arrière pour voir si je suis suivi.
La voiture est arrêtée en plein milieu de la ruelle. Changkyun est appuyé contre le véhicule et hurle quelque chose à son garde.
Ce dernier ne tarde pas à se réveiller et après lui avoir répondu quelque chose, il fonce et part à ma poursuite. Il est déjà sur mes talons, alors qu'il vient à peine de démarrer. Je ne vais jamais réussir à lui échapper, il va trop vite !
Sans plus regarder en arrière, je continue de courir, de plus en plus vite, le souffle de plus en plus court.
Quelques mètres plus loin et il me rattrape. Il agrippe et pousse mon épaule et je m'effondre à plat ventre sur le sol. Ma respiration se coupe lorsqu'il tombe sur ses genoux et place un bras autour de ma gorge. Je geins et marmonne des paroles étouffées, tandis qu'il resserre un peu plus sa prise.
— Où est Jooheon ?
Dans un dernier élan d'adrénaline, je sors le couteau que j'avais dans ma poche et lui donne un coup de coude, qui le déstabilise. Il tombe sur le cul et je profite de ce moment pour me tourner et lui balancer un coup de couteau. J'arrive à blesser sa joue, mais ça ne le rend que plus énervé. Il appuie sur mon épaule pour me plaquer à nouveau au sol, après m'avoir arraché l'arme et ensuite, place mon bras entre ses deux jambes qu'il maintient à l'extrémité avec la main.
— Tu veux que je te casse le bras ? pose-t-il, pas le moins du monde essoufflé ou stressé. Dis-moi où il se trouve !
Sans réponse de ma part, à bout de patience, il agrippe mon poignet et porte un énorme coup avec son genou sur mon avant-bras. Je hurle sous la douleur et ferme les yeux, pour tenter de faire taire mes geignements plaintifs.
Ça fait un mal de chien ! Je ne pensais pas qu'il allait réellement le faire, mais après tout, il n'a rien à perdre à exécuter ses menaces, que du contraire.
— Alors ?
— O–ok, geins-je, résigné. Mais accompagne-moi à la camionnette d'abord.
Il ne répond rien et me soulève dans le millième de seconde. Il n'a aucun mal à le faire et me soutient sans problème lorsque je marche vers les véhicules, les jambes tremblantes.
À environ une dizaine de mètres, j'aperçois Changkyun, assis avec une nonchalance non feinte à l'arrière du gros véhicule, un katana posé contre son épaule au bras valide.
Mon sang ne fait qu'un tour à cette vision.
— Tu lui as brisé le bras ? s'enquit ce dernier, à l'adresse de son garde.
— Oui.
— Pourquoi pas la jambe ? Pour qu'il ne s'enfuie pas ?
— J'y penserai, la prochaine fois.
Parce qu'il y aura une prochaine fois ?
Une fois arrivé à hauteur de ce détraqué, mon regard tombe sur Donghun, allongé sur le dos, du sang et des plaies plein le corps.
Putain de merde.
— Il-il est ?
— Non, je me suis juste un peu amusé avec ce katana pendant qu'il dormait, répond ce malade. Il n'est pas mort. Je ne voulais pas qu'il se réveille trop vite. Au fait, je lui ai demandé avant qu'il s'évanouisse... Il m'a dit qu'il avait tué Jooheon. C'est vrai ?
Son regard sombre, bloqué dans le mien, me file des frissons. Je ne peux dire en cet instant, si j'ai plus à craindre de Minhyuk ou de lui.
Et cet abruti... Pourquoi il n'a pas dit la vérité ? Il a bien vu qu'il ne valait mieux pas l'énerver inutilement, non ?
Heureusement que la plupart du temps, je suis là pour agir et parler à sa place. On voit ce que ça donne quand il est seul.
— Non, avoué-je, le regard perdu sur le corps inerte de mon ami. Il est toujours vivant.
Suspicieux, Changkyun penche la tête, pour quémander silencieusement mon regard, l'air un peu plus irrité que les secondes précédentes.
— Pourquoi il m'a dit qu'il était mort alors, mmh ? Depuis quand on raconte des mensonges pour se mettre la corde au cou ? me questionne-t-il, la pointe de l'arme blanche ensanglantée placée contre mon ventre. Alors ? Je t'écoute, Monsieur le Nettoyeur.
— C'est parce qu'il est trop con, soupiré-je. Tout juste capable d'obéir à mes ordres. Je lui ai dit qu'on vous ferait croire à la mort de Jooheon pour vous faire marcher. Il est toujours vivant. Je vais vous guider jusqu'à lui.
— Je peux comprendre ça, place-t-il alors, calme, après un rapide coup d'oeil vers son garde, qui ne réagit pas. Et donc ? Où est-ce qu'il se trouve ? Dis-nous d'abord où il est.
— Dans le hangar trois, cédé-je, frustré et énervé par cette situation que je ne contrôle plus. Il est tout au bout, c'est celui avec un toit rouge.
Il me sonde du regard quelques secondes après ma réponse, l'air de juger si je disais bel et bien la vérité, et finit par se lever, le katana balancé sans gêne sur le sol.
— Ok. Grimpe dans la voiture. Attache l'autre, dit-il ensuite, à l'attention de son garde.
— Tout de suite.
Je geins à nouveau de douleur lorsqu'il attrape mes poignets, placés derrière mon dos, et me pousse contre la voiture, le torse appuyant contre le haut de l'une des portières. Mon bras me fait vraiment mal et le fait qu'il le maltraite ainsi n'aide en rien.
Putain de sadique.
La joue plaquée contre le toit du véhicule, d'un oeil distrait, je remarque trop tard que Donghun s'est réveillé et relevé. Il est maintenant debout à côté de la camionnette, une arme pointée vers le garde du corps.
Je n'ai pas le temps de lui hurler de ne rien faire, que déjà la balle s'échappe du canon de l'arme.
— Patron ! Baissez-vous ! entends-je la personne derrière moi hurler, tout en me tirant avec lui pour qu'on s'accroupisse derrière la voiture.
— Imbécile, gronde son boss. Inquiète-toi plutôt pour toi.
Tout se passe trop vite et je n'arrive à rien faire sortir de ma gorge. Je n'arrive pas à lui hurler de tout arrêter, de ne pas contourner le véhicule, pour viser directement Changkyun. Je ne fais que l'observer, muet et protégé derrière toute cette ferraille.
Je me redresse ensuite difficilement et lève la tête vers la vitre de la voiture. Encore une fois, tout se passe à une vitesse folle. J'aperçois Donghun, blessé et haineux, debout devant Changkyun, son arme toujours pointée vers lui.
Je sens la force disparaître sur mon corps et le garde du corps foncer de l'autre côté.
J'entends des hurlements, de nombreux « patron » et puis, un nouveau coup de feu. Un corps se place entre la balle et le corps de la personne visée. Ils sont désormais au sol, hors de ma vue.
Hyunwoo arrive jusqu'à Donghun, lui arrache l'arme des mains et le met à terre sans mal.
Jugeant le moment opportun, je me lève, les jambes toujours aussi tremblantes et contourne à mon tour l'obstacle.
— Jooheon ? entends-je marmonner, avant que je n'arrive de l'autre côté.
Leur pervers de patron, assis et posé contre la portière, tient dans ses bras Jooheon, l'épaule en sang et le regard vide.
Les cris de douleur qui percent mes tympans me forcent à me tourner et je trouve ainsi Donghun couché sur le sol, le corps de ce gros chien de garde assis sur lui, en train de lui maintenir fermement les bras derrière le dos, alors que ses innombrables plaies lui font sans doute souffrir.
— Patron ? Vous allez bien ? s'enquit peu après ce dernier, à l'adresse de son boss.
— Oui. Jooheon est blessé à l'épaule. Jooheon ? s'enquit-il, les yeux perdus sur le corps mou du gamin dans ses bras.
Personne ne me calcule. Je semble être devenu aussi insignifiant qu'un poteau électrique. Je sais que ma blessure et mes bras attachés derrière le dos m'empêchent de faire quoi que ce soit, mais quand même...
Le patron et l'employé discutent quelque temps, tandis que son garde attache correctement Donghun et s'approche de moi. Il nous tire tous les deux vers la camionnette et nous balance dedans. Sans plus aucune force, nous nous échouons lamentablement à l'arrière du véhicule, dans des geignements pitoyables.
— Hyunwoo ! hurle soudain son boss. Tu peux accompagner cet imbécile à l'hôpital ?
— Oui, répond l'homme planté devant nous. Que fait-on de ces deux-là ?
— Bonne question.
Changkyun ne traîne pas à venir se placer aux côtés de son toutou de garde et nous fixe, avec calme.
— Vous pouvez m'expliquer pourquoi vous bossez pour Minhyuk ?
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? lui craché-je à la gueule, épuisé par toute cette putain de situation.
D'un ricanement hautain, il continue sa tirade, sans me calculer.
— Vous n'êtes pas des yakuzas, donc aucune obligation à son égard, souffle-t-il, presque pour lui-même. Ok, on va faire comme ça... Je vous laisse en vie et en contrepartie, vous entrez sous mes ordres.
Mon air de dégoût lui fait comprendre que l'idée ne m'enchante pas du tout et sous un nouveau rire de sa part, je le laisse continuer.
— Qu'est-ce qui vous intéresse ? Le pognon ? Les femmes ? Les Choco Pie ? me questionne-t-il, sans même regarder Donghun, qui geint à mes côtés. Bon, dans ce cas... Qu'est-ce que vous détestez par-dessus tout ?
— L'ennui, réponds-je, sans réflexion.
— Parfait. Hyunwoo, récupère son téléphone. Comment vous vous appelez ?
— Junhee, soufflé-je, sans trop avoir le choix, grognant quand son garde entre la main dans la poche de mon jean pour y récupérer l'appareil. Et lui, c'est Donghun.
— Donghunnie ? souffle ce détraqué, faussement gentillet. Quand tu recevras un appel de ton petit ami, tu décrocheras vite, mmh ?
Sous le grognement dégoûté de l'homme concerné, Changkyun se tourne, sans attendre d'autres réponses et rejoint sa voiture. Il s'assied aux côtés de Jooheon, à moitié couché sur la banquette arrière et attend sagement de quitter les lieux.
Le garde du corps monte en dernier, sans plus aucun regard vers nous, et ils partent sans demander leur reste, dans un silence de mort, sauver de justesse par le bruit du moteur de la Maserati qui s'éloigne déjà à toute vitesse.
— On va vraiment bosser pour lui ? râle Donghun, difficilement redressé.
— Tu préfères mourir peut-être ? claqué-je, grimaçant sous la douleur qui s'élance dans mon bras. Il a l'air bien trop rancunier.
— Et on fait quoi avec Minhyuk ?
— On va se débrouiller, t'inquiète.
— Franchement, ce type, je l'aime pas... Vraiment pas. Il me frappait avec le sourire aux lèvres. Ça avait l'air de l'exciter au plus haut point, avoue-t-il, frissonnant sous le dégoût et la peur.
— T'en fait des tonnes, râlé-je. Il se contente juste de rendre aux autres ce qu'on lui offre.
— Junhee... Je veux voir un médecin.
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