Chapitre 9

Hier, j'ai consacré la fin de la journée devant la télé, à visionner une émission de maquillage. Un concours avec dix participants. Les épreuves sont diverses et intéressantes. J'ai appris plusieurs méthodes pour améliorer mon maquillage quotidien. Ce matin, j'ai donc mis à l'épreuve mes nouvelles compétences. Et le résultat est plus que décevant. L'orange ne se marie pas aussi bien avec mes yeux verts qu'avec ceux de la mannequin à la télé. J'ai encore beaucoup de leçons à apprendre.

Je trépigne d'envie d'y plonger dessus pendant des heures, mais cela ne serait pas raisonnable. Même si j'ai achevé ma commande pour la maison d'édition et que leur retour est parfait, j'ai d'autres occupations prioritaires.

Par exemple, au lieu de faussement avancer ma nouvelle commande, j'appelle mes parents. Ayant cinq heures de différence, il doit être trois heures et demie chez eux. Ils ont fini la sieste et s'apprêtent à sortir. Ma mère me parlera de la pluie et du beau temps, de ma sœur, de ma vie de célibataire jusqu'à quatre heures pétantes. Heure à laquelle elle et mon père prennent un goûter sur la Plage de la Ramée.

Après trois intonations, ma mère décroche. Sa voix est frêle. Je m'inquiète instinctivement, craignant qu'elle soit malade ou pire encore. Elle me rassure vite. Je viens de la réveiller de la sieste. Pour une fois, ils avaient prévu de faire les fainéants.

— On a passé la nuit sur la plage..., murmure-t-elle en rigolant. C'était amusant. J'avais l'impression que nous étions de nouveau jeunes. Ça faisait bien longtemps que nous ne nous étions pas amusés bêtement.

Mes lèvres sont étirées. C'est si bon de l'entendre me raconter ses péripéties. Ma mère a le don d'extrapoler tout et n'importe quoi.

— Ta sœur m'a appelé hier, avant-hier et les jours d'avant...

Elle laisse sa phrase en suspens. Ça sent le roussi pour mes miches !

Je grimace, cherche une excuse, puis me rabats sur la vérité.

— Je n'ai aucune excuse, Maman ! J'aurais dû t'appeler, mais...

— Tu avais mieux à faire, conclut-elle en soupirant de tristesse. Mmh... que dirais-tu de passer quelques semaines ici, durant les vacances d'été ? La chambre d'amis est prête à t'accueillir et ça te fera un peu sortir de ta tour d'ivoire.

Financièrement, il serait préférable que je garde ce que j'ai de côté pour le loyer et la nourriture. D'un autre côté, je donnerais tout pour passer du temps avec mes parents. Cela fait si longtemps, ils me manquent beaucoup. Maman m'avait prévenue ; un jour ou l'autre, je ressentirais le besoin de les voir souvent. Et comme à mon habitude, j'ai préféré me convaincre qu'elle avait tort. Pour moi, nous appeler suffirait. Encore faudrait-il que je compose leur numéro ou n'ignore pas leurs appels ?!

— Promis, il y a de jolis jeunes gens, ici, termine-t-elle avec espoir que j'aie un coup de foudre pour un habitant de Sainte-Rose.

J'image que Delphine et elle ont aussi abordé le sujet relation amoureuse.

— Je verrais quand je pourrais m'offrir le voyage.

— Si ce n'est que ça, on te paie le trajet, ma puce ! On va le payer pour ta sœur, on le fera aussi pour toi.

Quand elle a décidé d'obtenir quelque chose, elle met tout en œuvre pour y parvenir. Comment ne pas céder ?

Ok, va pour une à deux semaines chez eux !

— Merci, Maman ! D'ailleurs... la maison est toujours louée ? hésité-je, en triturant le bord de mon haut gris.

Ma mère m'explique que les locataires sont agréables. Il n'y aurait aucun souci et s'ils demandent à renouveler le bail, elle accepterait. Cette nouvelle ne m'enchante guère. Pourtant, je me refuse à lui faire part du fond de ma pensée.

— Oui ! Mmh... On doit y aller, chérie. Appelle-nous demain après le goûter si tu veux.

Cette fois-ci, je n'oublierai pas. Passer pour la fille ingrate est désagréable.

À la fin de l'appel téléphonique, je file en cuisine. Le live de Bec va commencer et je n'ai toujours rien avalé. J'opte pour un plat déjà préparé. Plus qu'à mettre dans une poêle et attendre une vingtaine de minutes.

Pendant ce temps, je vérifie le planning du stream. Bec va jouer à un jeu tout seul. Le nom m'est inconnu, mais cela n'est pas surprenant.

Alfonso : @modos Venez immédiatement en voc, c'est important. J'ai une nouvelle à annoncer.

Mince. Cette réunion n'était pas prévue. Ordinairement, Alfonso ou Bec prévoient une date pour que tout le monde puisse prendre ses dispositions. Pour faire cela à la dernière minute, quelque chose de grave a dû se passer.

J'enfile les écouteurs et débarque dans le vocal. Sont déjà présents Rachid et Alfonso. Les autres ne devraient pas tarder. Que Rachid soit là est spectaculaire. En général, il est absent pour son travail.

— Qui fait autant de bruit, là ? s'agace Alfonso avant de trouver le coupable. Roh, qu'est-ce que tu fous Alyssia ?

Pas de bonjour, ça commence bien. Son ton tranchant signe une conversation rude et déplaisante. Quelle nouvelle doit-il nous partager ? Doit-il virer des modos ? Nous recarder pour un mauvais comportement ? Son impatience n'augure rien de bon.

— Désolée, je fais à manger, réponds-je le feu aux joues.

Son soupir est audible. Loin d'être fière, je mordille ma lèvre en remuant mon plat, honteuse.

— Mute-toi, c'est pénible.

Je m'exécute aussitôt, bien que l'envie de lui répondre avec violence me submerge. Lancer les hostilités reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Face à Alfonso, personne ne gagne. S'il trouve un modo dérangeant, il en parlera avec Bec. Résultat : le modérateur pourrait perdre sa place.

Maggie arrive en fanfare, il ignore cette dernière et entame une conversation avec Rachid.

— Tu me disais quoi avant qu'elles arrivent ?

— Que lors d'une intervention, je me suis pris un pavé en pleine face. Je pissais tellement le sang et la douleur était si infâme que j'ai cru avoir perdu mon œil gauche. Au final, ça m'a pété l'arcade sourcilière. Rien de bien méchant.

Je suis ébahie par son calme et sa voix de rogomme.

Rachid est policier depuis 8 ans. Il en a vu de toutes les couleurs. Parfois, les modos parlent de leur vie dans la conversation privée. Si globalement, je garde le silence, je lis toujours leurs messages. La dernière fois, Rachid racontait comment s'est manifestée l'envie de faire ce métier. Son grand-père était policier. Après avoir retrouvé un cliché de lui en costume, il a eu une révélation ; il voulait suivre ses pas.

Un son fluet nous alerte de la venue d'une autre personne. J'inspecte le pseudo en éteignant la plaque de cuisson à induction. Léane nous a rejoints et reste, elle aussi, silencieuse. Nous attendons le seul et l'unique, Sev Pears.

Pourtant, Alfonso n'exprime aucune remarque quand son ami débarque dans le vocal privé. Bien au contraire, il semble plus détendu.

— Maintenant que vous êtes toutes et tous là, je peux commencer..., lance-t-il avant de s'interrompre pour rire.

L'incompréhension est totale. Je me rassure silencieusement, espérant qu'il ne joue pas avec nos émotions.

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