Chapitre 6
Delphine ne devrait plus tarder. Son dernier message date de dix minutes, me prévenant de son entrée dans la ville. Ils sont sûrement coincés dans les bouchons. Ce léger retard me convient, je termine les derniers préparatifs. Une fois Mathéo arrivé, nous passerons une journée dans le calme et la joie. Le dessin animé est déjà prévu sur le meuble de TV et son goûter favori est caché dans un tiroir de la cuisine. Quant à demain, nous trouverons bien de nouvelles activités. Pâtes à sel, peinture, je ne manque pas d'idées pour occuper le bout de chou.
Pour cette journée hors du boulot, je fais les choses entièrement. Ordinateur éteint, téléphone en mode vibreur ; tout ça me fera le plus grand bien.
Quand la sonnette résonne dans l'appartement, je suis prête à accueillir mon neveu. J'ouvre le portail et les attends, excitée de les revoir après plusieurs mois.
— ... aimer le gâteau ?
— Mathéo, chut !
Oh, comme à son habitude, le petit s'exprime trop fort. Je mettrais ma main à couper qu'il parle d'une surprise à mon égard.
Les pas dans les escaliers augmentent au fil des secondes. L'oreille tendue, je scrute leur arrivée en fanfare. Ce que Mathéo est bruyant ! Son excitation est démesurée. Il chantonne et sautille dans les escaliers. J'entrouvre la porte et me cache derrière. Avec un peu de chance, il a oublié que je lui faisais ça auparavant.
La porte s'ouvre, menaçant de se plaquer contre moi à tout moment. M'écrasant donc contre elle et le mur sur lequel je suis collée. Par chance, Mathéo n'y va pas à pleine force. La porte arrête sa course à quelques centimètres de mon corps.
Il est déjà arrivé que je ressorte de là avec des bleus.
— Tatie ?
Sa petite voix aiguë et inquiète m'arrache un sourire. Il me cherche comme dans le passé. Ma joie m'abandonne en voyant, soudainement, sa petite tête devant moi. Sa bouche affiche une moue et ses petits yeux marron me défient.
— Tu te caches à chaque fois ici, se plaint-il sans me lâcher de ses pupilles. C'est pas drôle.
La porte se referme et Delphine me salue, ignorant son fils. Ce dernier boude pour ma mauvaise blague. Il s'en remettra vite. À la vision des biscuits, cette histoire sera oubliée.
— Aucune place de parking dans ta rue ! s'outre ma sœur. On a fait trois fois le tour et toujours rien. Tom s'est garé en double file. Je ne reste pas longtemps.
C'est le point noir de l'appartement. Les places de parking. Habitant à Paris et n'ayant pas de place de parking attitré, je peine à garer mon véhicule. C'est pourquoi je privilégie la marche ou les bus lorsque c'est possible.
— Bon, tu as dans le sac tout ce dont il a besoin. S'il y a quoi que ce soit, n'hésite pas à m'appeler.
Je lève les yeux au ciel, agacée. Delphine continue son charabia. Elle me tend un sac noir rempli de produits pour son fils.
— Et surtout, il a besoin de sa sieste. Sinon, il sera intenable au coucher. Tu as son pyjama, sa brosse à dents. Oh et s'il demande des bonbons après le repas, tu refuses.
— Delphine, l'interpellé-je en saisissant ses mains. Tu me l'as déjà laissé. Je sais m'en occuper.
Elle remue son menton, acquiesçant à mes propos. Ma sœur me connaît par cœur. Elle sait que son petit est en sécurité avec moi, qu'elle peut partir sans s'inquiéter. D'un autre côté, Delphine a besoin de tout contrôler. Elle est toujours ainsi ; quand elle me file son garçon, on dirait que je lui retire une partie d'elle.
— T'as raison, Aly. Mais... pense à bien le coucher à huit heures et demie. On passe le prendre demain vers cinq heures de l'après-midi.
— D'acc. Passez un bon week-end.
Je lui lance un clin d'œil. Comprenant le sous-entendu, ses lèvres s'étirent.
— Tu as rencontré quelqu'un sur Meetic ?
La fameuse question que j'ai sentie à des kilomètres. Je n'allais sûrement pas y échapper.
— Ouais, des abrutis. J'ai vite abandonné.
Delphine grimace. À ses yeux, soit je suis trop compliquée, soit je ne tombe que sur des idiots. Elle croit plus à la première option.
— Tu finiras bien par trouver quelqu'un. Si ce n'est pas sur cette application, ce sera ailleurs. Le plus important est de...
Elle se coupe, cherche ses mots pendant que Mathéo s'impatiente. Sans dire un mot, il file au salon puis pousse un cri. Il a trouvé le DVD et revient en courant. Le boitier entre ses doigts, il l'agite vers nous.
— Vite, pars, maman ! Je veux le voir !
Au magasin, je savais déjà qu'il aimerait le regarder.
— Hé bah, c'est gentil, petit bonhomme. Allez, je file. Ne faites pas de bêtises.
***
Mathéo a dévoré le dessin animé sans broncher un seul instant. Par la suite, le petit s'est endormi pendant deux heures quinze. Durant ce laps de temps, j'ai pu préparer le repas de ce soir. Au menu, Risotto aux légumes et en dessert ; Mathéo a sorti un gâteau à la fraise fait maison de son sac.
Pour la première fois depuis longtemps, je n'assiste pas au live de Bec. Je préfère donner toute mon attention au petit, si jamais il se réveille. Il se lève souvent pour aller aux toilettes, il pourrait paniquer en ne reconnaissant pas sa chambre.
J'en profite pour trier les albums photos familiaux pour ma sœur. Je les ai gardés au départ de nos parents à la Guadeloupe. Delphine aimerait récupérer ses photos d'enfances. Je suis plongée sur ma tâche jusqu'à ce qu'une notification attire mon attention sur mon portable. Il s'agit d'un message privé sur Discord. Étrange, je ne parle jamais à personne, qui cela peut-il être ?
Je lance l'application.
Oh non... pas lui !
Sev : Salut, excuse-moi de te déranger. Je suis seul modérateur sur le stream de Bec et j'ai besoin de faire un sondage. Je ne connais pas la commande, tu pourrais me la donner ?
Mais quel boulet ! Il ne sait pas que Google existe ? Et pourquoi est-ce à moi qu'il demande ? À croire que les autres modos n'existent pas.
En regardant de plus près, hormis Sev, je suis la seule modératrice de connectée... Les autres ont bien choisi leur soirée pour être absents !
Pas le choix, je vais être obligée de lui répondre. Moi qui voulais l'éviter, c'est raté.
Alyssia : Salut, tu écris /poll dans le tchat, et tu remplis la fenêtre. Bonne soirée.
Je lui réponds sèchement, mais je n'ai pas de temps à lui consacrer. Et quand bien même, je n'en ai pas l'envie.
Sev : Merci, tu me sauves la vie ! Bonne soirée à toi aussi.
Je passe directement mon compte en invisible ; il devrait comprendre que je ne souhaite pas converser avec lui.
Sev : Ah, au fait. Quand tu auras cinq minutes, je voudrais discuter de quelque chose avec toi !
Apparemment, il n'a pas compris... Je ne compte pas lui répondre, espérons qu'il abandonne cette idée rapidement.
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