Chapitre 2
Les illustrations avancent à un rythme correct. À cette allure, je les aurais finies dans un mois. Ce qui est plutôt convenable. Une nouvelle commande s'est ajoutée à la liste de celles déjà prévues. Je suis surbookée jusqu'en juin. 3 mois de boulots, sans interruption. C'est la première fois que ça arrive. Je suis contente que mon métier évolue petit à petit. Quand j'ai commencé, j'étais une parfaite inconnue, maintenant, je n'ai plus besoin de proposer mes services. Les clients viennent à moi !
Mon rêve devient réalité. Si je n'en vis pas encore, j'espère qu'un jour je n'aurais plus besoin de compter sur les aides. Parce que survivre, c'est bien, mais vivre serait mieux.
Evan : Ravi que tu en sois à la moitié de ton projet, Aly.
Evan. Nous discutons depuis deux semaines et demie sur Meetic. Un célèbre site de rencontre. M'inscrire dessus n'a pas été aisé. J'ai repoussé mon désir à mainte reprise, craignant de tomber sur un pervers narcissique. J'ai toujours eu des appréhensions concernant ce genre de site. Au final, je suis agréablement surprise.
La rencontre avec Evan se déroule pour le mieux. Au fil des jours, nous abordons divers sujets. Même si nous ne sommes pas intimes, me confier à lui est des plus aisés. Il me met en confiance, ce qui est une sensation inédite et troublante.
Jusqu'à présent, le sujet homme était tabou. Je ne souhaitais ni en entendre parler ni y penser. M'inscrire sur Meetic a été une épreuve réussie en particulier grâce à ma grande sœur. Delphine Estevez. 29 ans, professeure d'anglais au collège de la ville et fraîchement fiancée à Tom Charnas, responsable dans une boutique de luxe. Le jeune couple s'est rencontré au lycée et ne s'est jamais quitté. Parents d'un petit Mathéo âgé de 5 ans, ils aimeraient en avoir un deuxième.
Ma sœur est mon opposé. Brune, je suis blonde. Yeux Marron, les miens sont verts. Elle est bien plus grande que moi, à ses côtés, je suis un Playmobil. À part deux-trois traits de caractère qui prouvent que nous avons le même sang, nos ambitions sont bien différentes.
Delphine rêvait d'épouser un homme, d'avoir des enfants et de vivre à la campagne. Tout cela a été exaucé. Quant à moi, devenir illustratrice, récupérer la maison de nos parents et... voilà. Rien d'extraordinaire. Delphine n'a jamais aimé la maison familiale. Elle a profité de la première occasion pour se barrer. Pour ma part, j'ai toujours adoré cette vie tranquille en ville. Les journées rythmées de dessins, de repas, de musique. C'est tout ce dont j'ai besoin. Je me sens pleinement heureuse seule avec un mode de vie répétitif et identique à celui de ma mère. En même temps, ayant vécu ainsi depuis ma tendre enfance, je me sens dans un petit cocon. Même si, je dois le reconnaître, devenir modératrice d'un Streamer a tout emmêlé durant des semaines entières. En définitive, je m'y suis habituée et j'ai enfin un planning correct. Jongler entre dessin la journée et modération le soir me satisfait.
Alors, pourquoi me suis-je inscrite sur Meetic si je souhaite rester célibataire ? C'est une question à laquelle je n'ai pas encore de réponse précise. Besoin de discuter avec des gens ? Non, si c'était le cas, je parlerais avec des dizaines de personnes et les lives seraient suffisants. Or, je ne parle qu'avec Evan. Il a été le premier sur lequel je suis tombé. Immédiatement, j'ai été attirée par son profil et sa biographie simple et honnête. Il ne vendait ni du rêve ainsi que des fausses promesses, ni de crainte que j'aurais pu avoir en parlant avec une personne inconnue.
En photo de profil, un cliché sobre. Un selfie en couleur où ses yeux bleus et ses lèvres fines et bien dessinées ressortent. Le visage légèrement tourné vers la droite, les pommettes saillantes et le teint lumineux.
Quant à son profil, ses critères étaient identiques aux miens. Ici pour discuter avec des gens, se faire des amis. Tout comme moi, il n'a pas l'ambition de trouver l'amour. Et si cela arrive, alors ce serait un miracle. Mais bon, l'espoir fait vivre. Alors j'imagine que nous inscrire, sans même y croire, prouve qu'on a un semblant d'espérance tout au fond de nous.
Evan est un peu rentre-dedans. Il aime l'humour, les phrases clichées et la cuisine. Proche de sa famille, il préfère passer du temps avec eux que de s'amuser avec ses amis. Un point de vue que je conçois, puisque mes parents ont quitté le pays depuis des années. Ils me manquent, mais les rejoindre à la Guadeloupe est impossible actuellement. Mes moyens sont encore trop limités pour passer ne serait-ce qu'un week-end. En attendant de leur rendre visite, nous communiquons souvent par appel vidéo. Je les sais heureux, c'est le plus important.
Alyssia : Merci ! Et toi, pas trop fatigué avec ton boulot ?
Evan est barman dans une boîte de nuit. Sa passion vient de sa mère, qui tenait un bar jusqu'à sa retraite. Quand elle a cessé son activité, il était en pleine formation BP barman ; il n'a donc pas pu prendre la suite. Chose qu'il regrette amèrement. Pourtant, je suis convaincue qu'il finira par ouvrir son propre bar. Ce n'est qu'une question de temps et d'argent.
Je pose mon téléphone pour récupérer mon stylet. Après les croquis à la main validés, je suis passée sur la tablette graphique. Dessiner les courbes sur un écran est un moyen différent et bizarrement agréable. C'est tellement plus simple de tout effacer et reprendre sur un logiciel de dessin, que sur une feuille. Cela dit, travailler mes dessins en papier est important à mes yeux. J'y prends plus de plaisir. Toucher les feuilles, les crayons, sentir les différentes odeurs ; tout ça a un impact sur la création de mes illustrations.
Evan : Nope, j'ai dormi comme un bébé pour rattraper le sommeil qui me manquait. Là, je file chez mes parents. On se capte plus tard :)
Je pourrais être contente. Ne pas lui parler signifie avoir du temps pour mon travail. Or, au fond de moi, je sais qu'avancer les dessins ce soir est compliqué. Le live débute dans une heure et demie et je n'ai pas encore mangé.
J'entreprends de répondre à l'homme, mais un appel s'affiche sur mon écran. Ah oui, Delphine voulait discuter ! Je l'avais complètement zappé. Mon doigt appuie sur l'écran de mon téléphone. Aussitôt, je porte à l'oreille mon cellulaire.
— Hello, sister !
Ça y est, elle parle en anglais. Elle a dû corriger des contrôles.
Nous échangeons des banalités sans nom jusqu'à ce que sa question – que j'ai senti de loin – soit posée.
— Dis, je peux te déposer Mathéo ce week-end ? C'est notre anniversaire de rencontre et on aimerait le passer ensemble.
Sa voix mielleuse m'implore.
— Euh..., chuchoté-je en réfléchissant sur mon planning.
Illustration, modération, manger, dodo. Je n'ai rien de plus.
— À part si tu as rencard avec un bel homme...
Je roule des yeux. À l'évidence, elle s'attend à ce que je rencontre quelqu'un au bout de deux semaines et que je lui accorde toute ma confiance. Elle est démente. En aucun cas je n'accepterais un rendez-vous sans connaître un maximum la personne. Ou alors, j'aurais perdu l'esprit !
— Compte sur moi, poulette.
***
Coucou !
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Merci !
AM
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