Chapitre 12

Sev : Je ne me moquais pas de toi. Désolé que tu l'aies pris ainsi. Regarde le début du live, en replay, tu verras que je ne mens pas. Bonne nuit.

C'est la dixième fois que je lis son message. Dixième fois que j'y vois là de l'honnêteté et que je me sens mal. Ai-je vraiment mal compris ce qu'il s'est passé plus tôt ?

Je décide d'ouvrir à nouveau Twitch. De toute façon, j'ai éteint Illustrator, étant incapable de travailler. Sev ou plutôt Evan a terminé son live depuis quinze minutes, je l'ai regardé sans réagir à leur partie et depuis, je m'ennuie.

Bien qu'ils aient perdu, ils se sont amusés comme des petits fous jusqu'à la fin. Et bizarrement, ça m'a donné envie de les rejoindre. Pourtant, je ne joue jamais ! Heureusement qu'ils ont fini par couper, sinon j'aurais cédé et acheté le jeu.

Comme me l'a indiqué Sev, l'accès au replay est disponible. J'en profite donc pour satisfaire ma forte curiosité. J'avance le début, où ils se mettent d'accord sur le jeu et retournent en arrière quand j'entends mon prénom.

— ... Elle pourrait jouer avec nous ? Ce serait plus drôle.

— Elle va refuser, assure Sev sur un ton dramatique. Elle ne m'apprécie pas parce que j'ai merdé.

Alfonso s'intéresse tout de suite à cette information. Les films que je me fais sont très vite anéantis par sa réponse.

— Ouais, je n'étais pas bien et j'ai mal répondu. Forcément, elle l'a mal pris. Enfin bref. Depuis, elle me déteste.

À quoi s'attendait-il d'autre ? Pensait-il que ne pas accepter un refus et s'en prendre à mon boulot serait pardonné ? Au moins, il a compris la leçon.

— Tu sais quoi ? Je lui envoie un message pour qu'elle vienne en voc et on lui demandera de jouer avec nous ? Elle ne répondra pas si on lui demande en message.

Alfonso a vu juste. S'ils m'avaient proposé de jouer avec eux, j'aurais refusé sur-le-champ.

— Elle ne viendra pas, tu verras. Il est tard, personne ne voudra jouer à Among Us. On peut jouer à autre chose, non ?

Alfonso grogne, mécontent de la réponse de son ami. Il accepte son idée et lance un autre jeu sans attendre. Les deux amis abordent d'autres sujets ; je saute quelques minutes. J'atterris un peu avant mon arrivée. À ce que je comprends, Alfonso vient tout juste de m'envoyer le message privé.

— Maintenant, plus qu'à l'attendre. Imite-la comme ça, si elle déboule en vocal, je n'aurais pas menti.

Oh. Donc Sev ne m'imitait pas du tout ?! Alfonso est très intelligent. Il savait que ça me piquerait et que je rappliquerais telle une furie.

— Ok, euh..., s'embrouille Sev en passant la main dans ses cheveux. Mais tu vas voir que venant de moi, elle va mal le prendre !

— Mais non ! Je l'ai déjà imité et elle a rigolé. Ne t'en fais pas. De toute façon, ça ne peut plus durer ainsi. Soit vous faites un effort, soit vous vous bloquez et vous vous ignorez !

C'est vrai que l'ambiance, pour moi, devenait pénible. Le fuir à chaque fois était insupportable. Alfonso a dû le ressentir. Voici donc le seul moyen qu'il a trouvé pour que nous discutions ensemble ? Qu'il soit autant impliqué dans cette affaire m'intrigue.

La pièce est éclairée par la lumière de mon téléphone. Je jette un coup d'œil ; 15 h 34 est inscrit en haut de l'écran.

Suite à l'histoire d'hier soir, j'ai eu du mal à trouver le sommeil. J'ai passé la nuit à tourner et virer, repensant à la méthode peu honnête d'Alfonso pour que je les rejoigne. Avec du recul, c'en est amusant. Je devrais un peu plus réfléchir, que laisser mon cœur prendre le dessus. Mes réactions sont parfois un peu trop extrêmes pour rien, j'en ai conscience.

Heureusement que je n'ai rien de prévu aujourd'hui. J'ai la tête dans le sac et la nausée me retourne l'estomac.

Une notification s'affiche sur mon téléphone. Un e-mail inattendu est arrivé dans ma boîte professionnelle. L'expéditeur ne va pas par 4 chemins. Il aimerait refaire le logo de sa boîte de nuit ainsi que les dessins des cartes et souhaite donc un devis.

Je ne perds pas une seconde. J'attrape un paquet de gâteaux, fais couler un café et m'installe devant l'ordinateur.

Son e-mail n'entre dans aucun détail, compliqué de lui fixer un prix si je ne sais pas ce qu'il souhaite ! Je dois lui demander plus de précision.

De : Aly'graph ([email protected])

À : Le Club Zéro ([email protected])

Objet : Re : Demande de devis

Bonjour Monsieur,

Je viens de prendre connaissance de votre e-mail. Pour vous proposer un devis correct, il me faudrait plus d'information. Si vous le souhaitez, nous pouvons en parler de vive voix.

Cordialement,

Estevez Alyssia

La réponse tarde un peu à venir. Entre-temps, je m'occupe de mon autre commande, ignorant l'illustration commencée tard dans la nuit.

Le patron du Club Zéro m'a envoyé ses critères. Ils sont simples. Pour leur carte, quelques illustrations de leurs boissons. Pour le logo, une illustration qui se mariera bien avec la police d'écriture choisie par un graphiste.

À la fin de son e-mail, il mentionne un nom qui retient mon attention. Celui de Sevan.

"Je viens de la part de Sevan, l'un de mes talentueux barmans. Je ne dis pas cela afin d'obtenir une réduction, par contre. Sevan m'a conseillé votre nom, je me devais de vous contacter."

Ne me dites pas que Sevan est Evan ou Sev ?! Oh lala. Pourquoi a-t-il fait ça ? Je l'ai envoyé chier, comme une sombre merde. Tout ce qu'il a trouvé à faire est de proposer mes services à son patron ? Mon beau-frère, Tom, lui a passé le mot, ou quoi ?

D'un côté, ça me touche au plus profond de mon cœur. Faire une telle action après un brutal rejet est incohérent et digne d'un grand cœur. De l'autre, je me sens idiote. J'ai la sensation de mal l'avoir jugé dès le début.

Pour y voir clair, je relance Meetic. Je me souviens que ce jour-là, j'étais furieuse envers le patron de Tom, Lucas Glover. Peut-être ai-je mis toute ma colère sur Evan ? Je me serais défoulée sur lui, sans chercher à comprendre ses mots ?

Pourtant, j'ai beau relire la conversation, mes réponses me semblent correctes.

A-t-il compris que ses propos sur mon métier m'ont heurtée ? A-t-il a voulu se racheter ainsi ?

Dans tous les cas, laisser passer cette demande de devis pour lui relèverait de l'idiotie.

Pour sûr, j'en toucherais deux mots à Sev plus tard dans la journée. Déjà, pour le questionner, puis pour le remercier. Même si ça n'aboutit pas, il a quand même parlé de moi à son supérieur. Preuve qu'il n'est pas aussi rancunier. Peut-être devrais-je faire un petit effort ? Lui expliquer que j'ai vraiment mal pris ses propos ? Aussi bien, nous reparlons comme au début ! Quoi qu'il en soit, je dois répondre à l'e-mail et remercier Sev.

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