CHAPITRE V

CHAPITRE V

Marinette resta figée pendant plusieurs longues secondes. Elle hésitait entre s'enfuir et rester. S'enfuir pour sauver son honneur –car elle savait pertinemment qu'elle allait se ridiculiser- ou rester pour... sauver son honneur également.

La jeune femme eut envie de se foutre une gifle, mais ne le fit cependant pas, consciente que l'on finirait par s'inquiéter de sa santé mentale. Marinette finit par reprendre le contrôle d'elle-même et elle attrapa le micro qui lui était tendu en se forçant à sourire.

A ses côtés, Chat Noir semblait songeur. Il avait cessé de scruter la foule pour mieux se concentrer sur sa partenaire. Elle lui semblait étrange. Bizarre. Pas comme d'habitude. Il avait toujours connu Ladybug sûre d'elle, celle qui n'hésite jamais et qui se montre détentrice d'un sang-froid impressionnant. Mais ce soir... il avait l'impression d'être avec une inconnue. Il ne reconnaissait plus sa chère Lady. Elle semblait hésitante, perdue, timide.

Chat Noir ne comprenait pas vraiment le comportement de sa coéquipière et se jura de la questionner après ce fameux discours. Il pria juste pour que Ladybug ne commette pas de bourdes et s'en sorte avec le micro entre les mains. La connaissant, elle devrait rapidement reprendre le contrôle de la situation, mais savait-on jamais.

Marinette, quant à elle, ferma les yeux pendant un bref instant et déglutit difficilement. Elle chercha quelque chose pouvant se donner du courage. N'importe quoi. Une personne, une couleur, un bruit, une odeur. Et ce fut finalement le contact de Chat Noir qui la rasséréna. En effet, le héros avait frôlé les doigts de la jeune femme, s'attardant légèrement sur sa peau pour y laisser une délicate caresse, avant de rapidement se retirer pour éviter que quelqu'un ne le remarque.

La bleutée jeta un coup d'œil à Chat Noir, et ce simple échange lui suffit pour parvenir à retrouver sa maitrise d'elle-même. Elle ignorait ce qu'il venait de se passer, mais les doigts de Chat Noir avaient laissé une brûlure invisible sur sa main et elle ne désirait désormais plus qu'une chose : que ce contact se fasse à nouveau.

Marinette se racla la gorge et inspira profondément, avant de prendre la parole.

« Je... vous remercie tous d'être venus ce soir. C'est vraiment un honneur pour moi, et pour Chat Noir, de voir qu'autant de Parisiens comptent sur nous et nous font confiance. »

Si la voix de Marinette se faisait quelque peu hésitante lors des premiers mots prononcés, elle recouvra rapidement sa légendaire confiance en elle, et se fit peu à peu plus assurée.

« Si nous sommes ici ce soir, c'est déjà grâce à l'invitation de Monsieur Bourgeois, mais aussi grâce à vous. Sans vous, sans votre confiance, nous ne serions rien. Nous sauvons Paris tous les jours, nous assurons votre sécurité. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à un tel monde ce soir. En fait, je ne m'attendais pas à ce que l'on organise un gala en notre honneur. C'est—

- Mais en même temps, c'est normal que vous ayez organisés cette soirée ! Nous sommes si fabuleux, il faut savoir le faire comprendre ! »

Marinette se pinça l'arête du nez et foudroya Chat Noir du regard. Toujours aussi prétentieux. Toujours aussi racontar. Toujours aussi Chat Noir en fait. Elle n'était pas persuadée que cette intervention ait été réellement utile, mais lorsqu'elle vit la foule rire, elle se détendit. Elle intima cependant à son partenaire de se modérer d'un simple geste de main.

« Je ne sais pas vraiment quoi dire de plus, reprit Marinette en souriant. Je voudrais simplement vous remercier. Pour votre confiance. Pour votre soutien. Pour votre présence à nos côtés. Vous savez, les premiers jours où j'ai été Ladybug, je... n'avais pas confiance en moi. Je pensais que je n'étais pas faite pour ça. Je me pensais inutile et trop faible pour assumer un tel rôle. Mais... ce matou m'a convaincu du contraire. »

Sur ces derniers mots prononcés, elle montra Chat Noir d'un revers de main.

« Si je dois juste rajouter quelque chose ce soir, ça serait pour toi... Chat Noir. »

Ne comprenant pas trop ce qu'elle était en train de faire, Marinette savait seulement qu'elle laissait désormais parler son cœur. Elle sentit son cœur s'accélérer devant le regard doux que lui adressa son partenaire. Une vague de chaleur la submergea et elle commença à trembloter légèrement. Elle se mordit la langue et rapprocha le micro de ses lèvres.

« Je-je voudrais juste te dire « merci ». Depuis le début, tu as toujours cru en moi. Tu m'as toujours remonté le moral, tu m'as toujours réconforté. Depuis le début, tu m'as fait comprendre que j'étais taillée pour être une superhéroïne, même si moi je n'y croyais pas. Comme je te l'ai dit une fois, il y a plusieurs années déjà, tu es plus qu'un partenaire Chat Noir. B-bien plus... »

Oups.

Marinette sentit ses joues s'empourprer en se rendant compte de ce qu'elle venait de dire. Elle eut envie de s'enfuir, de revenir en arrière pour modifier sa phrase, de creuser un trou et de s'y enterrer... Elle alla même jusqu'à espérer une attaque du Papillon pour détourner l'attention d'elle. Mais non. Un silence plat accueillit ses paroles. Marinette sentit un torrent de lave s'influer dans ses veines, et pourtant elle avait froid. Soudainement, terriblement froid. C'était horrible. Que venait-elle de faire exactement ?

Chat Noir lui déroba subitement le micro des mains en lui jetant un regard qui disait un silencieux « on en reparle plus tard ». Le jeune homme, sa surprise passée, pris à son tour la parole.

« Evidemment que je suis plus qu'un partenaire pour elle ! Ladybug me l'a déjà dit : je suis son meilleur ami. »

Ces mots étaient enfantins, mais Chat Noir avait tenté le tout pour le tout. Il avait tenté désespérément d'insister sur le mot « ami » pour essayer de sauver la mise de sa partenaire. Heureusement pour elle comme pour lui, la foule ne sembla pas relever cet incident. De son côté cependant, Chat Noir était perturbé. Qu'avait donc entendu Ladybug par « bien plus qu'un partenaire » ? Se faisait-il des idées, des films, ou bien... ? Non, impossible. Ladybug l'avait toujours repoussé, et ce n'était pas ce soir qu'elle allait faire exception à la règle. Cela avait dû être le trac. L'angoisse. Un moment de stress sans doute.

Marinette, quant à elle, avait l'impression que le monde autour d'elle s'était arrêté de tourner. Chat Noir continuait à parler à la foule, mais elle n'écoutait plus. Ses oreilles sifflaient, ses genoux menaçaient de lâcher, et elle se sentit soudain nauséeuse. Même si Chat Noir avait rattrapé sa boulette, elle savait pertinemment qu'elle aurait droit à un interrogatoire du matou, tôt ou tard. Mais par tous les cieux, qu'est-ce qui lui avait pris ? Pourquoi avait-elle dit que Chat Noir était bien plus qu'un partenaire ?

Au fond, ces paroles avaient un fond de vérité. Marinette considérait le blond comme un ami. Un très bon ami.

Mensonge. Mensonge, mensonge, mensonge.

Marinette eut envie de dire à cette voix dans sa tête, de se taire. Elle refusait d'admettre qu'elle éprouvait quelque chose de plus fort que de l'amitié pour Chat Noir. C'était impossible. Elle aimait Adrien ! Pas Chat Noir !

La situation était surréaliste. Clairement, totalement, surréaliste.

« Je peux avoir une interview ??? »

Une voix stridente s'éleva de la foule et Marinette reconnut sans problème celle d'Alya, sa meilleure amie. Un soulagement intense s'empara d'elle : enfin une bouffée d'oxygène. Enfin un visage amical et familier. Malheureusement, Marinette ne se sentait pas capable de rester debout sur cette scène une minute de plus. La tête lui tournait et elle avait besoin de s'asseoir. Maintenant.

Comme s'il avait compris la détresse de sa coéquipière, Chat Noir secoua la tête.

« Plus tard, mademoiselle. Je vous jure que l'on vous accordera une interview un peu plus tard. »

Un air peiné s'afficha sur le visage d'Alya, mais suite aux promesses de Chat Noir, elle se détendit et hocha la tête avant de se calmer.

Monsieur Bourgeois, satisfait de l'intervention des deux héros, repris le micro et remercia les deux jeunes adultes. S'en suivit un tonnerre d'applaudissements sous lequel Chat Noir ne manque pas de s'incliner de façon exagérée. Marinette, elle, se contenta de saluer le public d'un bref signe de main, avant de descendre de l'estrade et de se ruer sur la première chaise à proximité. Elle se laissa tomber contre le dossier et souffla bruyamment. Encore une minute passée debout et elle était persuadée qu'elle aurait fait un malaise.

La styliste se pris la tête entre ses mains et ferma les yeux. Quelques minutes à peine passèrent, avant qu'une main la tapote sur l'épaule. Lorsque Marinette releva la tête, elle se retrouva nez à nez avec Chat Noir qui lui tendait un verre de... vodka. La bleutée fronça les sourcils et lui jeta un regard noir.

« C'est quoi ce cirque ?

- Je te retourne la question, ronronna Chat Noir, une lueur espiègle dansante dans ses prunelles vertes. »

Marinette s'empourpra une nouvelle fois et détourna la tête.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. »

Chat Noir se mis à rire et se mis à genoux devant sa Lady en lui tendant le verre.

« Je ne boirai pas cette merde, répliqua la jeune femme, agacée.

- Je te jure que c'est le meilleur remède contre la gêne et la tension présente dans tout ton corps. »

Marinette regarda Chat Noir de travers avant de faire un aller-retour entre le verre et les yeux éclatants de son camarade. Finalement, elle s'avoua vaincu. Elle savait qu'elle allait être malade, mais si cela pouvait l'aider à se détendre alors... pourquoi pas.

Lasse, Marinette attrapa le verre de Chat Noir avant de le porter à ses lèvres. L'odeur de la vodka la pris à la gorge et elle grimaça. Puis, elle se décida enfin et vida le verre d'une traite. L'alcool lui brûla l'œsophage et ses traits se crispèrent sous la douleur. La jeune femme se mis à tousser et plaqua sa main sur sa bouche. Elle crut un instant qu'elle avait tout revomir, mais le haut-le-cœur disparu pour laisser place à une sensation... étrange. Son estomac la brûlait mais ce n'était pas désagréable.

« Hm... je ne m'attendais pas à ce que tu boives tout d'un coup, Bugaboo. J'espère ne pas devoir te porter d'ici une heure ou deux, s'amusa Chat Noir en récupérant le verre et en allant le poser sur une table. »

Marinette leva les yeux au ciel et sursauta lorsque la musique, qui s'était arrêtée pendant l'intervention du maire et des deux héros qu'ils étaient, repris de plus belle. Elle remarqua alors que tout le monde avait commencé à danser, certains sautant par simple réflexe, et d'autres, davantage expérimentés, bougeaient au rythme de la musique dans des danses endiablées.

Une brève idée traversa un instant l'esprit de Chat Noir, et il s'humidifia les lèvres avant de s'incliner –Marinette aurait dû compter le nombre de fois où il avait fait cela- en tendant une main vers sa partenaire.

« Veux-tu m'accorder une danse ? »

Marinette écarquilla les yeux de surprise, ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit et resta béate. Danser ? Avec Chat Noir ? Non, impossible. D'une, elle ne savait pas danser et risquait de se ridiculiser. De deux, danser avec Chat Noir voulait dire proximité physique. Et qui disait proximité physique disait contact... et qui disait contact disait...

Oh et puis merde.

Marinette, résignée, déposa sa main dans la paume du jeune homme, et se releva. Elle ne savait pas vraiment si c'était une bonne idée, mais peu importe. Elle avait la nette impression que, de toute façon, cette soirée n'allait définitivement pas être comme les autres.

« D'accord. »

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