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[CHAPITRE RÉÉCRIT]
I got a bully in my head
Fake love, fake friends
★
C h a r l i e
Il était dix-neuf heures vingt-trois et Raven n'était toujours pas sortie de la salle 102, dans laquelle elle avait élu domicile après m'avoir assassiné du regard. Je trouvais que ce qui était drôle, chez elle, c'est qu'à un moment, elle corrigeait votre copie pour éviter le vingt en littérature, et trente minutes après, elle vous faisait la tête comme si vous aviez tué sa mère. Peut-être que sa mère était un mauvais exemple, cela dit. Mais j'étais assez mal placé pour me mêler de ce genre de choses.
Elle a fini par sortir, la tête haute, le dos droit, des éclairs dans les prunelles, et comme ça m'amusait, en quelque sorte, j'ai fait pareil. Se rendait-elle compte à quel point elle était plus divertissante qu'autre chose ? Je ne me souvenais même plus pourquoi elle avait cette attitude, ni ce que j'avais dit pour la provoquer. La moindre de mes paroles la mettait hors d'elle. Elle a levé les yeux au ciel, visiblement excédée par mon comportement.
Je ne savais pas vraiment pourquoi j'agissais de cette façon. Je n'appréciais pas Raven. Peut-être même que je la détestais. J'étais conscient qu'elle avait toutes les raisons de me haïr. J'avais beau paraître idiot, je m'étais bien rendu compte avec le temps que ce que j'avais fait était impardonnable. Mais, dans ma tête, j'avais une bonne raison, qui ne justifiait pas les actes mais qui leur donnait un peu moins d'importance. Elle avait été mon amie, une éternité plus tôt. Je m'étais confié à elle. Et sa petite famille parfaite avait causé la perte de la mienne. Pour moi, nous n'étions même pas quittes. J'avais peut-être brisé son adolescence, mais elle, elle avait ruiné ma vie et celle de ma petite sœur.
— J'ai faim, a-t-elle simplement dit.
J'ai eu envie de lui dire un truc énervant, juste pour la voir fulminer. J'aimais voir la colère déformer ses traits, avoir ce pouvoir de toucher la fille sensible qui se cachait sous son masque si bien étudié. Mais j'ai fini par me reprendre, il ne valait mieux pas attiser les tensions si nous restions vraiment ici durant quatorze jours. J'étais si responsable, je m'étonnais moi-même.
Elle a ramené sa chevelure rousse en un chignon décoiffé, ce qui a fait apparaître sa nuque blanche. J'ai détourné les yeux, chose que je ne faisais jamais devant une fille – il en allait de ma fierté. Elle attendait une réponse, mais j'ai laissé un silence dérangeant s'installer entre nous. Ce silence avait un goût de mensonges et de tristesse, et il était amer sur la langue. Je voulais qu'elle le ressente dans chacune de ses cellules. Qu'elle me déteste et qu'elle souffre. J'étais horrible, mais pas pire qu'elle. C'est ce que j'aimais me dire quand je redevenais lucide pendant quelques instants, et que je réalisais ce que je faisais.
— On peut aller en salle des profs, si tu veux, il y a des biscuits et des sucreries. Et du thé et café. Beaucoup de café, d'ailleurs. À croire qu'ils ont peur de s'endormir, ai-je proposé.
J'étais beaucoup trop aimable, mais je n'avais pas le choix. Je me dégoûtais, quand je parlais de cette façon. Je n'étais pas comme ça. Il ne fallait pas qu'elle s'habitue à cette facette de moi. D'accord, j'avais fait cesser l'enfer que je lui avais fait subir quatre ans plus tôt, mais je ne l'aimais pas pour autant. Même mes amis n'avaient presque pas droit à ma bonne humeur.
Elle a laissé échapper un sourire mais s'est vite reprise, embarrassée.
— Est-ce que tu viens de sourire ? ai-je lâché. Ça me dégoûte.
— Rien que le son de ta voix me dégoûte, Wheeler.
J'ai haussé les épaules sans exprimer la moindre émotion et j'ai continué ma route vers la salle des profs, sans me soucier de sa présence derrière moi.
— Si tu vas en salle des profs, ne mange pas trop parce que... Nous allons rester coincés ici durant deux semaines.
J'ai hoché la tête. Je venais à peine de me rendre compte du temps que nous allions passer ensemble, et ça ne me faisait absolument pas peur. Au contraire, j'avais hâte. Bizarre, quand on y pense. Mais c'était différent de d'habitude, ça cassait ma routine, c'était excitant. J'aimais ça. Et peut-être que je pourrais m'amuser, finalement. Si Raven coopérait, évidemment.
— Ouais, si tu veux. Viens.
Je l'ai conduite à travers les couloirs du lycée – qui n'étaient pas si nombreux, finalement – et nous sommes arrivés dans la salle. C'est à ce moment-là que j'ai vu ce quelque chose dans son regard. Je pensais que ce n'était rien, qu'une illusion. Pourtant, cette fois-ci, ce n'était plus de l'inquiétude, de la colère et de la haine que je pouvais observer dans ses iris. Ces émotions étaient recouvertes par un déluge d'autres. Elle se sentait coupable, sûrement, de voler. Elle était incertaine, je ne savais pas trop de quoi. Et, surtout, je pouvais distinguer l'envie de rester ici longtemps. Je me demandais ce qui l'attendait chez elle pour qu'elle ait envie de passer deux semaines avec un monstre.
Alors, comme je le faisais à chaque fois qu'une situation m'échappait, j'ai souri d'un air narquois, sourire que Raven a dû voir puisqu'elle a rougi et s'est retournée en se mordant la lèvre inférieure pour se reprendre. Ça m'a rassuré, en quelque sorte. Je n'avais pas perdu mon charme.
Elle a vidé le petit frigidaire de la salle des profs et a choisi ce qu'elle souhaitait manger. J'ai grimacé en voyant autant de choses saines d'un coup. Jamais je n'en avais vu autant. À croire qu'elle avait laissé tout ce qui est meilleur de côté, afin de se torturer volontairement.
Est-ce que de la torture volontaire est appelée de la torture ?
Non, ce doit être du masochisme.
Raven était masochiste.
Elle a ensuite fermé la porte du frigidaire sans rien me proposer. Je faisais face à une gamine déterminée à bouder.
J'ai soupiré. Quand j'avais dit que j'aurais préféré être en compagnie de Deborah plutôt qu'elle, c'était faux. Deborah aurait passé son temps à tenter de m'embrasser, alors que Raven... Elle était différente, libre, intriguante. Et, point à ne pas laisser passer, cela l'importait peu d'avoir ou non mon corps pour elle seule. C'était comme une pause. Une pause qui me donnait une migraine atroce et des envies de meurtre.
Enfin, pour le moment, elle était juste en train de me faire la tête, et j'étais obligé d'aller me chercher de quoi manger.
Elle est sortie de la pièce sans un mot et j'ai pris un paquet de chips et un Coca – ne me demandez pas pourquoi il y avait ça dans une salle des profs, je n'en avais aucune idée. Les profs peuvent être des personnes si géniales et si étranges, parfois. Surtout, ils partageaient la nourriture, ce que je ne saurais faire, personnellement. Je n'étais pas particulièrement égoïste, je vouais simplement un culte à tout ce qui semblait être de près ou de loin comestible
Je suis sorti à mon tour de la pièce et suis tombé sur Raven. Évidemment. Elle ne pouvait pas être rentrée dans sa chère salle 102. Elle a tourné la tête vers moi.
— Tu me suis ou quoi ? a-t-elle grommelé.
— Désolé de te l'apprendre, mais tout ne tourne pas autour de toi, Raven.
— Alors, pars ! Rejoins ta salle et laisse-moi seule, a-t-elle lâché sans me regarder.
La crédibilité et l'autorité à l'état pur, cette fille. Croyait-elle vraiment que j'allais faire ce qu'elle me demandait ?
— Le lycée ne t'appartient pas, ai-je soupiré, excédé.
Je n'avais vraiment pas envie de me disputer encore une fois avec elle. Elle m'énervait tellement ! Finalement, j'aurais réellement préféré être avec Deborah. Je changeais tout le temps d'avis, mais elle n'était pas aussi pénible que Raven. Enfin si, mais différemment. Je préférerais. Elle ne me tenait pas tête. Personne d'autre que Raven, Alice et Ember ne me tenait tête. J'allais finir par complexer.
— Alors, rentre, Wheeler. Reviens dans la salle des profs.
— Ça t'arrive de ne pas être une emmerdeuse ? Je reste ici si je le souhaite, Raven. Si tu es parano, tu n'as qu'à retourner dans ta salle 102 et me foutre la paix, ai-je soupiré.
Elle abusait un peu trop de son pouvoir d'intellectuelle.
— Je n'ai pas à recevoir d'ordres de ta part, j'espère que c'est assez clair pour toi, a-t-elle soufflé, la mâchoire serrée. Jamais.
— Ça arrivera plus tôt que tu ne le penses, ai-je promis, sûr de moi.
Personne ne me résistait. Pas même la petite Raven et ses crises immatures. Elle tomberait amoureuse de moi avant même d'avoir pu envisager cette possibilité. Je m'en faisais la promesse. Pour l'instant, elle n'avait pas l'air subjuguée par ma beauté comme l'étaient les autres filles qui ne pouvaient pas s'empêcher de se tourner vers moi dans le couloir. Mais ça arriverait. Et ce serait une torture pour elle, j'en étais conscient.
Elle a soutenu mon regard durant quelques secondes – sûrement sa façon à elle de me signifier qu'elle n'abandonnera pas la bataille avant de gagner. J'ai essayé de m'imaginer Deborah à sa place mais ça n'a pas suffi à me calmer.
— Je te hais, Wheeler.
— J'ai cru comprendre, Raven.
— Jamais je ne tomberai amoureuse de toi. C'est impossible. Tu n'es pas enfermé avec une de ces filles que tu peux utiliser pendant deux semaines et jeter ensuite, Wheeler. Tu es enfermé avec moi, et je peux te promettre que tu vas t'ennuyer si tu t'imagines que je vais tomber dans tes bras.
Elle est partie en courant et, bien sûr, je n'ai pas pris la peine de la suivre.
~Plagiat interdit~
≈1600 mots
Publication le 26/04/23
|Hey, j'espère que vous allez bien et que vous avez aimé ce chapitre ! Comme il est plutôt court et que j'ai reçu plein d'avis positifs (merci infiniment !), Je poste deux chapitres aujourd'hui, donc on se rejoint au chapitre 6 ! J'en ferai de même pendant les deux semaines qui suivent car je suis en vacances. Bisous ! ✨|
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