4 | La salle des profs
[CHAPITRE RÉÉCRIT]
This boy doesn't even know the difference between there, their, and they are
★
L e n a
Ce type est totalement fou. Il est bon pour un hôpital psychiatrique, à ce rythme. C'est à cela que j'ai songé lorsque nous avons couru tous les deux dans les couloirs du lycée, et qu'il voulait, d'après lui, m'amener quelque part.
J'avais mal aux jambes, une envie pressante de dormir, de pleurer et de lui crier dessus, et je me retrouvais dans ce corridor vide, à dix-sept heures trente. Cela faisait dix minutes que j'envoyais des messages télépathiques à Heaven et Shane pour qu'ils viennent me chercher, mais ils ne savaient même pas que j'étais là. Shane devait être rentré avec son frère, qui avait deux ans de moins que lui, et Heaven devait avoir supposé que mon père était finalement venu me chercher. Elle ne s'inquièterait sûrement que dans quelques heures, quand elle réaliserait que je ne répondais pas à ses messages.
Wheeler et moi avions fouillé tout le lycée à la recherche d'une manière de sortir qui n'existait pas. J'allumais mon portable toutes les trois secondes pour voir si j'avais du réseau. J'avais même prêté mon chargeur à Wheeler pour qu'il recharge son téléphone, mais le résultat avait été le même. J'avais entendu le matin-même qu'une tempête avait eu lieu à quelques miles, mais j'étais sûre que c'était faux car les tempêtes étaient plutôt rares à cette période de l'année. À présent, je remettais en question cette certitude. Et je ne savais pas quand les lignes téléphoniques allaient être rétablies.
Ce qui m'énervait le plus, dans tout ça, c'est qu'il faisait comme s'il ne s'était rien passé. Comme si toutes ces années qu'il avait passé à me harceler, me traiter de tous les noms, n'existaient pas. Comme si les cicatrices sur mes bras n'en étaient pas la preuve.
Il paraissait me détester, quand même. Mais je ne voulais pas qu'il me déteste. Je ne voulais pas être son ennemie. Parce que si j'étais son ennemie, ça voulait dire qu'il avait une place dans mon cœur, et que j'en avais une dans le sien. Le terme « ennemi », c'était puéril, enfantin, affectueux. Il n'était pas mon ennemi. Je le refusais. Il était quelqu'un qui n'avait pas de case, tellement mon estime de lui était basse.
Pourtant, à le regarder, malgré les foudres, les piques, les regards noirs qu'il me balançait quotidiennement en pleine tête, et ce depuis le collège, je savais qu'il ne pensait pas comme moi. Ma repartie avait don de l'énerver, mon masque de fille sûre l'intriguait et il ne me supportait pas. Sauf que voilà, il me détestait, mais il ne me haïssait pas, et c'était un problème.
— Wheeler, tu nous fais quoi, là ? j'ai crié.
Je n'aurais pas dû le suivre. Dès qu'il m'a dit de « profiter », je l'ai compris. Mais je n'ai pas pu m'en empêcher. J'ai un orgueil, et celui-ci a été piqué au vif lorsque mes parents n'ont pas répondu à mes appels. Et quand il m'a traitée, encore une fois, d'intello. Je croyais qu'il avait arrêté ses enfantillages, visiblement, non. Alors je l'ai suivi, parce qu'il le fallait.
— Suis-moi je t'ai dit ! Tu vas voir ! a-t-il grommelé.
J'ai donc continué de courir pour le rattraper.
Nous sommes arrivés au bout du couloir, devant la porte d'une pièce. La salle des profs.
— Wheeler, rassure-moi, tu plaisantes ?
Je ne savais pas ce que j'espérais. J'étais très curieuse et en même temps... C'était impossible ! Je refusais de faire ça. Je pouvais passer pour coincée, je n'en avais rien à faire. De toute façon, nous trouverions un moyen de sortir. Alors pourquoi s'aventurer dans des endroits qui nous étaient interdits ? Alors oui, j'étais curieuse, mais trop prudente pour le faire.
— Non, Raven. Allez, rentre.
— T'as peur de rentrer en premier ? Je te pensais plus courageux !
— Je veux seulement être sûr que tu ne vas pas me planter seul dans la salle des profs pour aller à la cantine sans moi.
L'idée était tentante, pourtant je me suis engagée dans la pièce.
Elle n'était vraiment pas comme je l'avais imaginée. En fait, je ne savais pas vraiment ce que j'avais imaginé. Sûrement un lieu sobre, dénué de toute émotion, sérieux. Eh bien, je n'aurais pas pû plus me tromper. Les murs étaient repeints en bleu électrique sur un mur, et en blanc sur les autres (quand je dis « repeints », je suis sûre que je ne me trompe pas étant donné que le reste du lycée est gris clair et que les ouvriers n'affluent pas à Blue Springs).
Charlie a poussé un soupir enthousiaste digne d'un élève de maternelle et est rentré dans la pièce, son habituel sourire narquois collé sur le visage, celui que j'ai envie d'effacer depuis l'école. Aujourd'hui encore plus que les autres jours. Je ne le supportais pas. Le pire, c'était quand je me disais qu'il devait sûrement rendre folles la moitié des filles du lycée. Il ne méritait pas cette attention.
— Wheeler, on peut partir sinon..., ai-je proposé.
— Quelqu'un dans cette pièce a peur de s'amuser, a-t-il fait avec un sourire en coin.
— Quelqu'un dans cette pièce aurait grand besoin de se taire pour une fois, ai-je répondu.
C'était évidemment vain. Il m'a regardée comme si j'étais une extraterrestre et à murmuré qu'il aurait préféré rester ici avec « Deborah plutôt qu'avec cette coincée de Raven ». On se serait attendu à ce que je réagisse en entendant le mot « coincée ». Eh bien non, malheureusement. C'est à l'entente du prénom Deborah que mon cœur a fait un saut très douloureux dans ma poitrine. J'ai dû retenir une grimace pour ne pas montrer que je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Je ne voulais pas être comparée. Surtout pas avec Deborah Fields. Elle faisait partie des nombreuses personnes que je détestais.
Alors, je ne sais de quel élan, j'ai décidé de rester et même de faire quelque chose dont je n'aurais pas été capable. Enfin, je pensais ne pas en être capable.
J'ai contourné la table et me suis empressée de fouiller un tas de copies dessus.
— Wheeler, t'as eu un 20/100 en littérature, ai-je annoncé avec un sourire moqueur, celui que j'ai plus l'habitude de voir sur son visage, mais pas sur le mien.
J'ai observé sa copie. Il avait écrit trois lignes dans lesquelles il avait affirmé que Edgar Poe était un acteur de films muets. Il ne s'était pas embêté à faire le paragraphe argumenté. J'ai soupiré pour me retenir de rire. Il m'a regardée d'un air surpris, comme si j'avais dit que mon livre avait muté en éléphant.
— Euh, tu vas bien ?
Mon cœur s'est arrêté de se tordre et a retrouvé sa place dans ma poitrine. J'ai failli sourire, soulagée. Je n'ai pas sourcillé lorsqu'il s'est approché de moi l'air soucieux, pourtant j'aurais voulu m'éloigner d'au moins deux mètres, plus si possible.
— Oui, ai-je fait, tentant de maîtriser les tremblements dans ma voix. Tu es satisfait de ton 20, du coup ?
Il a retrouvé son sourire et a haussé les épaules avant de s'avancer pour regarder sa copie. Elle était barbouillée de stylo rouge, la prof avait plus écrit que lui. Je n'aurais pas aimé l'avoir pour élève. Il y avait même une trace de rouge à lèvres sur la feuille et j'ai levé les yeux au ciel en me demandant qui c'était, cette fois.
— Oui. Enfin non.
Une lueur de défi est passée dans son regard quand il a relevé la tête. Et je ne peux jamais refuser un défi. Il le savait très bien. Wheeler me connaissait mieux que personne, car il avait connu la fille que j'étais avant le collège. Avant que tout ne dérape et que ce soit trop tard pour revenir en arrière.
— Alors on peut y remédier.
J'ai cru voir un haussement de sourcils surpris mais je me suis détournée.
— T'es sérieuse, Raven ?
En guise de réponse, j'ai pris le stylo rouge posé près du tas de copies et j'ai commencé à gribouiller les endroits avec les points à compter (pas nombreux, d'ailleurs), faute de blanc correcteur. J'ai remplacé le vingt par un cinquante. Ça semblait être la note la plus raisonnable. C'était une chance que la professeure ne s'embête pas à mettre des commentaires dans la marge, comme la plupart des profs, car ça aurait été plus compliqué.
Après avoir fait quelques corrections, c'était fini. Mrs. Falling n'y verrait que du feu.
Wheeler m'a de nouveau regardée bizarrement, et ça a eu don de me mettre mal à l'aise.
Il a fini par prendre sa copie, puis l'a reposée, frôlant involontairement ma main. Une boule s'est formée dans ma gorge, menaçant de m'étrangler. J'ai essayé de repousser cette sensation en mettant une distance entre nos deux corps. Il m'avait plus traumatisée que je ne le pensais.
— Merci. C'est... sympa.
J'ai hoché la tête, gênée à présent. Je ne savais pas ce qui m'avait poussée à l'aider. Et j'avais peur. Peur de lui et de ce qui allait se passer. Peur de ce qui s'était déjà passé, aussi, et des conséquences que ça avait eu sur moi.
— Avec plaisir.
Je me suis raclé la gorge et je me suis détournée avant d'avoir pu continuer à dire n'importe quoi. Punaise. Il fallait que je trouve une excuse pour être en colère contre lui, ça n'allait pas du tout. C'était de sa faute si nous étions là, dans cette situation.
***
Je suis finalement sortie des toilettes où je m'étais réfugiée pendant au moins une heure et j'ai rejoint la salle des profs. Il n'était plus là, évidemment. Tant mieux. Je voulais éviter à tout prix de les croiser, lui et son sourire insupportable. J'allais faire demi-tour lorsqu'une voix m'a interpellée.
— On cherche quelqu'un ?
J'ai sursauté en voyant le visage de Wheeler se dessiner derrière moi. Une envie de le frapper s'est soudainement emparée de moi.
— Je te conseille de ne pas me parler. Il ne faudrait pas que tu croies qu'on est amis.
Ses yeux bleus se sont brièvement plissés et un sourire provocateur a germé sur son visage. Ma colère lui plaisait, apparemment. Tant mieux, je ne comptais pas me calmer de sitôt, et tant pis pour ce qu'il penserait de moi.
— Amis ? Désolé, je dois m'absenter un petit moment pour rire à cette idée.
— Ouais, ne reviens pas, ce serait mieux.
Je le haïssais.
~Plagiat interdit~
≈1700 mots
Publication le 23/04/23
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