Chapitre 5

Une décharge de douleur déchira l'arrière du crâne de Ladybug.

Un éclair de souffrance incandescente. L'impression d'avoir la tête ouverte en deux.

Un flash blanc explosa derrière ses paupières, ses dents s'entrechoquèrent avec violence. Incapable de réagir, Ladybug glissa le long du mur, un goût ferreux de sang dans la bouche. Elle toucha le sol et s'effondra comme une poupée de chiffon, incapable de rester debout.

Une terrible nausée lui tordait l'estomac et un goût de bile amer remontait dans sa gorge. Ce n'est que par la force de la volonté qu'elle réussit à se retenir de vomir.

La cause de cette violente réaction n'était pas la brutalité du coup qu'elle venait de subir. Du moins, pas que.

Non. Ce qui retournait les entrailles de Ladybug, ce qui courrait sur sa peau comme une onde de terreur, c'était l'horreur de la scène dont elle venait d'être témoin en dépit de son vol plané.

Cataclysme.

Chat Noir avait été frappé par son propre Cataclysme.

Le souffle court, Ladybug posa ses mains tremblantes sur le trottoir. Elle prit appui sur ses paumes et poussa pour s'aider à se redresser.

Ignorant la douleur.

Ignorant le vertige.

Ignorant son estomac qui remuait comme s'il voulait s'enfuir par ses lèvres.

Chat Noir. Elle devait retrouver Chat Noir.

Ladybug se remit péniblement debout et aussitôt, vacilla. Elle recula d'un pas et posa une main à plat contre le mur. La surface de la paroi était douce et fraîche et ferme sous ses doigts et c'était la seule chose dans tout Paris qui ne tanguait pas autour d'elle.

Des taches colorées dansaient devant ses yeux et le martellement sourd de son pouls pulsait dans ses tempes, étouffant le brouhaha habituel de la ville.

Ladybug jeta un coup d'œil fébrile autour d'elle et retint péniblement un nouveau haut-le-cœur.

Chat Noir n'était nulle part en vue. Et histoire d'empirer dramatiquement une situation déjà critique, le super-vilain venait droit sur elle.

La jeune héroïne choisit sans hésiter la seule option raisonnable qui lui semblait possible.

Elle lança son yo-yo vers les toits et prit la fuite.




Voltiger dans les airs avec la tête qui tourne était une expérience... intéressante.

(Et une expérience qu'elle préfèrerai ne pas réitérer, merci bien.)

Ladybug ne distinguait plus le haut du bas, la gauche de sa droite. Sa vue était trouble et ce n'est que par un miracle extraordinaire – et grâce à une chance insolente - qu'elle réussit à prendre suffisamment d'avance sur son ennemi sans rater un lancer de yo-yo ou sans s'écraser purement et simplement contre une cheminée.

Elle atterrit finalement sur toit isolé avec nausée encore plus violente que lorsqu'elle avait décollé du sol.

Elle se dirigea vers une cheminée et s'y adossa lourdement, les yeux fermés. Elle inspira profondément, expira, inspira de nouveau, et encore, et encore. Ses doigts tremblants tapotaient nerveusement la coque de son yo-yo. Elle détestait devoir ainsi fuir le champ de bataille, mais elle avait besoin de ces quelques instants pour reprendre ses esprits.

La vision de Chat Noir frappé par son propre Cataclysme dansait derrières ses paupières closes, terrifiante image hantant ce cauchemar éveillé.

Jamais Ladybug n'avait eu l'impression d'être enfermée à ce point dans un mauvais rêve.

L'absence de Chat Noir avait quelque chose d'irréel. De contre nature. Sa présence était si naturelle, son lien avec lui d'une telle profondeur, leur duo si indissociable que son esprit se cabrait à l'idée de devoir faire sans lui.

Chaque seconde passée sans lui était une seconde de trop.

Ladybug voulait accélérer le temps, passer directement à ce merveilleux instant de victoire où Chat Noir serait enfin de nouveau à ses côtés.

Mais pour ça, elle allait devoir se battre.

Seule.




Au bout de quelques minutes, Ladybug estima qu'elle avait suffisamment récupéré pour pouvoir se lancer de nouveau dans la bataille. Un arrière-goût de bile lui brûlait toujours la gorge, mais au moins, elle n'avait plus la tête qui se mettait à tourner au moindre geste ni la vue floue.

Le temps était venu d'aller à la rencontre de son ennemi.

Sa résolution prise, Ladybug se dirigea vers le bord du toit. Elle enroula le câble de son yo-yo autour d'une cheminée voisine et s'élança dans les airs.

Elle survola plusieurs rues, ses yeux parcourant la ville à la recherche du moindre signe de Confisorreur. À peine trois pâtés de maison plus tard, une gigantesque gerbe de pralines s'élevant par-dessus les toits lui donnait l'emplacement précis du super-vilain. Ladybug dévia aussitôt de sa route et se hâta en direction de son ennemi.

Elle le repéra rapidement, debout au milieu d'un charmant petit parc.

Malheureusement, le super-vilain la remarqua tout aussi vite.

« Te revoilà enfin ! », lui hurla-t-il en tendant son arme vers elle. « Assez joué à cache-cache ! Donne-moi tes boucles d'oreille ! »

Il tira sans même attendre sa réponse, transformant la cheminée sur laquelle elle était perchée en bloc de guimauve. Ladybug ne perdit pas une seconde. Elle bondit en direction de Confisorreur et se lança à l'attaque.

Durant quelques minutes, les deux adversaires s'affrontèrent sans que l'un ne réussisse à prendre le dessus sur l'autre. Confisorreur tirait dans tous les sens, transformant le parc en un assemblage multicolore de dragées, caramels et autres bonbons divers.

Ladybug tenait quant à elle par la seule force de la volonté, obsédée par une idée fiévreuse.

Ramener Chat Noir.

Le ramener, à tout prix.

Ce combat en solitaire avait quelque chose de terriblement irréel. Pas assez de jeux de mots, de coups de bâtons ou de rires effrontés. Trop de silences, trop de regards complices qu'elle cherchait par réflexe avant de se rappeler qu'il n'était plus là.

Il fallait que Chat Noir revienne.

Il le fallait, il le fallait, il le fallait.

Galvanisée par cette pensée, Ladybug bondit derrière un banc de pierre pour se mettre à l'abri et lança son yo-yo vers les airs.

« Lucky Charm ! », cria-t-elle par-dessus le rugissement de protestation de Confisorreur.

Un patin à roulettes rouge à pois noirs retomba entre ses mains à peine une seconde plus tard. L'esprit tournant à toute vitesse, Ladybug jeta un coup d'œil prudent par-dessus le banc.

Elle rentra aussitôt la tête entre les épaules quand Confisorreur, furieux, visa sa cachette improvisée pour la transformer en barre de chocolat géante.

Mais l'essentiel était fait.

Elle avait un plan.

Alors que le vilain courrait à toutes jambes pour essayer de contourner l'abri de fortune derrière lequel elle se dissimulait toujours, elle lança le patin à roulette droit sous son pied. Confisorreur marcha dessus et glissa aussitôt. Emporté par son élan, il alla s'écraser contre un arbre transformé en large poteau de caramel. Il y resta lamentablement collé, tel un insecte englué dans un piège à mouche.

Tout ce que Ladybug eut à faire ensuite fut de s'emparer tranquillement de sa canne et de la briser en deux pour y libérer l'akuma qui y était logé. Une purification et un nouveau lancer de patin plus tard, elle criait enfin ces mots tant attendus.

« Miraculous Ladybug ! »




Une nuée de coccinelles traversa les rues de Paris en virevoltant, rendant à la ville son aspect initial. Ladybug éprouvait habituellement un certain sentiment de fierté à voir son pouvoir ainsi à l'œuvre. Mais là, son esprit tout entier était focalisé sur une seule et unique pensée.

Chat Noir.

Chat Noir, Chat Noir, Chat Noir.

Elle tourna la tête à droite, à gauche, cherchant désespérément sa silhouette familière.

Mais déjà la foule s'agglutinait autour d'elle, bloquant son champ de vision.

Ladybug avait envie de hurler.

Inconscients de sa détresse, les curieux et journalistes continuaient de se presser autour d'elle – Alya en tête. Ils la bombardaient de questions, encore, encore, encore, sans sembler réaliser qu'elle ne leur répondait que du bout des lèvres.

Les secondes s'écoulaient, implacables, et rien.

Toujours pas de Chat Noir.

Ladybug sentait enfler en elle une bouffée d'angoisse qui s'insinuait entre ses os, étouffait son cœur, se solidifiait en une boule horriblement compacte au fond de sa gorge.

« Est-ce que quelqu'un a vu Chat Noir ? », demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

Un silence terrifiant lui répondit.

Une vague de panique s'abattit sur Ladybug. Violente. Glaciale. C'était comme si une main gelée s'était saisie de ses entrailles pour les tordre de toutes ses forces.

Qu'était-il arrivé à Chat Noir ?

Avait-il été évacué en urgence vers un hôpital, grièvement blessé ?

Agonisait-il fond d'une ruelle à l'insu de tous ?

Était-il mort et personne n'osait lui annoncer la terrible nouvelle ?

Avait-il-

« Chat Noir ? », répéta Alya d'une voix confuse. « Qui c'est ? »

Ladybug se figea, aussi choquée que si on lui avait jeté un saut d'eau glacée au visage. Qui était Chat Noir ? Comment Alya pouvait-elle lui poser une question pareille ? Que se passait-il ? Et où, était passé Chat Noir ?

Alors ces pensées fusaient à toute vitesse sous son crâne, une lueur d'excitation s'alluma dans les prunelles de sa meilleure amie.

« Ohhh, un nouveau héros ? Il y a un nouveau héros ? », s'écria-t-elle d'une voix suraiguë. « C'est ça ? Et il s'appelle Chat Noir ? »

Ladybug avait l'impression que sa langue était collée à son palais.

« Je... », réussit-elle à peine à articuler, avant d'être coupée par un brouhaha assourdissant.

Des exclamations fusaient de toute part. Tout Paris semblait aussi surpris qu'Alya d'entendre parler de Chat Noir et chacun bombardait avidement la malheureuse héroïne de questions.

« Chat Noir ? Il ressemble à quoi ? »

« Et ses pouvoirs ? »

« Est-ce qu'il y aura encore d'autres héros ? »

« Et là, qu'est-ce qu'il fait ? »

« Et – »

Alya, incapable de contenir son enthousiasme, bondissait comme un cabri en enchaînant les questions à une vitesse quasi surhumaine.

« Il est où ? Il ressemble à quoi ? Il se bat comment ? Pourquoi il n'est pas ici avec toi ? Est-ce que je pourrais l'interviewer ? Et est-ce que - »

Mais Ladybug ne l'entendait plus. Ni elle, ni personne d'autre. Le bruit qui l'entourait se perdait dans un bourdonnement sourd, comme si ses oreilles avaient été remplies de coton.

Alya ne se rappelait pas de Chat Noir.

Personne autour d'elle ne se rappelait de Chat Noir.

Un terrible pressentiment lui serrait la poitrine.

Et soudain, une violente pulsion la saisit. Un besoin viscéral. Primitif.

Il fallait qu'elle s'en aille. Qu'elle s'éloigne de cette foule où manquait la seule personne qu'elle voulait voir, qu'elle fuie ce déluge de questions oppressant qui menaçait de l'étouffer.

Sans même y réfléchir, Ladybug porta sa main à son yo-yo. Elle s'entendit balbutier des excuses machinales avant de quitter précipitamment les lieux. Comme dans un état second, elle parcourut une demi-douzaine de pâtés de maison.

Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il cherchait à s'arracher de son torse.

Elle atterrit au fond d'une ruelle déserte et se détransforma dès l'instant où ses pieds touchèrent le sol.

« Tikki, qu'est-ce qu'il se passe ? », demanda-t-elle à son kwami d'une voix affolée. « Pourquoi est-ce que personne ne se rappelle de Chat Noir ? »

L'air perplexe, Tikki pencha la tête sur le côté.

« Chat Noir ? », répéta-t-elle.

Un gémissement de désespoir s'échappa des lèvres de Marinette.

« Oh non, pas toi aussi ! », s'exclama-t-elle en se prenant la tête à deux mains. « Chat Noir ! Mon coéquipier, celui qui se bat avec moi contre le Papillon ! C'est le porteur de la bague du Chat Noir, tu ne peux pas l'avoir oublié ! Attends, je vais te montrer... », poursuivit-elle en sortant son téléphone de sa poche et en pianotant frénétiquement sur l'écran à la recherche du Ladyblog.

Mais lorsque le site s'afficha, elle laissa échapper un hoquet de surprise.

Non.

Non non non non non.

Ce n'était pas possible.

Sur cette page d'accueil où elle avait l'habitude de voir trôner fièrement une photo de Chat Noir et elle ne se trouvait désormais plus qu'une image d'elle, seule.

Marinette éprouvait une terrible impression de déjà-vu. Elle avait la sensation de revivre ce moment surréaliste où elle s'était découvert un coéquipier dont elle ne se rappelait pas l'existence. Mais là, c'était exactement l'inverse. Toute trace de son précieux partenaire semblait avoir disparu du site d'Alya.

Doigts crispés autour de son téléphone, Marinette parcourut fébrilement les différentes pages du Ladyblog. Ses yeux s'écarquillaient de plus en plus au fil de sa lecture, au point de finir par sembler prêts à jaillir de leurs orbites.

Rien de ce qu'elle lisait n'avait de sens.

Aucun article ne faisait mention de Chat Noir. Absolument aucun.

Pas la moindre fiche d'information, pas le plus petit compte-rendu d'activité.

Pire encore, dans les reportages relatant les attaques de super-vilains, les descriptions des interventions de son coéquipier avaient toutes été remplacées par des absurdités plus délirantes les unes que les autres. Jamais elle n'aurait battu un adversaire aussi imposant que Gigantitan toute seule. Et lors du combat contre un fleuriste en colère, le mur jouxtant le kiosque à journaux avait été détruit par un Cataclysme, pas par un bus en folie. Et qui pouvait sérieusement croire que ce panneau publicitaire avait été cassé par une autruche passant là par hasard ? Marinette savait que ces animaux pouvaient se montrer vindicatifs, mais tout de même, il y avait des limites.

C'était ridicule.

(Voire même totalement ridicule, pour citer Chloé.)

« Marinette, l'heure tourne », intervint Tikki, la ramenant brusquement à la réalité. « Tu vas être en retard à l'école. »

« Ok », répondit-elle en se passant une main fébrile le long du visage. « Ok ok ok. Je ne peux pas rater un autre cours de physique, sinon Mme Mendeleïev va me tuer. Il faut que j'y aille. Je retrouverai Chat Noir après. »

Tentant d'ignorer la boule d'angoisse logée au fond de son estomac, Marinette se mit en route vers son école. Il lui fallait un effort de tous les instants pour ne pas céder à sa tendance à hyperdramatiser.

La situation n'était peut-être pas aussi grave que ce qu'elle pouvait le craindre.

Certes, cette histoire d'amnésie collective était alarmante.

Et certes, elle aurait été plus rassurée de pouvoir en discuter tout de suite avec Chat Noir.

(Rectification, elle aurait été plus rassurée de le voir, tout court.

D'entendre le son de sa voix. De s'assurer qu'il allait bien. De vérifier qu'il n'était pas quelque part à agoniser au fond d'une ruelle et- )

Stop.

Marinette s'arrêta et prit une profonde inspiration pour se forcer à reprendre son calme.

Il fallait impérativement qu'elle réussisse à canaliser ses pensées. Paniquer ne lui servirait à rien.

Elle devait se concentrer sur les points positifs.

Déjà, cette situation bien trop similaire à celle que Chat Noir et elle avaient vécu l'année précédente pour que ce soit une simple coïncidence. Ils allaient peut-être pouvoir trouver une nouvelle piste pour expliquer leur étrange perte de mémoire.

Ensuite, cette fois elle n'était plus la seule à avoir oublié Chat Noir, mais au contraire la seule à s'en souvenir. C'était embêtant, mais au moins leur travail d'équipe n'en serait pas affecté.

Ils n'auraient qu'à donner une conférence de presse pour expliquer la situation, re-présenter Chat Noir et rétablir la vérité concernant ses exploits passés. Paris réapprendrait à connaître son héros et les vilains continueraient d'échouer à remporter la victoire.

Et tout irait bien.




Il ne fallut que quelques minutes à Marinette pour rejoindre son école. Le brouhaha d'innombrables conversations s'élevait de la cour, signe que la sonnerie n'avait pas encore retenti.

(Et donc que Mme Mendeleïev la laisserait vivre un jour de plus).

Marinette laissa échapper un soupir soulagé et jeta un rapide coup d'œil autour d'elle. Il ne lui fallut que quelques secondes pour localiser Alya et Nino, en train de bavarder avec animation en bas des escaliers.

« Hey, Marinette ! », l'appela Alya en la repérant à son tour.

Marinette lui répondit par un petit salut de la main et s'approcha de ses amis pour se joindre à leur conversation.

Comme il fallait s'y attendre, la discussion tournait autour du mystérieux héros mentionné par Ladybug. Alya était incapable de contenir son excitation devant ce scoop extraordinaire. Elle développait hypothèse sur hypothèse tout en tapant sur son téléphone le premier jet de ce qui allait certainement être l'article de l'année pour son blog. Visiblement tout aussi ravi qu'elle, Nino commentait avidement chacune de ses remarques.

En temps normal, Marinette aurait été amusée de voir ses camarades faire preuve d'autant d'enthousiasme.

Mais là, chaque mention de Chat Noir ne faisait qu'alimenter un peu plus cette peur insidieuse qui s'était logée en elle. Elle la sentait la ronger de l'intérieur, se nourrissant de chaque question, de chaque faiblesse.

« Adrien n'est pas encore arrivé ? », demanda-t-elle brusquement, désireuse de changer de sujet.

Alya et Nino lui jetèrent un regard confus.

« Hein ? Qui ça ? »

Marinette fronça les sourcils. Elle pensait avoir parlé assez fort, pourtant. Est-ce qu'ils l'avaient mal entendue ?

« Adrien », répéta-elle avec insistance. « Adrien Agreste. Celui qui est dans notre classe. »

« Oh, il va y avoir un nouveau ? », répondit Nino en soulevant légèrement le bord de sa casquette du bout des doigts, tandis qu'Alya approuvait en hochant la tête avec un immense sourire. « C'est cool ! »

Marinette eut l'impression que le sol se dérobait soudain sous ses pieds.

Alya et Nino l'avaient bien entendue, la première fois.

Ils n'avaient juste pas la moindre idée de qui elle parlait.

Ils ne savaient pas qui était Adrien.

« Marinette, est-ce que tout va bien ? », lui demanda Alya en se penchant légèrement vers elle.

La voix de son amie sortit Marinette de sa torpeur horrifiée.

« Hein ? Ah, oui, oui, ça va », répondit-elle d'une voix suraiguë. « Tout va bien. Pourquoi tout n'irait pas bien ? »

« Parce que tu n'as pas l'air d'être bien », répliqua Alya, sourcils froncés. « On dirait que tu vas nous faire un malaise. »

« C'est à cause du nouveau que tu t'inquiètes ? », ajouta Nino. « Ne t'en fais pas, je suis sûre que tout va bien se passer. Et si jamais tu stresses parce que tu dois lui faire visiter l'école ou je ne sais quoi du genre, pas de soucis, on sera là pour t'aider. Ce n'est pas parce que tu es la déléguée que tu dois tout faire toute seule. »

Mais Marinette ne les écoutait plus. Elle était partagée entre l'envie de vomir et celle de s'écrouler au sol pour fondre en larmes.

Ils avaient oublié Adrien. Ils avaient oublié Chat Noir.

Mais qu'est-ce qu'il se passait ?

« Tu es vraiment sûre que ça va ? », insista Alya d'une voix inquiète. « Tu es toute pâle. »

« C'est vrai que je ne me sens pas très bien », avoua faiblement Marinette.

« Tu veux que je t'accompagne à l'infirmerie ? », lui proposa son amie en posant doucement sa main sur son avant-bras.

Marinette sursauta aussi vivement que si elle avait été traversée par une décharge électrique.

« Oh, non, ce n'est pas la peine ! », répondit-elle en agitant frénétiquement les mains devant elle.

Elle appréciait l'inquiétude d'Alya, mais là, c'était la dernière chose dont elle avait besoin. Là, il fallait qu'elle comprenne ce qui se tramait. Qu'elle parle à Tikki. Qu'elle enquête.

« Ce n'est vraiment pas la peine », reprit-elle devant l'expression dubitative de son amie. « Ce... C'est... C'est juste cette période du mois, tu sais ? Je vais aller m'allonger un peu avec une bouillotte et ça ira mieux. Maintenant. Chez moi. Vous direz à Mme Mendeleïev que je ne peux pas venir. »

Sans attendre la réponse d'Alya et de Nino, elle pivota sur ses talons et s'enfuit à toutes jambes.




Jamais Marinette n'avait fait aussi vite pour rentrer chez elle. Elle traversa la rue en courant, se faufila dans son immeuble sans attirer l'attention de ses parents et fila droit dans sa chambre.

À peine entrée dans la pièce, elle ferma la trappe derrière elle et sorti son téléphone de son sac. Ses doigts tremblaient tellement qu'elle dû s'y prendre à plusieurs reprises avant de réussir à le déverrouiller et à ouvrir son répertoire.

« Adrien... Adrien... », murmura-t-elle en parcourant fébrilement la liste de noms.

Mais rien.

Aucune entrée au nom du jeune homme.

Il fallait cependant plus que ça pour arrêter Marinette. Chaque information concernant le grand amour de sa vie était scrupuleusement enregistrée dans sa mémoire, stockée comme le plus précieux des trésors.

Elle n'avait pas besoin d'un répertoire pour se rappeler des coordonnées d'Adrien.

Ses doigts volèrent sur l'écran, tapant une série de chiffres. Elle écrasa ensuite l'icône d'appel et, le cœur battant à tout rompre, porta l'appareil à son oreille.

Elle avait l'impression que sa poitrine allait exploser.

Jamais elle n'avait attendu aussi anxieusement que quelqu'un décroche.

Il fallait qu'Adrien réponde.

Mais à peine une seconde de fraction de seconde, une voix robotique sonnait le glas de ses espoirs.

« Le numéro demandé n'est pas attribué. Le numéro demandé - »

Marinette raccrocha brutalement.

Les larmes aux yeux, elle retourna à l'écran d'accueil de son téléphone et ouvrit un moteur de recherche. Alors que Tikki voletait avec inquiétude par-dessus son épaule, elle tapa tour à tour une succession de mots.

Adrien Agreste.

Fils Gabriel Agreste.

Mannequin Agreste.

Mannequin Adrien.

Les deux premières recherches ne donnèrent aucun résultat, et les deux dernières en donnèrent bien trop. Marinette parcourut une à une toutes les pages avant de se rendre à l'évidence. Aucune d'entre elles ne mentionnait son Adrien.

Les jambes coupées par cette ultime découverte, Marinette se laissa glisser à terre.

Toute trace d'Adrien semblait avoir été effacée de la surface de la terre.

Toute trace d'Adrien et de Chat Noir.

La coïncidence était bien trop grosse pour que Marinette ne fasse pas le rapprochement.

Il avait disparu. 





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