Chapitre 9

Je cours loin. Très loin. Je ne sais pas où je vais... Chez moi... Il faut que je rentre chez moi. Là-bas, je serai en sécurité. Ma chambre, mon havre de paix, ma taverne. C'est mon endroit à moi. Dès que j'y entre, un sentiment de bien être m'envahit, enveloppe mon cœur, me faisant ainsi toucher les nuages. Je rentre dans ma chambre, ferme la porte et je me retrouve dans mon cocon, mon entre. Je m'étale sur mon lit détruisant ainsi le bel assemblage de coussins qu'avait fait M. Li ce matin, après mon réveil. Mes larmes coulent... Je le sens. Je pleure à chaudes larmes laissant aller mes émotions. Je laisse sortir ma haine, ma tristesse, mon remord, ma rancœur, ma jalousie. Tous ces sentiments négatifs qui me tourmentent. Chacune de mes inspirations ou de mes expirations deviennent de plus en plus saccadées, mon souffle court et ma vue brouillée. Mon téléphone vibre dans la poche intérieure de ma veste. C'est peut-être Yumi qui part l'intermédiaire de Megumi sait que j'ai disparu ou alors c'est cette dernière qui me chercher. Elle ne sait d'ailleurs sûrement pas que je l'ai vu embrasser Subaru. Le destin est tragique, cruel, sans pitié. Compassion ne doit même pas faire partie de son vocabulaire... Pile le jour où je me dis qu'il serait impossible pour moi de supporter une nouvelle trahison, je subis la pire dans les quelques heures qui suivent. Je me sens si mal. Mon cœur semble prêt à exploser à n'importe quel moment. Il saigne à flot, ce n'est pas juste une petite égratignure. Non. Plus qu'une simple égratignure, le sang se déverse dans mon corps comme une fontaine brisée. Alors que mon sang se propage, mon cœur semble pris dans un étau qui le compresse, amplifiant l'écoulement de sang. Bien sûr tout ceci a un sens figuré, mais c'est comment cela que je me sens à présent. J'observe le plafond gris de ma chambre. Mes larmes séchées tiraillent ma peau à l'endroit où elles ont coulés. Je passe mes mains sur mon visage en soufflant bruyamment. Pourquoi a-t-elle fait cela ? Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Peut-être qu'elle s'est juste rapprochée de moi pour plus me briser par la suite. Elle me fait éprouver des sentiments et des sensations que je n'ai jamais éprouvé auparavant. Tout comme quand je suis avec Yumi. Quand cette dernière est avec moi, une douce chaleur enveloppe mon cœur, me faisant frôler les légers nuages. Mais à présent, les nuages sont gorgés d'eau et la pluie tombe brutalement sur mon cœur. Cette pluie n'est malheureusement pas ordinaire, elle est acide et laisse des plaies béantes et fumantes sur son passage, rouvrant sur son chemin, les seules petites blessures qui s'étaient refermées. Des larmes coulent de nouveau, dans un profond silence, seulement entrecoupé de quelques reniflements.

            Le temps s'écoule lentement ,pendant que mon esprit essaye de cacher, de faire disparaître de ma mémoire, l'image où je vois Subaru embrasser Megumi. Mes larmes finissent par s'arrêter, ma respiration devient de plus en plus calme et posée. La fatigue m'assaille d'un seul coup, me donnant par la même occasion un fort maux de tête. Mon esprit s'embrume peu à peu face à la fatigue plus que présente. Mes paupières deviennent lourdes et ne cessent de s'ouvrir puis de se refermer. Je finis par m'endormir, lassé, accablé de tristesse.

Une semaine plus tard

            Cela fait une semaine que l'incident s'est produit... Depuis j'essayes un maximum d'éviter Megumi. Elle a pourtant tenté de nombreuses fois de venir me parler. La seule fois où j'ai vu Subaru depuis la trahison, un sourire victorieux étirait ses lèvres, dévoilant ses dents bien blanches.

            Il est tard... La nuit est tombée depuis bientôt une heure. Mais moi je suis à mon bureau, mes livres scolaires à ma gauche et mon cahier de néerlandais sur mes genoux. Nous sommes dimanche, Nichiyōbi, le jour du soleil, ainsi que le premier jour de la semaine au Japon. Demain j'ai cours mais peu importe. Cela fait une demi-heure que je regarde mon téléphone posé en face de moi. Il y a trente minutes, j'ai reçu un message... Ou plutôt deux... Megumi et un inconnu... Même si son identité ne resta pas longtemps un mystère. De part sa façon d'écrire que part l'initiale à la fin du message. Un « s »... Le message de Megumi est très doux et sensible, comme elle. Alors que celui de Subaru est vulgaire et plein de fautes. Je me demande comme il y a réussi à avoir son brevet celui-là.

« Bonsoir Hiruto.

J'espère que je ne te dérange pas. Surtout vu l'heure. Si c'est le cas, j'en suis désolée. Je sais qu'étant donné ce que tu as vu, tu n'as plus envie de m'adresser la parole, mais, s'il te plaît, laisse-moi t'expliquer. Surtout n'écoute pas Subaru. Ne te plie pas à ses envies. Il aime joué avec toi, c'est sa passion si je puis dire. Si tu veux bien me voir, retrouve-moi au square Haruno près du lycée. Rendez-vous à 18h. Je t'attendrai une heure. Passé ce délai, j'en déduirai que tu ne veux plus avoir affaire à moi et je te laisserai tranquille.

Bonne nuit, Megumi. »

            Je n'ai pas encore pris ma décision, malgré l'immense envie qui m'habite d'y aller. Le problème a été le message que j'ai reçu d'Hadashi quelques minutes après.

« Yo tête de cu !

J'te previen. Tu t'approche encor une ceule fois de Megumi, j'te bute. C'es clair ! Et je t'assure que je le saurai. Et maime en de hors du lycé. Donc tu dispparai de ça vi ! j'espére que tu c au moins lire.

S. »

            Lorsque que j'ai lu ce message, j'étais mitigé. Est-ce que je dois le croire ou non ? Le connaissant un peu, enfin surtout sin goût prononcé pour la violence, je dirai qu'il serait près à faire suivre la brunette pour avoir le plaisir de me frapper si je m'approche d'elle. Mais delà à me tuer... J'ai beau être naïf, c'est certainement des paroles dans le vent. Tuer est un acte grave et irréversible. Surtout qu'avec les fautes qu'il y a dans le message, j'ai surtout envie de rire, alors c'est difficile de prendre au sérieux sa menace. Je regarde l'heure. 23h52. Il est peut-être temps d'aller dormir. Après tout, comme dit le proverbe, la nuit porte conseil. Même si je trouve qu'il est idiot car moi, je ne me souviens jamais de rien au réveil. Déjà en pyjama, je ne prends pas la peine de me mettre correctement sous les couvertures. Je me contente de m'écrouler sur mon lit et m'endors aussitôt.

Le lendemain

            La nuit est passée. Mais rien de nouveau ne m'est venu à l'esprit pendant mon sommeil. Résultat : ce proverbe est faux. Mon esprit est tout aussi embrouillé qu'hier. Pendant que je dormais j'ai cependant reçu un nouveau message de Megumi.

« J'espère te voir ce soir. »

            Celui de Subaru revient à l'esprit. Mon téléphone affiche son message d'avertissement, je reste là, comme cela, à le regarder, à l'observer. Le temps passe, mais je ne fais pas un seul mouvement. Sauf quand mon écran se met en veille, je me dépêche de la rallumer. Mon esprit est en ébullition. Ai-je vraiment d'aller affronter Megumi, au risque de mettre en colère le dictateur de l'école ? Mais, dans le même temps, si elle a réellement une raison de m'avoir trahi et terriblement fait souffrir, j'aimerai beaucoup savoir ce que c'est. Cependant ,comment savoir si ses explications ne vont pas encore plus m'enfoncer dans les ténèbres. Peut-être que Yumi pourra m'aider. Après tout, avoir un avis extérieur est toujours bénéfique. Enfin dans la plupart des cas... Je me lève, déjà fatigué par la journée qui s'annonce. Je mange, me fais un brin de toilette. En me dirigeant vers l'arrêt de bus, je cache ma tête dans la capuche de mon sweat, pour faire en sorte que personne ne me dérange. Comme d'habitude le bus arrive en retard à cause des bouchons des grands boulevards de Tokyo. Je m'assois au fond du véhicule, la tête appuyée contre la vitre. Le bus démarre, traverse les rues de son itinéraire où on voit doucement la population encore endormie se réveiller. Mo téléphone vibre et sur l'écran apparait un message de Yumi :

« Je présume que tu vas arriver en retard. Tu devrais faire attention à ton taux de retards. Le secrétariat va encore se plaindre. »

            Sur mon visage, caché par l'ombre de ma capuche, mes lèvres s'étirent en un sourire en coin. La dame en charge d'accueillir les élève en retard n'est qu'une vieille mégère qui prend tout son temps pour nous faire notre bulletin de retard pour qu'on puisse accéder aux cours. De ce fait, les enseignants nous font la morale sur la ponctualité pendant des heures. Le plus rageant est quand tu as à la base juste cinq minutes de retard mais tu arrives dans ta salle de classe avec de de quinze minutes d'absence. On nous remonte don les bretelles à cause d'une vieille mémé qui veut juste emmerder le monde.

            Comme prévu quand j'arrive au lycée, je reste un quart d'heure au secrétariat à cause d'une vieille dame dont les mouvement ne dépasse pas le kilomètre par heure et dont le visage affiche un sourire mesquin. Quand j'arrive dans la cour, je vois les derniers retardataires qui sont comme moi ou ceux qui n'ont pas vu que la cérémonie du début de journée était terminée, rejoindre leur classe respective. La matinée se passe doucement. La cloche annonce l'heure du déjeuner sous les exclamations de joie des étudiants. La cafétéria est remplie de lycéens cherchant à se protéger du froid naissant. Au menu du jour, de simples makis et sashimis accompagnés de riz blanc avec comme dessert des dangos. Je m'installe à une table au fond du self, à al recherche d'un calme visuel, et pas un plein d'adolescents en train de gesticuler partout comme des asticots. Avant j'aurai sûrement juste eu à faire réchauffer à midi mon bento si besoin, pour au final aller manger sur le toit avec Yumi et Megumi. Mais maintenant, je ne me donne plus cette peine. Je me contente du repas de la cafétéria.

            Enfin installé dans un endroit où personne ne viendra me déranger, un plateau se pose devant mes yeux.

Conscience : Et merde...

Moi : Ca tu l'as dit.

Conscience : Attention ! Alerte aux commandos ! M. Odayaka junior a été remplacé par une doublure ! Je répète ! M. Odayaka junior a été remplacé par une doublure !

Moi : T'exagère ! J'ai déjà été d'accord avec toi, c'est pas la première fois.

Conscience : Je crois que si. Mais tu dois vraiment être au bout du rouleau et mou du cerveau pour être d'accord avec moi.

Moi : Hn...

Conscience : Faut que je t'explique : se sont les hommes qui doivent mettre les filles dans cet état lamentable. Et on l'inverse ! Sérieusement regarde-toi ! On dirait un zombie ! Cette fille t'a détruit de l'intérieur pour une bêtise en plus. Faut vraiment que t'arrête de faire confiance aux gens aussi facilement.

            Une main incroyablement douce se pose sur ma joue et essuie avec son pouce le liquide qui y coule. Une seule larme. Une seule. Juste une. Mes yeux sont secs. La main quitte ma joue pour prendre la mienne. Elle exerce une légère pression comme pour m'informer qu'elle est là pour moi. Elle est là pour me soutenir dans mes peines. Je la serre en retour, pour dire que je suis encore présent dans le monde réel. Sa présence me réconforte, comme toujours. Je n'ai pas besoin de la voir pour savoir que c'est elle et pour qu'elle m'apaise. Elle est comme un baume qui referme mes blessures et me redonne vie. Elle me prend par le bras et m'emmène avec elle, laissant en plan sur la table nos déjeuner à peine, voire pas du tout, entamés. On marche en zigzagant entre les élèves qui profitent de leur pause et les surveillants qui déchainent toute leur haine sur de pauvres lycéens innocents. Alors que les vrais crapules courent toujours. On tourne à droite, puis à gauche et on se retrouve dans un couloir sombre, avec en face une porte qui cache un escalier en colimaçon. Elle m'entraine de force, m'empêchant ainsi de me dérober. On monte les marches, tournant, tournant, tournant, tournant, tournant, encore, et encore. A tel point que j'en ai le tournis. Ou peut-être qu'il est du à la fatigue accumulée depuis une semaine. Je n'en sais rien.

            On arrive sur le toit, une vue imprenable sur Tokyo, quelque peu cachée par les petites barrières de fer. Cet endroit me rappelle tellement de souvenirs. De souvenirs heureux, drôles, chaleureux ainsi que quelques disputes, qui ressemblaient plus à des bagarres d'enfants de trois ans. De bons souvenir à présent teintés de rouges. Mais pas le beau rouge vif que l'on pourrait assembler à l'amour. Non... Le rouge sombre, presque noir. Celui qui ressemble au sang. Et dans mes souvenirs, c'est de mon sang dont il s'agit. Mes souvenirs ont été souillés par une seule action. Plusieurs gouttes tombent régulièrement sur ces doux moments qui deviennent aussi sombre et glacial qu'une nuit en plein hiver. Je me laisse tomber à terre, écrasé de fatigue. Je n'ai qu'une envie, rentrer chez moi et dormir pendant deux semaines. Deux longues semaines, à me réveiller juste pour les besoins primaires : c'est-à-dire manger, aller aux toilettes et prendre au besoin. Yumi s'assoit à côté de moi, ses jambes repliées sous elle. Comme souvent, personne ne parle. On se contente d'admirer la vue qui s'offre à nous, chacun plongé dans ses pensées. Je jette régulièrement de petits coup d'œil, à la jeune femme, qui a un petit sourire sur le visage, la faisant ressembler à un ange. Je ressens, près de moi, le gravier bougé légèrement et une tête aux cheveux bleus apparait dans mon champ de vision. Les jambes repliées au niveau de la poitrine, Yumi entame la conversation.

Tu sais, je serai toujours là si tu as besoin. Tu peux tout me dire. Je suis prête à parier qu'il s'agit de Megumi.

            Ma bouche s'ouvre en grand. Comment peut-elle savoir que la jolie brune se cache derrière, encore une fois, ma mauvaise mine, mes sombres pensées et mon manque de sommeil ? Je hausse les épaules, ne donnant ainsi qu'une réponse vague. Je m'allonge sur le sol, les bras croisés derrière ma tête, observant les nuages qui font la course dans le ciel. Est-ce toutes les filles qui ont le pouvoirs de deviner les pensées ? Si c'est le cas, ce sont vraiment des être extraordinaires. Je sais que Yumi est quelqu'un de confiance. Elle ne me trahirait pas comme cela, du jour au lendemain. Cependant, je pensais exactement la même chose au sujet de la brunette qui ne souhaite définitivement pas quitter mes pensées. La question est donc de savoir si je lui fais part de mes pensées, de mes sentiments et de tout le reste ? Ou est-ce que je garde le silence et je ne suis pas plus avancé qu'hier soir au sujet de la proposition de Megumi ? Mon cœur veut indéniablement se confier à la jeune femme aux cheveux bleus, mais mon esprit est beaucoup plus méfiant et avec les évènements de ces derniers temps... Je me méfie de beaucoup de personnes , pour ne pas dire tout le monde. Je suis totalement mitigé. Que choisir ? Faire confiance ou pas ? Tout dire ou tout cacher ? Je regarde rapidement l'heure afin de savoir approximativement quand sonnera la cloche de la reprise des cours. Il est 13h30. Je me redresse d'un mouvement de jambes. Yumi n'avait pas bougé.

Tu es sûr que tu ne veux rien me dire ?

            Je la fixe. Après tout, un conseil reste un conseil. Et puis, je ne suis pas obligé de tout lui dire.

Si un jour, tu recevais un message te proposant un rendez-vous et également un message de menaces, à propos de ce même rendez-vous, que ferais-tu ? Y vas-tu ou pas ?

            Un petit sourire se forme sur le visage de la jeune femme.

Donc Megumi t'a envoyé un message en te donnant rendez-vous pour s'excuser et Subaru, lui t'a envoyé un message de menaces pour ne pas que tu y ailles. La question que tu te poses est donc de savoir si tu prends en compte ce dernier et tu n'y vas pas ou alors tu fais le contraire et là c'est à tes risques et périls.

            Mes yeux s'écarquillent de stupeur. Qu'est-ce que je disais... Les filles ont un sixième sens pour deviner ce que nous pensons. Enfin, les filles de mon entourage en tout cas.

Bon vu ta tête, on dirait que j'ai raison. Moi, ce que je ferai à ta place est de tout d'abord aller à ce rendez-vous, tu as besoin de réponses, tu le sais aussi bien que moi. Donc si tu vas voir Megumi, de mon côté, j'irai voir le directeur pour lui dire que ton harcèlement peut s'être développé au cyberharcèlement et a des menaces de mort. Cependant ce n'est que mon avis.

            Un avis donc positif sur la question. C'est vrai que j'ai envie de savoir ce que la brune a à me dire et peut-être avoir des réponses à mes questions. Je l'observe. Nous nous regardons, les yeux dans les yeux. Dans le blanc des yeux. De nouveau, son regard ne laisse transparaitre que bonté et confiance mais aucunement de la pitié. Je coupe le contact visuel en hochant simplement la tête en guise de réponse à ses dernières paroles. Le temps de regarder une nouvelle fois le ciel, que Yumi se relève précipitamment à l'entente d'un bourdonnement lointain, enfin pour moi. Affolé, je cours à sa suite, direction la seule porte des environs pour rejoindre ma prochaine salle de cours.

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