Chapitre 18

Eloïse est partie depuis une vingtaine minutes.

Je ne lui ai pas vraiment parlé, mais elle a compris les contours du problème. Au lieu de me prendre pour une folle, elle a essayé de me rassurer. En même temps, elle ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé... et je ferais en sorte que la situation reste comme ça. Personne ne doit savoir.

Ce que j'ai le plus apprécié, c'est qu'elle ne m'a pas poussé à lui expliquer quoi que ce soit. Elle a essayé de deviner un peu, mais quand elle a remarqué que j'étais mal à l'aise, elle a arrêté pour changer de sujet. On s'est alors installé chacune sur un lit et elle a sortie un des paquets de bon pour leurs soirées.

Elle a alors monopolisé une bonne partie de la conversation, me racontant plein d'anecdotes sur elle, sur Camille et sur d'autres élèves que je ne connais pas. Elle a tout fait pour me changer les idées, j'ai même réussi à rire alors que pas très longtemps avant j'étais dans une état de détresse plutôt élevé.

Elle m'a finalement laissé la chambre pour partir retrouver sa coéquipière, Mathilde. Elle m'a dit qu'elles devaient normalement se retrouver dans quelques minutes après être passé dans leur chambre respective, mais que les événements l'ont obligé à changer leur horaire.

Maintenant seule et calmée, j'ai enfin l'opportunité de réfléchir à ce matin.

Je ne sais pas trop quoi faire.

Sur le moment, j'ai eu extrêmement peur et j'ai paniqué, mais maintenant, j'arrive à comprendre la réaction de Raphaël. Oui elle était légèrement violente, mais il a eu peur. Il me connaît, plus que je ne le voudrais, mais c'est un fait. Il sait qui je suis et connaît mes réactions à certaines situations. Sa peur est donc explicable dans une certaine mesure.

Je suis partie sans chercher à comprendre, mais j'aurais été incapable de l'écouter ou de réfléchir normalement à ce moment là. La panique avait prise le dessus, me faisant perdre le contrôle de moi-même.

Ça m'énerve tellement. Je ne devrais pas réagir comme ça. Mon état et mes réactions sont disproportionnés, mais je ne peux rien y changer. J'ai peur de tout, je panique pour un rien et je ne suis plus vraiment moi-même. C'est plus que frustrant.

C'est de leur faute. C'est de leur faute à tous. C'est eux qui m'ont transformé pour que je devienne cette fille détraqué.

M'en rendre compte est assez difficile. C'est comme si je rejetais moi-même cette possibilité. J'ai essayé d'oublier et d'enfouir cette douleur au plus profond de moi, m'ai ça n'a fait qu'empirer les choses. La blessure, au lieu de guérir, à commencé à s'infecter et à pourrir. Il est rendu presque impossible qu'elle se referme maintenant.

Je ne suis plus un oiseau blessé, on m'a littéralement coupé les ailes. Recommencer à voler est maintenant un rêve trop grand pour moi.

Les larmes commence à rouler sur mes joues pour atterrir sur mes jambes. Ces larmes expriment autant ma tristesse d'enfin réaliser que je suis complètement brisée que la colère que j'ai contre moi et contre tout ceux qui n'ont fait que me blesser d'avantage.

J'en veux au monde entier pour mon malheur, pour tout ce que j'ai vécu et que je n'aurais pas dû vivre. Je leur en veux parce que c'est plus simple que d'en vouloir au vrai coupable. Mais je m'en veux aussi à moi-même pour la faiblesse dont je fait preuve.

Peut-être que je le méritais au fond. J'ai toujours été impuissante, presque une incapable. C'est probablement le châtiment du monde.

De légers coups à la porte me sorte de cet état d'abattement. J'hésite à aller ouvrir. Si cela avait été Camille ou Eloïse, elle aurait ouvert la porte par elle-même avec la carte magnétique, mais les secondes s'effilent et la porte ne bouge pas d'un millimètre.

Les coups reprennent, un peu plus longtemps cette fois-ci avant qu'un voix se fasse entendre de l'autre côté de la porte. Sa voix.

- Astrée. Il faut que je te parle. Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé à l'aquarium. Je n'aurais jamais dû réagir de cette manière, particulièrement en sachant que ça allait te blesser.

Je devrais lui ouvrir, mais la surprise me fige sur place.

- Je comprendrais que tu ne veuilles plus me voir, mais ce n'est vraiment pas ce que je voulais. J'ai tellement eu peur quand j'ai réalisé que je t'avais perdue. J'avais peur qu'il te soit arrivé quelque chose, surtout depuis que je sais que tu as peur des foules et des gens en général. Je sais que ça n'excuse rien, mais lorsque je t'ai retrouvée mon cerveau s'est déconnecté pour laisser place à toute la frayeur qui m'habitait à ce moment-là.

Tout ce qu'il vient de dire, je l'avais déjà compris, mais l'entendre est rassurant. Il a eu probablement aussi peur que moi au final. Autant qu'il sait qui je suis, j'ai appris à le cerner. Je sais quel point il peut être inquiet.

- J'espère que tu pourras me pardonner mon geste. Je m'en voudrais si tu refusais qu'on se voit comme avant.

C'est le déclencheur pour moi. Je me lève et vais lui ouvrir avant de me précipiter à nouveau sur le lit.

Raphaël entre avec hésitation et referme la porte derrière lui. Il laisse ses yeux dérivés vers le sol, n'osant pas me regarder. Un silence s'installe alors qu'aucun de nous ne sait quoi dire.

- Je suis désolé. Dit-il en premier.

- Je sais. J'ai entendu... et j'avais compris avant. Je lui répond.

Il ne sait pas trop quoi faire. Il hésite à avancer, de peur de m'effrayer. Je prend donc l'initiative d'aller vers lui. Je m'arrête à deux mètres et lui souris furtivement pour qu'il comprenne que je n'ai pas peur.

Ce n'est pas totalement vrai, mais ce n'est pas entièrement faux non plus. La peur est toujours là, mais maintenant ma volonté a changé.

Je m'avance encore un peu et tend la main vers la sienne. Il a un mouvement de recule en me voyant faire. Il me regarde maintenant dans les yeux cherchant à comprendre ce que je veux faire, avant de tendre lui-même sa main vers moi.

J'attrape alors son auriculaire comme je l'ai déjà fait et tire dessus pour qu'il vienne avec moi. Je lâche son doigt pour monter sur le matelas et vais m'accoter contre la tête du lit. Il reste un moment debout avant de s'installer au bout du lit.

Le silence est toujours présent, mais entre nous il n'est pas dérangeant. Sa présence est apaisante d'une certaine manière. On s'observe tous les deux, détaillant l'autre à la recherche de je-ne-sais-quoi.

Après ce qui me semble une éternité, mais qui doit pourtant être seulement quelques minutes, sa voix vient troubler le bruit de nos respirations.

- Je sais que c'est peut-être demander beaucoup, mais est-ce que tu me permettrais de voir les dessins que tu faisais à l'aquarium.

Ma réponse ne tarde pas à arriver.

- Non.

- Oh ! Pourquoi ? Me demande-t-il surpris.

J'hésite à lui répondre avant de me trouver une semi excuse.

- Ils ne sont pas finis.

Bien que ce soit vrai, ce n'est pas la raison qui m'empêche de lui montrer. J'ai trop peur qu'il tombe sur d'autre dessin beaucoup plus sombre à l'intérieur.

-Alors tu me les montreras une fois qu'ils seront terminés. Déclare-t-il avec son éternel sourire.

- Si tu veux... dis-je en essuyant mon visage toujours humide d'avant son arrivée.

Son expression change lorsqu'il le remarque.

- Tu as pleuré.

Sa voix n'est qu'un murmure, prononçant à voix haute ce qu'il vient de remarquer. Je hoche de la tête malgré le fait que ses mots ne soient pas une question.

- Désolé...

Il s'excuse encore pourtant, il ne devrait pas.

- Ce n'est pas de ta faute.

Il me regarde, cherchant à comprendre ce que je veux dire.

- Comment ça ?

- Ce n'est pas de ta faute si je suis comme ça... Toi, tu n'as rien fait. Lui dis-je la tête basse alors que les larmes recommencent à perler.

Je sais qu'il ne va pas se contenter de ça comme réponse. De tout manière, je vais lui dire, en espérant juste que je ne suis pas en train de faire une grosse connerie.

- Je... Il est sidéré, du moins, c'est l'impression que j'en ai. Il s'arrête quelques secondes pour réfléchir à ce qu'il va dire avant de reprendre la parole. Est-ce qu'on... est-ce que quelqu'un t'a fait du mal ?

Je détourne alors la tête. C'est une réponse en soit. Je sais qu'il comprendra, mais je ne peux pas voir son expression. S'il réagit comme les autres, je ne sais pas comment je survivrai. Au fond, je sais que c'est une preuve de ma faiblesse.

- Qu'est-ce... est-ce que tu veux m'expliquer ce qu'il s'est passé. M'interroge-t-il après l'écoulement de l'éternité.

Les larmes dévalent maintenant mes joues, les mouillant abondamment alors que je secoue vivement ma tête pour refuser. Il en sait déjà beaucoup, pas besoin d'entrer dans les détails.

- Est-ce que je peux t'aider d'une certaine manière ? Me demande-t-il, attentif.

Je nie rapidement encore une fois. Le mal est déjà fait, il n'y a rien qu'il puisse faire qui changera les événements et encore moins changer ce que je suis devenue.

- J'aimerais tellement te prendre dans mes bras pour te réconforter. Dit-il doucement.

Cette phrase a le don de faire ressortir mes mauvais instincts.

- NE LE FAIT PAS !

Il lève précipitamment les mains à la manière d'un bandit.

- Hey ! Ne t'inquiète pas, je sais que tu ne le supporterais pas. Je ne sais juste pas comment faire pour t'apporter du soutien. J'aimerais te réconforter, mais je ne sais plus trop comment le faire sans contact. S'exclame-t-il pour me calmer.

Je le regarde dans les yeux pendant qu'il me sourit pour me rassurer. Une fois sûre qu'il ne s'approchera pas de moi, je lui offre un sourire à mon tour. Pas le plus joyeux, mais une sourire quand même.

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