Chapitre 16
C'est une nouvelle fois en sursaut que je me réveille. Ce n'est pas très étonnant, je ne suis pas chez moi, mais dans une chambre avec deux autre personnes. L'heure me surprend tout de même ; il est déjà 6 heure. Ça fait longtemps que je n'ai pas dormi aussi tard. En même temps, on s'est couché plutôt tard.
La soirée d'hier était super. Elles ont mis Le Seigneur des Anneaux, mais je ne pense pas qu'elles aient écouté plus de 15 minutes. Elles n'ont fait que parler et rire. Le genre de soirée que je faisais avec les filles. Ces soirées où on parle de tout; la vie, les sentiments, les garçons. C'était pareil pour elles.
Eloïse a essayé plusieurs fois de m'inclure dans leurs conversations, mais je ne savais pas quoi dire. Je n'arrive tout simplement plus à être naturel devant qui que ce soit.
Elles sont incroyables, mais mes peurs sont ancrées trop profondément.
Je prend toutes mes choses en me rendant dans notre salle de bain pour prendre ma douche. Si je me dépêche, j'aurais peut-être une chance de les éviter.
L'eau chaude est une des seules choses qui me fait du bien. Ça n'a aucun impact sur mon âme, mais au moins, j'ai l'impression de purifier mon corp.
Une fois sèche, je m'habille d'un col-roulé léger bleu marin et d'un pantalon blanc. La température ne nous oblige pas encore à mettre un manteau, mais les manches longue, voir la veste commence à être nécessaire.
En sortant, je voie que Camille est déjà réveillée.
- Hey tu es déjà prête, me demande-t-elle encore endormie.
- Oui, je pensais aller au buffet pour déjeuner.
Ce n'est pas entièrement vrai, mais ce n'est pas tout faux non plus. Je vais bien au buffet, mais je n'ai pas vraiment faim, je veux juste une excuse pour sortir rapidement.
- Veux-tu que je vienne avec toi. Si tu attends dix minutes, je serais prête. Elle me dit ça, mais je ne vois pas comment elle y arriverai. Elle dort presque debout encore.
- Non, ça va aller. Reste coucher Camille.
Elle ne se le refait pas dire deux fois et se réinstalle dans le lit à côté d'Eloïse qui dort toujours, alors que je sors de la chambre en prenant une des cartes magnétiques.
Je descend au rez-de-chaussé où se trouve le restaurant et le buffet. Je me prend une pomme et trois tranches de fromage et m'installe à une table pour manger. La salle est encore presque vide. Les seules personnes de l'hôtel déjà levées sont ceux présents pour un voyage d'affaires.
Quand de nouveaux venus commencent à envahir la salle, je laisse ma place pour aller à l'extérieur. Le soleil n'est pas encore levé et on le sent à la température, mais je préfère être ici que coincé à l'intérieur.
Je m'installe sur un muret de pierres pas trop loin de la porte. L'air frais me fait du bien et me change les idées, c'est agréable.
Je reste là encore un moment avant de voir des élèves sortir. Sans les connaître, je sais que je les aie déjà vus. Raphaël sort un peu perdu avant de reprendre contenance en me voyant. Il vient vers moi avec un grand sourire.
- Hey! Je t'ai cherché partout. Eloïse m'a dit que tu étais allée manger, mais tu n'étais déjà plus là, sans pour autant être retournée dans votre chambre.
- Désolé, j'avais besoin de sortir.
Je ne voulais pas rester à l'intérieure. Il le comprend directement et ne pose pas plus de question.
- Bah, c'est correct, ce serait juste bien si je pouvais te joindre facilement.
C'est pas compliqué de comprendre ce qu'il veut.
- Donne moi ton téléphone... Je lui demande timidement.
Il me le tend sans hésiter le déverrouillant avant. Je rentre dans ses messages et en envoie un à mon numéro.
- Voilà... mais c'est qu'en cas de besoin.
Il n'en dit rien, mais je vois qu'il est content de la situation.
- Veux-tu qu'on commence la visite tout de suite. Aujourd'hui on doit aller à l'aquarium. Si on y va à pied, le temps de s'y rendre, il sera l'heure d'ouverture.
Pourquoi pas... J'ai besoin de marcher un peu et de toute manière, je n'ai rien de mieux à faire. Je ne vais pas rester ici indéfiniment.
- Ok. Par contre, je dois aller chercher mon sac avant.
- Je t'attend ici, me dit-il en s'accoudant au muret où j'étais quelques secondes plus tôt
Je rentre pour aller jusqu'à l'ascenseur. Il y a beaucoup plus de monde dans le hall maintenant. Je passe la carte dans la fente et entre dans la chambre. Les filles sont encore là. Je n'y fais pas trop attention et me dirige directement vers mes affaires pour en sortir mon sac.
- Qu'est-ce que tu fais Astrée? demande Eloïse.
- Je pars avec mon coéquipier pour l'aquarium.
Je vérifie que j'ai tout le nécessaire dans mon sac, une bouteil d'eau, mon carnet de note ainsi que celui à dessin et un peu d'argent.
- Mais il n'ouvre qu'à 9 heure, non? mentionne Camille.
- Oui, mais on y va en marchant.
Je me relève pour partir, mais Eloïse m'arrête.
- Attend! Tu as dis que tu étais avec un coéquipiER. C'est qui?
Pourquoi cette question? En quoi est-ce que mon coéquipier change quelque chose?
- Raphaël Price, du 03.
- Oh, l'espèce de crapaud, il va avoir des comptes à me rendre.
Je ne l'écoute pas vraiment et sors avant qu'elles ne m'arrêtent à nouveau. Qu'est-ce que ça change que je travaille avec Raphaël... Sa réaction est vraiment étrange.
Je n'y pense pas trop longtemps, parce que j'arrive devant le crapaud en question et on prend directement le chemin de l'aquarium.
***
- Alors... Est-ce que l'aquarium t'a donné des idées de sujets?
Nous sommes sur place depuis plus d'une heure, mais je ne sais pas si je trouverai quelque chose de concret. J'ai l'impression qu'aucun sujet remplit les exigences liées aux devoir qu'on a à faire. Tout est trop banal pour être analyser.
À force de regarder l'aquarium, j'ai surtout envie de changer de carnet et de laisser aller mon crayon sur la feuille, de capturer tous les mouvements, tous les tons, toutes les couleurs toutes les formes. J'ai quand même griffonné quelque croquis dans mes notes, mais ce n'est pas pareil. Le monde sous-marin est tellement relaxant, c'est vraiment beau à voir.
- Astrée. Je t'ai perdue, là. À quoi est-ce que tu penses?
Trop occupée à observer les bassins, j'ai complètement exclue notre conversation.
- Quoi?
- À quoi est-ce que tu pensais? Tu étais complètement absorbée.
- À rien.
- Comme si j'allais te croire, dit-il en riant. Allez, il faut qu'on continue. Si on se dépêche on aura le temps de voir le spectacle des otaries.
Je le suis jusque dans les estrades, mais m'arrête avant de monter. Je n'ai pas envie d'y aller, il y a trop de monde et ça ne m'intéresse pas. Je préfère rebrousser chemin et retourner vers les aquariums.
Ça ne prend pas longtemps avant que je reçoive un message de Raphaël.
*Tu es où? Je ne te vois plus.*
*Profite du spectacle, on se rejoindra après.*
S'il accepte, ça me donne une trentaine de minute pour dessiner un peu. C'est pas beaucoup, mais je pourrais faire des brouillons et les finir plus tard.
*Ok, fais attention quand même*
Sans prendre le temps de lui répondre, je j'échange mon carnet de notes pour ma tablette à dessin et sors aussi d'autre crayon. Je m'installe debout contre le mur et me laisse aller. Mon crayons travers la feuille d'un bord à l'autre, traçant de grandes lignes ajoutant les courbes.
Le bleu des lumières, les couleurs du corail, les mouvements des poissons, c'est tout simplement magnifique et tellement hypnotisant. C'est une symphonie de courbe et de coloris, une harmonie dans cette valse chaotique qu'est la vie aquatique.
Le tout est calme, reposant et ce même si ça ressemble plus à un enchevêtrement de formes. La vie semble progresser à différentes vitesses un peu partout dans les aquariums et pourtant, tous avancent comme un parfait ensemble.
Je suis entièrement prise dans mon dessin. J'en oublie tout ce qui est autour de moi; les visiteurs qui passe devant moi, les enfants qui rient ou qui pleure, les parents désespérés. Je suis tellement absorbée dans mon dessin que lorsque quelqu'un crie mon prénom, je dois me retenir pour ne pas crier de peur.
Sortie de ma transe, je relève la tête pour voir Raphaël courir vers moi. Il s'arrête vers moi plié en deux pour reprendre son souffle.
- Tu étais où? On s'était dit qu'on s'attendrait à la fin du spectacle.
Merde! J'ai complètement oublié de regarder l'heure. Mon téléphone indique 11 heures et vingt, soit presque 30 minutes était passé depuis la fin du numéro. J'ai aussi reçu une quantité incroyable de messages de sa part.
- Sais-tu à quel point je me suis inquiété! Je sais que tu n'es pas nécessairement très à l'aise dans ce genre d'endroit, alors imagine ce que j'ai pu pensé lorsque j'ai vu que tu n'étais pas là.
Je range mon carnet essayant de rester calme. Son ton ne fait qu'augmenter tout comme ma peur et mon besoin d'air. La situation va dégénérer. Il ne se contrôle plus, il est trop impulsif en ce moment.
- Est-ce que tu as simplement réfléchi à ma réaction lorsque je ne t'ai pas trouvé à la sortie. Je t'ai envoyé plusieurs messages et tu n'as pas répondu. Je t'ai cherché partout alors que toi tu étais tranquillement ici et train de dessiner!
Il essaie brutalement de l'attraper par les épaules, mais je me dégage d'un coup en reculant de plusieurs pas.
- Ne me touche pas!
Je commence à pleurer, son comportement me fait énormément penser au leur. Il revient à lui et fige en réalisant ce qu'il allait faire.
- Astrée. Je suis dés...
Je ne l'écoute pas et le dépasse pour sortir le plus vite possible. Je cours dans les rues sans m'arrêter pour retourner à la seule place que je connais: l'hôtel. Je cours sans m'arrêter, je veux juste m'enfermer et m'effondrer.
Lorsque j'arrive devant la chambre, je sors la carte et il me faut un certain moment avant de réussir à déverrouiller parce que mes mains tremblent trop. Une fois à l'intérieur, j'enlève mon sac d'un mouvement, l'envoyant valser contre le mur. Une chance, aucune des filles est là.
Je m'enferme dans la salle de bain et me laisse tomber contre le carrelage. Mes larmes ne se sont pas taries, au contraire. Elles ont redoublé d'ardeur depuis que je suis en sécurité. Tous mes souvenirs se mélangent en remontant à la surface. Leur visage se mêlent à celui de Raphaël.
Je commençais à lui faire confiance, mais il est comme eux. Violent. Impulsif. Dangereux. J'aurais dû le savoir. Je savais que je ne devais pas faire confiance à personne.
Je me relève brusquement et me mets à fouiller dans ma trousse de toilet. C'est probablement dans le fond du sac, où je le laisse toujours caché. Je sors une mini pochette dans lequel un objet plat est placé; une lame. Je l'ai toujours pas loin depuis que... depuis ce qu'il c'est passé. C'est une des lames de rasoir à papa que j'ai subtilisé il y a plusieurs mois de ça.
Une fois en main, je me réinstalle au sol, plus calme, plus sereine.
Mon but n'est pas d'en finir, je ne peux pas faire ça à papa, mais savoir que j'ai le pouvoir de le faire est rassurant. J'aurais tellement voulu être capable de le faire à l'époque, alors que j'étais pieds et mains liées, mais au moins, maintenant, j'ai le contrôle.
Je presse le petit outil de métal entre mes mains, faisant attention à ne pas me blesser. Je reste comme ça un long moment à pleurer sur le sol froid de la salle de bain avant que quelqu'un essaie d'ouvrir la porte.
- Astrée?
Eloïse est de l'autre côté de la porte. Je ne l'ai pas entendue rentrer. Je reste silencieuse en espérant qu'elle parte.
- Astrée, je sais que tu es là, est-ce que ça va? me demande-t-elle d'une voix douce et beaucoup plus sérieuse qu'hier.
- Oui, tout va bien, tu peux repartir.
Même si j'ai tenté de calmer ma voix, celle-ci était tout de même légèrement tremblante. Avec un peu de chance, elle ne le remarquera pas.
- Non, ça ne va pas. Sors, s'il te plait, me prit-elle.
- Non, c'est correct. Je vais prendre une couche pour me replacer les idées.
Elle essaie de forcer sur la poigné, même si c'est inutile puisqu'elle est barrée.
Je dépose la lame sur le rebord du lavabo et entre dans la douche. J'enlève toute la sueur due à ma course ainsi que les larmes ayant séché sur mon joues. Je me détend autant que je peux sous la douche tenant compte qu'Eloïse m'attend toujours de l'autre côté de la porte.
Lorsque j'arrête l'eau, elle recommence instantanément à me parler.
- Astrée, je ne te connais pas beaucoup, mais une chose que je sais mieux que personne, c'est que ce n'est pas bien d'être tout seul lorsque ça ne va pas. Ouvre moi, s'il te plait...
Je me rhabille, hésite quelque seconde avant d'ouvrir la porte. Elle se recule un peu pour me laisser de la place et m'envoie un petit sourire, tout en m'analysant de haut en bas.
- Veux-tu en parler? Me demande-elle avec précaution.
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