Chapitre 1

- Astrée! Tout est dans la voiture!

Je me dépêche alors de descendre avec ma valise, la seule chose qu'il manque à mes bagages.

Quand j'arrive en bas, papa m'attend déjà dans l'entrée. Il prend ma valise et on sort ensemble vers l'auto de Guilbert, un vieil ami à mon père, selon ce qu'il m'a dit. C'est lui qui va m'amener à Montréal. Avec tout ce qui est arrivé, j'avais deux choix, aller au cégep de la région et affronter leur regard ou changer et me recréer une image. C'est pourquoi je quitte la ville pour aller m'installer dans une résidence étudiante à 2h30 de chez moi.

- Alors, tu es prête à partir? Me demande papa une fois le coffre fermé.

- Je ne sais pas trop.

- Tout va bien aller, ma puce.

Il essaie de se faire rassurant, mais je voit bien qu'il est inquiet. Je ne suis instable, plus vraiment moi-même et me voilà à partir à l'autre bout de la province ou personne ne sera là pour m'aider.

- Je sais papa, je vais me débrouiller.

On sait l'un comme l'autre que je mens. Je n'ai aucune idée de comment je vais de débrouiller dans cette métropole sans point de repère. J'aurais dû déménager moins loin, mais j'ai reçu une bourse à montréal et Ste-Elisée est une des écoles les plus réputées du pays. Bien que papa aie essayé de m'en dissuader, je ne pouvais pas refuser cette opportunité.

- Peu importe ce qu'il t'est arrivé ou ce qu'il pourrait t'arriver, n'oublie jamais que tu es forte, Astrée, beaucoup plus que tu le penses.

Il essaie du mieux qu'il peut de cacher sa peine, mais je le connais, depuis que je suis toute petite, on est très fusionnels. Il pense ce qu'il vient de dire, mais il n'est pas moins déchiré par mon départ qui le laissera seul. Maman est partie et à peine un an plus tard c'est moi.

- Désolé papa.

- Je t'aime, ma fille. Je sais que cette ville n'a plus rien à nous offrir de bon, il faut que tu partes. Tu es encore jeune, tu as toute la vie devant toi, prends le temps qu'il te faut pour bien te reconstruire. Épanouis-toi, deviens cette belle jeune femme que j'ai toujours vue en toi. Pars et retrouve-toi. Tu reviendras lorsque tu te sentiras prête, ne t'inquiète pas pour ton vieu père, il sait se débrouiller.

À ses mots, je fond en larme, en riant. Il a toujours su comment me faire sourire et me réconforter, même si ces derniers temps c'était plus difficile.

Je m'en veux tellement de le laisser tout seul, surtout après tout ce qu'il s'est passé, mais je ne peux plus rester ici, ça me tue à petit feu. À 17 ans, me voilà devant la maison, prête à partir dans une ville qui m'est inconnue. Non, en fait je ne suis pas prête, mais je le dois. Pour moi, mais pour lui aussi. Je suis devenue un poids pour tout le monde et il mérite mieux que ça. Il mérite de refaire sa vie sans que sa fille problématique le traîne en arrière.

Je ne sais pas trop ce qu'il va m'arriver, mais je devrais survivre si je suis toujours en vie après ce qu'il nous est arrivé. Je ne peux pas revivre pire que ce que j'ai déjà vécu.

Papa attrape mon petit doigt, me ramenant à la réalité. Je m'accroche à mon tour, serrant son doigt, c'est devenu notre câlin, le seul que j'accepte encore. Il m'entraine avec lui dans l'allée.

Les plants de jasmin bordant le chemin, un souvenir de maman, sont encore en fleur. C'était ses préférés, elle s'en occupait tout les jours, plus que du reste du jardin et papa a prit la relève ensuite.

Je m'arrête devant la dernière fleur et m'accroupis pour être à sa hauteur, détachant mon  auriculaire de celui de mon père

- Salut maman. C'est mon départ, je pars à Montréal à l'école Ste-Elisée. Tu te rappelles, tu m'avais raconté avoir essayer d'y rentrer, mais tu avais été refusée. Ils m'ont acceptée, mais je dois donc déménager, j'espère que tu ne m'en veux pas.

- Au contraire, elle serait vraiment fière de toi, me dit papa toujours derrière moi.

Je sourie, d'un demi sourire. Au fond de moi, je sais qu'il a raison, mais j'ai l'impression de les abandonner.

- Allez, il faut que tu y ailles, Guilbert t'attend et il est plutôt impatient.

- Je t'aime maman, dis-je avant de me relever.

J'entre finalement dans l'auto, et descend la fenêtre. Papa viens sur le bord pour parler à Guilbert.

- Merci de l'amener jusqu'à Montréal, c'est un soulagement de savoir que quelqu'un de confiance l'accompagne.

- C'est bien parce qu'on était amis et que j'ai une dette envers toi. Je n'avais pas que ça à faire.

Il me fait alors grand sourire, tout son amour se lisant dans ses yeux et je lui répond par mon petit sourire.

- Tu lui diras au revoir de ma part? Je lui demande.

- Oui, j'irai voir ta mère pour lui faire le message. Prend bien soin de toi.

J'hoche la tête, alors que mon chauffeur démarre le moteur, nous indiquant qu'il est prêt à partir. Mon père se recule pour ne pas se faire accrocher par l'auto.

Je m'installe plus confortablement sur le siège et installe me écouteur. Le vent me lèche le visage pendant que je regarde les maisons défiler. Celles de ma rue, de mon quartier, de ma ville. On s'éloigne de plus en plus laissant derrière moi tout ce qui représente mon passé, le meilleur comme le pire.

- Ferme ta fenêtre, on arrive sur l'autoroute.

Cette voix froide et dure me sort de mes pensées. Je regarde à l'extérieur un long moment avant de me résigner à la remonter la vitre.

*****

Papa aurait voulu m'amener. C'est moi qui n'ai pas voulu qu'il s'impose un aller-retour de 5 heures, maintenant, après 1 heure sur l'autoroute, je regrette de ne pas avoir accepté. Je compte les minutes, les secondes me séparant de mon arrivée en ville.

Si mes calcules sont bons, il ne reste que 40 minutes, mais je ne suis pas sûr d'arriver à le supporter. Un inconnu est avec moi. Je suis seule avec lui dans une voiture. Le véhicule est trop petit. Les portes se referme sur moi. Mon souffle s'accélère. Mon coeur bat la chamade, pulse dans mes oreilles. J'essaie de reprendre le contrôle, mais je n'y arrive pas. C'est de pire en pire. Des scènes repassent dans ma tête par flash. Des scènes que j'aurais voulu oublier. Mon souffle devient haletant et c'est la qu'il me remarque.

- Hey petite! Tu n'es pas malade quand même? Je ne veux pas que tu vomisses dans mon auto.

Sans bouger d'un centimètre je lui demande, la peur dans la voix.

-A...Arrêtez-vous... Sur le côté... Je...J'ai besoin de sortir...

Mes poumons se contractent, ne laissant passer qu'un filet d'air à chaque respiration. Je n'ai plus d'oxygène. Mon cerveau a perdu le contrôle, c'est la panique qui a pris le dessus.

- Tu n'es mieux de ne pas être malade. Je ne te rembarque pas si c'est le cas.

- Arrêtez-vou! Je veux... Je dois sortir!

Il se tourne vers moi quelques secondes, surpris de mes cris.

- Je m'arrête, je m'arrête, ce n'était pas une raison de crier, me dit-il avant de marmonner, Ces jeunes... Ils ne savent plus se comporter.

À peine s'est-il stationné sur la bande d'arrêt d'urgence que j'ouvre la portière pour sortir. Je fais quelques pas tremblants avant de sentir mes jambes rencontrer le sol. Je ferme les yeux et me concentre alors sur mes autre sens. J'entend les autos passer à grande vitesse dans mon dos. Je sens le vent qui glisse sur tout mon corps.

Quelque chose de mouillé atterri sur mes jambes et en ouvrant les yeux, je réalise que je pleure. Mes épaules sont secouées de sanglots silencieux. Tout sort, toutes les émotions que je garde à l'intérieur, la panique, la tristesse, la peur, la détresse. Tout sort à travers mes larmes.

Je ne sais pas combien de temps je passe là, mais assez pour inquiéter ou énerver Guilbert. Il s'approche de moi d'un pas lourd et pose sa main sur mon épaule, me faisant sursauter.

- Qu'est-ce que tu fais? Je n'ai pas que ça à faire, aller te reconduire à Montréal. J'ai encore un 2 heures et demie de route après donc remonte tout de suite.

Il continue à me parler, mordonnant de retourner dans sa bagnole, mais je ne l'écoute plus. Sa voix comme tout le reste est passé en deuxième plan. Je n'entend plus, je ne vois plus. Toute mon attention est maintenant ancrée sur sa main. Celle qui est posée sur mon épaule, sur mon corps, sur moi. Je ne sens rien d'autre que la sensation de picotement sur mon épaule. Une sensation qui me brûle.

- Lâchez-moi...

Ma voie est à peine plus forte qu'un souffle et il ne m'entend pas. Il n'a pas compris et sa main est toujours sur moi. Ma tête commence à me faire mal et ma vision s'embrume. Des points blancs apparaissent en même temps que je mon corps me lâcher et je m'effondre au sol sans vraiment m'en rendre compte.

- Petite? Qu'est-ce que tu fais? Qu'est-ce qu'il t'arrive?

Guilbert commence à paniquer, comprenant enfin qu'il y a un problème. Je suis toujours consciente, mais plus aucun muscle ne me répond. Il me retourne, reposant ses mains sur moi, me touchant à nouveau. Il me secoue légèrement essayant de me faire réagir Il ne sait pas quoi faire et la situation ne fait qu'empirer.

Rassemblant toute mes forces, j'arrive à crier.

- NE ME TOUCHEZ PAS! LÂCHEZ-moi tout de suite.

Ma voix s'éteint au fils de mes paroles et le vieil homme, surpris, s'éloigne. Une chance, je n'aurais pas été capable de continuer. J'arrive enfin à reprendre mon souffle, mon cerveau flotte un peu dans le vide. Je ne suis plus tout à fait lucide. Je l'entend commencer à parler alors qu'il n'y a personne avec nous.

- Bonjour, je suis arrêté sur l'autoroute 138. J'ai avec moi la fille d'un ami. Elle s'est effondré au sol en panique. Elle est présentement entre la conscience et l'évanouissement... Elle ne veut pas que je la touche.

J'arrête de la suivre après ça. Je suis dans un état second. Je ne sais plus où je suis ni qui je suis. Des véhicules passe pas trop loin et c'est tout ce que je sais. Le temps passe sans que je ne m'en rende compte. Après ce qui pourrait être 1 minute, 10 minutes ou même 1 heure, j'entend une la sirène d'une ambulance arriver dans notre direction. Celle-ci s'arrête non loin de nous, éteint la sirène, mais garde les gyrophares allumés. J'entend des pas s'approcher et une main se pose sur mon bras.

- NE ME TOUCHEZ PAS! Je leur cris, tout en me dégageant.

Plusieurs personnes essaie de me calmer, mais leur geste me stresse plus qu'ils n'aident. Je recommence, à pleurer, les suppliant de rester à distance, ce qu'il font miraculeusement, me permettant alors de reprendre mon souffle.

Une ambulancière s'approche de moi, tout en gardant une distance et en s'assurant de faire des gestes lents. Tout au long de sa démarche, elle s'assure que je comprenne ce qu'elle s'apprête à faire pour ne pas me surprendre. Arrivée devant moi, elle commence à me parler d'une voix douce.

- Hey, ma belle. J'ai besoin que tu m'expliques ce qu'il se passe et pour ça il faut que tu te calme, ok?

- Je ne veux pas qu'ils me touchent. Je ne peux pas... Je ne veux pas que ça recommence.

Je suis incohérente. L'adrénaline pousse mon cerveau à vive allure, m'empêchant de réfléchir normalement.

- Hey, tout va bien, ils ne te toucheront plus. Tu peux te calmer, il ne t'arrivera rien. Est-ce que tu me permets de prendre ton pouls?

- NON! Ne vous approchez pas.

Elle se tourne vers les ambulanciers, leur demandant d'apporter un sédatif. Lorsque c'est fait elle se tourne vers moi, une seringue à sa main droite.

- J'ai compris que tu ne voulais pas qu'on te touche, mais nous, on a besoin de le faire pour vérifier que tu es correcte. Ce qu'on va faire, c'est t'endormir, tu ne te rendras compte de rien et en te réveillant tout sera déjà fini.

- Vous. Ils ne s'approchent pas. Vous vérifierez.

- D'accord, ce sera moi qui le fera.

Je ne sais pas si elle respectera réellement ma demande, mais au moins j'en aurais l'impression.

Elle s'approche de moi, de mon bras, mais alors qu'elle allait le toucher, je le ramène contre mon torse d'un mouvement brusque.

- Ok on va faire autrement alors. Est-ce que tu t'es déjà fait une injection?

- Oui.

Oui je sais parfaitement le faire. Dès que j'ai pu, je l'ai appris pour éviter une crise de panique à chaque fois que les infirmières devaient me le faire.

- Parfait, tu va refaire la même chose, mais avec celle-ci. Je vais déposer la seringue devant toi et tu va te l'injecter. Fait le où tu veux selon ce que tu es habitué de faire.

Elle lie ses paroles à ses actes et le sédatif se trouve maintenant devant moi. Je le ramasse enlève la protection de l'aiguille et me l'insère dans l'avant bras, à la même place que toutes les perfusions que j'ai déjà eues.

Ma tête recommence à tourner, mais cette fois-ci, c'est l'effet du liquide dans mes veines. Je me recouche au sol pour éviter de tomber. Je respire lentement sentant mes yeux vouloir se fermer. Je me force pour les rouvrir et regarder une dernière fois le ciel avant de me laisser emporter pour de bon.

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