7 | 𝕁𝕖-𝕊𝕒𝕚𝕤-𝕋𝕠𝕦𝕥
𝕌n craquement léger du plancher me sort de ma somnolence.
Bras replié sur mon front, je plisse les yeux lorsque j'aperçois une forme indistincte entre mes paupières mi-closes. Elle passe de manière furtive derrière le grand canapé où je me suis installé pour la nuit.
Un soupir s'échappe de mes lèvres, puis je me redresse en grognant d'une voix froissée :
— Tu comptes aller où, là ?
— Bon sang ! sursaute Akim, pris en flagrant délit à proximité de la porte.
Il était hors de question que je passe la nuit dans la porcherie qui lui sert de baraque. Le laisser seul là-bas, comme il a tenté de m'en convaincre, n'était pas non plus une option. Je l'ai donc ramené à ma chambre d'hôtel contre son gré.
Une fois n'étant pas coutume, la justice me pardonnerait assurément cet écart.
Je m'assois lentement et ancre mes pieds au tapis de sol. Renvoyant en arrière les locks libres qui retombent devant mes yeux d'un geste de la main, je prends le soin d'attendre quelques instants, histoire d'éviter un tournis désagréable, avant de me lever.
— Je pensais que...
Sa phrase reste en suspens quand il se détourne de la porte pour constater que je lui fais face, à moitié dénudé.
Dormir avec l'air conditionné m'assèche la gorge. Le vieux ventilateur au plafond ne suffisant pas à dissiper cette chaleur humide qui flotte encore dans l'air de NOLA même en soirée, je n'ai gardé que mon jogging. Ce qui s'avère déjà être un vêtement de trop, à mon humble avis.
Demeurant pantois, Akim avise inconsciemment le dessin ancré à mon pectoral droit. Mon tout premier acte de rébellion adressé à mes vieux ; deux mains jointes, entourées d'un long chapelet au bout duquel pend une croix. Bien sûr, comme la plupart des adolescents de 17 ans, je manquais cruellement d'originalité. Mon tatouage arbore ainsi la célèbre inscription « Only God can judge me* ».
— Tu disais ? insisté-je afin de redémarrer les trois neurones qu'il reste à Eliakim.
— Euh, j'ai... Je...
Il bredouille, détourne le regard vers le tapis rectangulaire passionnant sur lequel il se tient pieds nus, croise les bras sur son buste et finit par se racler la gorge, y délogeant enfin le chat qui l'étrangle.
— Je pensais que tu dormais, articule-t-il de manière presque inaudible.
— Ouais, je vois ça.
Ma décision de coucher sur le canapé et de le laisser se vautrer dans le lit king-size était justement motivée par la nécessité d'avorter ce genre de tentative foireuse.
Visiblement offusqué par ma réplique, Akim reprend du poil de la bête en m'adressant une de ses moues méprisantes.
— Ce que je peux détester quand tu prends tes airs de Monsieur Je-Sais-Tout. Je n'essayais pas de te fausser compagnie, bien que cette dernière me soit particulièrement désagréable... Je craignais juste que tes parents soient sur le pas de la porte, alors j'ai voulu vérifier.
— Qu'est-ce que mes vieux foutraient ici ? craché-je, abasourdis. Ne me dis pas que tu les as avertis qu–
— Tu m'as demandé de prévenir mon père ! Mais je ne pouvais le faire directement. Du moins, pas avant que nous soyons partis. Alors j'ai préféré mettre ta mère au courant.
— Putain, Akim... grogné-je en pivotant sur moi-même, prêt à m'arracher les cheveux de la tête.
— Cesse de m'appeler ainsi ! s'agace-t-il. Et sache que, malgré ses nombreuses sollicitations, je n'ai pas révélé à Parfaite que nous étions à cet hôtel. Où tu m'as traîné de force, soit dit en passant.
Je repousse à nouveau plusieurs de mes locks et les attache avec l'élastique autour de mon poignet en soupirant :
— Tu t'en remettras.
« Toi aussi ! » intervient Améthyste, qui apparaît de nulle part.
Je fronce légèrement des sourcils et la fixe d'un air interrogateur, après une œillade pour m'assurer que son mari ne s'attarde plus sur moi.
Heureusement, il est bien trop occupé à jouer le pudibond pour oser avoir ma superbe musculature étalée sous ses yeux plus de dix secondes d'affilée.
Debout à mes côtés, non loin du fauteuil, ma sœur poursuit, curieusement satisfaite :
« C'est moi qui ai soufflé à Mummy* que vous étiez à La Case Manolia... Même si, et ce malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à communiquer avec Eli en dépit du lien affectif qui subsiste entre nous, notre mère semble plus réceptive à mes visites. Elle ne me voit pas, ni ne m'entend clairement, mais je suis pourtant convaincue qu'elle capte parfois les chuchotis glissés à son oreille lorsqu'elle est assoupie. »
Donc la daronne aussi a eu droit à ses visites !
Je soupire de dépit en digérant l'idée que je sois encore visiblement ce membre de la famille qui n'a droit à aucun privilège. Alors que, parallèlement, je suis le seul capable de voir Thys et de l'entendre !
J'ai toutefois remarqué que des vivants normaux sont aussi capables de ressentir la présence des esprits, même s'ils n'en ont pas forcément conscience. Et, bien que mon don de médium ait vraisemblablement sauté une génération, il reste l'héritage de notre mère.
Ça me fait une belle jambe.
« Eli a d'ailleurs une bonne raison de penser que les parents sont en route. Mummy le lui a laissé entendre dans un de ses messages, envoyés en réponse à l'annonce fulgurante de son départ. »
« Elle sera là dans une poignée de minutes, tu ferais mieux de t'y préparer. »
— Bien joué, Grand Manie-Tout ! m'emporté-je, acerbe. Il est presque minuit, c'est du délire. Et puis, je suis ici pour une raison précise, je n'ai vraiment pas besoin de me coltiner nos parents.
— Je l'ai bien compris ! Je te répète que je ne leur ai pas donné l'adresse de l'hôtel, se défend Akim qui, en toute logique, pense que je peste après lui.
Transit d'amertume, je m'abstiens de lui répondre et vais récupérer mon marcel sur l'accoudoir du fauteuil en baragouinant à voix basse.
— Plus enquiquineuse que toi, y'a vraiment pas, Thys.
« Allez, cesse de ronchonner, rit-elle toute guillerette. Mummy est impatiente de te revoir et Eliakim ne pouvait décemment pas quitter NOLA sans dire au revoir à ses proches. »
Je me fige alors que je n'ai enfilé qu'un bras dans mon débardeur.
Tenant ma sœur en joue d'un regard glacial, je gronde entre mes dents serrées :
— À ses proches ?
Améthyste opine, ses lèvres rosées étirées en un sourire radieux et les bras innocemment croisés dans le dos.
J'ai toujours détesté qu'elle me fasse ce genre d'entourloupe, et elle le sait !
— Je te jure que tu v–
Les trois coups secs frappés sur la porte d'entrée interrompent ma vaine menace, accaparant soudain toute mon attention.
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*« Only God can judge me » : Seul Dieu peut me juger.
*Mummy ou mum : « maman » en anglais, aussi utilisé dans des familles haïtiennes.
Hello,
Bon, c'est un chapitre assez court, mais si je l'avais gardé rattaché au suivant ça en aurait fait un chapitre super long. Je préfère rester sur un format qui tourne autour de 1500/2500 mots sur cette histoire.
Sur une autre note, j'ai un peu l'impression que certaines parties, notamment celle où Améthyste intervient, cafouillent un peu. Ou quelles sont trop longues, comme les remarques de Séra lorsqu'il surprend Eli à la porte...
Ton avis sur ce chapitre sera donc plus qu'apprécié !
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