Mon ange aux ailes coupées.
Les rougissements, des roses aux branches des épines,
Comme on voit, le soir, aux vapeurs du matin,
Dorloter des soleils, ou farder des putains,
Tout le long des coteaux recourbés en collines.
"Les Rougissements" -Emile Nelligan
_Tu as rougi ?! se choqua Sarah.
Je hoche la tête en souriant fière de ma nouvelle capacité puis continue de me raser les jambes en prenant soin de ne pas éclabousser quelques gouttelettes d'eau sur le téléphone. Il a couté un bras à Isaac et j'avais intérêt à en prendre soin par peur qu'il coupe cette fois ci mon bras.
Je l'imagine déjà me crier dessus pourquoi j'utilisais un téléphone à l'intérieur d'une cabine de douche. Il fallait dire que le putain de décalage horaire ne nous donnait pas vraiment le luxe de choisir où et quand se parler alors on faisait avec les moyens du bords.
_Tu vas sérieusement retourner au laboratoire après qu'il t'ait mis deux jours avant à la porte ?
Je soupire et commence à savonner vigoureusement ma peau pour que l'odeur de rose y reste ancrée précieusement jusqu'à ce qu'elle soit goutée par Saphir.
_Je perds de plus en plus espoir en toi.
_ Tu penses que je dois me raser le petit chat ou plus tôt épiler à la cire ? demandai-je.
_Laisse le petit chat tranquille avec sa petite fourrure, il aura froid sinon, souffle Sarah.
_Il n'aura jamais froid avec Séraphin aux alentours.
_Bon dieu, ce connard te rend folle.
Je hausse les épaules, me rince et me sèche rapidement avec une serviette avant de m'accaparer du téléphone.
_Comment va Amir?
Je remarque que son visage ne s'illumine bizarrement pas à l'entente du prénom de son petit ami. Elle, qui était folle amoureuse de son beau marocain. Elle semblait avoir remporter le prix de la meilleure comédienne dans un film muet.
_Il veut officialiser.
Je fronce les sourcils, m'attendant à ce qu'un cri de joie fasse bientôt la malle de sa bouche. Or nada, walou, rien. Un visage tourmenté et ennuyé est tout ce qu'elle m'offrait depuis son téléphone.
_Mais c'est super ? affirmai-je d'un ton confus.
Elle soupire et se laisse tomber sur sa chaise de bureau en fixant un point, probablement le tableau glauque qu'elle vient de finir, se demandant quel hôpital psychiatrique pourrait se charger de son cas.
Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle arrache le dessin de son cadre et m'invite à le contempler davantage.
Le dessin était dominé par une nuance mystérieuse de gris, noir, et blanc. Au centre se trouvait une femme au corps frêle et petit avec une lame saignante sortant de son cœur. Cette lame transperce un oiseau aux plumes colorés qui osaient défier l'univers obscure du dessin. Un rouge vif sang s'écoulait de lui. La fille avait tué l'oiseau avec une lame qui sortait tout droit de son propre cœur, l'oiseau était mort et la fille souffrait dans un deuil qu'elle a provoqué.
_C'est poignant, finis je par prononcer.
_Amir est à l'instar de cet oiseau, lumineux et plein de vie. Il m'a charmé, je l'aime tellement que c'est presque douloureux des fois. Je ne sais pas comment je dois aborder mes sentiments, parfois ils sont tellement ravageurs que j'ai peur qu'ils le transpercent tout comme cette lame. Je ne suis pas prête à m'engager car je dois d'abord apprivoiser mes propres sentiments.
Wow, c'est loin d'être glauque. Très profond certes, mais loin d'être glauque.
Sarah n'était pas seulement une artiste débordée de créativité mais une âme exceptionnelle, elle ancrait son essence dans chacun de ses dessins, ce qui les rendaient uniques et émouvants.
_Je ne le mérite pas, souffle-t-elle.
_ Sarah, tu l'aimes tellement que tu veux le protéger de tes propres sentiments. Tu defies même l'égoïsme sentimentale qui est normal dans chaque relation. Je suis sure qu'il comprendra et t'aimera encore plus.
Elle hoche vite fait sa tête et cache son dessin derrière son téléphone avant de se revêtir fissa de son masque de garce infaillible.
C'était extrêmement rare que Sarah ouvre son cœur peu importe les circonstances, la voir si touchée et tourmentée me faisait bizarre mais me prouvait encore plus que sa relation avec Amir était dure comme l'acier.
_ Va voir ton connard de Séraphin, je suis sure qu'il bande déjà. Attends, les anges bondent ?
Je rigole puis l'embrasse avant de raccrocher.
Mon séraphin était loin d'être un ange.
Et il me le prouva très bien au moment même où je traverse le seuil du laboratoire et je trouve une pile de tubes et de pipette qui attendent d'etre rincer dans le lavabo.
_ Tu penses que je suis ta petite bonne ? criai-je sur un Saphir qui semblait m'ignorer, beaucoup trop concentré à faire des calculs sur son carnet.
_ Saphir ! réitère-je, fulminante.
_ La propreté dans le laboratoire est le miroir de l'esprit scientifique, cite-il, fièrement.
_Miroite ton propre esprit alors !
_Pourquoi es-tu là alors ?
Pour savoir si les anges bandent idiot !
Je préfère laisser ce petit commentaire pour moi-même et arrache une blouse au hasard pour le mettre avant de m'attaquer au premier tube au laboratoire.
_Tu es un vrai connard, sifflai-je.
_Un connard dont tu sembles tellement obsédée que tu es prête à rinces des tubes à la con juste pour être à ses côtés.
Ok, c'était blessant.
De nouveau, son manque de tact me fait l'effet d'une gifle dont je tente si mal de dissimuler l'effet violent qu'elle a sur moi.
Le plus dure c'est qu'il avait raison. J'étais obsédée par lui et j'étais prête à bruler cieux et terre pour retrouver mon Séraphin en lui.
Je retrouverai Séraphin peu importer combien son cœur se voulait être cadenassé, peu importe les milles barricades qui le protégeaient. Je retrouverai mon ange qui m'a sauvé dans cette nuit enfiévrée, quittes à traverser à pied nues les flammes qui l'ont piégé. Et si l'enfer l'avait rendu démon, je le brulerai de mes propres mains ensanglantées puis le ressusciterai en mon doux ange convoité.
_J'ai des questions dont tu as les réponses, répondis-je simplement.
J'entends des pas derrière moi puis un souffle chaud me fouetta la nuque.
_Je ne pense pas pouvoir répondre à tes questions mais je chérirai chacun de tes désirs, mon ange.
Tu ne peux pas mourir aujourd'hui petit ange.
Même voix, même surnom, alors montre-moi ton vrai visage Séraphin.
_Ne réponds pas à mes questions, montre-moi simplement le chemin vers la vérité Saphir.
Il balaie ma queue de cheval vers le coté et pose un baiser brulant sur ma nuque qui m'enflamma jusqu'à la moelle épinière. Le tube me glissa entre les mains et se brisa en lambeaux eparpillés dans le lavabo.
Je sursaute.
_Parfois mon ange, la vérité est toute proche or les yeux deviennent aveugles pour que ce petit cœur ne se brise pas de la sorte, me murmure-t-il en pointant ma poitrine. Nettoie ce désordre maintenant.
Son changement de ton était exaspérant à haut point mais ne me frustrait pas plus que ses mots qui puaient le mystère.
Je me lève chercher une poubelle pour y mettre les vers brisés au même que la porte du laboratoire s'ouvre sur la femme de Xavier, le directeur de l'hôpital.
_C'est un plaisir de voir nos deux jeunes scientifiques travailler ensemble ! s'exclame-t-elle, les étoiles dans les yeux.
Paola Arnauld était une figure féminine enchanteresse, munie d'une telle douceur qu'elle pouvait chasser la maladie des patients qu'avec un souffle léger. Elle maniait l'art des mots avec une finesse qu'elle pouvait annoncer ta mort et tu le recevras avec sourire.
Elle était très proche de ma mère, elles étaient toujours là l'une pour l'autre malgré la rancœur qui s'était installé pendant des années entre son mari et mes parents.
_Apparemment la jeune scientifique est devenue la petite bonne de monsieur saphir, répondis-je en lui montrant la poubelle entre mes mains.
Je me retourne vers Saphir m'attendant à ce qu'il me lance une nouvelle pique or le surprend dénudé de son habituel masque de froideur et d'indifférence. Son visage était crispé et tout son corps tendu comme s'il avait vu un fantôme. Je remporte de nouveau mon attention vers Paola qui regardait maintenant saphir avec un sourire affectueux.
Il avait une allergie contre l'agréabilité humaine ?
_ Petit à petit, l'oiseau fait son nid, essaie-t-elle de me réconforter.
_ L'oiseau risque de fuir son nid à force d'être balafré par les vents froids., retorque je en fixant Saphir qui semblait être déconnecté de tout ce qu'il l'entourait. Son regard était vide et je remarque sa main droite qui commençait à trembler.
_Bon courage, mes brillants scientifiques !
J'attends impatiemment qu'elle sorte avant de m'approcher fissa de Saphir.
Des sueurs froides perlaient de son front, sa respiration était courte et superficielle, son regard était confus presque paniqué.
Saphir était en train de faire une crise de panique.
J'essaie de me calmer à mon tour pour pouvoir l'aider. Doucement, je pose ma main sur mon cœur. J'analyse son expression, m'assurant qu'il était à l'aise avec mon toucher.
Sans surprise, ses battements de cœur étaient affolants.
_Respire lentement Saphir, murmure-je en ancrant son regard dans le mien.
J'évite de lui poser des questions stimulantes ou des paroles excessives. Je lui permets de sonder mes yeux, espérons qu'il trouve en eux un repère calme.
Mon cœur se serra en voyant son regard pourtant si confiant d'habitude se briser sous le coup d'une vague forte d'anxiété. Son âme désemparée dansait dans un tourbillon de sentiments ravageurs, son cœur s'emballait tel un tambour sauvage battant au rythme de ses peurs et sous la chape sombre de l'angoisse, son souffle devient une mélodie haletante. Mon ange à moi avait les ailes coupées et ensanglantés.
_Inspire par le nez quatre secondes, lui ordonne je le plus doucement possible.
Il ferme les yeux et je compte avec lui.
_Retiens ton souffle pendant sept secondes, continuai-je.
Il obéit.
Je me tends lorsque sa main vient chercher la mienne, il l'attrape dans une caresse violente et pourtant si réconfortante. Je lui souris et reprends.
_ Maintenant expire par la bouche pendant huit seconde.
Sa respiration se calma éventuellement et l'ouragan finit heureusement par s'estomper toutefois sa main ne lâcha pas la mienne et j'espérais au fond de moi qu'elle ne me quitta plus jamais.
Malheureusement, ce moment de quiétude ne dure pas longtemps. Son regard se voile de nouveau par des ombres sombres et sa main me quitta ne laissant que froideur derrière elle. Il se penche vers moi jusqu'à ce que des médiocres sentiments séparent nos bouches puis crache :
_Fuis les flammes avant qu'ils t'attrapent à ton tour.
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