Défier la mort
Première marche.
Deuxième marche.
Troisième marche.
Nous nous enfoncions dans les entrailles de la terre, sous l'humanité, là où aucun cri ne parviendrait. Cette cave, érigée au cœur des ténèbres terrestres, nous éblouit pourtant de sa lumière dès notre arrivée.
Une lumière encore plus éblouissante que celle de l'hôpital et une odeur du désinfectant et de produits chimiques nous fouetta à l'entrée.
Mes yeux s'écarquillent en découvrant les dizaines d'appareils technologiques derniers cris qui valaient des milliers d'euro, des plans de travaux plus astiqués que mon propre cul et des équipements de surveillance qui nous entouraient de partout.
Un vrai Disney land pour n'importe quel chercheur.
Tout était propre et blanc. Un silence régnait tout comme un calme réconfortant s'installait.
Au moins, celui-là respectait les humains et les démembrer dans un endroit stérile.
_Saphir, mon fils.
Je sursaute lorsqu'une voix de grande mère claqua de nulle part. Oh putain est-ce le fantôme d'une pauvre d'âme qu'il a démembré!
À l'affut, Je suis le regard de Saphir et Hadès et découvre un nouvel espace dans la cave, où une dizaine de lits médicaux sont alignés. Sur l'un d'eux repose une femme âgée, au visage marqué par la fatigue, tendant la main difficilement vers Saphir, qui s'empresse de la rejoindre.
Sur le lit qui jouxtait la dame, un enfant qui ne dépassait probablement pas les dizaines d'année était endormi, à son chevet, une femme qui lui ressemblait fortement, sans doute sa mère, veillait sur lui.
Où suis-je putain ?
Comme si Hadès avait lu dans mes pensées, il déclare en désignant la grande dame :
_Je te présente Flora, ma patiente.
Patiente ? Drôle de surnom à donner pour des gens qu'on veut démembrer.
Je reste sceptique et continue à raser les murs tandis que Saphir plonge naturellement dans la conversation avec Flora comme s'il la connaissait depuis toujours.
_Je t'en prie, approche, j'ai un minable cancer, pas la rage, m'interpelle Flora, souriante malgré la douleur qui vibrait dans sa voix.
Prise d'embarras, je m'approche à pas feutrés vers elle et lui offre un doux sourire.
_Excuse son comportement d'attardée, elle pense sérieusement qu'on vous démembre dans ce sous-sol, souffle Saphir.
_Mais parce que vous le faites, répond Flora, sérieusement.
Aussitôt je fais un pas en arrière, alertée, alors que Flora explosa de rire jusqu'à réveiller le pauvre garçon qui dormait à côté d'elle.
Elle cessa de rire quand la douleur reprend, ses toussements s'aggravèrent et Saphir s'empressa de lui donner un verre d'eau.
Calmée, elle reprend :
_Ils ne nous démembrent pas, pourtant, ils n'hésitent pas à nous torturer avec cette nourriture qui puent la merde et sans sucre, râle-t-elle en désignant le plateau de nourriture qui jonchait le lit, encore bien rempli.
_Le sucre nourrit le cancer, soupire Hadès qui checke ses vitaux en notant sur son carnet.
_Et ton régime nourrit mes envies de suicide.
_Pour une suicidaire, tu tiens plutôt bien Flora, blague Saphir, ce qui lui vaut une bonne chiquenaude de la part de la vielle dame.
_Quel est ton prénom ma fille ? me demande-t-elle doucement.
_Alora.
_C'est joli comme prénom, me complimente-t-elle. Tu ressembles beaucoup à ma fille, Kelly, sauf qu'elle est blonde et grosse.
Très jolis termes pour décrire sa progéniture.
_Elle est encore vivante ?
Le coup de Saphir s'enfonce directement dans mon flanc et je couinai de douleur en le fusillant du regard.
_Tu ne manques vraiment pas de tact ! critique-t-il.
Mais qu'est ce que j'ai dit ?
_Elle est bien vivante mais elle a choisi d'être morte dans ma vie.
Ouch, sujet apparemment tabou.
Saphir continuait de me fusiller du regard tandis que j'espérais que je m'engouffre dans un trou plus profond que cette cave à mille mystères.
_Nous étions proches pourtant, j'étais une maman célibataire, je l'ai élevé toute seule, elle était ma meilleure amie, mon monde et même quand elle a fait sa propre famille, elle ne m'a jamais lâché jusqu'au jour où les docteurs nous ont annoncé que j'étais atteinte d'un cancer du poumon, stade avancé et incurable. Elle a préféré fuir plutôt que me regarder faner devant ces yeux.
Une vague de tristesse me submergea et ma main retrouva naturellement la sienne pour une tentative de réconfort.
_Les médecins m'ont dit que l'hôpital ne pouvait plus rien faire pour moi qu'il était préférable de retourner à la maison mais dans quelle maison allais-je retourner ? celle où ma propre fille m'avait chassée ?
Sa voix se voulait forte et immuable or une larme solitaire s'échappa de ses yeux fatigués sans doute par les dizaines de nuits blanches qu'elle a succédé. La blessure au fond de son cœur était encore sanglante et bien plus douloureux que le cancer qui la tuait doucement.
Je vois en ces yeux un vide abyssale où nul espoir osait se montrer.
Bien que le cancer lui ôtât méchamment la vie, la trahison de sa fille lui a volé même cette raison de vivre. Elle attendait alors que ce cancer diabolique cessait son suspense rempli de douleurs et affres et lui offre enfin la paix de la mort.
_C'est là que j'ai rencontré Saphir, debout, silencieux, écoutant les médecins m'annoncer ma propre mort. Lorsqu'ils sont partis, ils ont repris le cours de leur vie, tandis que la mienne semblait abandonnée par l'humanité. Saphir m'a rejoint et a tenté de raviver l'espoir en moi, bien que celui-ci fût déjà éteint. Néanmoins, j'ai accepté de le suivre, car ses ambitions étaient nobles, et je souhaitais que mes derniers jours aient un sens, même en aidant modestement.
Mes yeux se perdirent dans ceux de Saphir et enfin les reflets de son âme angélique se reformèrent doucement.
_Il me présenta à Hadès qui était clair depuis le début et ne me promet ni guérison ni miracle mais un pas en avant vers la science et pourtant un miracle s'est bel et bien produit. Les médecins m'ont assuré que je n'allais pas dépasser les six mois, et me voilà pourtant dans ma deuxième année de thérapie, toujours en train de casser les couilles à Hadès pour qu'Il développe ses minables talents culinaires.
Un rire fit la malle de ma bouche se mélangeant avec mes larmes qui étaient maintenant intarissables.
Deux mains se posèrent sur chaque côté de mes épaules et un souffle chaud vient chatouiller mon oreille.
_Cesse de pleurer. Tu deviens plus moche que tu l'es déjà, me chuchote Saphir.
Salaud.
_Grace à Flora, nous apprenons de plus en plus sur le cancer de poumon et nous essayons de nouvelles alternatives de thérapies qui sont de manière injustifié négligés par les hôpitaux et injustement illégaux. Pareil pour Sébastien, souffrant d'un cancer de pancréas jugé inguérissable par tous les médecins de France. or sa mère ne put perdre espoir et a cru en l'avancement médical et technologique et cela même au tréfonds d'une cave d'un misérable homme mis en marge car ses idées effrayaient, m'expliqua Hadès.
Sébastien, le pauvre enfant à coté de Flora était revenu aux bras de Morphée tandis que sa mère ne réagit point à notre discussion et n'osait pas quitter son enfant des yeux comme si elle avait peur qu'il disparaisse si elle cligna des yeux.
_ La plupart de nos patients préfèrent ne pas rester ici et souhaitent mener une vie normale, ne revenant chaque semaine que pour leurs thérapies. Tous sont conscients des risques liés à mes méthodes médicales, mais pour beaucoup, je représente la seule alternative à la mort.
Je m'adosse contre le mur, essayant doucement d'organiser ce déluge d'information et diriger correctement mon jugement.
_ Saphir m'a présenté votre médicament, et selon les données issues des essais précliniques, il présente un potentiel significatif. De nombreux patients seraient intéressés à l'essayer.
_Nous ne pouvons pas présenter la drogue aux patients alors que nous connaissons pas encore ses effets secondaires !
_Même aux cas des essais cliniques préparés dans le cadre médicale parfaitement légale, on ne peut connaitre les effets secondaires qu'après avoir essayer sur le corps humain.
Un point pour Hadés. Zéro pour Alora.
Je soupire et croise le regard de Saphir qui me scrutait silencieusement, attendant ma réponse finale.
_J'ai besoin de temps pour y réfléchir, déclare-je
Hadès se contente de hocher la tête, respectant ma décision.
Je me détache du mur et m'incline vers Flora pour l'enlacer et lui susurrer à l'oreille.
_Continuez de vous battre Flora. Vous n'êtes tout sauf entrain de faner mais entrain de fleurir de nouveau.
Nous échangions un sourire sincère, où elle me transmettait le courage de continuer mon propre combat pour la sauver, sauver Sébastien, et toutes ces âmes que le cancer vorace dévore chaque jour. Ce cancer insatiable qui se nourrit égoïstement de leurs organes, ne laissant derrière lui qu'une douleur si lancinante qu'ils ne désirent plus que la mort. Un cancer rusé, qui échappe constamment à notre emprise, devenant à chaque tentative d'arrêt plus robuste et imposant, ne se dérobant que pour envahir le reste du corps et marquer son territoire.
Notre ennemi est de grande taille or je refuse de baisser les mains.
Je croise le regard de Saphir et le message fut clair ; nous étions maintenant deux contre le cancer, dans une guerre où les armes ne sont pas d'acier mais de chairs et d'os. Et cette guerre, nous n'avons pas d'autre choix que de la gagner.
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