Créature


_ Tu es obsédée par cette créature, marmonne Isaac en jetant un bref coup d'œil sur le dessin qui reposait sur mes genoux.

_ Oui.

Je traçais les contours de la « créature » avec mon indexe. C'était un ange avec six ailes, deux couvrant ses pieds, deux leurs visages, deux leur servant à voler. Bien qu'il soit un des anges les plus élevés en termes de rang. Son pouvoir n'était pas ostentatoire ni sa popularité. Ses ailes aussi belles qu'elles soient ne servaient pas à charmer mais à dissimuler leur souveraineté et épouser leur énigme.

Entouré d'intrigues et de secrets, mystérieux et angélique. Mon inconnu cette nuit-là n'était autre qu'un séraphin qui m'est venu en aide.

Je priais alors qu'il n'ait pas rejoint les cieux et continuait à veiller sur moi sur cette terre.

_ Tu le vois dans tes rêves ? me demande Isaac sans quitter la route des yeux, la main sur le volant.

_ Pas la créature, non. Répondis-je. Je rêve chaque jour de la personne qui m'a sauvé du feu, qui m'a prise dans ses bras et a interdit à la mort de m'approcher. Séraphin le symbolise mais ne fait pas de lui un être imaginaire comme vous le pensez tous.

Isaac ne pipe mot, approche sa tasse de café à ses lèvres et dissèque doucement mes mots.

_Alors pourquoi tu ne dessines pas l'humain au lieu de la créature ? m'interroge-il.

_Je ne me rappelle pas de son visage ou peut être que je ne l'ai même pas vu cette nuit-là. Tout ce qui me lie à lui c'est Séraphin parce que à chaque fois que je pense à lui c'était l'image de cet ange qui me vient

Isaac semble sceptique face à ma réponse et je ressens qu'il se fait violence pour ne pas me traiter de folle ou démente.

_ Isaac, ce que je te dis ce ne sont tout sauf des hallucinations. La nuit où mes parents sont morts il y'avait bel et bien un garçon qui m'a empêché de me jeter dans le feu. Oui, j'étais dans un pieux état mental et peut être que je le suis toujours. Y'aurait même des jours où j'entendrais encore les cris de mes parents dans la maison et d'autres jours où je déclarerai dans tous les toits que mes parents sont encore vivants et que vous êtes tous des menteurs mais s'il y a bien une seule chose réelle dans ma vie c'est lui, je lui colle le dessin sous le nez avant de continuer. Son étreinte me brule toujours Isaac, murmurai-je avec un trémolo dans la voix.

Isaac prend ma main et la serre fortement en me souriant.

_ Je te crois Alora et je ferai tout pour que tu le retrouves.

Je ravale les larmes qui me montent pour ne pas faire de ce trajet une scène ridiculeusement dramatique et tourne ma tête vers la vitre.

Saint-Jure ,une des communes les plus petites en France. Isaac comme sa sœur haïssait le brouhaha urbain et sa pollution et est tombé amoureux de la nature et de son calme. Saint-Jure était comme une évidence pour lui, un petit diamant vert entouré par une des plus grandes forêts de la région Est de France. La foret de Haye.

Nous étions en total 310 habitants ce qui faisait de nous une grande famille. Certes, Saint-Jure vendait du rêve avec sa simplicité et sa verdure, toutefois les désavantages de vivre dans une commune aussi petite étaient nombreux. Par exemple, il est plus probable de trouver Jésus sortir de notre grande église de Saint Maurice pour balader son chien que trouver un putain de tatoueur.

_ Descends.

La voiture freine d'un coup m'arrachant un hoquet.

Je fronce les sourcils en épiant les alentours ne trouvant aucune enseigne qui affiche salon de tatouage.

_ Je t'ai demandé de m'emmener chez un tatoueur et non chez Mami Gisèle pour l'aider à préparer une tarte aux pommes en regardant une série turque !

Il soupire en se massant les tempes, blasé.

_ La maison à côté de celle de Mami Gisele se trouve Aylan, le fils d'un bon ami à moi, c'est un excellent tatoueur.

_ Et laisse-moi deviner c'est lui qui t'a tatoué le pauvre hamster morbide que tu as sur le dos ?

_ C'est Hamtaro ! Un des meilleurs dessins animés dans l'histoire et tu devrais peut être le regarder tu deviendrais moins aigrie.

Doux seigneur. Trente-cinq piges et avec le cerveau d'un gamin de trois ans.

Je roule des yeux avant de sortir du pick-up en prenant bien soin de claquer le plus fort possible la porte de son si cher véhicule.

_ Petite peste ! jure-il.

_ À jamais ! crie je en retour en lui tournant le dos.

La maison de Gisele était silencieuse comme à son habitude, son chat se reposait sur la fenêtre en bois et dès qu'il me vit me montra fissa ses dents. Dis donc il me détestait toujours. J'avais qu'une seule fois essayé de lui enfiler un costume de rat et depuis, il a clairement une dent contre moi. Selon Gisele, j'avais touché à son ego d'animal féroce.

Je roule des yeux en donnant mon doigt d'honneur au chat et me dirige vers la maison bleue qui la jouxtait. Je toque deux fois et le visage d'un garçon de mon âge s'affiche devant moi.

Drôle de tête.

Cheveux rouge flamboyant, des cernes énormes qui épousent parfaitement la couleur noir terne de ses yeux. Des lèvres mauves témoignant sur les kilos de nicotines qu'ils ingurgite par jour.

Son corps était très mince couvert de tatouages minimalistes. Cependant,il ne dégageait point l'air d'un mauvais gars bien qu'il tenta de l'afficher avec ses vêtements sombres et déchirées et son allure d'attardé. Il ressemblait plus à un petit rat un peu trop défoncé.

Toutefois, il était très loin d'être moche.

Je l'avais déjà vu dans le coin ou peut être même à l'intérieur de la maison entrain de regarder un match de PSG avec Isaac et, je l'ai probablement aussi ignoré.

_Alora?

Super, il ne m'a pas oublié.

Sa voix était très profonde et surtout encore endormie. Il se gratta énergétiquement les yeux et j'ignore si c'est pour se réveiller ou s'assurer que le fantôme qui habite chez Isaac est bel et bien devant sa porte.

_ Bonjour.. Ayden?

Il me dévisage s'assurant que je ne plaisante pas. J'essaie détirer un sourire plus au moins poli pour alléger l'atmosphère mais peine perdu, il sembla me détester autant que le chat de Gisele.

_ C'est Aylan et à bientôt Alaska.

Il ferma aussitôt la porte sur mon visage encore choqué par son cran.

Le batard!

Je me déchaine sitôt sur sa porte, frappai encore et encore jusqu'à ce que la peau de ma main devienne aussi rouge que les cheveux du connard qui a osé me mettre sans vergogne à la porte.

_ Ouvre espèce d'écureuil !! criai-je.

Les voisins, un par un sortent leur têtes de leurs fenêtres, amusés par le spectacle que j'animais.

Ayden ou Aylan finit bien évidemment par rouvrir la porte après maintes et maintes insultes.

_ Tu es malade ? me crie-t-il dessus en me tirant par le bras à l'intérieur de la maison, gêné par tous les yeux posés sur nous.

Il claqua fortement la porte derrière nous et se tourna doucement vers moi à l'instar d'un tueur en série qui rencontre sa victime. Je ravale ma salive.

_ Tu n'avais qu'a ne pas me fermer la porte au nez comme un sans-abris qui vient te mendier !

Il arque un sourcil en croisant les bras me jugeant de haut en bas avec un regard rempli de dédain.

Je le déteste.

_ Au moins, tu goutes maintenant au sentiment d'être ignoré.

_ Mon dieu, tu es aussi rancunier que trottineur le tourbillon ! dis-je ahurie.

_ Trottineur qui ?

_ Le chat de Mami Gisele !

Il cligne des yeux essayant d'assimiler notre conversation avant de se dépêcher de faire sortir une clope de sa poche en se dirigeant vers le salon sans ajouter un mot.

Balançant des pieds, je scanne la maison des yeux. Très propre et minimaliste, les couleurs était apaisantes. Une palette de beige, bleu marine et blanc. J'hésite en premier à le rejoindre au salon mais ne trouve aucun autre choix que de le coller.

_ Je suis désolée si j'ai oublié de te dire bonjour lorsqu'on s'est rencontré une ou deux foix, m'excusai-je le plus sincèrement possible en m'assoyant à côté de lui en prenant bien soin de toucher son genou pour l'amadouer. Il l'enleva aussitôt.

Patience Alora, charme le serpent jusqu'à ce que tu l'aies dans tes filets.

_Tu me vois chaque samedi soir dans la maison de ton oncle. Ce n'est pas une ou deux fois Alaska.

_ En fait, c'est Alora, rectifiai-je en me grattant la nuque.

_ Non. Je préfère Alaska, ça matche parfaitement avec ton visage de glace.

Je me racle la gorge en ravalant toutes les insultes qui cavalent vers ma langue.

_ Bon tu veux quoi ? demande-t-il en commençant à rouler un joint alors que sa cigarette était toujours pincée entre ses lèvres.

Il était sexy, je commence presque à regretter tous ses mois à l'avoir ignoré.

_ Me tatouer.

Il se bloque soudainement comme si je l'avais mise en pause puis se réactive lentement en levant ses yeux rouges doucement vers moi.

_ Tu plaisantes ?

_ Non. Sauf si tu vas me refaire le hamster mort que Isaac a sur son dos alors oui je plaisante.

Il roule des yeux nullement amusé par ma blague qui était pourtant très bonne.

_ Tu as un modèle?

Je hoche la tête et fais sortir le dessin de la poche arrière de mon jean avant de lui tendre. Il prend le papier de mes mains et l'analyse minutieusement.

_ Un séraphin, murmure-il sans quitter le dessin des yeux.

_ Tu le connais ? demandai-je, surprise.

_ Quiconque fera un tour dans l'église connaitra ces anges, affirme-t-il en haussant les épaules. Pourquoi choisir ce dessin ?

J'arrache le dessin de ses mains tatoués commençant légèrement à m'agacer avec ses questions à la con.

_Et je te raconte aussi mon enfance quand tu y es. Soufflai-je, blasée. Ayden, est-ce que tu es capable de le tatouer ou pas ?

_ Commence déjà par m'appeler par mon prénom, marmonne-il. Allonge-toi sur le canapé.

_ Déjà ? Même pas de préliminaire ? rigolai-je.

_ Encore une blague à la con et je te jette à la porte.

Même pas drôle la tête d'écureuil.

J'obéis à monsieur grincheux et me pose sur le canapé.

_Tu veux pile poil ce dessin de gamin ou pourrais-je faire des modifications pour le perfectionner ?

_Non, je veux ce dessin avec tous ses défauts et déformations.

Il n'essaie pas de me convaincre et hoche simplement la tête d'un air professionnel puis s'éclipse un moment avant de retourner avec tout son matos. Il commence par désinfecter proprement tous les aiguilles et pose l'encre sur la table du salon.

Aylan fume sa dernière taffe en prenant bien soin d'apprécier la nicotine qui s'infiltre sensuellement dans ses veines puis met ses gants, s'assoyant sur la chaise à côté du canapé.

Il avait de grandes jambes et je mentirais en disant que je n'appréciais pas la vue qui s'offrait à moi.

_ Où veux-tu le tatouage ? demande-t-il enfin.

_Mon sein droit.

_ Je t'avais dit que j'en avais marre de tes blague, Alaska.

_Ce n'est pas une blague, Ayden.

Il pince son nez en balançant sa tête par derrière se demandant probablement quelle malédiction s'est abattu sur lui en cette si belle matinée printanière.

_ Enlève ton haut et tes soutiens, finit-il par ordonner.

_ Dominant..., murmurai-je

Il me fusille du regard et je me dépêche d'enlever mes vêtements avant que monsieur grognon change d'avis.

Son visage reste de marbre, aucune émotion ne traverse son regard face à ma nudité, me donnant l'impression qu'il voyait des paires de poitrines diversifiées chaque jour.

J'étais outrée.

Certes, je n'avais ni le corps de Kim Kardashian ni celui de Kendall Jenner. J'étais plutôt mince avec quelques formes loin d'être exorbitantes mais je savais que j'attirais le regard masculin Sauf bien sur celui de monsieur grincheux, que ce soit pour mes cheveux noir corbeau qui était aussi long que ma langue comme me le dit si bien Oncle Isaac ou pour mes traits de visages enfantins qui faisait fantasmer plus qu'un. Démon à la face d'ange, me nomme-t-on pour une raison inconnue.

_ Prête pour ancrer l'ange dans ta peau ? me souffle Aylan en me regardant droit dans les yeux.

_Chéri, je l'ai toujours eu dans la peau.

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