Brûle l'ange
Son appartement le représentait tout simplement dans toute sa splendeur ; un chaos propre et immaculé. Rien avoir avec le luxe flamboyant de la villa de ses parents, ici le minimalisme jouait en accord avec une simplicité douce et silencieuse.
Quelques papiers de recherches étaient éparpillés un peu partout, participant presque à l'esthétique de l'appartement . Des dizaines de verres de cafés noirs à moitié, preuve des innombrables nuits blanches passées sous ce toit
_Un jus d'orange ? me propose-t-il en se dirigeant vers la cuisine ouverte sur le séjour.
_Du vodka serait préférable, répondis-je en essayant de trouver une place pour mon cul entre les milles articles au-dessus du sofa en cuir.
_Désolé mais pas d'alcool pour les retardés mentaux
_Va en enfer, crachai je en refusant le ver de jus tendu.
Il hausse simplement les épaules avant de prendre place à côté de moi.
Sa proximité devient très vite asphyxiante or vitale. Mon système sympathique s'active aussitôt que son bras se tend sur le dossier du sofa juste derrière ma nuque et bientôt mon cerveau ne captait plus rien d'autre que son odeur insatiable et sa peau qui ne demandait qu'a être touchée.
_J'y suis déjà mon ange.
_Invite moi alors, balbutiai-je en osant me tourner vers lui et rencontrer ses pupilles sombres qui me scrutaient déjà depuis quelques instants.
Il s'esclaffe en laissant tomber sa tête par derrière comme si je venais de sortir la blague de l'année
_Vas y prépare la valise, je t'attends ici.
_Arrête de te foutre de ma gueule ! Perdis-je de plus en plus patience.
_Et arrête de croire que l'enfer est fait de licornes et de paillètes!
Il haussa son ton, signe que son calme olympien commençait à l'abandonner.
_L'enfer n'est pas fait de paillètes toute comme l'ignorance n'est pas faite de strass. Je préfère être aveuglée par la dure réalité que rester aveugle dans une obscurité sans fin.
Saphir analysa mes propos minutieusement, contempla mon cri de détresse et mes yeux qui le suppliaient de me faire sortir de ce mystère asphyxiant. Son détachement de la situation réussissait à me faire sortir encore plus de mes gonds, or peu importes combien les flammes qui jubilaient en moi se montraient brûlants, elles se faisaient évaporer gracieusement contre le mur de glace devant moi, dur et froid.
_Cette dure réalité a un prix mon ange, finit-il par dire.
_Je suis prête à le payer, répondis-je au tac au tac, sans même prendre le temps de peser mes mots.
Un rictus mauvais curve la commissure de ses lèvres, son autre bras se tend sur le dossier du sofa, dominant maintenant chaque molécule d'air qui nous entoure. Au sein de son empire, il déploie à cor et à cris sa souveraineté et je ne pouvais que me soumettre, docile et silencieuse.
_Lève toi.
J'obéis.
_Ouvre le deuxième placard de la commode au-dessous de la télé
Un éclat d'espoir raviva mon âme et le sentiment d'être proche enfin de mon objectif naquit en moi. Je me tourne en fixant la commode en bois à premier abord si anodine et pourtant elle m'était maintenant d'une valeur inestimable. Plus que quelques mètres nous séparent, je ne quittais plus le tiroir des yeux et quand ma main entoura le poignet en acier du tiroir, mon cœur faillit me lâcher.
Est-ce que je suis réellement prête à payer le prix ?
Temps mort pour les doutes, j'étouffai dans l'œuf ma peur et appréhension et ouvris enfin le tiroir.
Une claque s'abattit violement sur mon visage me poussant à faire un pas en arrière. J'hallucine.
_Le tiroir est vide, bredouillai-je, la voix déformée de colère et déception.
Il me nourrit de miettes, acclame ma famine puis me jette cruellement dans un jeune encore plus long.
_Tu te trompes. Regarde bien, dit Saphir, paisiblement, sans bouger d'un poil alors que je fulminais devant ses deux yeux qui me reluquaient comme un bon film divertissant.
Je fronce les sourcils en cherchant une nouvelle fois à l'intérieur du tiroir, je tâtonne au fond et mes doigts frôlèrent soudainement un objet, je m'en accapare aussitôt et sa couleur rouge explosa contre ma rétine.
Un briquet.
Ahurie, je repose mes yeux sur Saphir qui avait toujours son éternel rictus mauvais et provocateur.
_À quoi tu joues ?! tonnai-je, les joues rouges de fureur.
_Approche, siffle-t-il ignorant complètement mon courroux.
En manque d'autre choix, je suis ses instructions et me pose pile devant ses pieds.
Il prend le temps de me scanner de la tête jusqu'au orteilles en prenant bien soin de s'attarder de manière flagrante sur mes courbes.
_Enlève ton t-shirt.
Une nouvelle claque plus forte et cette fois elle manqua de m'assommer.
Mon corps est le prix que je dois payer ?
À ce point, c'est un connard ?
Un connard bête et stupide car avec un peu d'intelligence et subtilité, mon corps aurait été sien sans qu'il soit pour autant une monnaie d'échange.
Furieuse et sans aucune once de sensualité, j'arrachai mon t-shirt.
Moi, qui pensais que notre première fois serait des plus romantiques, je suis loin très loin de frôler l'idylle. Le pire, c'est que Saphir ne semblait même pas prêter attention aux deux globes présentés devant lui, son regard demeurait rivé sur le briquet rouge que je tenais fermement dans ma main droite.
_Brûle Séraphin, finit-il par ordonner en toisant cette fois ci le tatouage si fièrement présenté entre mes seins.
Je hoquetai à l'entente de sa demande, manquant de tomber par terre tellement la secousse fut intense. Je le scrute, abasourdie, priant qu'un rire fait la malle de sa bouche, qu'il m'annonce que c'est une blague, une très mauvaise blague or le sérieux qui peignait son visage neutre brulait à petit feu mon espoir et la réalité s'immisce viscéralement dans ma conscience. Saphir était un putain de sadique.
_Tout sauf mon tatouage, l'implorai-je alors qu'une larme solitaire trouvait son trajet sur ma joue.
Il incline légèrement la tête en me toisant avec de la pitié.
_Allons, Séraphin est un ange, il survivrait sans doute la chaleur des flammes et peut être qu'il se libèrera de ta peau pour s'envoler entre les cieux.
Ses paroles dites d'un ton sérieux sont pourtant empreintes par un sarcasme à faire bouillir un prêtre de rage.
_Pourquoi tu me hais à ce point ? bafouillai-je, tremblante lui offrant ma vulnérabilité dans un plateau en or.
Le nerf de sa tempe sursauta violemment au même temps que ses poignes qui se serrent tellement forts que ses jointures blanchissent. Saphir se leva brusquement m'obligeant à faire un pas en arrière afin d'éviter de percuter son torse dur. Il était maintenant dénudé du masque paisible qu'il portait si parfaitement, son visage était déformé par un colère noir et je me fis violence pour pouvoir supporter son regard de braise qui me fusillait.
_ Tu n'arrives même pas à bruler un stupide tatouage et tu convoites un ticket sans putain de retour à l'enfer ? Tu as peur de cramer un peu de ton épiderme et tu te penses capable de vendre ton âme au diable ? Le terrain dans lequel tu veux entrer n'est pas une cours d'enfant Alora, des gens sont torturés, sont tués à cause d'une seule information qu'il n'aurait pas dû entendre et des personnes sont disparus à cause d'un mot de travers. Tu n'as ni la résilience ni le mental pour ce monde de brutes que tu vénères tant, alors fuis avant que le diable commence à te chasser. Car mon ange si la chasse commence, déclare toi d'or et déjà vaincue.
Ses mots, l'un après l'autres débités avec une hargne sans nom me font l'effet de balles tranchantes qui me transpercent la moelle épinière, et quand tu penses que la douleur a atteint enfin son maximum, une autre la rejoint, te rappelant que le mal n'a aucune fin, aucune limite.
Mon cœur battait follement et devant lui le torse de Saphir s'élevait rapidement, à cours de respirations. Entre ses quatre murs aux couleurs éteins, moi vêtue d'un simple soutien rouge et lui muni de sa colère sourde, nous étions au final que des âmes faibles et endoloris et au lieu de s'entraider, on ne faisait que se déchirer.
Ma main tremblante se posa timidement sur son pec droit.
_Ni toi ni mois sont prêts pour affronter ce monde de brutes, mais il nous est infligé.
_Pas à toi, souffle-t-il.
_Si Saphir, je suis née dedans et je mourrai dedans.
Saphir se laisse tomber de nouveau sur le canapé en passant une main frustrée sur ses cheveux en bataille, il fixe longtemps le tapis beige qui décorait le séjour avant de lever ses yeux à présent vide vers moi.
_Je n'ai pas la clé, avoue-t-il.
Tous mes espoirs s'effondrèrent les uns après les autres comme une cascade de dominos. Je ne savais si je devais le haïr pour avoir nourri mon espérance ou me maudire pour avoir cru qu'il allait m'aider.
_Mais je l'ai lu, ajoute-il.
Je fronce les sourcils ayant le sentiment d'avoir perdu le fil de la conversation.
_Où est la clé ? demandai-je avec un trémolo dans la voix, en prenant appui sur l'accoudoir du canapé quand une sourde migraine commence à me transpercer le crâne.
_Je l'ai perdu, ou plutôt on me l'a volé.
_Comment ?
_Il y'a un an, mon appartement a été cambriolé et ils ont pris la clé, les copies de la clé et mon pc.
Mon cul atterrit sur le canapé victime d'un énième choc émotionnelle, je dissèque minutieusement ses mots qui ne m'envoyait pourtant que dans une confusion plus obscure que la précédente.
_Tu me mens, murmurai-je.
_Pourquoi je le ferai ?
_Tu as été là quand ma famille et ma maison ont brulé ! Tu avais en possession la clé ! Comment tu veux que je te fasse confiance alors que tu es le premier suspect de la mort de mes parents !
Mes paroles le heurtèrent violement.
Je mentais bien évidemment, bien que toutes logiques le pointeraient comme suspect, je savais au fond que mon Séraphin n'était pas un meurtrier. Il n'était qu'un gibier injustement piégé or il était le seul à pouvoir me guider vers le maitre du jeu alors je me devais de le provoquer, le pousser à bout afin qu'il se prouve innocent et me montre enfin les vrais coupables.
_Tu me crois capable de meurtre et tu t'invites dans mon territoire ? demande-il.
_Je n'ai pas peur de la mort.
Il s'esclaffe avant de faire sortir une cigarette de sa poche en l'allumant avec le même briqué qui allait bruler mon épiderme. Il prend une grande taffe et exhale la fumée vers le toit de l'appartement.
_J'ai appris les documents qu'il y'avait dans cette clé par cœur, comme une longue et mauvaise berceuse. Je connais toutes les formules, les théories et les essais cliniques que tes parents ont conduit, m'explique-t-il. Mon ange, je suis la clé.
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