Vie et Mort, Le Grand Partage (I)
Le sang qui jaillissait sous ses doigts, les colorants de rouge était chaud. Et chaque pas qu'elle faisait mettait en branle une nouvelle giclée, colorant ses pieds de vermeil.
Autour d'elle, tout n'était que chaos ! Fumée blanche, grenades assommantes et flèches de sommeil se mêlant aux cris et aux coups des blasters.
Julie glissa un œil à Pierre.
Elle l'avait trouvé dans une rue à plusieurs mètres de là où tout avait commencé, blessé et gémissant. L'adolescente avait eu plus de chance, elle s'en sortait avec seulement quelques coupures superficielles et des oreilles bourdonnantes de s'être trouvée trop près d'une explosion.
Pierre était lourd et le bras que Julie utilisait pour le supporter était tout engourdi.
- Ça va aller, ne t'inquiète pas ! Ne t'inquiète pas !
- Je pisse le sang, lui répondit le garçon.
Il avait dans ses âges, seize ou dix-sept ans et son teint mat était devenu blême et sa respiration était laborieuse. Dans son état, chaque respiration qu'il parvenait à prendre était un exploit.
Le rayon du blaster ne l'avait pas épargné.
Désormais, le rempart de la main de Julie n'était plus qu'un effort dérisoire pour tenter de stopper l'afflux trop important de sang qui s'échappait de l'abdomen de son camarade.
Ils étaient presque chez elle maintenant. Là-bas, elle serait capable de l'aider, elle ne le laisserait pas mourir, hors de question !
Bien sûr, encore fallait-il atteindre les portes de la cave et le canon du blaster collé contre sa nuque compliquait considérablement les choses.
Comment tout ça avait-il bien pu arriver ?!
***
Les deux semaines qui précédaient le jour du Grand Partage amenaient toujours son lot de travail supplémentaire pour Julie et sa mère.
S'ajoutaient dès lors aux rhumes et autres angines qui s'amassaient dans leur mini hôpital clandestin, les fractures, tendinites et autres corps éreintés par un travail qu'on effectuait jusqu'à l'épuisement dans l'espoir de mettre un tant soit peu sa famille à l'abri.
- Je vais te donner de l'huile essentielle de genévrier pour éviter toute inflammation autour du tendon. Trois gouttes là où ça fait mal et tu masses dans le sens du tendon, comme ceci et ensuite perpendiculairement pendant deux à trois minutes. Il faut le faire jusqu'à ce que la zone soit bien rouge, ok ?
- Ok madame, au revoir madame !
- Hé, deux minutes !
Elle attrapa par l'arrière du T-shirt le gamin qui sautait déjà du banc pour décamper. Il ne devait pas avoir plus de treize ans.
- Quoi ? Je dois retourner au travail maintenant !
- Je sais crois-moi, mais je sais aussi que ça ne risque pas d'améliorer l'état de ton poignet.
- Alors vous savez aussi que je n'ai pas le choix ! fit le gamin en tentant de se dégager.
La blonde soupira. Bien sûr qu'elle le savait, mais cela ne l'empêchait pas de désapprouver le tout.
- Laisse-moi au moins te donner un pot de pâte d'argile verte pour les gonflements. Elle lui tendit un petit pot de verre. Tu appliques là où ça fait mal et tu entoures avec du film plastique. Tu en as à la maison ? questionna-t-elle en le raccompagnant à l'étage supérieur.
- Oui.
- Bien et n'hésite pas à enfouir ton poignet dans la neige si la douleur te lance trop. Ça ne devrait pas être compliqué vu ce qu'il est tombé ces derniers jours. Sois prudent sur le chemin.
- Vous êtes pire que ma mère !
- Tant mieux, cela te poussera peut-être à faire plus attention à toi et à ne pas revenir, lui lança-t-elle avec un grand sourire.
Le garçon éclata de rire avant de quitter la maison des Dubois.
Avant de refermer la porte, elle observa le temps. L'hiver avait amené avec lui son épaisse couche de neige et un brouillard tout aussi épais, qui enveloppait toute la Zone Ouest. Celui-ci était salvateur de l'avis de la jeune fille, car il dissimulait le manège incessant des allées et venues de leurs nombreux patients.
La prudence était de mise. Elles étaient des femmes. Elles exerçaient une activité illégale. Et c'était vraiment l'Hiver désormais. La moindre erreur pouvait être fatale.
Elle s'étira, cherchant à détendre ses muscles endoloris.
- Abriel, quelle heure est-il s'il te plaît ?
Seul un grésillement lui parvint de leur IA.
- Oh... Je suis désolée Abriel. Repose-toi, tu dois être aussi épuisée que moi.
Compatissante, elle se dirigea vers la cuisine où trônait leur unique pendule. Celle-ci affichait un timide cinq heures quarante-cinq du matin.
- Il va falloir laisser Abriel se reposer, elle a passé la nuit à rediriger son énergie vers les machines en bas, lança-t-elle à sa mère.
Solange se préparait un café, maigre remède contre la fatigue qui tirait ses traits et creusait ses cernes.
- La nuit a été difficile pour toutes les trois, confirma celle-ci et réarrangeant du mieux qu'elle le pouvait son chignon blond défait part de trop longue heure de travail.
Julie confirma ses mots en baillant fortement.
- Monte, tu as cours demain. Tu dois être en forme.
- Oui je crois que je vais faire ça, confirma la blonde en supprimant un nouveau bâillement.
Elle s'apprêtait à monter l'escalier menant à l'étage quand elles entendirent la porte dérobée de la cave s'ouvrir en fracas.
Les deux femmes se précipitèrent à l'étage en dessous.
Trois hommes avaient pénétré à l'intérieur, Abriel les ayant laissé passer.
- Aidez-nous s'il vous plaît ! Il est tombé et il se réveille pas !
Eh bien, tant pis pour la petite sieste, songea Julie alors qu'elle et sa mère accouraient vers le trio.
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