Sans Laisse, sans Lois, sans Limites (I)

Ses jambes s'enfonçaient dans la neige jusqu'aux genoux, rendant sa marche gauche et hasardeuse. Et les mains qu'elle avait attachées dans le dos, loin de lui permettre de se stabiliser, manquaient de la faire tomber dans la poudreuse à chaque pas.

Six fois déjà, elle avait chu. Et six fois, Modi l'avait relevée par le coude comme si elle ne pesait rien.

C'était peut-être le cas d'ailleurs. En Hiver comme durant les autres saisons l'abondance n'était pas convive auprès des gens du Quatre.

Modi...Ce type était un véritable monstre. Bâti comme une montagne. Il était devenu depuis leur « chanceuse » rencontre, la personne qu'Elisa connaissait le mieux dans leur groupe de six.

Non pas qu'ils parlaient beaucoup ensemble, bien au contraire, le colosse se contentait de monosyllabes quand il s'adressait à elle et la jeune femme n'avait tout simplement aucune envie de s'étendre sur elle-même auprès de lui.

Mais peu importe, ses yeux bleus en disaient bien assez. Toujours à l'observer, la fixer et la surveiller comme si elle était la pire des criminels

Jugement peut-être pas tout à fait erroné non plus. La jeune femme s'avait qu'elle était loin d'une enfant de cœur, mais elle avait bien trop d'estime pour elle-même pour lui permettre d'accepter ce genre de condamnation de la part d'une bande pareille.

- Avance, grogna le grand type en posant une main dans son dos.

- File-moi des raquettes, détache moi et j'irai plus vite, répliqua la jeune femme sur le même ton.

Que se figurait-il ? Que cela lui plaisait de déambuler comme un canard ?

Son babysitter ne lui lança qu'un énième regard et de répondre d'un laconique « non ». Unique et définitif, comme s'était étonnant...

Elisa roula des yeux. Une véritable porte de prison ce mec.

- Dans tes rêves, tueuse, ricana Zeff derrière le colosse.

Si elle avait pu se tourner convenablement, elle l'aurait fusillé du regard. Il commençait sérieusement à la gonfler l'ami des animaux !

- Si on me demande, je répondrais que c'était de la légitime défense. Ton chat n'avait qu'à pas venir me chercher des noises.

Le ton narquois du garçon à la queue de rat laissa place à du venin quand il lui répondit :

- C'était un Lynx, espèce d'inculte ! Et elle s'appelait-

Masha, oui, on sait, soupira intérieurement la jeune femme. Il ne cessait de le geindre depuis qu'ils avaient pris la route.

- Pitié, fermez-là ! s'exaspéra Raphaël.

C'était le doyen du groupe d'Anonymes sur qui elle était tombée. Elisa lui devait son statut de prisonnière autant que sa vie. Sans son intervention auprès des autres, la Maraudeuse ignorait ce qu'il serait advenue d'elle après sa lutte contre l'animal de Zeff.

Peut-être se serait-elle vidée de son sang...Surement même.

Mais pour l'heure, elle était en route avec eux pour leur camp, en somme, elle se rapprochait un peu plus de son objectif, de cette chose inconnu qu'elle se devait de récupérer pour le compte des Paladins.

Une mission comme une autre pour apporter un léger répit à Jimmy. La prime que lui verseraient les hommes en blanc lui permettrait de se procurer le sérum nécessaire à son petit frère. Il pourrait alors courir, jouer, vivre comme il en avait le droit et c'était pour elle, tout ce qui comptait.

Les petits étaient tout ce qui lui importait. Ils étaient les lumières dans son quotidien morose, son moteur.

Aussi, pourquoi fallait-il qu'ils soient encore si loin d'arriver.

Des heures et des heures qu'ils marchaient dans le froid sans que la Quatre ne puisse apercevoir la moindre habitation ! C'était bien simple, là où elle était censée se rapprocher, elle avait la dérangeante impression que le chemin devant elle, s'allongeait à l'infini. De même que les arbres aux branches recouvertes de glace qui les narguaient de plus en plus, les perdants davantage dans le brouillard épais emprisonné au sol.

Gardant pour elle son agacement, elle se dit qu'au moins s'agacer lui tenait chaud.

De ses yeux vert, elle observa les alentours. Sur sa droite, Raphaël et Margot ramenaient les résultats de leur chasse : Deux gros lièvres et un chevreuil qu'ils traînaient à leur suite à l'aide d'une luge de grande taille.

Elle saliva un instant. A eux trois, son petit frère, sa petite sœur et elle, pourraient mangés des jours et des jours sur une bête comme cela.

La Maraudeuse n'avait jamais pu ramener autre chose que des lapins et autres mammifères depuis bien longtemps.

Travailler seule avait ces inconvénients.

A l'opposé des deux autres, sur sa gauche, Laurie qui servaient de docteur à la petite troupe d'Anonymes, scrutait le sol, s'arrêtant de temps à autre pour cueillir une plante, une baie...De celles qu'Elisa avait été incapable de voir lorsqu'elle était seule.

Ce n'était pourtant pas cela qui intéressait la jeune femme. Elle n'avait que faire de leur activité. Non, ce qu'elle cherchait, était ailleurs. Ils déambulaient dans les ombres, les animaux de compagnie de Zeff.

Cinq énormes félins qui les suivaient de plus ou moins loin, mais à la trace tout de même et dont les pupilles horizontales perçaient parfois à travers la purée de pois grise.

Sales bêtes !

Même en mettant de côté le capital danger évident de ces animaux, il y avait autre chose qui dérangeait la Quatre.

Il y avait un lien étrange entre le garçon et ses animaux.

La façon dont il se comportait avec eux et dont ils se comportaient avec Zeff, allait bien au-delà d'un simple travail de dressage réussit. C'était autre chose, elle le savait, elle le sentait.

Et cette étrange certitude lui tordait l'estomac, l'émerveillait autant qu'elle l'effrayait.

- Stop, déclara soudainement Modi en la stoppant d'une main sur l'épaule.

- Nous sommes arrivés, rajouta Raphaël.

Elisa cligna des yeux.

- Tu te fous de moi ? Il y a que dalle ici ! Juste de la neige et des arbres, encore et encore !

- Regarde mieux, petite.

A ces mots, une puissante nausée envahit Elisa, si forte que ses jambes tremblèrent manquant de la faire s'écrouler une nouvelle fois dans la neige.

Sa vision chavira, tournoyant comme dans un manège avant de s'étendre, se déchirer à l'extrême pour se rétrécir ensuite. Comme un voile se soulevant devant ses yeux.

La nausée passa, le bas de son corps se raffermit et ses lèvres s'ouvrirent en une expression médusée.

Ils étaient là, Ils étaient bel et bien là !

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