Ordre et Chaos (III)
Sarah s'était déjà placée devant les petits quand l'escouade de patrouilleur arriva face à eux, leurs pas lourds et imposants s'arrêtant pour faire planer un silence assourdissant sur l'endroit où ils se trouvaient.
- Nous allions partir, indiqua la pilote en usant de son bras pour faire barrage entre les uniformes et les enfants. Dans son dos, les pas précipités de Julie et Alexandre se faisaient entendre.
Le chef du groupe, plus court d'une tête que la plupart des membres de son équipe fit glisser son regard sur eux avant de parcourir l'étendue de neige dans leur dos de derrière son casque à la visière d'un noir opaque.
— Cela faudrait mieux, les rassemblements ne sont plus autorisés depuis les événements du Grand Partage. Dispersez-vous et partez !
La Quatre ne put s'empêcher de répliquer, sarcastique :
— Quel rassemblement ? Nous ne sommes que cinq !
Sa rebuffade lui valut un coup, non pas de la part d'un Blanc, mais d'Alexandre qui placé dans son dos la gratifia d'un coup de coude.
— Calme tes ardeurs, Quatre. Où je pourrais bien user de mon blaster pour m'en charger.
La jeune femme se mordit la langue, mais se garda bien de montrer la moindre faille à l'homme devant elle. C'était là ce qu'ils attendaient, ce qu'ils espéraient et Sarah était bien trop bornée pour céder à ce genre de manipulation.
— Vous ne ferez rien de la sorte, lieutenant.
La voix les fit sursauter, non pas que la rousse ne soit incapable de l'identifier. Cette voix, suave et chaude, Sarah la connaissait bien. Elle lui rappelait les jours d'avant, quand petite fille, elle suivait son père dans les stands près de l'arène. Cette voix, elle lui faisait monter le rose aux joues comme il y a des années et la clouait sur place avec autant de force qu'avant.
Dany.
— Identifiez-vous, ordonna le Paladin qui se trouvait devant eux alors qu'il se tournait vers une nouvelle escouade de concert avec son propre groupe.
— Je suis Capitaine, c'est tout ce que vous avez besoin de savoir, lieutenant..., répliqua le jeune homme en arrivant auprès d'eux.
Il n'a pas changé, songea Sarah dont les yeux gris ne pouvaient s'empêcher de dévisager le nouveau venu dans sa tenue blanche. Une moue déforma ses lèvres. Non, c'est faux, il a changé... et moi aussi.
En plus du blanc qui recouvrait désormais son corps, Dany avait délaissé l'enfant pour faire naître un homme, grand et athlétique, il avait toujours était agréable à regarder, et même la cicatrice qu'il exhibait sur sa joue gauche trouvait grâce aux yeux de la pilote. Envolé, le petit protégé d'Aaron il y a des années de cela...et pourtant, il y avait toujours ces yeux hazel, ce sourire et cette voix.
Troublée, la jeune femme baissa le regard. Là n'était pas le moment de ranimer ses premiers émois.
— Ils enfreignent le règlement, Capitaine, se justifia l'autre en désignant le groupe de la rousse.
— Je vois ça, pourtant, je n'ai pas l'impression qu'ils représentent un quelconque danger pour vous, aussi baissez votre arme. Ou c'est moi qui me servirais de la mienne.
Les blancs obtempèrent et Sarah ne put s'empêcher d'être impressionnée. Il y avait quelque chose de familier dans l'attitude du jeune homme aux cheveux blonds. Déjà enfant, il avait l'habitude de défendre et de diriger. Ce statut de Capitaine donc, n'étonnait guère Sarah. Elle avait toujours su qu'il ferait de grandes choses.
Il restait à savoir comment celles-ci se traduiraient.
Se tournant vers sa propre escouade, le Blanc originaire du Quatre ordonna :
— Continuez sans moi, j'ai quelques petites choses à régler ici. Inutile d'user de la force si vous croisez du monde, le Quatre à déjà suffisamment saigné, parfois parler c'est bien aussi.
Les uniformes saluèrent -non sans avoir échangé des regards anxieux et les deux escouades continuèrent en bas de la rue au petit trot, passant de part et d'autre du petit groupe.
C'est un rictus s'échappant des lèvres d'Alexandre qui rompit l'atmosphère un peu gênante qui était tombée sur les jeunes gens.
— Un chevalier dans son uniforme tout blanc, dis-moi Dany, tu reviens à la source ? Honorer les simples mortels ?
— Alexandre ! s'écria Julie, visiblement aussi outrée que Sarah.
Il lui fallut vérifier par deux fois qu'il s'agissait bien là de son meilleur ami, la pilote fut même tenter de lui donner un coup mental en utilisant son esprit. Quelle mouche l'avait piqué ? Le brun s'était pourtant toujours bien entendu avec le jeune homme ! Ce pouvait-il que l'uniforme immaculé du Quatre le travail autant qu'il le faisait pour elle ? Et quand bien même, c'était chose dangereuse que se comporter de la sorte, n'était-il pas le plus sensé des deux ?
Depuis le retour du blond dans le secteur, Sarah n'avait entendu autant de venin le concernant que dans la bouche de son frère (la raison de celui-ci étant totalement différente), voir Alexandre capable d'une telle véhémence n'était pas totalement inhabituel, la peur l'avait toujours rendu hargneux, mais tout de même !
— Nous partons immédiatement, déclara Julie à la hâte.
Ses yeux noisette étaient écarquillés si grands que Sarah craint un instant qu'ils sortent de leur orbite, mais elle comprenait l'urgence. Elle non plus ne tenait pas à voir ses deux amis se disputer. Il y avait suffisamment eu de drame...
— C'est pas grave, Julie, l'apaisa Dany avec un sourire aimable. L'uniforme a tendance à mettre mal à l'aise.
— Absolument, tu comprendras pourquoi on ne tient pas à s'attarder avec toi, grinça le brun en entraînant les petits silencieux et ses camarades dans sa fuite.
— En fait, j'aimerais parler à Sarah !
— Pourquoi ? s'écrièrent de concert les deux jeunes Évolués
On aurait pu croire qu'il s'agissait la de deux gamins sur le point de se faire gronder et Louise et Jimmy le leur firent remarquer en étouffant quelques ricanements.
Les lèvres du Capitaine s'étirèrent en un sourire penaud.
— En privé, s'il te plaît ?
Ses yeux rivés sur elle la fit trembler et son cœur s'emballa. Nous y voilà de nouveau.
A peine le Paladin et l'Évolué avait-il fait deux pas de côté que la main d'Alexandre se referma sur le poignée de la rousse.
— Fais attention, s'il te plaît.
Plus qu'une demande, presque une supplique et la détresse dans les yeux de son meilleur ami lui retourna l'estomac.
— Oui...Ne t'inquiète pas.
Une légère pression sur sa peau et Alexandre la lâcha.
— Ne t'inquiète pas, je veillerais sur elle.
— Tu es parti trop longtemps Dany, sans quoi tu te rappellerais que Sarah n'a jamais eu besoin qu'on veille sur elle, répliqua le jeune homme amer.
Ces derniers mots, laissèrent les deux jeunes gens pantois et Julie en profita pour tirer Alexandre et les petits dans la direction opposée. Bientôt leurs formes rapetissèrent, mangées par la distance et Sarah se retrouva seule avec Dany.
A sa grande surprise, il avait le sourire. Un sourire qui s'amoindrit un peu quand il se tourna vers elle.
— Est-ce que tu me boudes ?
— Non.
Le ton était bien trop neutre pour que cela sonne vrai.
— C'est à cause de l'uniforme, c'est ça ? Toi et les autres, vous êtes conscients que cela ne fais pas de moi un monstre, n'est-ce pas ?
— Tu es un Paladin, Dany. La frontière est mince pour les gens du Quatre.
— Les gens du Quatre manquent de discernement. Je ne pensais pas que tu en ferais autant. Pas après ce qui s'est passé dans l'arène pour toi...
Furieuse, elle lui jeta un regard noir avant de se mettre en route. Sarah avait inconsciemment prit le chemin des box, sa colère se traduisant dans des pas lourds, écrasant la neige avec autant de force qu'elle le pouvait, la faisant crisser sous ses chaussures comme pour faire taire le son des bottes qui martelaient le sol dans le secteur.
— Qu'est ce que tu veux ?
— Poursuivre la discussion de la dernière fois, lui dit-il en la rattrapant pour se mettre à sa hauteur.
Oh, ça, elle s'en doutait, mais elle voulait l'entendre de sa bouche. Nullement impressionnée, elle releva un sourcil.
— Quelle discussion ?
il lui sourit.
— Tu sais très bien de quoi je parle. Cette discussion à propos de toi et de moi, de notre futur ensemble...de nos fiançailles.
Voila, nous y étions. Sarah s'arrêta et lui fit face, croisant les bras pour faire bonne mesure.
— Excuse moi, Dany, mais tu vas devoir me rafraîchir la mémoire dans la mesure où j'ai été envoyée dans ma chambre comme une malpropre pendant que ces messieurs discutaient de mon avenir.
Le jeune Capitaine expulsa un rire. De toute évidence, il trouvait ça drôle. C'était loin d'être de l'avis de la jeune femme qui plissa des yeux en se redressant un peu plus. Devant son air farouche, Dany s'excusa :
— Pardonne nous, ton frère et moi avons été de parfait idiots.
— Ce n'est pas le mot que j'aurais employé, mais soit.
— Et donc, dans le but de m'amender de cette erreur, c'est avec toi que je viens discuter. Sarah, est-ce que tu veux m'épouser ?
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