Mensonges et Sentiments (II)

Alexandre aimait bien le travail, à être concentré sur une tâche, on oubliait le reste et cela lui amenait une sérénité toute salutaire. Il aimait le calme, le silence. Mais au vu de ce que l'on lui avait confié, il se doutait bien que ce moment de paix serait bien relatif.

Aussi et tandis qu'il comptait les oreillettes que contenait son carton, il se mit à réfléchir.

Comment amorcer cette conversation sans que Sarah ne le trouve trop intrusif ? Ou alors, il était totalement paranoïaque.

Il allait juste lui poser quelques questions, ce n'était là en réalité que la démonstration de son inquiétude vis-à-vis de ce qu'avait traversé son amie quelques semaines auparavant.

Il laissa échapper un rire silencieux, désabusé.

A qui allait-il faire croire ça ! S'il était honnête, ce n'était pas de la conversation qu'il avait peur, mais des réponses que Sarah allait donner à ses interrogations.

- Alex, ça va ?

La voix de Sarah lui fit lever la tête.

- Tu t'es arrêté et tu as ta tête de je-broie-du-noir.

- Oh...non ça va t'inquiète, je pensais juste à comment allait se passer le reste de la saison, mentit-il avec un sourire.

Les sourcils de Sarah gardèrent leurs angles inquiets encore quelques instants avant de s'adoucir.

- Tu sais, ça ne sert à rien de te faire du mouron pour ça maintenant, et tu sais aussi que quand j'aurais gagné, je vous donnerai une partie de la somme, n'est-ce-pas ?

- Je sais Sarah, et tu sais également qu'aucun d'entre nous ne te demande ça, n'est-ce pas ?

La jeune fille lui adressa un sourire.

- Je sais, mais ça me fait plaisir !

Un silence confortable engloba la fin de l'échange après quoi, Sarah se retourna pour discuter joyeusement avec MAX.

Alexandre l'observa discrètement et lorsqu'il la jugea être dans de bonne disposition, il se lança :

- Dis-moi, par rapport à ce qui s'est passé l'autre fois pendant l'attaque...tu veux en parler ?

Elle se tourna vers lui, sourcils relevés avant de se mordre la lèvre puis de hausser les épaules.

- Franchement Alex, je ne vois pas vraiment de quoi je pourrais bien te dire de différent de ce que j'ai dit pendant mon interrogatoire. Je ne me souviens de rien !

- De rien du tout ?

Elle secoua la tête.

- Non, rien du tout, seulement d'entrer dans l'usine, après ça...pouf, plus rien, hormis m'être réveillée à l'hôpital.

- Tu t'es peut-être cogné la tête, et avec le stress...

- Oui, je sais, c'est ce que je pense aussi...mais...mais le truc bizarre, c'est qu'on m'a retrouvé deux étages plus hauts dans l'usine. Mais quand je t'ai appelé je n'étais pas là-bas. Je ne sais même pas pourquoi j'étais là-haut.

Une vague d'inquiétude tordit le ventre du jeune homme et c'est la gorge sèche qu'il lui répondit :

- Ne t'en fais pas, comme tu me l'as dit, ça ne sert à rien de t'en faire maintenant. C'est du passé, et si jamais quelque chose s'était vraiment passé, tu ne serais pas ici avec moi, hein ?

Il se saisit de la main de sa meilleure amie et la serra doucement.

- Ouais, tu as raison, sans doute.

Elle fit rouler son cou.

- Mais ces migraines tout de même ! J'aimerais que ça s'arrête !

Alexandre fronça les sourcils.

- Tu as des migraines ? Depuis quand ? L'attaque ?

- Ouais, Julie pense que je somatise. C'est horrible je te jure !

Elle se releva pour prendre un deuxième carton et le jeune homme fit de même.

- Elle a surement raison.

- Hum hum, elle m'a donné de l'essence de lavande pour y remédier, mais ce n'est pas génial. Tu sais, c'est latent et constant, comme si une abeille me bourdonnait dans la tête.

Elle grimaça et il pinça les lèvres.

- Il faudrait peut-être lui demander d'augmenter la dose alors.

- Surement !

La suite de la matinée fut occupée à finir l'inventaire, après quoi, ils s'appliquèrent tous deux à faire briller MAX sur lequel une fine couche de poussière s'était accumulés. Faute d'utilisation de la part de Sarah blessée lors de sa dernière course.

Tout ce temps, Alexandre s'évertua à discuter avec Sarah afin d'avoir quelques informations sur l'attaque, mais il s'avéra rapidement, qu'elle ne savait rien.

Ce fait soulagea grandement le garçon, tant pour son amie, que pour lui.

- Ah, voilà ton père et Monsieur Leroy, indiqua Sarah en levant le nez vers l'écran de la caméra dissimulé à l'extérieur. Prêt a rejoindre la piste MAX ?

J'en vrombis de joie.

Le bolide rouge lia la parole à l'acte arrachant un rire aux deux adolescents qui le guidèrent à l'extérieur au niveau du camion qu'avait arrêté les deux hommes adultes à quelques mètres de l'entrepôt.

- Salut MAX, lança son père. Parés les enfants ?

- Salut Mickey ! sourit Sarah. Tu m'étonnes que je suis parée !

Ils saluèrent le père de Calliope et montèrent MAX dans le véhicule.

Au moment de partir, Alexandre au grand étonnement de son amie préféra qu'il le laisse à l'entrée des docks pour pouvoir courir, il avait besoin d'évacuer.

Il échangea un regard entendu avec son père et Sarah dans un grand moment de maturité lui lança :

- Fais gaffe aux Maraudeurs !

- Oh, très spirituel Sarah !

Un léger sourire aux lèvres, il observa le camion s'éloigner avant de commencer une autre course dans l'autre sens.

Le soleil commençait déjà à décliner créant de gigantesques ombres contre les bâtiments et les récentes bribes d'informations tournaient dans son esprit dans un cycle sans fin.

Ce fut pour ça, qu'il ne vit pas l'ombre s'abattre sur lui. Deux mains se saisirent de ses épaules, et il se sentit basculer dans le noir avec un cri.

L'expérience fut brève cependant et quelques peux dérangeante. Aussi fut-il heureux de sentir le contact d'un mur contre son dos lorsqu'il émergea.

- Elliot, merde ! Qu'est-ce que tu fous ! cracha-t-il en direction de l'adulte.

Celui-ci ne daigna cependant pas répondre et enfonça la seringue qu'il tenait à la main derrière l'oreille de l'adolescent.

Le corps d'Alexandre passa immédiatement du chaud au froid.

- Aie ! Mais préviens d'abord !

- Alors, elle sait quelque chose ! lança Elliot sans autre préambule.

- Bonjour à toi aussi ! Non, Sarah ne sait rien du tout, elle ne se souvient de rien ! répliqua le brun toujours sous le coup de l'adrénaline.

Il détestait quand son gardien agissait de la sorte.

- Ni un nom, ni un visage ou plusieurs ?

- De rien je te dis !

Alexandre repoussa Elliot pour s'éloigner du mur. Celui-ci poussa un soupir de soulagement qui étrangement agaça Alexandre.

- Tu es content, vous n'êtes pas en danger ! C'est plutôt Sarah qui a un problème. Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais bizarrement, elle a des migraines depuis l'attaque !

- Pas vous, nous ! Tu as une fâcheuse tendance à ne pas t'inclure !

- Parce que je ne suis pas l'un des vôtres ! explosa Alexandre dont le rythme cardiaque s'était brusquement emballé.

- Vraiment ? Pas l'un des nôtres ? Tu veux dire un Rebelle ou un Evolué !?

Le jeune homme blêmit et s'empressa de jeter des coups d'œil affolés à gauche ou à droite.

- Je ne suis pas un amateur, détends-toi, fit sèchement Elliot

Alexandre le gratifia d'un regard noir.

- J'ignorais que les pouvoirs de Morphée avaient de quelconque effets secondaires, commença le gardien plus pour lui que pour son protégé. Il est possible que ton amie somatise tout simplement. En attendant soyons reconnaissant qu'elle ne se souvienne de rien. Ça aurait été moche sans quoi !

Le brun frissonna. Il n'émanait d'Elliot qu'une détermination froide et calculatrice qui le glaça jusqu'à la moelle.

- Toujours est-il mon cher Alexandre, que ton temps est compté. Cela fait à peine quinze jours que tu as reçu ta dernière injection. Ton corps t'immunise de plus en plus rapidement, et d'ici quelque temps tu pourras mettre un joli panneau avec comme légende : Je suis un évolué ! sur ta tête. Ça sera Game Over !

- La ferme ! répliqua Alexandre.

Il se mit à faire les cents pas rageusement, une peur panique lui noyant les veines.

- Tu pourrais venir avec moi, se radoucit Elliot, ses yeux vairons le fixant sans battre un cil.

- Ma vie entière se trouve ici, mes parents, mes amis, mon école. J'en fais quoi de tout ça si je te suis hein ?!

- Ce n'est pas le moment de faire du sentimentalisme Alexandre, je te parle de ta vie ! Il se passa une main rageuse dans les cheveux. C'est pour ça que j'ai un problème avec les empathiques !

Alexandre tiqua.

- Oh vraiment désolé, j'avais oublié que les Rebelles n'étaient pas humains, ils n'ont donc pas de sentiments !

- Ne fais pas le con avec moi, petit ! s'enflamma Elliot en lui saisissant le T-Shirt.

- Je ne vois pas pourquoi le sérum ne marcherait plus, ça a duré jusqu'à maintenant ! se défendit le jeune homme.

La mâchoire d'Elliot se crispa avec force et il repoussa brutalement Alexandre contre le mur.

- Eh bien libre à toi de crever alors ! Bordel !

Pendant un instant Alexandre eut peur d'être consumé, la colère d'Elliot ne faisait qu'alimenter la sienne.

- Ça ne durera pas, ça ne dure jamais ! lança le gardien.

Il avait fini sa phrase dans un souffle, avec difficulté et fugacement c'est une peine immense que ressentit Alexandre.

- Elliot, commença l'adolescent.

Mais le gardien se contenta de lui lancer un regard avant de se dissiper dans les ombres, le laissant seul, en colère, peiné et surtout perdu.

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