Les Murmures du changement (II)

Fermant et desserrant les poings tour à tour, Sarah s'efforça à prendre de grandes expirations calmantes.

Alexandre n'avait toujours rien dit et la jeune femme lui coula un regard. Malgré son manque de mot, il était là ; les yeux brillants. Elle se mordit une nouvelle fois la lèvre. Apparaissait-elle à ce point vulnérable ? A quel point son ami la sentait-elle fragile en ce moment.

La pilote ferma les yeux, préférant ne pas le voir de peur que sa présence ne finissent de briser les quelques barrières mentales qui lui restait et se mettre à pleurer.

Elle l'avait déjà tellement fait...

L'idée de recommencer lui était inconcevable, sans quoi, elle ne pourrait plus s'arrêter. Elle d'habitude si optimiste était consumée depuis plus d'une semaine par un désespoir sans nom. Et son fardeau ne faisait que grandir de jour en jour.

Elle rouvrit prudemment les yeux et inspira une nouvelle fois, mais il n'en était rien, Alexandre était toujours là, cimentant d'un unique regard tout ce que pouvait ressentir Sarah.

La lèvre de l'adolescente trembla alors qu'une larme solitaire glissait le long de la joue de son meilleur ami.

— Ne me force pas à parler s'il te plaît, réussit-elle à prononcer d'une voix tremblotante.

Il ne dit rien, se contentant simplement d'indiquer la place à ses côtés d'un tapotement de la main.

Elle hésita un instant, craignant même jusqu'au fait de s'asseoir avant de céder. Elle était tellement tendue que ses jambes ne la portaient presque plus.

Sarah se laissa tomber au sol et enfouit sa tête dans ses genoux.

Son meilleur ami ne disait toujours rien, la laissant reprendre son souffle. Il n'y avait pas besoin de parole avec Alexandre.

Sans un mot, mais avec des gestes, de petits gestes, le garçon avait toujours su quoi faire, comment s'y prendre avec elle ; Il était doué pour ça, écouter.

Là n'était pas l'exception. Il se mit à tracer de grands cercles réconfortants sur son dos et la jeune femme se sentit un peu mieux. Ses émotions jusqu'alors bigarrées s'apaisèrent quelque peu.

Ça faisait du bien.

L'adolescente releva la tête et adressa un sourire penaud au garçon qui le lui rendit avant de glisser sa main dans la sienne.

— Tu sais..., commença-t-elle avant de s'interrompre.

Pouvait-elle vraiment lui parler ?

Depuis la fin de cette course, elle avait refusé d'en parler à qui que ce soit. Parler, ça voulait dire accepter, parler, ça voulait dire ancrer un peu plus les faits dans sa réalité et elle ne voulait pas !

Aussi étrange que cela pouvait l'être, sa réalité était à l'heure actuelle, bien plus chimérique que ses rêves qui lui ramenait sans cesse, à des instants sur lesquelles éveillée, elle avait un semblant de contrôle.

Ses yeux gris la piquèrent et la pression sur sa gorge s'accentua de nouveau, bloquant autant ses mots que sa motivation.

Alexandre pressa sa main.

Encore un geste, juste un tout petit geste et pourtant jamais il n'avait parût aussi grand à Sarah.

Oui, elle pouvait lui parler. Elle avait toujours eue confiance en lui.

La jeune femme se racla la gorge et se lança.

La Quatre lui raconta comment après la course, elle et son frère s'étaient rendus chez la famille de Léo et comment sans même avoir pu prononcer un mot ; la famille leur avait fermé la porte au nez, non sans leur avoir lancé un regard qui brûlait encore la pilote jusque sous sa chair, aussi incandescent que les flammes qui avait englouties l'arène.

Elle lui raconta les cauchemars, le regard de Léo toujours sous ses paupières closes et le bruit du métal dans ses oreilles.

Sarah lui apprit également le retour d'Ethan, et comme en apparence, il n'avait pas changé le garçon pour qui son cœur avait battu enfant et pour qui il battait toujours un peu plus vite, même après des années.

Comme il avait toujours les cheveux blonds cendrés et les yeux sombres, comment elle n'avait pas oublié la petite irrégularité sur sa lèvre inférieure et la façon dont elle adorait le suivre partout.

Et puis...et puis Sarah lui parla de la lettre. De comment cette visite dans leur appartement avait fait sombrer un peu plus la famille, de comment finalement l'ancien poulain de son père avait changé.

De comment il était devenu un paladin, un vrai.

Seulement à ce moment, elle avait fondue en larme et Alexandre l'avait serré contre lui.

Cela faisait si mal de voir tout s'effondrer autour de soi.

Son frère avait reçu sa lettre ! SA LETTRE !

Avec deux ans d'avance, il était amené à partir. Il deviendrait nourrit du Roi, de force, ils les quitteraient.

De force, comme l'avait fait remarquer Ethan, lui et Lucas deviendraient frère.

Il était attendu au début du printemps.

Jamais Sarah n'avait autant serré Alexandre que ce jour-là.

Que tout redevienne comme avant.

Que tout s'efface.

Que tout brûle !

Alexandre la laissa pleurer son saoul. Ajoutant à ses larmes de nouvelles de son propre cru, lui chuchotant qu'il était là, qu'il l'aiderait.

Oui, mais pour combien de temps, pensa Sarah amer.

— Toujours, répondit son ami.

La Quatre trembla et releva la tête, surprise.

Elle aurait dû voir le bleu de ses yeux de la sorte, mais seul un voile noir tomba sur son regard alors qu'une douleur aigue explosée à l'arrière de son crâne.

Froid puis Chaud, Glace et Feu, Obscurité et Lumière !

C'est au milieu cette valse à la fois langoureuse et douloureuse que Sarah s'éveilla après ce qui lui semblait être des heures.

Son corps bien qu'engourdit remarqua sans peine que le sol gelé du Box avait été remplacé par la chaleur d'un matelas.

Il lui fallut une minute pour comprendre qu'elle n'était pas chez elle.

Une minute de plus pour comprendre que quelque chose clochait.

Alexandre était là, silencieux comme toujours.

Tu es réveillée...

— Non...

Eh bien, tu as les yeux ouvert.

— Non... !

Je te promets...je te promets que tout se passera bien.

NON NON NON !

Alexandre était là, silencieux mais ses murmures étaient bien là.

Et alors qu'elle continuait de s'époumoner, le garçon vint la prendre une nouvelle fois dans ses bras et elle comprit.

Elle comprit que ces murmures étaient annonciateurs de changement.

Et ces murmures de changements étaient...

Absolument...

Terrifiants. 

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