Les Murmures Du Changement (I)

Il faisait plutôt bon à l'intérieur du Box, c'était une chaleur bienvenue tant il faisait froid à l'extérieur.

La couche de neige s'était encore accrue, étouffant dans son manteau, l'envie de sortir des habitants de la Zone Ouest ; chose pour laquelle Sarah était reconnaissante.

Au moins ici, personne ne lui parlait, personne ne parlait, personne ne la regardait, au moins ici, elle était seule.

Allongée sur le sol, elle se contentait d'observer la lumière au plafond. Celle-ci vacillait doucement de temps à autre, rappelant à la jeune femme les mouvements qu'effectuait la flamme d'une bougie agaçait par le vent.

Une fois de plus sa main revint s'attaquer machinalement au mini enregistreur sous son haut.

Papa...

Qu'aurait-il fait son père après une course comme ça ?

De ses parents, elle avait appris la résilience, la loyauté, l'ouverture d'esprit et tant d'autre chose qui l'avait guidé jusqu'alors, et pourtant tout cela n'avait que peu d'importance pour les gens du Quatre désormais.

Ceux qui l'avaient encensée il y a peu, ne voyait plus en elle que celle qui avait tué.

Elle était devenue, le Jeu, le Feu et le Sang.

Et elle détestait ça !

Sarah comprenait mieux maintenant les paroles de son père : « Ne juge pas une personne sur ce qu'il est, juge sur ce qu'il fait et n'oublie pas –il avait relevé son menton- Nous sommes tous humains. »

Se redressant dans un soupir, la pilote jeta un œil las sur ce qui l'entourait.

Un bazar monstre.

La Quatre avait ressorti d'anciens cartons contenant les affaires de son père et celles-ci s'étalaient çà et là, partout dans le Box.

Elle avait même retrouvé d'anciens dessins qu'elle avait fait enfant. Par le Roi, qu'elle dessinait à l'époque ! Jamais Sarah n'aurait pensé trouver ça ici.

L'adolescente sourit ; il fallait dire que ce n'était pas du grand art. Se côtoyait sur les feuilles, des maisons à l'architecture approximative et des silhouettes défiant toute concurrence dans leurs grandeurs ou dans leurs petites tailles.

Sans parler des couleurs.

Rouge, bleu, vert, jaune, violet, orange ! Toutes se disputaient la place dans un mélange à donner mal au cœur.

Mais ses parents souriaient tout le temps, quand elle les leurs tendait...

Des années étaient passées maintenant, et elle ne dessinait plus. L'envie l'avait quitté, pourtant, elle adorait ça ; mais le papier coûtait cher et après la mort de son père, il y avait tant de choses plus importants que ça à acheter.

Elle laissa retomber dans le carton ses œuvres d'art en secouant la tête avant de s'emparer d'une tablette portable ; un ancien modèle avec une capacité de mémoire absolument ridicule...

Ses lèvres s'étirèrent de nouveau en parcourant les dossiers de la machine. Des photos qui s'étendaient sur l'ensemble de leur vie à quatre y étaient enregistrées à jamais.

La jeune femme aimait bien celle-ci. Un souvenir heureux que lui renvoyait l'image et dont elle n'avait pourtant que de très vagues souvenirs. Ils étaient là tous les quatre, et quelle joie ils montraient !

Il faisait beau sur la photographie, sans doute avait-elle été prise pendant une fête du Levé, lors de la fin d'un l'Hiver. C'était là l'un des rare, si ce n'était l'unique instant ou tous les secteurs se réunissaient avec joie dans une immense réjouissance populaire. C'était le moment ou le Printemps revenait, éloignant avec lui les restrictions de leur saison glaciale.

Dès lors, la Loi des Saisons n'avait plus cours et ça jusqu'à l'Hiver prochain.

Sarah effleura du doigt ce moment de vie passé. Il y avait tant d'amour dans les yeux de ses parents !

Il faudrait qu'elle la montre à Lucas, cela lui rendrait peut-être le sourire un instant à lui aussi ; Il était si maussade et renfermé depuis...

— Sarah !

La pilote laissa échapper un cri et manqua de faire s'écraser la tablette au sol.

— Sarah, c'est moi ! Ouvre, je sais que tu es ici. Lucas m'a dit que tu n'étais pas chez vous. Et tu comptes me laisser geler sur place ?

L'adolescente roula des yeux et après avoir confirmé l'identité de son visiteur, ouvrit la porte tout en transférant la photo sur son B.I.

Alexandre se faufila à l'intérieur aussi vite que le lui permettait l'embrassure de la porte et poussa un large soupir d'aise.

Ses cheveux noirs s'étaient battus avec le vent froid du dehors auquel ils avaient concédé la victoire et ses joues rouges et lèvres gercées trahissaient une marche qui n'avait pas été facile.

Sarah s'en voulut d'avoir pensé un instant à ne pas lui ouvrir.

L'observant du coin de l'œil, son meilleur ami retira rapidement ses gants, chaussures et chaussettes trempés.

La jeune femme releva un sourcil et il lui adressa un sourit contrit.

— Eh donc, qu'est-ce que tu viens faire ici ?

— Salut Sarah, moi aussi je suis content de te voir.

Quelque peu gênée de son comportement, elle hocha la tête en signe de salutation.

— Salut MAX !

— Il est en mode off.

— Oh...Pourquoi ?

La pilote se mordit la lèvre et fit un effort colossal pour ne pas poser les yeux sur le bolide écarlate. Dernièrement sa vue la rendait légèrement nauséeuse.

— C'est juste que...

Elle se racla la gorge dans l'espoir de faire disparaître la boule qui l'oppressait.

— Je voulais être tranquille, c'est tout.

Les yeux bleus du jeune homme s'agrandirent de surprise et Sarah eut la mauvaise impression qu'elle venait de dire une ânerie.

— Tu n'es pas contente d'avoir récupéré MAX ?

— Si, si. Ecoute, on peut changer de sujet s'il te plaît ? Pourquoi tu es là, alors ? redemanda-t-elle.

Il haussa les épaules.

— Je ne sais pas, envie de te voir, je suppose.

Elle nota qu'il ne lui avait pas demandé comment elle allait, chose qui la soulagea.

Tout le monde lui demandait comment elle allait...enfin tout le monde...C'était sans cesse des : « Comment ça va, Sarah ? » « Tu te sens bien ? » « Tu as mangé ? »

Qu'ils cessent un peu avec ça ! Ce n'était pas à elle qu'il fallait demander cela, mais à Léo !

La boule dans sa gorge s'intensifia et elle ne remarqua même pas que ses poings s'étaient crispés.

Pourquoi tout le monde s'acharnaient à vouloir une réponse à une question qui était pourtant évidente !

Non, elle n'allait pas bien !

Elle avait condamné le garçon à une vie pire qu'une vie, pas même une vie en réalité.

Elle n'allait pas bien, pas bien du tout, elle était malade.

Malade des regards de pitié, de ceux pleins de haines, malade des chuchotements et pire, elle se devait bien d'être malade si elle en venait à penser que peut-être, oui peut-être, il aurait mieux valu tout simplement... qu'elle tue Léo

Elle était malade...

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